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Gorilla Marketing : et si les singes étaient les meilleurs commerciaux ?

Gorilla Marketing

Gorilla Marketing : et si les singes étaient les meilleurs commerciaux ?

 

Vous connaissez probablement le paradoxe ou la métaphore du singe et de l’infini : en laissant un singe taper dans un temps infini à la machine à écrire, il finirait presque sûrement par produire tous les textes possibles, passés, présents et à venir. Bon, Barjavel imaginait qu’une infinité de singes tapant à l’infini produirait plutôt un chaos infini, mais vous avez compris l’idée : les singes sont trop forts. Comment ça, ce n’était pas la morale de la parabole ? C’est en tout cas comme cela que l’a interprété le patron d’une grosse agence de marketing, qui vira tous ses employés pour les remplacer par des singes, en assurant qu’ils obtiendraient un meilleur résultat.

Singes que les joueurs incarneront dans ce délirant Gorilla Marketing (Monkey Business était déjà pris), un jeu de mots et d’ambiance conçu par Adam Wyse (SkylineLe Masque de la Mort Rouge), illustré par le formidable Andrew Bosley (EverdellChaiDescentCaylus 1303Love LetterTapestryCitadelles) et édité par Roxley (BrassSantoriniDice Throne saisons 1 et 2), où ils devront montrer leurs compétences en nommant des entreprises et en trouvant leur phrase d’accroche !

Normalement vendu 35 dollars canadiens (environ 23 euros), il s’adresse à un public de 3 à 8 singes (idéalement 5 à 8) de 8 ans et plus pour des parties de 20 à 30 minutes. Il n’existe pour l’heure qu’en anglais, et est disponible pour 38 euros sur Philibert, ou pour 54 dollars canadiens, soit 35 euros, directement depuis la boutique en ligne de Roxley (frais de port depuis un entrepôt européen inclus !), donc encore assez cher, mais il va de soi que nous mettrons ces informations à jour quand il sera mieux distribué, puis quand nous serons informés d’une localisation, normalement prévue pour 2021 !

 

 

Le matériel du bon petit marketeux

 

La première (très) bonne surprise de Gorilla Marketing est matérielle : si l’amusante illustration de couverture est un peu trop floue, la très longue boîte s’ouvre d’abord sur les carnets ; chaque joueur prend d’ailleurs un exemplaire, en l’accompagnant d’un feutre.

Fort jolis, et donc effaçables, ces carnets se distinguent les uns des autres par leur couleur et le singe qu’ils représentent (pas toujours un gorille d’ailleurs), qui porte un nom et dont chaque feuillet porte une citation pour lui donner du caractère. On appréciera par ailleurs que le premier feuillet comporte une aide de jeu : aussi simples les règles soient-elles, j’aime les éditeurs qui savent profiter du matériel pour en rappeler les principes de base. On n’est pas tout à fait dans l’enchantement de La Fiesta de Los Muertos, mais on n’en est pas si loin.

Au centre de la table, on place les 16 bananes et le sac contenant les 8 dés.

 

 

On prend enfin une fiche de thème : films, produits, entreprises, cours, groupes de musique, food trucks ou organisations (une fiche goodie, qui accompagne les premières commandes). Chaque joueur lance un dé et note la catégorie à laquelle correspond le résultat au sommet de son carnet, relançant le dé dans le cas assez improbable où deux joueurs auraient obtenu le même résultat : avec 27 résultats différents pour 48 faces, il faut le faire !

Dans les films, vous pourriez ainsi tomber sur un thriller d’espionnage, un film pour adultes, une production Bollywood, une oeuvre religieuse, un western, un buddy cop movie, un film de Noël, de super-héros, une suite… J’ai un faible pour la fiche « Organisations », particulièrement large, on s’en doute, et ainsi peut-être plus recommandable pour les premières parties, et aussi plus déjantée, avec l’agence gouvernementale, le fight club, la fraternité, le club de fitness, la société secrète, les conspirationnistes, le gang…

Voilà pour la mise en place, qui suffit à vous mettre très vite dans la peau du chargé de projet simiesque de l’entreprise, dont la catégorie est inscrite sur votre livret, et à exciter la curiosité sur les règles de ce jeu d’ambiance pas comme les autres.

 

Pour une poignée de bananes

 

Une partie de Gorilla Marketing se pratique sur deux manches, chacune divisée en deux phases.

La première manche consiste à imaginer le nom d’une entreprise répondant à la catégorie du livret.

Pour cela, on commence la première phase en passant son livret au joueur suivant dans le sens des aiguilles d’une montre ; ce sera à lui de commencer à suggérer le nom le plus pertinent… Et le plus catchy.

Une contrainte cependant (et heureusement !). Un joueur actif lance les dés l’un après l’autre jusqu’à obtenir deux faces rouges ou quatre dés quels qu’ils soient, ensuite arrangés en ligne.

