Accueil Lifestyle Culture Geek Celestia – bluff et anticipation au pays des merveilles

Celestia – bluff et anticipation au pays des merveilles

Celestia – bluff et anticipation au pays des merveilles

 

Blam ! est une jeune maison d’édition fondée par quatre passionnés à Sillingy, petit village de Haute-Savoie. Leur spécialité, la création d’un enchantement thématique et ludique avec des jeux à l’appréhension simple, mais comportant ce qu’il faut de subtilités pour susciter une excellente ambiance autour de la table.

Leur jeu le plus emblématique est probablement Celestia, qui avait été élu huitième meilleur jeu de l’année 2016 par les joueurs de TricTrac, avec pas moins de 2294 votes. Et si vous vous dites que finir huitième n’est pas vraiment gage de qualité, souvenez-vous que 2016 est l’année des Scythe, Codenames, Conan, Isle of Skye, Mombasa, Orléans, Star Wars : Rébellion, autant de jeux immédiatement cultes, et que Celestia n’a que 300 points de moins que Kingdomino. Pas mal.

L’auteur états-unien à succès Aaron Weissblum, ancien mathématicien et collaborateur très régulier d’Alan R. Moon (Les Aventuriers du Rail), avait au commencement conçu Cloud 9, mais le jeu peinait à décoller en France.

 

Célestia Cloud 9

 

Blam ! est pourtant convaincu qu’il y a de quoi en faire un jeu passionnant si on en garde les principes directeurs, mais qu’on en revoit le thème, l’équilibrage, certaines mécaniques, et surtout les illustrations. L’éditeur les confie ainsi au Lyonnais Gaétan Noir, un dessinateur talentueux dont le style onirique se prête idéalement à un jeu d’exploration de cités célestes. Celestia est donc loin de n’être qu’une traduction de Cloud 9, on est même plus proches d’un nouveau jeu que d’une localisation, comme la comparaison entre le matériel des deux jeux le révèle assez bien.

Ce jeu d’ambiance familial (pour les huit ans et plus) disponible pour un peu plus de 20 euros peut se jouer en une petite demi-heure de deux à six, et il est d’ailleurs tout à fait convaincant dans toutes les configurations, malgré quelques pouvoirs moins intéressants à deux.

 

 

Voyage dans les villes célestes

Celestia propose aux joueurs d’embarquer dans un aéronef, l’un incarnant son capitaine, les autres les passagers, afin d’explorer des villes célestes de plus en plus lointaines et d’y récupérer des trésors de plus en plus rares. Comme vous pourrez le voir dans le carnet de développement de l’éditeur, tous les éléments de Cloud 9 ont été repensés, là où dans le premier jeu, seule la nacelle dans laquelle on plaçait les pions des joueurs relevait d’une certaine originalité, le reste étant très fonctionnel.

Steampuk oblige, la nacelle est remplacée par un aéronef à monter soi-même (assez facilement) à partir de pièces en carton épais. Au lieu d’un plateau pour matérialiser les différentes villes en autant de cases, celles-ci sont représentées par des tuiles que l’on dispose sur la table, par exemple de façon verticale ou en ovale, la disposition que j’ai préférée parce qu’elle me semblait faire moins « jeu de société », ce qui était justement la raison pour laquelle le plateau avait été abandonné. Ainsi, les villes sont réellement distinctes les unes des autres, et on a davantage l’impression de s’envoler pour se déplacer vers la suivante, puisqu’il faut déplacer l’aéronef au-dessus d’une portion de vide.

Un détail qui n’est pas si dérisoire, le monde se divisant en deux types de lieu, les villes où l’on récupère des trésors, et le vide où l’on s’expose à divers dangers

Saut dans l’inconnu

Une fois qu’on a choisi un capitaine, celui-ci lance le nombre de dés indiqué sur sa prochaine destination. Les dés ont six faces : deux blanches, une « pirates Lockhars », une « oiseaux-Damok », une « nuages épais » et une « foudre ». Si les dés tombent sur une face blanche, il ne se passe rien, tandis que les autres faces indiquent des événements à affronter.

Les passagers décident alors s’ils préfèrent descendre de l’aéronef, et prendre un trésor de la ville dont ils partaient, ou faire confiance dans les capacités de leur capitaine.

Or chaque joueur a reçu 6 (à 4 joueurs et plus) ou 8 cartes (à 2 et 3 joueurs). Pour contrer une face « pirates », le capitaine doit jouer un canon, dans les nuages il doit s’aider d’une boussole, la foudre peut être détournée grâce au parafoudre, et les oiseaux éloignés grâce à la corne de brume. Naturellement, les passagers ne savent pas quelles cartes le capitaine a dans la main, et naturellement, tous les objets ne sont pas présents en quantité égale : parmi les 68 cartes équipement, 20 sont des boussoles, et seulement 14 des canons. Les passagers doivent donc évaluer leurs chances d’en réchapper à partir du nombre de cartes que le capitaine a en main en espérant qu’il possède les bonnes.

 

Ce n’est que quand tous les passagers ont décidé de rester ou de descendre que le capitaine joue ses cartes (il est obligé de le faire s’il le peut). S’il a pu contrer toutes les épreuves, l’aéronef se pose dans la cité suivante, et le joueur à gauche du capitaine devient à son tour capitaine. Il lance alors les dés, et c’est reparti.

