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Photosynthesis – jeu nécessaire (et superbe) sur un thème nécessaire

Photosynthesis – jeu nécessaire (et vraiment beau) sur un thème nécessaire

 

Ces derniers temps, j’ai parlé à plusieurs reprises de mon intérêt pour les jeux familiaux élaborés par des maisons d’édition s’intéressant d’abord à un public enfantin très jeune. Les œuvres qui en découlent témoignent ainsi d’un véritable soin matériel, parfois jusqu’à l’ « effet waouh », et d’une alliance assez fine entre accessibilité (donc concision des règles, clarté des mécaniques en nombre réduit) et tacticité (pour intéresser tous les publics, même aguerris). Haba (MountainsIquazùKarubaHonga) donne ainsi de bons exemples d’une logique que nous avions d’abord constatée chez Blue Orange, particulièrement dans son détonnant et superbe Planet. Or l’un des jeux les plus éminents de cette tendance, édité par Blue Orange peu avant Planet, était le Photosynthesis de Hjalmar Hach, illustré par Sabrina Miramon, dont le titre traduit déjà la cohérence thématique avec la démarche environnementale de l’éditeur.

Comme la plupart des jeux similaires, Photosynthesis s’adresse à deux à quatre écologistes de huit ans et plus, pour des parties sensiblement plus longues que la norme, 45 à 60 minutes, et est disponible pour 35 euros 90.

Photosynthesis Blue Orange

Lutte lumineuse contre la déforestation

Au début d’une partie de Photosynthesis, le plateau central est vierge, plat, vert mais morne, de sorte que les joueurs auront pour mission de la reforester généreusement, idéalement avec les arbres de leur couleur (leur « essence »). Chacun choisit ainsi cette essence, et prend le plateau individuel et les 14 arbres correspondants, 1 jeton Soleil et 6 graines. Seules 2 de ces graines, 4 de ces petits arbres et 1 de ces arbres moyens sont disponibles en début de partie, et placés à côté du plateau, le reste trouvant sa place sur des emplacements dédiés, y compris le jeton Soleil, qui commence sa course sur le 0 du compteur solaire.

En commençant par le joueur le plus jeune, chacun place à tour de rôle un petit arbre disponible sur la bordure extérieure de la forêt à venir, jusqu’à ce que deux arbres aient ainsi été posés par joueur. L’indispensable Gus propose une variante de placement qu’il me semble également très judicieux d’adopter : une fois que tous les joueurs ont placé un arbre, le dernier en replace un et on finit dans le sens contraire des aiguilles d’une montre. L’idée est ainsi d’éviter que le premier joueur s’expose deux fois à l’agressivité des autres (ce qui, à quatre, ne manquera pas d’arriver), d’autant que si les deux premiers arbres sont mal placés ou défavorisés, le reste de la partie va s’avérer difficile…

Enfin, le Soleil vient se positionner dans un coin du plateau marqué par un discret symbole, à proximité des jetons compte-jours.

Passé le moment de dépunchage et d’assemblage des arbres, qu’on ne réalise donc qu’une fois avant sa première partie, la mise en place est donc relativement rapide, et surtout très plaisante grâce à la beauté du matériel que l’on a sous les yeux. Il y a quelque chose d’assez saisissant à être face à un jeu sans aucune présence humaine, où l’on est impressionné par la seule joliesse des arbres que l’on a hâte de faire croître dans la forêt. Les pinceaux de Sabrina Miramon font ainsi merveille dans la simplicité, et on se délectera de découvrir dans les arbres et à leur pied d’adorables présences animales. Il est alors un peu dommage qu’il ne soit pas si aisé de ranger tout le matériel dans la boîte en évitant que les plateaux n’appuient contre les arbres au risque de les abîmer…

Cela n’empêchera pas d’apprécier d’emblée la force d’un titre où le seul matériel donne envie de placer des arbres, comme Planet inspirait le désir de constituer le meilleur habitat pour le plus d’espèces possibles, et tout cela de façon joyeuse et lumineuse, en se laissant emporter par les couleurs de la nature et en se laissant séduire par l’impossibilité de nuire à ses adversaires.

 

Le cycle de la vie (arboricole)

Un tour de Photosynthesis se découpe en deux phases.

Pendant l’ensoleillement, le premier joueur déplace le Soleil dans le sens des aiguilles d’une montre vers le coin suivant de l’hexagone forestier. Une journée entière dure ainsi 6 tours, et une partie de Photosynthesis dure trois jours, soit 18 tours.

Chacun reçoit alors des points de lumière pour tous ses arbres exposés au Soleil : on regarde la direction des rayons, et l’on considère qu’un arbre empêche les arbres situés dans son ombre (dont la taille dépend de la taille de l’arbre) de capter la lumière de l’astre, sauf si ces arbres sont plus grands, bref c’est parfaitement intuitif. Un petit arbre exposé rapporte 1 point, un arbre moyen 2 et un grand arbre 3, marqués sur le compteur de soleil du plateau individuel.

La deuxième phase consiste à réaliser autant d’actions qu’on le souhaite en dépensant ses points de lumière. On peut ainsi acheter des arbres ou des graines du plateau individuel, pour un prix variant entre 1 point de lumière pour les premières graines accessibles à 5 points pour le deuxième grand arbre, et ainsi les rendre disponibles.

