Mississippi Queen – course en… steamboat le long du célèbre fleuve sinueux !
Comme beaucoup peut-être, je crois avoir vu pour la première fois des steamboats dans le Lucky Luke En remontant le Mississippi, avant même de découvrir le court-métrage Steamboat Willie. Il y avait quelque chose de fascinant dans ces immenses bateaux à aubes, monstres tentant de dompter un fleuve monstrueux. Quel sujet curieux et intéressant… pour un jeu de course ! Surtout quand on sait que le Mississippi Queen de Werner Hodel, illustré par Christophe Swal, avait d’abord été publié en 1997 par Goldsieber, et avait obtenu le Spiel des Jahres, plus prestigieuse récompense du monde socio-ludique !
Or Super Meeple, spécialisé dans la réédition de luxe de titres anciens (U.S. Telegraph, Cuzco, Amun-Re…), a justement acquis la licence pour l’embellir (notamment grâce aux pinceaux de Fabrice Weiss), la fluidifier, la moderniser, remettre au goût du jour un titre un peu oublié aujourd’hui. Ont-ils bien fait ou valait-il mieux le laisser au passé et continuer de se consacrer à des localisations (Deckscape, Dice Hospital, Crystal Palace, Artemis Project, Merchant’s Cove) voire à des jeux originaux (l’excellent Couleurs de Paris, le prometteur Tajuto) ? Réponse dans notre test de Mississippi Queen, un jeu pour 2 à 6 conducteurs de bateaux à vapeur de 10 ans et plus, pour des parties d’environ 45 minutes. Vendu 42 euros 90, cette nouvelle version contient en outre ce qui était autrefois une extension séparée, The Black Rose.
Le majestueux Nil d’Amérique
On commence la mise en place de Mississippi Queen en plaçant la tuile A0 représentant une rive du fleuve, avec ses embarcadères donnant sur l’eau. Les 11 autres tuiles Mississippi sont empilées face cachée, seule la première étant retournée et accrochée à la tuile de départ en ligne droite. Les tuiles sont en effet ainsi faites qu’on peut accrocher les suivantes à leur droite, à leur gauche ou devant, et cet assemblage aléatoire des tuiles participe beaucoup au plaisir matériel du titre !
À deux et trois joueurs, on prend 8 charmantes figurines de passagère, que l’on placera sur chaque île avec un embarcadère rouge ou bleu qui apparaîtra sur le fleuve. À quatre, on en prend 12, une pour chaque embarcadère rouge et deux pour chaque embarcadère bleu. À cinq et six, 16, à raison de deux par embarcadère rouge ou bleu.
Chaque joueur prend ensuite un bateau de la couleur de son choix, ou deux à deux joueurs, blanc, orange, bleu, vert, rose, ou rouge.
Ces bateaux ont besoin de leurs aubes, une avec des chiffres rouges (la vitesse) et une avec des chiffres noirs (le charbon), que l’on insère de sorte que l’aube des vitesses indique 1 (une vitesse minimale au moment de quitter le port) et l’aube du charbon 6 (la quantité maximale en début de voyage). À chaque figurine Bateau correspondent deux jetons, un grand que l’on pose devant soi pour se souvenir de la couleur choisie et poser sur ses deux emplacements vides les deux passagères que l’on essayera de récupérer, un petit que l’on pose sur la piste d’ordre de tour dans un ordre aléatoire.
À chaque position sur la piste d’ordre de tour correspond un embarcadère, où l’on pose donc son bateau dans la direction de son choix. Les tuiles Mississippi sont en effet couvertes d’hexagones, donc de cases présentant six directions vers lesquelles les bateaux peuvent s’orienter.
Il n’y a plus qu’à prendre le dé et la jauge de mesure, et la partie peut être débutée, après une mise en place de quelques minutes permettant d’admirer le travail graphique réalisé sur Mississippi Queen par Goldsieber et Super Meeple. En regardant des photographies de la version de 1997, on peut d’ailleurs admirer à quel point le jeu était déjà séduisant, et n’avait donc besoin que de quelques légers affinages pour paraître parfaitement adapté au public contemporain.
La course des géants
Les conducteurs de steamboats jouent dans l’ordre déterminé par la piste d’ordre de tour (logique).
