Livrez des œufs en fuyant les vers géants du Nevada dans Terror Below !
Dans la zone 51, des expériences du gouvernement tournent mal et donnent naissance à des V.E.R., soit des Virus Exterminateurs Rampants… qui ont la forme de vers géants, pondant des œufs au potentiel particulièrement intéressant… que personne ne veut évidemment aller recueillir. C’est alors aux rednecks névadais qu’échoit cette mission délicate, s’ils acceptent le risque et la grosse liasse de billets qui l’accompagne. Voilà le pitch absurde de Terror Below, entre Dune, Tremors et le court-métrage Suits de Love, Death and Robots.
Jeu de Mike Elliott (Dice Masters, Thunderstone, Dice Masters, Quarriors, Alhambra), illustré par le vintage et très talentueux Eric Hibbeler, Terror Below est pas moins que le dernier jeu de Renegade (Clank!, Le Défi de la Reine, Power Rangers : Heroes of the Grid, Flip Ships, Gates of Delirium, Ex Libris, Passages secrets), ce qui serait presque un argument en soi si le thème n’en était pas déjà si délicieusement intrigant.
Vendu 41 euros, il s’adresse à 1 à 5 fermiers névadais reconvertis dans la collecte d’œufs de ver géant de 10 ans et plus pour des parties de 45 minutes.
Alors, prêts pour la chasse au ver ?
Un désert singulièrement riche
L’un des plus grands bonheurs procurés par Terror Below est l’ouverture de sa boîte et la contemplation de son matériel.
Au centre de la table, le plateau adopte la forme d’un œuf de ver. Tout autour, et dans un simple but décoratif, on place cinq standees représentant les vers géants emblématiques du jeu, avec les plus utiles éléments de la réserve, les charmants œufs en plastique, pions Décombres, jetons Points de Victoire (PV), les deux dés, la pioche de cartes Véhicule.
Sur le plateau, 5 cases du carré de 6 par 6 portent un crâne de taureau pour signifier que l’on doit y placer une tuile Lieu. Avec un peu d’habitude, on pourra les placer tout à fait aléatoirement au moyen des dés (indiquant pour l’un une abscisse et pour l’autre une ordonnée) ! Près du Bâtiment officiel, la pile de cartes Prime, dont les quatre premières sont révélées dans la ligne des primes, au sommet du plateau ; près de la Police d’État, la pile de cartes Arme ; près du Magasin général, la pile de cartes Objet.
La partie inférieure du plateau est la zone Terreur. Au-dessus de ses trois colonnes on pose les jetons Cible 1, 2 et 3, et non loin, la pile de cartes V.E.R.
Chaque joueur reçoit un pion (une petite voiture en bois), un objet et une arme gardées secrètement devant lui, une main de 3 véhicules, et enfin 3 cartes Personnage, posés en pile face visible, avec le personnage choisi comme Leader au-dessus – c’est le seul dont le pouvoir s’applique, d’où l’intérêt de bien le désigner, quitte à le laisser mourir en cours de partie s’il ne s’avère plus si intéressant.
Enfin, on prend les 4 cartes V.E.R. à bord noir pour les faire attaquer : chacune porte des coordonnées, indiquant où l’on pose l’œuf de la couleur représentée et des décombres. À trois joueurs, on réalise l’attaque d’un V.E.R. supplémentaire, à quatre joueurs de deux V.E.R., à cinq joueurs de trois V.E.R. L’objectif est ainsi de déjà remplir le plateau d’œufs de chaque couleur et de décombres. Si à force de parties vous vous lassez de placer toujours les mêmes aux mêmes endroits, n’hésitez pas à toutes les piocher aléatoirement, mais en vous assurant malgré tout d’avoir un œuf de chaque couleur à la fin de cette étape.
On prépare cependant également une vraie attaque de V.E.R. en piochant trois cartes placées dans les trois colonnes de la zone Terreur. À l’emplacement indiqué par leurs coordonnées, on pose leur jeton Cible.
On peut alors débuter la partie de Terror Below, après une mise en place assez opaque pour une première partie, vous en conviendrez, et aux règles de laquelle vous reviendrez encore une ou deux parties supplémentaires pour vous assurer de n’oublier aucune subtilité. Elle serait même fastidieuse… sans la qualité et la joliesse matérielles de Terror Below, inspirant assez invinciblement le désir d’en manipuler les éléments, de se mettre dans la peau du chasseur de vers !
La chasse aux vers est ouverte !
Un tour de jeu de Terror Below se pratique en trois phases après avoir posé une carte Véhicule sous l’un des trois V.E.R. de la zone Terreur, dans la limite d’accueil indiquée dans le coin inférieur droit de chaque carte V.E.R.
Ce véhicule permet d’abord de détourner l’attention du V.E.R. en déplaçant la cible en fonction des flèches qui y sont représentées, sans pouvoir le faire sortir du plateau bien entendu.
