Wild Space : devenez l’explorateur le plus riche de la galaxie animalière !

 

Catch Up Games est l’un de ces éditeurs très rares, publiant moins de 2 jeux par an, et soignant donc particulièrement chacune de leurs sorties. Il est donc d’autant plus exceptionnel qu’après les très remarqués Paper Tales, Pharaon et Fertility, ils aient décidé… d’offrir leur dernier jeu, Wild Space, pourtant paru juste avant la crise sanitaire et normalement vendu 25 euros, en print and play, en guise de geste pour surmonter ludiquement le confinement, avec son extension Base Spatiale.

Bien avant cette nouvelle, et en plus de la curiosité naturellement suscitée par toute nouvelle oeuvre de Catch Up Games, j’étais particulièrement intrigué par Wild Space parce qu’elle est conçue par Joachim Thôme, un auteur dont j’avais énormément apprécié l’ambitieux précédent titre, Dicium, passé complètement et inexplicablement inaperçu ! Et bien sûr, l’univers spatial dépeint par Amélie Guinet (Unlock! Exotic Adventures), avec ses animaux anthropomorphes polygonaux, a sa part dans l’attrait pour une boîte qui ressort.

Wild Space est destiné à 1 à 5 empires commerciaux de 10 ans et plus pour des parties de 30 à 45 minutes. On commencera par détailler le mode multijoueurs, puis le mode solo et enfin l’extension Base Spatiale.

 

Les mondes connu et inconnu

Afin d’explorer l’espace… commençons par installer les planètes : les deux planètes de départ, toujours les mêmes, face visible, et trois planètes face cachée, l’une marquée d’un 3, l’une marquée d’un 6, la dernière marquée d’un 9, respectivement tirées au sort parmi trois, trois et deux tuiles, donc garantissant une certaine variété aux parties.

Chaque joueur reçoit un capitaine, représentant l’une des six espèces du jeu (ours, pieuvre, singe, rhinocéros, lézard et chouette), l’une des six spécialités (militaire, pilote, botaniste, mécanicien, informaticien et scientifique) et une piste de vétéran sensiblement différente, devant laquelle on pose son jeton Vétéran. Tous bénéficient ainsi d’avantages tout à fait similaires dans leur valeur, mais différents dans leur forme, aiguillant les stratégies des joueurs sans pour autant les contraindre.

 

 

Il ne reste plus qu’à placer face visible les trois premières cartes de la pile Équipage, à laisser chacun en piocher trois et prendre les cinq charmants meeples Vaisseau de sa couleur, et la partie peut déjà commencer.

Si les illustrations des planètes ne m’ont pas particulièrement convaincu (d’autant que chaque planète de la même valeur présente la même, un peu dommage), elles ont l’intérêt d’être grandes et dans un carton assez épais, et ainsi de marquer leur importance sur la table. En outre, entre les vaisseaux et les animaux et robots d’équipage, l’univers qui s’offre à nous est assez séduisant, et qu’il le fasse en seulement deux minutes contribue naturellement à favoriser l’immersion.

 

Explorer et collectionner

Le tour d’un joueur ne consiste qu’en une action parmi deux.

La première action est la pose d’un vaisseau sur la partie inférieure de l’un des deux côtés (l’un des deux secteurs), où l’on ne disposerait encore soi-même d’aucun vaisseau, d’une planète face visible. À condition naturellement de respecter son éventuelle condition : défausser des cartes, posséder des catégories de carte dans son équipage.

Cela déclenche aussitôt un effet : pioche de cartes (dans la réserve et/ou dans la pioche), pose de cartes de sa main dans son équipage (n’importe quelle carte, ou une catégorie précise), pioche et pose immédiate d’une carte. C’est une grande originalité de Wild Space : la pioche et la pose ne sont jamais automatiques, et doivent résulter d’une action précise, très limitée, choisie au détriment d’autres actions.

Aussi le jeu permet-il de défausser autant de fois qu’on le souhaite une carte de sa main afin de vider et remplir à nouveau la réserve de trois cartes face visible, une souplesse nécessaire pour qu’elle ait presque toujours quelque chose d’intéressant à proposer. Au moins virtuellement : même quand aucune carte de la réserve ne nous intéresse, on peut toujours se persuader que l’action de piocher reste intéressante en prenant le risque de piocher dans la pile, ou grâce à cette possibilité de renouvellement.

Rendre pioche et pose précieuses impose naturellement aux joueurs de réfléchir à des combos grâce auxquels ils pourront optimiser leur tour, sans le leur imposer formellement : on n’a pas toujours de quoi, on n’y pense pas toujours, mais le bénéfice d’une carte piochée ou posée de plus est si grand que l’on observe avec une attention redoublée chaque opportunité.

