La Planète des singes 3 – conclusion à « la meilleure franchise américaine des années 2010 » ?

 

Après plusieurs débats passionnés autour des sorties récentes de The CircleValérianDunkerque, les rédacteurs de VonGuru parviendront-ils à un consensus autour du troisième et ultime opus de La Planète des singes, déjà élevé par les Inrocks au rang de meilleure franchise américaine des années 2010 ?

 

 

Moyocoyani : La Planète des singes 3, un bijou trop brut

Ce qui frappe d’emblée avec le succès de la trilogie La Planète des singes, c’est qu’il est une frappante exception dans le milieu des licences de blockbusters de ces dernières années par son ton, étonnamment sérieux et premier-degré à une époque où le drame humoristique à la Marvel semble être devenu LE genre à imiter, au point de contaminer la Warner. Il était ainsi logique qu’elle soit produite par la 20th Century Fox, le même studio qui, avec ses X-Men au cinéma (et donc Logan récemment) et dans les séries (Légion) fait de la résistance à la standardisation presque nécessaire d’une industrie cherchant à tout prix à décrocher le milliard de bénéfices pour chacune de ses réalisations.

Le deuxième élément frappant d’emblée avec La Planète des singes, c’est que contrairement à ce que fait le monde entier, y compris la Fox d’ailleurs, il n’a jamais été question d’en prolonger le succès dans un interminable univers étendu. Annoncé tout de suite comme une trilogie, la trilogie a respecté son engagement sans diviser le dernier film en deux ou promettre de spin-offs. Certes il s’agit déjà en quelque sorte d’une trilogie de préquelles, mais de préquelles à aucun film défini : comme il n’est pas évident qu’ils se situent dans la continuité des films des années 1960-1970 ou de celui de Tim Burton, ils fonctionnent dans une certaine autonomie tout en jouant sur le fait que tous les spectateurs en connaissent le dénouement d’emblée. Comme une vraie tragédie, nous sommes supposés nous intéresser à la manière dont la conclusion est amenée davantage qu’à l’idée de la conclusion, l’extinction/soumission de l’humanité étant comprise dans le titre-même de la saga et dans l’imaginaire commun.

On ne saurait assez insister sur les risques pris dans cette super-production : mettre 150.000.000 de dollars dans un film dont les personnages principaux sont des singes, la plupart ne parlant même pas autrement que par signes, anthropomorphisés dans leurs sentiments mais pas dans leurs comportements, et où les humains ne jouent qu’un rôle d’antagonistes alors même qu’ils cherchent à préserver notre espèce, et tout cela sans références pop ou second degré constant, malgré une violence empêchant l’accessibilité au tout-public, tient presque du suicide commercial… Et aussi triste que cela soit à dire, on comprend dès lors que La Planète des singes 3 : Suprématie cède à quelques facilités.

Commençons par le commencement : la première demi-heure est absolument formidable et tient du chef-d’oeuvre. Il s’agit de la partie qui donne son titre original au film, War for the Planet of the Apes, puisqu’elle présente à proprement parler le conflit entre les deux camps. Moi qui déteste les cartons d’introduction, il m’a même fallu pardonner à ceux qui entament La Planète des singes 3, deux cartons résumant les deux premiers films et le troisième expliquant l’ellipse entre L’Affrontement et Suprématie, chacun s’obligeant à inclure le titre du film correspondant et à la mettre dans une taille supérieure et en rouge. C’est certes évocateur, mais un bon petit montage d’images des précédents films n’aurait-il pas été tout à fait aussi satisfaisant tout en restant de l’ordre de l’iconographique ? Pour une fois, je n’en suis même pas sûr, puisque ces cartons ne se situent même pas avant le film sur fond noir, ils se surimposent aux premières images, ce qui fait qu’on est directement plongé dans le film malgré le texte, et dès les logos des studios qui ne jouaient pas leur thème mais faisaient entendre des bruits de branchages et d’oiseaux, nous préparant à la scène où des soldats s’avancent très lentement dans la forêt vers un camp de singes.