Par ailleurs, la carte Véhicule représente dans son coin supérieur gauche un nombre de points d’action (PA), une même action pouvant être réalisée plusieurs fois, toujours pour 1 PA :
- on peut se déplacer orthogonalement d’une case, avec la possibilité de traverser des cases occupées par des pions adverses sans s’y arrêter, mais pas des décombres. Si un pion adverse est à côté du sien, on peut sauter par-dessus, à condition bien entendu que l’une des trois cases orthogonalement adjacentes au véhicule ennemi ne contienne pas de décombres, ce saut permettant également de changer l’orientation de son véhicule.
- on peut retirer 1 pion Décombres d’une case adjacente et la placer sur son leader. Au troisième pion, on les défausse dans la réserve et on pioche une arme ou un objet. Ainsi aide-t-on naturellement les déplacements adverses, mais s’aide-t-on fort bien soi aussi.
- on peut ramasser tous les œufs de la case sur laquelle on se trouve, ce qui met fin à sa phase d’actions, même s’il nous restait des points.
- on peut livrer des œufs en se trouvant sur un lieu. Si cette livraison correspondait à l’une des primes (lesquelles indiquent une couleur d’œuf et un lieu précis), on récupère la prime, sinon, on récupère un jeton 1 PV. Autant se focaliser sur les seules primes, en ce cas, non ? Sauf que chaque livraison, avec prime ou non, déclenche l’effet du lieu, offrant des bonus pouvant largement valoir le coup de gagner moins de PV :
- Au Magasin général, on pioche un objet.
- Au Motel, on gagne 1 PV.
- À la Police d’État, on pioche une arme.
- À l’Hôpital, on ressuscite un personnage de son groupe en le replaçant face visible sous son leader (on verra plus tard comment ils peuvent mourir).
- Au Bâtiment officiel, on récupère une prime de la ligne des primes ou du sommet de la pile de primes pour la placer face cachée sous son leader. Une bonne manière de priver un joueur d’une prime convoitée, ou simplement de poursuivre un objectif secret dont nos adversaires ne pourront pas nous faire dévier consciemment puisqu’ils ne le connaîtront pas.
Notez que le plateau de Terror Below possède une face Canyon, un peu plus complexe… puisque rien ne peut évidemment se trouver sur le canyon, qui traverse pourtant le plateau. On peut cependant sauter au-dessus… Pour sauter au-dessus d’une seule case, on paye 1 PA et on défausse une carte Véhicule. Pour sauter au-dessus de plusieurs cases, il faut que cette carte ait une valeur de 6 ou 7 et on lance un dé. 4, 5 ou 6 : le saut est réussi, on pose son pion de l’autre côté. 1, 2, ou 3 : le Leader meurt, ses objets et armes défaussés, ses décombres et œufs posés sur la case où il devait arriver. Dans les deux cas, on gagne 1 PV pour la beauté du geste.
Enfin, la carte Véhicule est dotée d’une capacité spéciale obligatoire, positive ou négative. Les Bottes permettent par exemple de jouer une autre véhicule de sa main, mais seulement pour son bonus de PA (les bottes elles-mêmes n’en valent que 2) ; la Moto (qui vaut 6 PA) rapproche toutes les cibles d’une case vers soi…
À deux joueurs seulement, on lance alors un dé, qui désigne l’un des trois V.E.R. de la zone Terreur. Sous ce V.E.R. on pose un véhicule, dont on applique seulement le détournement. La règle est facultative, mais permet d’ajouter du piquant dans une configuration qui peut en manquer. Après tout, à partir de trois aventuriers, le plateau peut bien changer entre le tour d’un joueur et le suivant, quand à deux, il peut s’avérer plus prévisible. Or vous l’aurez compris, une grande partie du plaisir de Terror Below tient à sa dimension ameritrash d’adaptation constante à un plateau chaotique !
On vérifie alors si des V.E.R. attaquent. Dans son coin inférieur droit apparaît la limite de cartes Véhicule qu’elle peut accueillir, on l’a dit. Si ce nombre est atteint, le V.E.R. attaque. Si le pion d’un joueur se trouve sur une case où l’on pose un œuf ou des décombres, son Leader meurt… à moins qu’il parvienne à se protéger voire à contre-attaquer en lui infligeant autant de blessures que ses Points de Vie (PV) grâce à ses armes. Le Revolver peut par exemple infliger 2 blessures, ou pour gagner 1 PV et faire défausser un chapeau à un adversaire. La Carabine permet de lancer les deux dés et d’infliger autant de blessures que le résultat le plus élevé.
Plusieurs joueurs pris dans la même attaque peuvent coopérer pour le détruire. Seul celui qui lui inflige le coup fatal gagne cependant 1 PV, ou permet de gagner une prime de chasse, évidemment très élevée vu l’ampleur de l’exploit.