Avant toute autre action, on peut augmenter ou diminuer la vitesse de son bateau. La rotation de l’aube d’un cran (par exemple de 2 à 1 ou de 2 à 3) est gratuite, mais chaque rotation supplémentaire coûte une unité de charbon immédiatement retranchée de l’aube du charbon. Ainsi, passer sa vitesse de 1 à 3 coûte une unité de charbon (une rotation gratuite et une payante), la passer de 6 à 1 en coûte quatre (une rotation gratuite et quatre payantes).
Comme on ne dispose initialement que de six unités de charbon sans possibilité de se réapprovisionner en cours, il est évident que l’on s’efforcera autant que possible de n’augmenter ou de ne diminuer sa vitesse que d’un cran à chaque tour, pour ne dépenser du charbon que quand on est certain de l’avantage que cela nous donne soudain face à nos concurrents.
On déplace ensuite obligatoirement son bateau du nombre de cases correspondant à sa vitesse, pas plus et pas moins. Être trop rapide peut donc être un inconvénient dans certains cas où cela oblige à faire un déplacement désavantageux pour finir son mouvement, voire de percuter une île ou le bord du fleuve. On passera alors son tour suivant (le temps des réparations nous disent les règles) puis on repartira de cette case avec une vitesse de 1, mais dans la direction de son choix. Inutile de préciser je pense qu’une seule erreur de ce genre peut vous griller face à des concurrents plus prudents, le tour perdu étant particulièrement dévastateur.
En dehors de son matériel, cette idée des aubes est assurément ce qui a valu à Mississippi Queen le plus d’admiration. Elle permet en effet de se passer du dé pour des déplacements pourtant variés et contrôlés, ne se contentant pas de réduire le hasard ou même de le supprimer, mais lui substituant le cœur tactique de l’expérience, un joli coup de force.
Le bateau ne se déplace que vers l’avant. Avant son déplacement, en cours de déplacement ou après, il est cependant possible de le tourner, gratuitement de 60° vers la droite ou la gauche, et en payant une unité de charbon par angle de rotation supplémentaire. Un demi-tour coûterait ainsi deux unités de charbon (une rotation gratuite à 60° puis deux rotations payantes pour les 120° restants). C’est évidemment très rigide et c’est fait exprès pour faire sentir le caractère monstrueux et un peu pataud de ces grosses machines, assez bien retranscrit.
Si un joueur entre sur la dernière posée, il achève normalement son mouvement puis lance le dé. Deux faces indiquent que la tuile suivante doit être posée dans la continuité directe de la précédente, deux autres qu’elle doit être posée sur sa droite et les deux dernières qu’elle doit être posée sur sa gauche. Il faut cependant que cela continue de former un fleuve, c’est-à-dire que si la nouvelle tuile doit toucher l’une des tuiles précédentes, on relance le dé jusqu’à obtenir une formation admissible.
L’intérêt du dé est d’enjoindre les premiers joueurs à la prudence, tout en apportant un certain amusement. Entrer trop vite sur une tuile par la droite peut ainsi s’avérer très gênant si la tuile suivante prolonge le fleuve sur la gauche, puisque cela risque d’imposer plus de rotations que ce que le bateau peut se permettre gratuitement à cette allure. Une jolie manière de réduire les écarts, sans d’ailleurs être si punitif que cela, puisque la probabilité d’une telle gêne est tout de même rare, mais pas inexistante.
Le Mississippi est un fleuve étroit, et vous n’aurez pas toujours le luxe de contourner un bateau adverse ou une île. Foncer dans un autre bateau alors qu’il nous reste un point de déplacement occasionne un accident s’il nous est impossible de nous tourner vers une case sûre, et l’on passe son tour en perdant toute sa vitesse. En revanche, si l’on possède deux points de déplacement, on peut pousser le bateau qui nous bloque le passage sur une case adjacente de notre choix et prendre sa place (en payant donc un point pour l’action de pousser et un point pour le mouvement). Le propriétaire du bateau aura tout de même le droit de l’orienter comme il le souhaite.