C’est que les cartes, en plus d’appartenir à une espèce animale et de posséder une spécialité, ont les mêmes effets que les planètes. On recherchera alors particulièrement celles qui permettent de poser gratuitement une autre carte de sa main. Un lézard peut ainsi permettre de poser une carte si l’on en défausse une autre ; on en profite pour jouer une chouette qui, si l’on possède un informaticien, permet de poser n’importe quel spécialiste de sa main ; cela tombe bien, on disposait d’un ours autorisant lui-même la pose d’un émissaire…

 

 

 

Si les spécialistes (en bleu) sont les cartes les plus représentées de Wild Space, et celles qui permettent ce genre de chaînage, il ne s’agirait pas d’oublier les deux autres types de carte :

  • les robots (en vert) rapportent directement un certain nombre de crédits (point de victoire) en fin de partie.
  • les émissaires (en rouge) fixent une mission avec une récompense pour la fin de la partie, octroyant par exemple 5 crédits par lot de trois militaires. Si tous les spécialistes et une partie des robots possèdent une spécialité, ce n’est jamais le cas des émissaires.

Comme on s’en doute, toutes les cartes se veulent équilibrées : un robot offrant 5 crédits n’aura jamais de spécialité, tandis qu’un robot permettant de piocher une carte et de la poser aussitôt ne rapportera aucun crédit. Si une carte est plus intéressante qu’une autre, c’est toujours relativement à un joueur et à sa stratégie du moment, jamais dans l’absolu. On sera ainsi moins dépité de voir une carte convoitée disparaître… mais aussi plus tenté de prendre celle qui semble réellement arranger un émissaire adverse, sachant qu’elle ne nous sera pas réellement défavorable.

 

 

Certains spécialistes et robots portent la médaille des vétérans. Les poser permet d’avancer d’une case votre marqueur sur la piste Vétéran et de profiter immédiatement de l’effet recouvert (pioche d’une ou deux cartes, pose d’une carte de sa main) ou de se voir octroyer un certain nombre de crédits, évidemment moins élevé si les bonus de la piste étaient plus puissants.

La deuxième action est l’exploration : un vaisseau déjà présent dans un coin inférieur d’une planète est déplacé dans le coin supérieur. Cela provoque invariablement le même choix de poser une carte de sa main dans son équipage ou d’en piocher trois.

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Quand un joueur a réalisé son action, il vérifie combien il a de cartes Équipage devant lui (y compris le Capitaine). En posséder 3/6/9 dévoile la planète 3/6/9, à laquelle les autres n’auront cependant accès qu’avec le bon nombre de membres dans leur propre équipage.

 

 

La partie s’achève… quand on ne peut plus jouer, c’est-à-dire quand chacun a joué dix fois, et que tous ses vaisseaux sont donc déjà en exploration. Une conclusion d’une impeccable élégance !

Pour le décompte des scores, le troisième animal d’une espèce puis chaque nouvel animal de cette espèce rapporte 5 crédits. C’est-à-dire que posséder deux ours en vaut 0, mais que le troisième en vaut 5, le quatrième 5 de plus (10 au total) et ainsi de suite. De quoi vous inciter à vous spécialiser… sauf que chaque série de 6 animaux différents vaut 15 crédits, un score assez considérable pour vous amener à vous diversifier de temps à autre (une logique à la Nidavellir)… sauf que les robots n’appartiennent à aucune espèce mais rapportent directement des crédits, que les émissaires sont bien des animaux mais intéressent d’abord pour la complétion de leurs objectifs, et que l’on aura probablement posé quelques cartes pour les crédits de la piste de vétéran sans réellement se soucier de ce qu’elles représentaient par ailleurs !

Si cela donne une impression de salade de points, vous vous rendrez compte en jouant qu’il est assez aisé d’évaluer à peu près où chacun en est, surtout si les cartes sont disposées dans un ordre assez logique.

 

La visite de la base

Afin de pratiquer l’extension Base Spatiale de Wild Space, il suffit d’imprimer autant de plateaux Base spatiale que de joueurs et de les leur donner. Ces plateaux comme les règles sont accessibles gratuitement ici.

On pose ses cinq vaisseaux sur les cinq emplacements correspondants de sa base spatiale, sensiblement différente de celle des autres joueurs.

On y voit en effet une condition et un bonus. Au moment où un vaisseau décolle pour être posé sur une planète, on est libre ou non de satisfaire la condition afin de bénéficier du bonus, sachant que l’on n’y aura naturellement plus accès une fois que la colonne sera vidée de son vaisseau.