Une fois ces trois phases résolues, le joueur actif complète sa main de trois cartes et c’est au chasseur suivant de jouer.
La partie s’achève aussitôt qu’un joueur atteint 20 PV. Sauf si toute l’équipe d’un joueur décède, auquel cas on finit le tour en cours, et celui dont l’équipe est encore vivante et qui possède le plus de PV remporte la partie. En cas d’égalité, c’est logiquement le nombre de primes qui distinguera les plus preux.
En V.E.R. et contre tous
J’aime assez la présentation thématique du mode solo : pour justifier la dimension de course ainsi prise par Terror Below, on nous explique qu’il faut compléter un objectif avant la quinzième attaque de V.E.R. parce que le gouvernement décidera alors (enfin !) d’évacuer les lieux, nous empêchant de nous consacrer à notre fructueuse récolte.
Les règles sont assez différentes pour qu’il ne soit pas simplement ressenti comme une adaptation artificielle du jeu pour une seule personne.
Après le tour du joueur on réalise en effet le tour de terreur. On lance pour cela le dé bleu, qui désigne l’un des trois V.E.R. de la zone Terreur, et on dévoile un véhicule dont on applique uniquement le détournement. Puis on lance le dé rouge, qui désigne l’un des trois V.E.R. de la zone Terreur afin qu’il attaque immédiatement.
Une case ne peut désormais plus accueillir qu’un œuf… et surtout, les lieux ne sont plus des havres de paix mais peuvent être détruits, si une cible s’y trouve lors d’une attaque ou si un deuxième pion Décombres y est posé. On défaussera logiquement toutes les primes relatives à un lieu détruit, et sa disparition perturbera nos livraisons !
Le livret de règles de Terror Below propose trois scénarios à la difficulté croissante… et tous agréablement accompagnés d’un long texte narratif.
Le scénario « Urgence » impose de marquer 20 PV avant la quinzième attaque ou la destruction du troisième lieu.
Le scénario « Livraison spéciale » impose d’obtenir une prime de livraison dans 4 lieux différents, chaque prime défaussant définitivement toutes les autres associées au même lieu… au risque bien entendu de faire apparaître plus de primes de chasse, et donc de devoir traquer des V.E.R. pour faire de la place, une dimension qui m’a beaucoup séduit – même si j’ai perdu mon unique test à ce jour de ce scénario.
Le scénario « Extermination totale » impose d’obtenir une prime de chasse pour trois types différents de V.E.R., chaque type obtenu défaussant de même toutes les autres primes semblables, ce qui cette fois accélère leur venue tout en imposant plus de livraisons pour libérer la ligne de primes.
Et si c’est vraiment le challenge que vous cherchez, vous pouvez très bien tenter l’aventure avec un groupe d’un seul ou deux aventuriers au lieu de trois, ou intégrer les Reines à la pile de V.E.R. !
Savourez enfin la proposition d’une campagne solo en français par sylweb sur le site Board Game Geek !
Terror Below, jeu V.E.R.tigineux ?
Terror Below a de quoi se faire remarquer. À n’en regarder que les mécaniques, il ressemble à un ameritrash somme toute assez classique, avec du déplacement et de l’activation de nombreux types de cartes aux innombrables pouvoirs particuliers, pour un thème non moins typique d’un ameritrash, de la collecte d’œufs mutants et du massacre de gros vers. Naturellement on apprécie d’emblée la cohérence entre thème et mécaniques, des attaques imprévisibles et massives de V.E.R. devant agréablement être traduites dans un relatif chaos du système de jeu, propice à un déchaînement franchement fun d’actions…
En cela, il apparaît pourtant comme un ameritrash relativement équilibré, où les dés n’ont pas une importance cruciale au cours de la partie, où de légers malus compensent des cartes qui sinon seraient trop puissantes, où il est possible de jouer prudemment… à condition de ne pas être dans le viseur d’adversaires résolument agressifs. Il ne s’agit dans tous les cas pas de proposer une expérience rigoureuse et apaisée, mais de favoriser la témérité, l’interactivité, une nervosité omniprésente dans le rythme des parties et dans la peur constante de ce qui pourrait nous tomber dessus.
L’atout majeur de Terror Below, c’est cependant son graphisme, qui met si bien en valeur la course violente qui se joue devant nous. Entre les vers qui empruntent leur horreur classieuse à plusieurs influences et se manifestent notamment sous la forme de standees purement cosmétiques, la forme du grand plateau central, les œufs aussi désirables parce qu’ils sont importants que parce qu’ils sont jolis, les voiturettes qui nous servent de pions et qui seront boostées par toute une panoplie de gadgets délirants, Terror Below s’avère matériellement aussi inévitable que les vers géants qui vous y menacent.