On peut même pousser plusieurs bateaux, en dépensant un point de vitesse par bateau supplémentaire poussé. Ainsi, pour pousser trois bateaux doit-on dépenser quatre points de vitesse. On ne remplace cependant que le premier, le plus proche de soi, mais cela peut semer le chaos chez ses adversaires en leur imposant des dépenses imprévues pour retrouver le cap, tout en utilisant des points de vitesse dont on n’avait pas besoin, et qui auraient risqué de nous faire dévier pour éviter un accident.
Et bien sûr, à deux joueurs, on peut pousser l’un de ses bateaux avec l’autre. On ne retrouve pas le sentiment d’évidence de l’aspiration de Flamme rouge, où tout repose sur les ingénieux déplacements supplémentaires obtenus grâce à la proximité des coureurs, mais la poussée n’est pas non plus qu’un gadget amusant, puisque dans chaque partie elle pourra faire la différence pendant quelques tours.
Pour remporter la course, il faut accueillir deux passagères sur son bateau/l’un de ses deux bateaux. Pour cela, il faut que ce bateau arrive à la vitesse minimale sur l’embarcadère d’une île où se trouve une passagère, qui monte alors à bord. Se pose alors la grande question du meilleur moment où faire l’effort de s’arrêter à une île. On constate en effet souvent que les joueurs se battent pour les premières passagères, en estimant qu’une fois les deux passagères accueillies ils n’auront plus qu’à filer à l’embarcadère final, mais la gêne impliquée par la compétition de plusieurs bateaux pour une seule île peut aussi rendre intéressant d’éviter volontairement les premières passagères pour se concentrer sur celles qui arrivent plus tardivement avant qu’elles ne soient convoitées par ses adversaires, donc sans bataille chronophage. En espérant bien sûr qu’on pourra bien prendre à son bord ces passagères des dernières îles, puisqu’on ne connaît pas le fleuve, et qu’une nouvelle tuile peut très bien ne contenir aucune passagère, ce qui nous obligerait à opérer un demi-tour suicidaire pour aller en rechercher…
Quand tous les conducteurs de steamboat ont réalisé leur mouvement, on réorganise la piste d’ordre de tour en plaçant les jetons selon l’avancement des bateaux qu’ils représentent. Le joueur le plus avancé sera alors placé en première position, le deuxième en deuxième position, etc. En cas de doute, la jauge de mesure permet de déterminer quel bateau est le plus proche de la tuile suivante. S’ils sont réellement au même niveau, le bateau le plus rapide a l’avantage, et s’ils ont la même vitesse, ce sera le bateau avec le plus de charbon, et s’ils ont le même niveau de charbon, celui qui est le plus à droite dans le sens de la course.
Au début je pensais ne simplement pas jouer avec la piste d’ordre de tour, qui impose une manipulation ne paraissant pas très utile au détriment de la fluidité du jeu. J’ai pourtant continué de l’adopter parce qu’elle devient extrêmement intuitive et donc rapide avec l’habitude des règles et représente un podium temporaire, propre à donner une certaine satisfaction aux conducteurs des premières places et à stimuler ceux qui sont derrière.
J’aurais cependant un peu plus de doutes sur l’idée de faire commencer le premier joueur. J’ai beau être certain que les auteurs et éditeurs ont réalisé tous les tests possibles pour s’aviser que c’était la solution idoine, l’hypothétique inconvénient de découvrir les tuiles ne me paraît pas suffisant pour compenser la difficulté à perdre une première position. Après tout, c’est le hasard qui définit le premier ordre de tour, et si en dehors de cela tous les joueurs ont normalement les mêmes chances, on découvre vite que la moindre erreur peut être extrêmement punitive face à des adversaires n’en faisant pas, et donc rendre le reste de la partie moins palpitant quand on comprend qu’on ne pourra plus l’emporter.
Le premier joueur arrivant à l’embarcadère final avec deux passagères et à la vitesse minimale gagne la partie. Cette dernière se poursuit jusqu’à ce que tous les joueurs sauf un aient atteint le même objectif pour constituer un podium. Cela reste évidemment facultatif, on est aussi libre de s’arrêter après qu’un vainqueur s’est imposé, pour ne pas prolonger inutilement un jeu déjà long.
