Allégeance – appuyez-vous sur les guildes pour accéder au trône !

 

Il y a quelques jours, je présentais le chouette jeu de lettres et d’ambiance Scripta, croisement réussi entre UNO et Scrabble, premier jeu des voisins costaloriens d’Aliadys, ce qui avait naturellement attisé ma curiosité pour leur deuxième (et seul autre à ce jour) oeuvre, Allégeance. Il m’avait à vrai dire déjà intrigué en septembre, au festival Ludimania de Saint-Apollinaire (dans le Dijonnais), où j’avais découvert qu’il était illustré par Miguel Coimbra.

Or Coimbra est cet artiste trop rare à qui l’on devait pas moins que 7 Wonders7 Wonders DuelCyclades et Small World, et qui revient en ce moment avec force, puisqu’en 2020 on lui devra au moins Cléopâtre et la Société des ArchitectesFuji Koro et Kitara. Un énorme argument pour un « petit » éditeur du coin, ne proposant guère avec Allégeance qu’une « petite » boîte de cartes, et qui intrigue irrésistiblement !

Conçu comme Scripta par Kara, Allégeance fait en outre appel à l’écrivaine L.S. Martins pour imaginer son background, à travers un synopsis et 11 cartes présentant les 10 guildes en simulant des documents de genres différents (lettre, conversation, essai, carte…), afin de nous faire pénétrer littérairement et de façon vivante dans le royaume de Thelenia, orphelin de son sanglant suzerain, et en proie à une lutte de pouvoir pour lui succéder. Ainsi les 2 à 4 joueurs de 10 ans et plus incarneront-ils des seigneurs tâchant de se gagner les faveurs de dix guildes afin de s’asseoir durablement sur le trône.

Entièrement fabriqué entre la France et l’Italie, Allégeance est vendu 21 euros, pour des parties d’une demi-heure.

 

Des coups bas et des collections

Avant toute chose, si vous avez été attiré vers Allégeance par l’espoir de trouver une nouvelle galerie exceptionnelle d’illustrations dues au talentueux Miguel Coimbra, refrénez un peu vos ardeurs. Ses dessins sont tout à fait jolis… mais ils sont au nombre de 11, une par guilde et une pour la couverture (un peu curieuse d’ailleurs pour un univers au trône vacant), 12 si l’on compte les gemmes. Pour être plus précis encore, vous trouverez dans chaque guilde des partisans, identiques quant à leur dessin et à leur pouvoir (pouvant rarement différer par le nombre de gemmes octroyées) à leurs compagnons, et un unique chef, qui reprend la même illustration avec une très légère variation, plus ou moins inspirée.

Notez qu’il ne s’agit pas de pointer du doigt un défaut du jeu, la répétition de l’illustration permet d’identifier au premier regard sa guilde et son effet, et a donc une fonction de lisibilité évidente plutôt que d’économie, seulement de signaler une déception probable de qui souhaiterait s’immerger dans cet univers grâce au travail de Coimbra. C’est qu’Allégeance est un jeu de cartes tactique, pas une oeuvre narrative, et cherche donc l’efficacité plutôt que l’immersion, assurée en dehors du jeu par L. S. Martins !

 

 

Au début d’une partie d’Allégeance, on retire quatre guildes au choix ou aléatoirement si l’on ne joue qu’à deux (afin de conserver la tension dans la bataille pour les majorités), on mélange tous les partisans et les chefs restants, et chaque prétendant au trône en pioche 5.

On récupère également une carte Protection des gardiennes sur sa face inactive et surtout deux cartes Allégeance, représentant l’assistance d’une guilde particulière, dont une est défaussée et l’autre posée face cachée devant soi. Cette attribution peut se faire en draft, donc en se fondant sur une préférence personnelle ou sur sa main pour opérer son choix.

Enfin on laisse celui qui a le plus de sang royal (ou le moins misérable des manants) commencer, en attribuant des gemmes selon l’ordre de tour et le nombre de joueurs, le premier en recevant plus que le deuxième, qui en reçoit le cas échéant plus que le troisième, qui en reçoit le cas échéant plus que le quatrième. Et la partie peut déjà commencer !

 

 

Une partie d’Allégeance dure 10 tours à 2 et 3 joueurs, 8 à 4 joueurs, garantissant une durée approximative de 30 minutes dans quelque configuration qu’on pratique le titre.

On peut y poser jusqu’à 2 cartes de sa main, en regroupant celles de la même guilde. Certaines permettent de gagner immédiatement des cartes Gemmes (octroyant donc aléatoirement 1 à 3 gemmes).

