Saboteur : La Grande Aventure, adaptation en jeu de plateau du classique
Vous connaissez assurément le Saboteur, ce classique du jeu d’ambiance où des équipes de nains tentaient de creuser une mine pour en découvrir les trésors, en parsemant le sentier adverse d’embûches. Or son auteur, Frédéric Moyersoen, en a proposé l’an dernier une transposition en jeu de plateau, toujours éditée par Gigamic (Squadro, Flamme rouge, Mission Calaveras, Galèrapagos, Cosmic Factory) et cette fois illustrée par Alexander Jung. Le pari est bien entendu prometteur mais risqué, puisqu’un jeu qui devait tout à sa simplicité mécanique et matérielle est transformé en proposition d’une grosse demi-heure à une heure, officiellement à partir de 10 ans au lieu de 8 (même si un enfant de huit ans un peu habitué aux jeux n’aura aucune peine à assimiler celui-là), et heureusement toujours pour un grand nombre de joueurs, entre trois et neuf (idéalement cinq à sept). Vendu 25 euros, ce Saboteur : La Grande Aventure a-t-il de quoi s’ériger en classique du jeu de plateau familial ?
La forêt aux cent mines
La mise en place commence naturellement par l’installation du plateau Forêt au centre de la table, et par la pose des quatre cartes Mine face cachée sur les emplacements dédiés. Les joueurs savent où sont les mines, mais ignorent quelles ressources elles recèlent, et vont devoir le découvrir en taillant un chemin entre les arbres : thématiquement, ce Saboteur est dans l’exacte lignée du précédent. Le plateau comporte également deux emplacements de départ, sur lesquels on pose les deux cartes Départ. Enfin, on place au bord du plateau autant de cartes Trésor face cachée qu’il y a de joueurs.
Puis arrive le moment fatidique où l’on distribue les rôles cachés. Les joueurs sont d’abord répartis en deux clans, le clan jaune et le clan bleu, dont tout le monde a connaissance – c’est la couleur du verso de la carte Rôle. Le recto peut cependant représenter trois rôles différents. Le nain loyal travaille pour son clan, il partage son butin avec lui et profite des découvertes des autres. Le nain égoïste ne travaille que pour lui, mais ne peut rien recevoir du butin du clan. Le saboteur enfin donne son trésor au clan adverse. Saboteur : La Grande Aventure contient dix cartes pour neuf joueurs maximum, de sorte qu’il y aura toujours une part d’incertitude sur le rôle de ses coéquipiers et adversaires, un clan pouvant très bien ne pas comporter de saboteur ou de nain égoïste. Chacun prend ensuite un nain de son clan et le pose sur sa case de départ.
Il ne reste qu’à retirer dix cartes au hasard de la pioche et à en distribuer cinq (de trois à six joueurs) ou quatre (de sept à neuf) à chacun, ces cartes pouvant représenter des actions ou des chemins.
En quête des trésors
En commençant par le joueur le plus aventureux, les joueurs réalisent à tour de rôle deux à trois étapes.
Pendant la première, le nain a le choix entre trois actions.
Il peut jouer une carte Chemin de sa main, à côté de la case Départ, d’un autre chemin ou d’une mine face visible, et en respectant strictement les sentiers figurant sur les cases adjacentes, de façon à ne créer aucune impasse. Certains chemins ont des particularités désagréables : les troncs d’arbre, étangs et ravins ne peuvent être franchis qu’avec l’outil (la carte action) correspondant, une carte Rochers ne peut être occupée que par un nain à la fois, et ne peut donc être traversée par un autre nain si elle est déjà occupée, même pour s’arrêter sur une case suivante. Le feu de camp en revanche permet au nain qui y commence son déplacement d’aller plus loin, puisqu’il aura pu se reposer confortablement.
Il peut jouer une carte action. La hache, la barque et la corde permettent de franchir les obstacles, troncs d’arbre, étangs ou ravins, mais même une fois l’obstacle surmonté, un seul nain à la fois pourra occuper la carte. Les cartes Information secrète permettent de regarder secrètement un trésor, le rôle d’un autre nain ou une mine, avec l’interdiction de dévoiler l’information aux autres. Il existe enfin trois cartes Événement. Le piège est posé sur un chemin, et ôtera une carte de la main du premier nain à tomber dans le piège. Le troll bloque un chemin pendant un tour complet pour tous les nains. L’orage supprime une carte chemin non-occupée du plateau.