Or cette longueur pourrait s’avérer problématique. Une partie dure après tout 45 minutes environ, avec un peu d’analysis-paralysis (il faut quand même définir la trajectoire optimale de son bateau), sans twists, sans ingénieuse addition mécanique. Mississippi Queen brille bien sûr par cette simplicité, mais je ne suis pas certain qu’elle suffise à justifier des parties de 45 minutes dont les tours peuvent sembler un peu répétitifs quand il s’agit avant tout d’orienter des steamboats rigides. Évidemment Super Meeple ne pouvait pas être aveugle à ce qui, en 2019, peut apparaître comme un défaut, et c’est pourquoi les règles incluent d’intéressantes variantes, propres à donner du relief aux parties.
Remous dans les règles
Mississippi Queen s’enrichit d’abord de « petites variantes » : ne plus mettre en jeu de passagères quand on en aura déjà placé deux par joueur, de sorte que chaque passagère laissée sur son île accroît considérablement la tension de la partie ; jouer avec deux bateaux chacun même à trois joueurs ; ajouter des tuiles pour rallonger la partie ; jouer en équipes de deux ou trois joueurs, le premier bateau arrivant à bon port avec deux passagères faisant gagner son équipe – on risque bien sûr un « joueur alpha » disant à ses coéquipiers comment agir pour suivre son plan idéal, mais dans une équipe équilibrée, cela peut s’avérer une excellente manière de renouveler l’intérêt des parties.
Parmi les variantes plus profondes, il peut être possible de transférer le charbon d’un bateau vers un autre bateau, que l’on possède ou appartenant à un coéquipier. Pour cela, il faut que les deux bateaux soient juxtaposés et à la même vitesse (ce qui n’arrive presque jamais), celui qui reçoit le charbon ne pouvant bien entendu pas dépasser sa capacité maximale de six unités. Particulièrement indiqué pour les joueurs ou les équipes dépassées, prêts à sacrifier un bateau pour augmenter les chances d’un autre.
On pourra surtout remplacer des tuiles marquées d’un A par des tuiles marquées d’un B, entre 1 et 6, pour ajouter des règles environnementales.
Deux tuiles possèdent ainsi des îles avec des stations de charbon. Comme on peut l’imaginer, en s’arrêtant à l’embarcadère correspondant à vitesse minimale, on pourra refaire le plein de charbon.
Certaines cases maritimes sont encombrées de bois flottant. Avancer sur ces cases coûte un point de vitesse supplémentaire, et chaque case ainsi traversée diminue la vitesse du bateau de 1. Elles représentent donc un danger considérable… ou une passionnante opportunité de diminuer sa vitesse sans payer de charbon avant une île avec des passagères ! Si l’on pousse un bateau vers des débris, il ne perdra cependant pas de vitesse (puisque c’est la poussée qui l’aura déplacé là, toujours logique).
Les bancs de sable sont plus dangereux encore : ils font immédiatement tomber la vitesse du bateau enlisé à 1 et mettent fin à son tour, sans possibilité de se réorienter. Il est nécessaire de dépenser une unité de charbon au tour suivant pour sortir de la case, soit par l’arrière, en se réorientant gratuitement mais en maintenant sa vitesse à 1, soit par l’avant, avec la possibilité d’augmenter normalement sa vitesse. Si un joueur sur un banc de sable ne possède plus de charbon, il doit perdre un tour supplémentaire avant de le quitter en s’orientant gratuitement. On peut enfin pousser un joueur vers un banc de sable, ce qui l’enlise et lui fait donc subir tous ces malus. Cela peut sembler assez injuste tant cela peut creuser l’écart… si on ne voit pas cette règle comme une contrainte supplémentaire de ne jamais s’arrêter près d’un banc de sable à portée d’un bateau adverse !
Une tuile contient enfin un archipel, éprouvant efficacement le sens de la navigation des joueurs qui voudraient progresser assez vite sans percuter les îles le constituant.
Ces variantes, ainsi que la possibilité de jouer à deux et à six, étaient autrefois l’apanage de l’extension The Black Rose, et sont, comme on l’a dit, incluses dans la boîte de base de la réédition par Super Meeple de Mississippi Queen. Le point d’orgue de cette extension était cependant le Black Rose homonyme (et presque éponyme).
