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Sub Terra : l’adaptation socioludique du film d’horreur The Descent…

Sub Terra

Sub Terra : l’adaptation socioludique du film d’horreur The Descent…

 

Film culte il y a quelques années encore, The Descent racontait l’histoire de six femmes spéléologues coincées dans des grottes inconnues, et traquées par d’étranges créatures. Je ne sais pas si le film fait encore référence aujourd’hui, quand tant de productions horrifiques ont rehaussé les standards et que Neil Jordan n’a plus rien fait de mémorable ensuite, sinon sinon le reboot d’Hellboy universellement dépeint comme une catastrophe… Une personne semble cependant avoir été récemment marquée par l’ambiance et la mythologie de The Descent, puisque dans le jeu de société Sub Terra, l’auteur Tom Pinder raconte l’histoire de spéléologues coincés dans des grottes inconnues et traqués par d’étranges créatures…

L’adaptation n’est pas officielle, mais elle est évidente, et c’est tant mieux : il y avait assurément mille choses encore à faire d’un sujet pareil, facile et pourtant si rapidement évocateur, et le jeu de société n’est assurément pas le medium dans lequel on attendrait le plus intuitivement une transposition horrifique. Le défi est en effet de taille, dans un medium tout de même caractérisé par la distance entre le joueur et le jeu, a priori peu adaptée aux frissons. Mais j’avais été conquis par Betrayal Legacy, donc tout à fait prêt à me laisser tenter par Sub Terra.

D’autant que Sub Terra avait d’emblée des qualités ludiques et éditoriales à faire valoir. J’ai parfois du mal à sortir Betrayal Legacy, jeu complexe et long, quand Sub Terra s’adresse à 1 à 6 spéléologues de 10 ans et plus pour des parties d’une petite heure, et si le travail graphique de David Franco Campos n’est pas aussi percutant que ce que la couverture semblait promettre, on est loin de la décevante austérité du chef-d’oeuvre de Rob Daviau. Édité par Inside the BoxSub Terra est enfin localisé par Nuts! Publishing après un KickStarter très réussi, et après La Traque de l’Anneau1066AuZtraliaOne Deck Dungeon et One Deck Dungeon : Forêt des ombres, j’ai tendance à considérer que l’on peut faire presque aveuglément confiance à leur bon goût. Et argument ultime, Sub Terra est vendu à peine plus de 30 euros… Petit test d’un jeu très prometteur, avant de revenir en détail sur ses extensions toujours plus variées et immersives dans quelques jours !

 

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Des grottes sombres et mystérieuses…

Au début d’une partie de Sub Terra, il s’agit naturellement de choisir son ou ses spéléologues. Il doit toujours y en avoir quatre à six dans les grottes, de sorte qu’à deux ou trois joueurs, chacun en prend deux, et que seul, on décide d’en prendre quatre ou six. À la couleur de ces figurines correspond une fiche de spéléo, un personnage avec des attributs particuliers. On appréciera l’effort pour respecter la parité, quatre des spéléologues disponibles étant des femmes, dont deux dans des spécialités réellement valorisantes, chef et ingénieur… mais ces spécialités sont étonnamment écrites au masculin, et on notera qu’elles affichent davantage leur corps (sans outrance non plus) que les hommes, ce qui n’était sans doute pas nécessaire.

Les spéléologues disposent de trois points de vie, à l’exception du garde du corps, notés par des marqueurs santé. Pour une première partie, on recommandera vraiment le garde du corps et le médecin dans l’équipe, et évidemment de jouer en « normal » plutôt qu’en « avancé » ou en « difficile », le mode de difficulté influant sur la qualité et le nombre de cartes danger au terme desquelles se dévoile la carte Temps écoulé. Si la partie reste trop difficile (et il n’y a pas de honte à l’admettre, Sub Terra est une expérience coopérative assez corsée, comme souvent dans les jeux de Nuts! Publishing), n’hésitez pas pour les suivantes à ajouter trois cartes Danger à la pile.

 

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Les spéléologues découvrent à peine les grottes : chaque joueur place ainsi sa figurine sur la case de départ, la seule à être dévoilée, tandis que la tuile sortie est mélangée aux cinq dernières tuiles de la pile Caverne. Un procédé que l’on a déjà observé récemment dans Galèrapagos par exemple, et qui crée une légère incertitude sur le moment où la partie prendra fin, imposant de se dépêcher au fur et à mesure que l’on s’approche des six dernières tuiles, et suscitant un indescriptible soulagement quand on commence à les dévoiler et qu’on ne tombe pas encore sur la sortie.