Chaque joueur ouvre alors son carnet sur une page vierge et y écrit le nom de l’entreprise en utilisant les lettres définies par les dés comme un acronyme. Une face blanche fait seulement une lettre de moins, tandis qu’un 2x exige de répéter la lettre suivante. Il peut ajouter prépositions et articles, mais rien d’autre, et ne peut évidemment rien retrancher. Comme on est en anglais, des lettres plutôt rares en français ne posent pas autant problème… N’hésitez pas à décider collectivement de relancer les K par exemple !

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Puis on marque un X sous la page du livret, on le referme et on le passe au joueur suivant.

Un nouveau singe devient joueur actif, et on répète le processus jusqu’à ce qu’un joueur récupère son carnet, dans lequel il n’aura donc jamais écrit.

 

 

C’est le moment de juger des propositions de ses camarades commerciaux (deuxième phase).

Un premier joueur lance un dé, qui correspond à un critère à prendre en compte sur le feuillet dans une première colonne, puis lance un autre dé, lui donnant un autre critère dans une deuxième colonne. Pour un film, A, J, U et Y correspondent dans la première colonne à l’oeuvre la plus triste, au budget le plus élevé, au plus de clichés et à la meilleure interprétation, et dans la deuxième aux acteurs les plus laids, au message le plus sain, au casting le moins bien payé et à l’oeuvre la plus courte. Il choisit l’un de ces deux critères, qu’il annonce à haute voix en rappelant sa catégorie. Par exemple, « je veux nommer un film de danse multipliant les incohérences ».

Il lit alors les propositions des différents joueurs, et choisit tout à fait subjectivement celle qui lui plait le mieux. Il pourra parfaitement répondre au critère (ce qui serait évidemment un étonnant coup de chance) ou simplement paraître particulièrement spirituel, même sans du tout prendre en compte le critère. Idéalement, il vaudrait mieux que ce soit le cas, mais vous savez comment c’est, les commerciaux peuvent vous vendre n’importe quoi même sans réel lien logique entre l’objet et sa promotion.

Le joueur ayant fait la proposition choisie reçoit une banane. On l’écrit sous la catégorie, on efface les feuillets, et un autre joueur juge de ce qui lui a été soumis.

 

 

Quand toutes entreprises/films/groupes/etc. ont un nom, on passe à la seconde manche de Gorilla Marketing.

Il s’agit alors de suivre le même fonctionnement exactement, mais pour trouver la tag line, la formule d’accroche publicitaire de l’entreprise nommée au cours de la manche précédente. Cette fois, on aura (toujours pour le cinéma) droit à des critères comme « utilise la plus grande police de caractère », « publicité la plus mensongère », « pire chanson de rap », « affirmations les moins facilement vérifiables », « meilleure utilisation d’animaux sauvages »…

Quand chaque produit a un nom et un slogan, la partie s’arrête et le joueur avec le plus de bananes remporte la partie, reconnu comme un as du gorilla marketing et prouvant à tous l’intérêt du recrutement simiesque.

 

 

Gorilla Marketing, un jeu d’ambiance qui vaut son pesant de bananes

 

Je ne suis pas très amateur des jeux d’ambiance laissant la victoire à l’appréciation subjective d’un joueur, dont toutes les règles, tout l’intérêt mécanique, est soudain effacé au profit d’une opinion qui peut les ignorer tout à fait. Gorilla Marketing entrerait tout à fait dans cette catégorie, et fonctionne pourtant.

D’abord parce qu’il tente de contraindre ce choix par des critères absurdes, que l’on n’est pas obligé de prendre en compte pour la simple raison qu’ils ne s’appliquent parfois pas vraiment, et en cela un peu décevants, et qui parviennent pour cette raison précisément à conditionner sans enfermer, à proposer une raison objective de préférer une proposition à l’autre sans nous interdire de privilégier une formule vraiment astucieuse et amusante.

Ensuite et surtout, il ne s’agit pas d’un jeu de bagout, à la Big Idea ou à la Crazy Theory, mais d’un jeu de lettres, faisant appel de façon assez pointue à une compétence lexicale pour des résultats qui seront presque systématiquement inventifs. C’est que trouver quelque chose, n’importe quoi, qui puisse à la fois désigner un food truck végétarien, un club fétichiste ou un cours de négociations lors des prises d’otages et composer l’acronyme CLF, est déjà un défi en soi. Essayez donc en plus d’être drôle et vous vous rendrez compte de la difficulté à mobiliser un vocabulaire varié dans un temps relativement limité. Et je ne parle même pas de la deuxième phase, quand il faut trouver une phrase d’accroche pour l’entreprise nommée précédemment, et donc ajouter une blague à la blague…

Ce qui ne retire rien à l’intérêt de Gorilla Marketing, c’est évidemment son thème déjanté qui accompagne un matériel très joli, en particulier les carnets des singes, pour un jeu s’affranchissant très bien des barrières linguistiques. La mécanique n’exige en effet aucune maîtrise de l’anglais, une fois les règles connues, et on peut même envisager de le pratiquer avec de jeunes enfants afin de travailler leur vocabulaire comme avec des joueurs plus âgés afin de s’amuser de notre manque de vocabulaire !

 

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