Il peut défausser une ou deux cartes (ce qui lui permettra d’en piocher davantage pour compenser l’absence d’action ce tour-ci).
Pendant la deuxième étape, le nain ayant bien préparé sa route peut enfin se déplacer de trois cartes maximum. Si son chemin passe par une mine, il s’y arrête et la révèle. Avec un peu de chance, le trésor représenté sur la carte mine (pierres précieuses, or ou argent) est également représenté sur une des cartes Trésor au bord du plateau, que le nain peut alors récupérer. Selon les parties, il peut arriver qu’une mine n’ait ainsi qu’un intérêt très limité voire aucun ! L’une des quatre mines est cependant occupée par un dragon, dont le découvreur prend le jeton et perdra deux points de victoire à la fin de la manche…
À la fin du tour, il ne reste qu’à piocher des cartes s’il en reste dans la pile (sinon on passe cette phase). Un nain qui aurait joué un chemin ou une action pourrait piocher une carte, celui qui s’est défaussé en pioche autant qu’il en a perdu.
Une manche s’achève quand tous les trésors ont été récupérés, ou que la pioche est épuisée et que plus personne ne peut rien jouer. Les nains révèlent alors leurs rôles. Un nain égoïste reçoit autant de points que de trésors qu’il a récupérés, les autres mettent leur trésor en commun avec leur vrai camp, et se partagent les cartes ainsi trouvées. Cela signifie bien sûr que si un nain n’a trouvé aucun trésor et que ses deux coéquipiers en ont trouvé trois, le premier recevra tout de même sa part du butin, ce qui n’est que justice : cela voudra dire qu’il a préféré construire ou gêner les adversaires pour aider ses alliés à trouver les mines. Il peut arriver que la répartition ne soit pas équitable, si dans un clan de trois nains deux ont trouvé un trésor valant 2 points et le troisième un trésor en valant 4. Celui qui a trouvé le plus gros trésor le conserve alors.
Il est bien sûr possible d’arrêter là une partie, on se sera bien amusés à se trahir les uns les autres ou se méfier les uns des autres, au risque d’être un peu frustrés par le peu de points reçus, et donc un relatif arbitraire dans la hiérarchie finale des joueurs. C’est pourquoi les règles de Saboteur : La Grande Aventure invitent à jouer une deuxième manche en remettant tout à zéro pour procéder à une nouvelle répartition aléatoire des rôles, des mines et des trésors. On y perdra en immersion ce que l’on gagnera en satisfaction finale.
La partie s’achève donc normalement après deux manches. Il va de soi que vous pouvez en faire une troisième, mais Saboteur reste un jeu léger, plaisant pendant 30-40 minutes, dont il serait dommage qu’il devienne fastidieux en le faisant durer trop longtemps. Évidemment, plus la partie sera longue, plus les scores distingueront vraiment les joueurs, cela dépendra donc des envies de la table. Au terme du nombre de manches prévues, les joueurs avec le plus grand nombre de points remportent la partie.
Saboteur : une grande aventure plus réussie que la petite ?
Saboteur : La Grande Aventure est une proposition ludique curieuse en ce qu’elle ne s’adresse pas vraiment à ceux qui possèdent déjà le Saboteur, et qui ne trouveront pas grand intérêt à posséder les deux jeux. Ce qui ne signifie aucunement qu’un amateur du Saboteur n’aimera pas La Grande Aventure, au contraire, tous deux proposent justement des sensations similaires, à cette différence que le premier tient plutôt du jeu d’apéritif et de voyage, et le second du jeu familial. Dans les deux cas, on s’amusera donc vraiment de la paranoïa des joueurs, des coups bas constants, de cette course dynamique et semée d’embûches vers les mines. D’autant que s’il s’agit d’un jeu d’ambiance, laissant une bonne part au hasard, la rejouabilité est correctement assurée par les éléments de variété des parties, et l’ajout des nains égoïstes crée plus d’incertitude encore, et équilibre davantage les parties pratiquées par un nombre impair de joueurs !