Parmi les nouveaux effets, on notera la défausse d’un animal spécifique, la progression d’une case de son marqueur Vétéran, et la pioche de trois cartes de la pile pour en défausser ensuite deux.

Une nouveauté modeste… mais avec laquelle je pratique désormais systématiquement Wild Space, puisqu’elle parvient, sans alourdir le jeu, à donner un nouveau sens à ce qui était auparavant indifférent, l’ordre dans lequel on fait appel à ses vaisseaux.

 

 

L’explorateur solitaire

On ne s’attendrait pas du tout à ce qu’un jeu de cartes malin comme Wild Space soit doté d’un mode solo, aussi incontournable cette mode soit-elle désormais, ce qui suscite particulièrement la curiosité.

On y affronte une intelligence artificielle, le Contrebandier, qui a droit à son propre capitaine.

5 nouvelles cartes Planète hostile (qui ne sont donc pas utilisées en multijoueurs) sur les 12 de la boîte sont sélectionnées en fonction de leur dos, déterminant leur difficulté. Les deux premières sont dévoilées.

Au tour du contrebandier, l’un de ses vaisseaux doit être placé sur l’une des deux planètes hostiles dévoilées, ou s’il se trouvait déjà sur la planète, déplacé de la zone inférieure à la zone supérieure, dont il active l’effet relatif à chacune des cartes d’équipage révélées (défausse ou pose dans son propre équipage). Naturellement, aussitôt qu’une planète hostile a été explorée, on en dévoile une nouvelle.

À la fin de la partie, les cartes qui lui ont été attribuées constituent un équipage normal dont on compte les collections d’animaux et les crédits des robots. On y ajoute le bonus accordé par chaque planète hostile, en crédits bruts ou en crédits par émissaire/robot/vétéran/métier représenté dans cet équipage, et il faut naturellement posséder plus de crédits que le contrebandier pour l’emporter.

Notez que l’on peut utiliser l’extension Base Spatiale en mode solo : à chaque fois que l’on ne remplit pas la condition de lancement d’un de ses vaisseaux, le contrebandier gagne 5 points supplémentaires.

Peu amateur de modes solo, je suis bien forcé de constater que celui de Wild Space est une merveille d’élégance, que recourir à son automa n’est jamais intrusif comme cela peut souvent l’être dans des titres où l’on joue plus pour l’autre que pour soi, et que l’on y retrouve agréablement les sensations du multijoueurs, des notions de choix de blocage…

 

Wild Spacewild game ?

Admirant beaucoup le Dicium de Joachim Thôme, et connaissant l’exigence du trop rare éditeur Catch Up Games, je plaçais peut-être des espoirs démesurés en Wild Space, dont la boîte est après tout bien plus réduite et comporte essentiellement des cartes, pour un jeu s’annonçant malin et relativement simple.

Simple, Wild Space l’est indéniablement : mis en place en deux minutes, ses principes peuvent être expliqués en une seule, et il ne reste qu’à placer à disposition de chacun l’explication des pictogrammes pour très vite commencer une partie très dynamique, s’achevant après dix actions de chaque joueur à peine. Si l’on ajoute à cela que les cartes en sont si équilibrées qu’aucune ne ressort réellement par sa puissance, on pourrait avoir l’impression d’un titre consommable, aussitôt joué aussitôt oublié, un peu fade… et rien ne serait plus faux.

C’est qu’il n’est pas si « simple » qu’ « élégant ». Contournant le risque d’analysis-paralysis (parce que l’on identifie assez spontanément nos options par rapport à nos cartes en jeu et en main), il propose juste assez de manières de scorer pour rester lisible sans que l’on sache plus où donner de la tête, plongé dans l’inattendue excitation des nombreux combos à réaliser et à optimiser si l’on veut seulement essayer de faire quelque chose.

Wild Space a en effet cette grande idée de nous faire mériter chaque pioche et chaque pose de carte, qui deviennent autant l’enjeu de nos actions que le choix de la carte à piocher et poser elle-même. Toute combinaison permettant de réaliser deux voire trois actions en une seule, de faire quelque chose d’aussi bête que piocher une carte et en poser deux, apparaît comme un luxe incroyable, comme un puissant élan loin devant nos adversaires. Il faut peut-être essayer le jeu, associer cette élégance aux jolies illustrations d’Amélie Guinet, afin de saisir à quel point elle est impressionnante… et cela tombe bien, le jeu est disponible gratuitement, avec son extension, en print and play sur le site de l’éditeur !!