On peut également faire grandir un arbre du plateau central : pour 1 point, une graine devient un petit arbre, pour 2 points, un petit arbre devient un arbre moyen, et pour 3 points, un arbre moyen devient un grand arbre, à condition de posséder la forme finale de l’arbre dans sa réserve. La forme initiale, celle qui est alors remplacée, retourne sur le plateau individuel.

On peut par ailleurs planter une graine disponible sur le plateau central, à proximité d’un de ses arbres, donc à une case d’un petit arbre, à une ou deux cases d’un arbre moyen, à une, deux ou trois cases d’un grand arbre. Notons que chaque case ne peut être utilisée qu’une fois pendant un tour, même s’il reste des points de lumière au joueur : un arbre qui vient de grandir ne pourra ainsi pas susciter de graine et inversement, ce qui, encore une fois, est parfaitement naturel.

On peut enfin marquer des points en acceptant qu’un grand arbre a fait son temps. Pour 4 points de lumière, on le repose alors sur le plateau individuel (toujours à condition qu’il n’ait fait l’objet d’aucune autre action ce tour-ci) et l’on pioche le premier jeton de score de la pile correspondant à la case où poussait son arbre. Ces cases représentent en effet une à quatre feuilles, ce qui correspond à quatre piles de score. Les cases à quatre feuilles se trouvent au centre de la forêt (la zone la plus difficile à atteindre et la plus réduite), les cases à une feuille en bordure, là où sont placés les premiers arbres. Mettre fin au cycle de vie d’un grand arbre sur une case à quatre feuilles vaut logiquement beaucoup plus de points (jusqu’à 22) que de récupérer un grand arbre en bordure de forêt, et les jetons au sommet d’une pile valent davantage que les jetons inférieurs.

Il y aurait à craindre qu’un tour puisse alors s’avérer assez long, compte tenu du nombre d’actions qu’un joueur peut réaliser avant de passer la main au joueur suivant. Non seulement on prendra cependant vite l’habitude de programmer ses actions pendant le tour des autres, surtout, on dispose rarement de tant de points que cela, puisqu’il n’est même pas réellement possible d’ « économiser » : pour accumuler les points, il faut planter et faire grandir des arbres, donc réaliser des actions qui coûtent des points. Et éviter d’en réaliser un certain temps expose au risque que nos arbres se trouvent ombragés par les arbres des autres, et ne rapportent donc plus rien. Les joueurs sont ainsi spontanément incités à agir constamment pour la nature.

Une fois que tous les joueurs ont réalisé un tour, le jeton Premier joueur passe au suivant, qui recommence la rotation du Soleil, et ainsi de suite. À chaque rotation complète du Soleil (chaque jour qui passe), un jeton Compte-jours est retiré, le suivant indiquant combien il reste de jours à jouer. Contrairement à d’autres jeux où l’on pourrait oublier de marquer un tour, il est impossible de ne pas y songer dans Photosynthesis : l’accumulation cruciale des points de lumière est rendue possible par l’ensoleillement, donc par la rotation du Soleil, donc par le passage des jours. C’est ce qui rend le jeu si élégant, tout se fait selon une logique à la fois naturelle et mécanique.

Au bout de trois jours, la partie s’achève. Les joueurs ajoutent 1 point par tranche de 3 points de lumière non utilisés à la somme de leurs jetons de score, et celui qui possède le meilleur résultat est sacré meilleur défenseur de la forêt. En cas d’égalité, celui qui occupe le plus grand nombre de cases de forêt remporte la partie.

Le livret de règles de Photosynthesis en ajoute deux optionnelles, à appliquer séparément ou ensemble, tout à fait sympathiques : la boîte comportant un jeton compte-jours 4, il est possible de jouer en 24 tours au lieu de 18. Surtout, on peut interdire de faire grandir un arbre ou de planter une graine à l’ombre d’un autre arbre. La règle est assez passionnante, puisque l’ombre prend soudain beaucoup plus d’importance, et que l’on peut ainsi tenter de gêner bien davantage ses adversaires qu’avec les règles standard, en même temps qu’on devra prévoir les déplacements du soleil pour qu’un arbre ne soit pas empêché par sa propre ombre de planter une graine. Un renouvellement de l’expérience qui exige naturellement de s’être habitué aux mécaniques de Photosynthesis, mais qui s’avère particulièrement intéressant à deux joueurs, tandis qu’à quatre on sombre dans un amusant chaos qui peut aussi être recherché sans autoriser la même profondeur.

 

 

Un indispensable, tout simplement

Photosynthesis, c’est d’abord une formidable synergie de talents, celui de Hjalmar Hach, déjà admiré sur Dragon Castle, celui de Sabrina Miramon, à qui l’on doit Planet et le récent Montmurail, celui de Blue Orange, dont on reconnaît aussi bien les préoccupations écologiques que le soin éditorial. Tout cela permet à Photosynthesis d’être plus accessible que Nemeton, plus éblouissant qu’Arboria, plus efficace aussi dans son message, tout en s’avérant fluide, tactique et astucieusement interactif. Avec Kingdomino/Queendomino, dans une à peine moindre mesure PlanetPhotosynthesis contribue à imposer Blue Orange comme un éditeur majeur aux créations aussi importantes que bienvenues.

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