Une mise en place rapide, assez intuitive, qu’on réalisera après quelques parties sans plus avoir besoin de se référer au livret de règles, qui offre l’avantage de pouvoir être répartie entre les joueurs. Et comme dans tous les jeux procéduraux, où le monde connu commence par une petite case et s’annonce gigantesque, on n’a qu’une hâte, découvrir plus avant les lieux, même en devinant au thème du jeu qu’on n’aimera pas ce qu’on y découvrira !

 

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Dans la version finale, les game markers existent en jetons cartonnés et plastifiés, et le dé est phosphorescent… pourquoi pas envisager des parties à la frontale ?

Des spéléos, des monstres et des dangers

Le joueur ayant le plus récemment visité des grottes commence à agir grâce aux deux points d’action alloués à chaque spéléologue durant la première phase. Il est possible d’obtenir un troisième point d’action en se dépassant. À la fin de son tour, on réalisera alors un jet de talent, ce qui signifie qu’il faudra obtenir un 4 ou plus sur un dé à six faces sous peine de perdre un précieux point de vie.

Tous les spéléologues disposent de cinq actions de base. Découvrir consiste à prendre la première tuile de la pile Caverne et à la connecter à la tuile occupée par le spéléologue. On peut ainsi tomber sur 16 tuiles ordinaires, huit tuiles inondables, huit tuiles gaz, douze tuiles éboulement, trois tuiles rétrécissement, trois tuiles corniche, trois tuiles terrain accidenté, trois tuiles chute et huit tuiles horreur. Se déplacer consiste à déplacer son spéléologue sur une tuile adjacente. Explorer permet de Découvrir et de Se déplacer en une seule action, sans possibilité de se rétracter après avoir peut-être découvert une tuile défavorable. Pour deux points d’action, courir permet de se déplacer entre une et trois fois, et soigner de récupérer un point de vie ou d’en faire récupérer un à un spéléologue présent sur la même case.

Cinq autres actions coûtant deux points d’action réagissent avec des dangers environnants. Nager déplace un spéléologue vers une tuile connectée inondée. Entrer dans un boyau déplace un spéléologue vers un rétrécissement. Dégager des éboulis ôte un marqueur éboulis sur la tuile du spéléologue ou une tuile connectée. Sur une tuile avec une corniche ou une chute, il faut réussir un jet de talent en plus de dépenser les deux points d’action pour placer un marqueur corde. Le même coût permet de se cacher des horreurs, l’action étant automatiquement réussie si elle est utilisée pour la troisième fois consécutivement.

Certains spéléologues possèdent enfin des actions spécifiques : le géologue peut dégager des éboulis pour un seul point d’action, le médecin peut soigner un autre spéléologue ou se déplacer deux fois pour un seul point d’action, pour deux points l’ingénieur peut faire exploser une paroi et l’encombrer de marqueurs éboulis déterminés par un lancer de dé… Les pouvoirs actifs et passifs des spéléologues les distinguent nettement les uns des autres et informent considérablement la manière de jouer, de sorte que deux équipes constituées différemment ne pratiqueront pas du tout Sub Terra de la même manière. Et puisque la génération du terrain est « procédurale », la même équipe réagira souvent différemment à des situations ne se ressemblant jamais, pour une immersion vraiment réussie.

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Mais vous ne jouez pas à Sub Terra pour explorer des grottes. La deuxième phase consiste enfin à déplacer chaque horreur d’une tuile du spéléologue non caché et conscient le plus proche, même en traversant les zones inondées, les éboulis, les rétrécissements, les corniches et les chutes. De quoi faire assez penser au Dracula de Love, Death and Robots pour ne prendre que l’exemple le plus récent d’une de ces abominations aux mouvements si libres qu’elles semblent omniprésentes.

Si une horreur atteint une tuile occupée par un spéléologue, ce dernier perd tous ses points de vie et tombe inconscient. Il sera incapable de réaliser la moindre action jusqu’à être éventuellement soigné. Si en revanche il n’y a aucune victime potentielle à sept tuiles ou plus (la règle dit « ou moins », une erreur d’inattention je suppose ?) de l’horreur, celle-ci disparaît de la caverne, retournant dans un paisible sommeil que ne troublent plus les importuns. Notons que les horreurs sont représentées par des jetons tout ce qu’il y a de plus abstraits, ce qui permet de les imaginer comme on le souhaite, conformément à nos pires cauchemars, dans un jeu où l’on tente aussi bien que possible de fuir dans la direction opposée que de ménager les chemins les plus praticables.

 

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Or l’avancée des horreurs peut ne pas sembler si terrifiante : une case à la fois, après tout, n’est-ce pas assez facilement gérable ? C’est là qu’intervient la troisième phase, celle durant laquelle on révèle la première carte danger, objet de toutes les frayeurs.