Il est alors possible de faire appel aux Pouvoirs Actifs de toutes les guildes dans lesquelles on a la majorité stricte, à condition de payer leur éventuel coût en gemmes :

  • les assassins détruisent la carte supérieure d’une guilde, adverse ou non d’ailleurs, contre 2 gemmes.
  • les mediums (2 gemmes) peuvent consulter l’allégeance d’un adversaire.
  • les magiciennes ont un pouvoir passif gratuit, permettant à la fin de son tour de piocher une carte supplémentaire.
  • les illusionnistes (2 gemmes) peuvent poser une troisième carte.
  • les gardiennes (2 gemmes) retournent la carte Protection des gardiennes. Cette dernière bloque le premier pouvoir utilisé par un adversaire contre nous, puis est à nouveau retournée sur sa face inactive.
  • les fossoyeurs (2 gemmes) n’exigent pas la majorité stricte, et proposent deux pouvoirs actifs (dont un seul peut être sélectionné chaque tour), prendre une carte de la défausse sur son terrain sans en gagner les gemmes (2 gemmes) ou placer gratuitement un fossoyeur dans une autre guilde où l’on possède au moins une carte jusqu’à la fin du tour.
  • l’excavateur (1 gemme) permet de défausser 2 cartes pour en piocher 2.
  • le diplomate (2 gemmes) échange la carte supérieure d’une guilde avec une carte supérieure d’une guilde d’un autre joueur.
  • le damné n’exige pas la majorité stricte, et peut être gratuitement retiré de la partie pour utiliser le pouvoir d’une guilde dont on n’aurait pas la majorité. Pouvoir que l’on pourrait d’ailleurs à nouveau utiliser ensuite si l’on y gagnait la majorité.
  • le colosse (1 gemme) renvoie la carte supérieure d’une guilde dans la main de son propriétaire.
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Le chef d’une guilde possède généralement un pouvoir actif représentant une version très puissante du pouvoir ordinaire de sa guilde : voler une carte au lieu d’en échanger, détruire une carte même sans majorité, se protéger une seule fois dans la partie et un seul tour de tous les pouvoirs adverses, récupérer une carte de la défausse en gagnant ses gemmes et même sans majorité… Il octroie par ailleurs la majorité en cas d’égalité, et ne peut être attaqué par les ennemis !

Les chefs sont ainsi l’élément chaotique du jeu. On peut toujours faire valoir que toutes les pioches sont chaotiques, puisqu’on peut avoir la chance ou non de posséder plusieurs cartes de la même guilde, mais ce serait faire preuve de mauvaise foi, cette « injustice » étant largement compensée par le fait que se spécialiser dans une guilde ou se diversifier dans plusieurs offre toujours des avantages.

Au contraire, les chefs sont uniques, clairement supérieurs aux partisans de leur guilde, et il est donc nettement plus avantageux d’en piocher un que de piocher quoi que ce soit d’autre. On pourrait alors envisager de jouer sans… mais ce serait se faire une image démesurément tactique d’Allégeance, en oubliant qu’il tient aussi du jeu d’ « enfoirés », puissamment interactif, et naturellement renforcé par ces petites injustices !

 

 

La partie s’achève à la fin du 8ème ou 10ème tour.

On dévoile alors sa carte Allégeance, qui compte comme un partisan et octroie naturellement un bonus dans la guilde représentée. Il peut compter comme 3 partisans dans ladite guilde, ou rapporter 1 point par carte de sa guilde. On y ajoute les points des pouvoirs passifs de toutes les guildes dans lesquelles on a la majorité stricte : des points pour chaque gemme (excavateur), pour chaque carte de guilde où l’on aurait la majorité (diplomate), pour chaque damné sacrifié (même si l’on a pas la majorité) par soi voire par l’ensemble des joueurs (pour le chef damné), pour chaque joueur possédant moins de gemmes… Notez que ces pouvoirs passifs sont indiqués sur chaque carte, de sorte que vous les aurez constamment sous les yeux et à l’esprit pendant la partie !

 

Un jeu auquel il faut prêter allégeance ?

Allégeance est un jeu de majorités ayant l’originalité de peaufiner son background narratif grâce à l’intervention de l’écrivaine L. S. Martins, et d’être extrêmement interactif, presque chaotique par certains aspects. On y conte en effet une guerre pour le pouvoir, avec une agressivité impitoyable qui a des allures de Citadelles et d’Oriflamme, conservant cependant une logique de collection (à la fois pour bénéficier de pouvoirs et de bonus de points) qui pourrait évoquer le récent Magnum Opus.

Il ne s’agit pas d’en pointer le peu d’originalité, plutôt (et au contraire) de louer l’équilibre qu’il cherche entre malignité et imprévisibilité pour un résultat très vivant, où l’on prête constamment attention à ce que font nos adversaires puisque cela a un impact immédiat sur ce que l’on pourra faire à notre tour, et d’autant plus agréable que sa prise en mains est extrêmement intuitive. Après le très plaisant Scripta, le deuxième jeu d’Aliadys semble confirmer l’attachement de Yoann et Sébastien (Kara) à une ambiance qui ne serait pas dépourvue de tactique, à un amusement franc et pourtant conjugué à de la réflexion, avec un progrès matériel manifestant une ambition propre à intriguer !

 

Et venez consulter nos photos d’Allégeance sur notre instagram dédié aux jeux de société !