Ce Black Rose est un bateau noir que pilote à chaque tour le dernier joueur. Il change donc régulièrement de propriétaire, mais en dehors de cela, obéit aux mêmes règles exactement, y compris l’ensablement, le tour perdu s’il percute un îlot, etc.
Le Black Rose peut dépenser un seul point de charbon par tour, mais jamais tomber à court. Et s’il se trouve sur une case adjacente à celle du bateau permanent de son propriétaire temporaire et à la même vitesse, il reconstitue intégralement sa réserve de charbon.
Évidemment, il ne peut pas embarquer de passagères ni « finir » la partie, il n’est « qu’» un bonus pour le dernier joueur, à vrai dire assez redoutable pour qu’il puisse paraître intéressant dans certaines circonstances de se retarder volontairement pour en bénéficier. Sauf que cela implique d’être en dernière position, de parvenir à se retrouver sur une case adjacente à la même vitesse, et d’avoir malgré tout assez dépensé de charbon pour qu’un petit détour à des fins de re-stockage semble en valoir la peine.
On le voit, ces variantes et extensions cumulables tiennent compte des légèretés du jeu de base pour en proposer d’intéressantes compensations, globalement très accessibles (sauf peut-être la règle complexe des bancs de sable), et l’orientant pourtant vers davantage de technicité et de variété. On ne les pratiquera pas ainsi tous ensemble dès la première partie, mais en les ajoutant au fur et à mesure et en les modulant selon les attentes des joueurs, on y puisera un intérêt renouvelé pour Mississippi Queen.
Mississippi Queen, jeu moderne ou jeu dépassé ?
Lors de sa première publication en 1997, Mississippi Queen pouvait à juste titre paraître très moderne en plus de s’avérer matériellement enchanteur, notamment grâce à son système de roues à aubes (l’une pour la vitesse, l’autre pour le charbon) qui remplace le pénible arbitraire des dés par une composante maîtrisable et tactique. Même la balourdise des bateaux à vapeur participe si pleinement du thème qu’elle confère à ce jeu de course une originalité bienvenue. Toutes ces qualités lui avaient assez légitimement valu un Spiel des Jahres. Vingt ans plus tard, ce qui était jadis moderne n’est-il pourtant pas complètement dépassé par les nouveaux standards du jeu de société, y compris par des jeux de course s’inspirant en partie de Mississippi Queen pour trouver des systèmes mécaniques toujours plus satisfaisants ?
Il est évidemment difficile de donner une réponse franche et objective à cette question, et cette difficulté suffit déjà à établir que sa réédition par Super Meeple n’est pas dénuée de sens. Il me semble (et je ne parle vraiment que pour moi) que Mississippi Queen accuse son âge sur certains aspects, la longueur déraisonnable des parties, une simplicité agréable qui montre vite ses limites, l’avantage du premier joueur, une règle de poussée plus amusante que souvent intéressante parce qu’un peu rigide…
Un éditeur aussi compétent que Super Meeple dans la réédition (parfois même lourdement re-thématisée) de jeux anciens ne pouvait pas être aveugle à ces lacunes, et c’est pourquoi je me réjouis sincèrement de son idée d’inclure dans la boîte de base les variantes de l’extension The Black Rose. Celles-ci viennent pratiquement répondre point par point aux difficultés mentionnées, en apportant aux règles de Mississippi Queen plus de variété, plus de technicité, des occasions pour les derniers joueurs de remonter la pente, un jeu en équipes qui s’accompagne de stimulantes possibilités nouvelles…
À titre personnel encore une fois, j’aurais tendance à préférer l’ingénieux Flamme rouge en matière de jeux de course, l’élégant et pourtant pervers Cuzco parmi les rééditions de Super Meeple ou Couleurs de Paris, la seule publication complètement originale à ce jour de l’éditeur, et dont on sent à chaque action à quel point il a été profondément conçu avec les exigences du jeu de société dit moderne à l’esprit. Mississippi Queen reste indéniablement un jeu familial plaisant quand on en a assimilé les variantes et que l’on a compris comment les optimiser, voire comment en créer de nouvelles (comme les règles nous y invitent), mais peut-être pas le plus indispensable du catalogue toujours plus fascinant de Super Meeple, vraiment décidé depuis peu à proposer les expériences ludiques les plus palpitantes aux joueurs.