On commence en effet par suivre une opération humaine, extrêmement riche de sens puisque le parallèle avec Full Metal Jacket aussi bien qu’avec Apocalypse Now est frappant : les casques portent tous des slogans rappelant le premier, l’idée de suivre des soldats américains en petit nombre, armés jusqu’aux dents et très discrets dans un environnement qui n’est pas le leur, où l’ennemi a davantage ses marques, évoquant tous les films sur la guerre du Viêt Nam. Comme dans ces films, les soldats sont aidés par des traîtres à leur cause, en l’occurrence des singes ralliés opportunément à la cause dont ils sont persuadés qu’elle triomphera malgré la domination qu’exercent sur eux les hommes. Et comme dans la plupart des films sur la guerre du Viêt Nam, ce procédé nous fait ressentir plus d’empathie pour ceux qui sont pris en embuscade que pour le commando avec lequel on devrait pourtant avoir plus d’affinités (parce qu’américain/humain).

 

 

Grâce à cette scène, puis à celle de l’affrontement, j’ai complètement révisé mon avis sur Matt Reeves, dont L’Affrontement m’était seulement apparu comme l’heureuse exception d’une filmographie peu relevée par Cloverfield et vouée aux gémonies par Let me in, l’indigne remake du génial Morse… Peu de spectateurs résisteront en effet à l’accepter enfin comme le réalisateur de Batman quand ils feront face au caractère épique et catastrophique saisissant de ces images, superbes dans leur colorimétrie, leur photographie, leur mise en scène, d’une horreur audacieuse et fascinante dans le massacre représenté.

Si le talent de réalisation de Matt Reeves et celui de chef op’ de Michael Seresin sont donc confirmés avec brio, ce sont malheureusement les capacités d’écriture de Reeves et du scénariste Mark Bomback (Die Hard 4, le Total Recall de 2011, Jack le chasseur de géantsCinquante nuances de gris, déprimant je sais…) qui font le plus redouter l’intention du premier de chapeauter entièrement les prochains films Batman. Dès qu’il s’agit de raconter quelque chose et donc de ne plus seulement montrer, plus rien de sublime, on passe du tout à fait acceptable à l’accumulation de grosses ficelles et de coïncidences sur la dernière demi-heure…

Naturellement, la plupart des clichés sont plus acceptables du fait qu’ils se rapportent à des singes et non pas à des hommes : il est amusant de se dire que le seul fait d’utiliser un cliché, par exemple celui des retrouvailles larmoyantes entre une personne qui rentre de plusieurs mois d’opération au loin et de sa femme, participe à l’anthropomorphisation des singes puisqu’on est habitués à les voir utilisés pour des êtres humains, et en cela c’est assez malin, mais il ne faut pas exagérer dans l’apologie du cliché, surtout répété à la nausée, entre les situations si positives que l’on sait qu’un personnage va mourir dans les minutes à venir, les corrélats objectifs grossiers (ces objets qui servent à susciter des sentiments en prenant de plus en plus de valeur pour différents personnages au cours de l’intrigue), l’« indispensable » sidekick rigolo, qui n’est pas assez discret pour dissimuler sa fonction pourtant très dispensable…

Il faut ajouter que les enjeux sont souvent trop explicités, ce qui rend ridicule qu’un personnage soit félicité pour son intelligence quand il constate une chose que l’on avait comprise depuis quelques temps, et surtout ce qui nuit à l’élaboration psychologique de figures résumées à leur utilité dans l’intrigue, César y compris, puisque son extrême émotivité le rend bien moins intéressant qu’il n’avait pu l’être dans le second opus, tandis que le « colonel » (cependant formidable Woody Harrelson) répond trop prévisiblement au cahier des charges du grand-méchant-qui-a-subi-un-traumatisme-émouvant-mais-qui-est-quand-même-complètement-fou, même si son personnage a visiblement subi des errements d’écriture. Complètement fou au début, obsédé par l’idée qu’il fait l’Histoire au point que ses premiers mots à César sont les grands duels de l’histoire américaine (Custer-Sitting Bull, Grant-Lee…), il n’est plus qu’un général dont la pragmatique est à peine teintée de mysticisme par la suite, juste assez en fait pour continuer de dévaloriser ses idées aux yeux du spectateur plutôt que de lui offrir la profondeur qu’il mérite…