Si un capitaine n’a pas pu contrer toutes les épreuves, il ne joue aucune carte de sa main, et l’aéronef s’échoue. Tous les joueurs reprennent alors au point de départ, un nouvel aéronef est affrété, le joueur suivant devenant capitaine. Pour se préparer à ce nouveau voyage, tous piochent un nouvel équipement.

Il n’existe donc que deux moyens de récupérer des trésors : renoncer à poursuivre l’aventure, ou être seul dans l’aéronef. Si tous les joueurs ont renoncé à continuer et que le capitaine parvient seul dans la ville suivante, il a en effet le choix entre poursuivre son chemin, en restant donc capitaine, et descendre, en récupérant le trésor correspondant. Il y a donc toujours un moment où il faut savoir s’arrêter, d’autant que les villes les plus éloignées sont certes les plus riches (leurs trésors valent plus de points), mais aussi les plus dangereuses (elles peuvent exiger le lancer de quatre dés pour les deux dernières). Or arrive fatalement un moment où même le plus chanceux des capitaines n’a plus d’équipements dans la main…

On ne pioche en effet qu’une carte à chaque crash. Il arrive donc assez vite un long moment où les joueurs vont descendre immédiatement (et peureusement) de l’aéronef, récupérer un trésor dérisoire, attendre un crash imminent et piocher une carte équipement, dans le but de mettre assez de cartes de côté pour faire prochainement un voyage réellement fructueux.

Du stop-ou-encore avec beaucoup de fourberie

Comme Fruit Ninja, Celestia est donc un jeu dit de « stop ou encore » : les joueurs peuvent choisir de s’arrêter ou de continuer pour améliorer considérablement leur score, au risque que le hasard leur soit défavorable. Évidemment, s’il ne s’agissait que de hasard, le jeu ne serait pas très intéressant. Très vite, les joueurs apprendront à bluffer, notamment le capitaine, qui a tout intérêt à laisser croire qu’il pourra résoudre les problèmes même quand il ne le peut pas, préférant que tout le monde échoue avec lui plutôt que de laisser des points aux autres.

Par ailleurs, le fait de ne piocher qu’un équipement à chaque crash permet de deviner à peu près la main des autres joueurs : celui qui, en tant que capitaine, a crashé l’aéronef parce qu’il n’avait pas de canon, a relativement peu de chances d’avoir pioché précisément cette carte, et on saura, la prochaine fois qu’il sera confronté aux pirates, qu’il vaut mieux débarquer, a fortiori si les dés indiquent deux attaques de pirates.

Enfin, les équipements ne consistent pas qu’en boussoles, parafoudres, cornes de brume et canons. Le deck comporte de fait cinq types de cartes spéciales. Les turbos (en huit exemplaires) permettent de résoudre un seul événement, et le capitaine a le droit de les garder en main s’il préfère les utiliser lorsque le voyage lui en paraîtra plus digne. Le débarquement (deux exemplaires) permet de débarquer un joueur (en dehors du capitaine) juste après sa décision de poursuivre le voyage. Avec le jetpack, un joueur échappe à un crash et récupère un trésor de la dernière cité visitée avant de retourner au début. L’itinéraire bis permet au capitaine ou aux joueurs de relancer les dés du choix du capitaine, même si ce dernier a déjà reconnu qu’il ne pouvait sauver l’aéronef. Au contraire, le coup dur permet à n’importe quel aventurier (même et surtout s’il n’est plus dans l’aéronef) d’obliger le capitaine à relancer tous les dés dont la face était blanche, même s’il s’était dit capable de surmonter les épreuves du premier lancer de dés…

Il faut ajouter à cela la longue-vue, qui est en fait un trésor que l’on peut trouver dans les quatre premières cités. Elle ne vaut normalement que deux points (il en faut cinquante au début d’un voyage pour mettre fin à la partie), mais peut aussi être utilisée par un capitaine ou un passager pour ignorer tous les événements et arriver à la cité suivante si le capitaine s’était dit incapable de continuer.

Ces objets et pouvoirs imprévisibles et précieux font bien entendu le sel de Celestia. S’il y avait un certain plaisir à tenter la chance en restant dans l’aéronef, ou en laissant le capitaine à son sort misérable, ce sont eux qui créent une véritable ambiance autour de la table, suscitent colère amusée ou légère reconnaissance, bref font sourire les joueurs qui savent que tout est possible.

Celestia, le petit enchantement de Blam !

Celestia assume entièrement d’être un jeu d’ambiance, laissant une grande part au hasard (dans les trésors, les cartes que l’on pioche et que le capitaine a en main, les dés) et privilégiant l’ambiance sur la tactique. Weissblum et Blam ! ont cependant su y apporter ce qu’il fallait de variété, de manipulation du hasard et de fourberie pour susciter un plaisir que les « stop ou encore » purement chaotiques épuisent après une partie. Une grande partie du plaisir est bien entendu due à la qualité matérielle de Celestia, à la manipulation de l’aéronef sur les jolies et très fantaisistes cités dans les nuages.

Si vous craignez que les parties ne deviennent un peu répétitives après un certain nombre de parties, sachez qu’il en existe deux extensions ingénieuses, « Coup de pouce » qui donne des pouvoirs uniques aux joueurs et ajoute des cartes spéciales, et « Coupe de théâtre », qui introduit la chaloupe, dans laquelle un joueur pourra poursuivre l’aventure seul ! Le matériel peut par ailleurs être enrichi par un superbe tapis de jeu (qui remplace les tuiles de ville) et un joli set de pions-personnages.

 

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