Il en existe cinq types : les secousses imposent à tous les spéléologues conscients un jet de talent, l’échec leur faisant perdre un point de vie (et cela va vite !). L’inondation submerge toutes les tuiles avec des points d’eau ne portant pas encore de marqueur inondation, et fait perdre un point de vie aux spéléologues présents sur ces cases. Le gaz ôte deux points de vie à tous les spéléologues présents sur des tuiles gaz, ou traversant durant le prochain tour une tuile gaz. L’éboulis fait lancer un dé, et poser sur chaque tuile éboulement correspondante un marqueur éboulis. Les spéléologues ainsi écrasés perdent trois points de vie. Enfin le carte horreur rapproche d’une tuile toutes les horreurs de la victime la plus proche. Et s’il n’y a qu’une ou deux horreurs dans les cavernes, une nouvelle apparaît sur la tuile horreur la plus proche d’un spéléologue conscient. En difficultés avancé et expert, la secousse, l’inondation, le gaz et l’éboulement peuvent se produire deux fois avec la même carte danger, tandis qu’une double horreur occasionne deux déplacements et l’apparition de deux horreurs…

Vous vous souvenez sans doute que la dernière carte danger figure l’écoulement du temps. À l’exception des spéléologues déjà sortis, tous ceux qui se trouvent encore dans les cavernes devront désormais réaliser à chaque phase danger un jet de talent, l’échec causant leur dévoration immédiate…

À la fin d’un tour, le marqueur Premier spéléo passe au joueur suivant dans le sens horaire.

La partie s’achève quand tous les joueurs sont soit sur la tuile sortie (qui n’apparaît donc qu’assez tard pendant l’exploration) soit inconscients ou morts. On mérite une médaille d’or quand tout le monde a été sauvé, d’argent quand un spéléologue a été abandonné, de bronze quand deux spéléologues sont restés dans les grottes, et on perd si trois spéléologues ou plus n’ont pu s’en sortir. Ce qui peut arriver très facilement si un joueur s’éloigne trop du groupe, néglige de se soigner et de soigner ses alliés, se la joue solo.

 

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Sub Terra, l’un des jeux du moment

Sub Terra est l’un de ces jeux dont tout le monde parle, même bien après le KickStarter, et dont la nouvelle qu’il était épuisé a désespéré les communautés de joueurs. Avec les milliers de sorties annuelles, que l’on s’arrête si longtemps sur un titre est une preuve étonnante de la fascination qu’il exerce. Alors même qu’il ne correspond pas tout à fait aux genres les plus populaires dans les communautés ludistes, bien trop immersif pour rivaliser avec les jeux de gestion abstraits, bien trop sobre pour qu’on lui compare les jeux au matériel pléthorique, ceux qui ne font pratiquement reposer leur promotion que sur le designSub Terra tient quelque part du tour de force : les actions sont juste assez nombreuses et variées, les spéléologues juste assez particuliers, pour qu’on se mette réellement dans la peau de ces malheureux personnages, sans être narrativement frustré par des impossibilités mécaniques ; le jeu est juste assez abstrait pour qu’on y plaque nos propres représentations, et pour bénéficier de la fluidité, de l’aisance de manipulation et de lecture du territoire, que les excès de cubes, de dessins et de figurines perturbent souvent.

J’ai donc une excellente nouvelle : Nuts! Publishing vient de promettre un nouveau tirage pour le mois de novembre au plus tard, après avoir fermement annoncé que le jeu serait définitivement introuvable. Je ne doute pas que l’éditeur soit le premier ravi d’avoir trouvé une solution pour répondre aux désirs des joueurs, et il y a de quoi. Immersif, simple, dynamique et vraiment très tendu, Sub Terra est l’un des incontournables du moment, et il aurait été extrêmement regrettable que sa carrière s’arrête là malgré un prix parfaitement raisonnable pour un KickStarter. Peut-être les joueurs les plus exigeants pourront-ils seulement lui reprocher une rejouabilité très bonne, mais un peu en-deçà de ce que l’on attend des meilleurs jeux modernes. C’est le contre-coup de l’excellence : comme le jeu est bon, on a envie d’y jouer toujours davantage, et il y a un moment où le hasard du dé et des tuiles, ainsi que la variété des configurations (seul, à deux, à quatre, à six, l’expérience est vraiment différente) montre ses limites, où l’on commence à connaître les spéléologues et les cavernes par cœur. Ces joueurs exigeants croyaient-ils vraiment que les concepteurs d’un jeu aussi impeccable ne prendraient pas cette limite en compte ? Comme on le verra dans quelques jours, entre les extensions (au pluriel) et les figurines, Inside the Box a très bien fait les choses

 

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