 

 

Cette faiblesse scénaristique culmine dans le dernier quart du film, tandis que La Guerre pour la Planète des singes a viré au film de camp de concentration et qu’il faut bien en faire sortir les personnages… Plus rien ne fonctionne dans cette avalanche d’heureuses coïncidences et d’insupportables incohérences, qui réussit même à pourrir une référence tellement inattendue qu’elle touche au grandiose à la rencontre entre Ben-Hur et le Christ ! D’autant que l’irruption d’un nouveau camp (toujours excellent dans l’idée) rend le propos de cette lutte supposée définitive pour la suprématie on ne peut plus confuse, avant une conclusion mosaïque d’une grave stupidité (et qui sent le tournage de dernière minute dans son inachèvement technique)…

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La Planète des singes : Suprématie aurait pu être plombé par ces erreurs d’une inexplicable médiocrité. Même si elles ne peuvent manquer de faire régulièrement sortir le spectateur de l’action, elles ne parviennent pas à prendre le pas sur la fascination que l’on peut avoir pour cette histoire hors-normes, sur le montage et la photographie qui procurent du plaisir à chaque scène sans recourir à la vaine sur-esthétisation d’un Kong : Skull Island, sur une réalisation follement épique du début à la fin sans avoir recours à des slow-mo constants, appuyée par la musique d’un Michael Giacchino bien plus inspiré que pour Rogue One ou Spider-Man : Homecoming,qui pourtant peine parfois à être tout à fait dans le ton et ne bénéficie pas toujours d’un montage sonore curieux, mais dont la musique fonctionne globalement assez bien pour compter parmi ses compositions les plus réussies.

Un must-see qui inspire d’inénarrables regrets tant il avoisinait le chef-d’oeuvre, et qui même inférieur au second est malgré tout peut-être le meilleur blockbuster de l’été, un exemple pour le cinéma américain, et une conclusion qui nous ferait presque rêver d’un nouveau film La Planète des singes définitif dans la même continuité.

 

 

 

 

 

Niks : La Planète des Singes, un joli film pour conclure décemment la trilogie

 

Décidément, cet été est riche en blockbusters en tous genres. Que ce soit Dunkerque, Valérian, Spider-Man et dans une moindre mesure Cars 3 et Les Minions, les billets ont été balancés à qui mieux mieux pendant la période estivale. Si je n’attendais pas grand chose du Valérian de Besson, c’était autre chose pour cette fin de la Planète des Singes puisque j’avais été subjugué par le deuxième film et le personnage de César. Bien calé dans mon ciné de campagne (en VF donc), lunettes 3D sur le nez, on retourne dans le pays de la CGI.

 

 

Je n’ai pas été dépaysé par le début de ce film, puisqu’à l’instar de l’opus numéro deux, la première partie du film est incroyable. En fin de compte, la trilogie aurait été tout aussi réussie, si on ne s’était pas encombré de toute cette histoire sans intérêt avec les humains et de cette survie triviale. L’introduction fait donc office de documentaire sur la vie des singes, ce qui est toujours plus intéressant que le côté ennuyeux de la société humaine. D’ailleurs, ces derniers font office d’antagonistes seulement, à la différence du deuxième épisode par exemple où l’on pouvait suivre l’histoire de Malcolm et Dreyfus.

Un film plus centré sur les singes donc, ce qui n’est pas plus mal dans un sens puisque l’immersion est totale même si l’anthropomorphisme exacerbé de César nous rappelle trop souvent un humain normal et charismatique. Car César ne manque pas de charisme et la fin de cette trilogie m’a convaincu d’intégrer ce personnage dans la liste de mes héros préférés. Il en va de même pour Andy Serkis et sa tête en motion capture pour celui qui est un de mes acteurs favoris. Je le répète mais ce singe m’a fasciné durant les trois épisodes. Ce qui m’a permis d’occulter cette aura biblique qui l’entoure dans ce film…

 

 

Beaucoup de références à la Bible

Dans les films américains, les références au patriotisme et/ou à la Bible sont légion, surtout quand on parle de blockbusters. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder certains films de super-héros qui n’hésitent pas à déclarer leur amour à l’Oncle Sam (Captain America ou Spiderman 3 de la première trilogie) ou leurs références à Jésus-Christ (Superman : Man of Steel). Sans rentrer dans le complot antisémite, l’histoire de La Planète des Singes : Suprématie fait quelques références assez lourdes qui ont fini par me gêner.

Sans rentrer dans le spoiler, nous balancerons donc pêle-mêle : les signes de croix, l’Apocalypse, Judas, Moïse, ou le jardin d’Eden. Même le personnage de la petite fille n’est pas sans rappeler un ange. Si on ajoute à cela, une dernière partie de film qui nous rappelle une période des plus sombres de l’histoire (camp de concentration et travail forcé des prisonniers aboutissant à leur mort), on est en droit de se questionner sur le bon goût du scénario.

 

Attention, question piège : qui sont les méchants ?

 

Les méchants humains pour tout gâcher

Encore une fois, les humains/Américains viennent tout gâcher. Que ce soit la vie paisible de nos compagnons simiesques ou le scénario de cette histoire, Woody Harrelson et sa bande sont là pour empêcher le film d’entrer dans une autre dimension. Il aurait peut-être été plus judicieux de faire comme Dunkerque et de ne pas expliciter les ennemis tant l’histoire devient bancale une fois que la confrontation arrive. C’est d’ailleurs une confrontation assez étrange totalement différente de ce que la bande-annonce nous laissait croire.

Le film n’en demeure pas moins totalement prévisible. Et si les passages dantesques devant les paysages magnifiques et la vie sociétale des singes permettent de cacher la forêt, là encore, les personnages humains sont présents pour tout ruiner. Et pourtant, il n’y a que deux personnages humains impactants ! Mais à l’instar de n’importe quel blockbuster basique, ces derniers sont insupportables et Matt Reeves a réussi avec succès à verser dans les clichés classiques. Tant et si bien que Woody Harrelson joue un psychopathe chauve dont le passif larmoyant ne suffit pas à créer une once d’empathie tant son personnage est stéréotypé et son degré de folie à son maximum. Ah je n’ai rien dit, il y a en fait trois personnages humains notables, même si la gamine ne compte pas vraiment (et son personnage n’est pas énervant).

Les personnages de singes sont pour leur part plutôt bien « écrits » et le fait qu’ils soient muets n’est pas sans rapport. C’est sans doute pour cela qu’on a tant de mal avec le fameux sidekick rigolo cher au blockbuster. « Méchant singe » (qui fait par ailleurs beaucoup penser à  du SdA…) tranche bizarrement avec le reste du film. Car si toute l’histoire est sérieuse du début à la fin sans gag stupide ou rire forcé, le personnage introduit ces deux notions à lui tout seul et on ne sait pas quelle posture adopter face à cela. Une volonté d’apporter un peu d’humour au film ? De faire rire le spectateur ? De relativiser la gravité de l’histoire ? Quoi qu’il en soit, le personnage ne fonctionne pas vraiment. Dommage.

Pourtant, ces défauts ajoutés à l‘humanisation sentimentale de César ne suffisent pas à gâcher le film. Beaucoup de scènes font mouche et nous sommes transportés dans cet univers si particulier. César a de la gueule et le film aussi. Un film à ne pas rater au cinéma, où la 3D prend tout son sens.

 

 

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Pour
  • Une première partie grandiose
  • Une bonne immersion dans l'univers
  • Montage et photographie au poil
  • Une société simiesque toujours aussi attachante
  • Une réelle volonté de se démarquer des autres blockbusters...
Contre
  • ... tout en demeurant souvent trop stéréotypé
  • Le film ne maintient pas la cadence de la première demi-heure
  • Un scénario très prévisible et une fin presque bâclée à force de facilités et d'incohérences
Scénario
Musique
Personnages
Interprétation
Réalisation
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