Hype Review – Captain America : Civil War et la phase 3

 

Bonjour et bienvenue dans Hype Review, la nouvelle publication irrégulière de Cleek dans laquelle il s’agira de commenter un film…avant sa sortie. Bandes-annonces, casting, filmographie de l’équipe technique, influences, tout y passera, afin de juger du degré légitime de hype suscité par le long-métrage en question, en essayant de pré-juger de sa qualité, mais toujours dans l’espoir qu’il finisse malgré tout par nous surprendre et surpasser toutes nos attentes !

Cependant, de même que la DVDthèque garantit l’absence de tout spoiler, on ne tiendra pas compte dans cette chronique des photos de tournage ou d’éléments de scénario leakés, dont nous estimons qu’ils risquent de détruire notre étonnement et donc notre plaisir face au film. Nous considérons au contraire que les données analysées étant officialisées par l’équipe du film et les studios eux-mêmes, elles appartiennent à une politique de marketing qui les diffuse pour créer un plaisir d’attente et accroître le plaisir de visionnage (et l’argent récolté). Et s’ils sont assez bêtes pour dévoiler un twist final dans des images promotionnelles, c’est leur problème, pas vrai ?

Enfin, n’hésitez pas à suggérer vous-même des titres de films dont la sortie est prochaine et sur lesquels vous souhaiteriez lire une analyse similaire !
Cette semaine, nous allons à nouveau aborder un film dont vous attendez la sortie comme le plus beau jour de votre vie, et dont la pensée vous plongeait en extase avant même que les trailers n’en soient dévoilés, un film dont vous ferez sans doute votre incontournable de 2016, je parle bien sûr de Captain America : Civil War. Ou peut-être n’est-ce pas si évident. Peut-être que la perspective des sept sorties super-héroïques d’ici octobre, dont deux de Marvel, réduit un peu la hype voire les fait apparaître comme bien plus dispensables que du temps du premier Avengers. La question n’en est évidemment que plus pertinente : faudra-t-il aller voir ce film à sa sortie dans les salles françaises le 27 avril ?

 

 

[divider]Continuation ou renouveau ?[/divider]

 

Soyons lucides, alors que la Fox vient de manifester une volonté de fraîcheur dans ses productions super-héroïques avec Deadpool et que DC commence à peine son univers cinématographique, continuant Man of steel avec deux des films les plus prometteurs de l’année, Batman v Superman et Suicide Squad, Marvel fait pâle figure. La Maison des idées brille autant à vrai dire par ses créations télévisuelles, sa collaboration avec Netflix ayant porté d’excellents fruits et s’annonçant très prometteuse, que son cinéma lasse, et il suffit de revoir les titres de ses films pour se rendre compte qu’aucun n’était excellent. Le premier Iron Man en était sans doute le plus agréable, parce qu’il tentait un mélange de premier et de second degrés particulièrement bien sentis, Avengers bénéficiait de l’effet de surprise, la joie de retrouver plusieurs héros connus dans le même film, et la même tonalité qui commençait à virer à la recette facile mais qui fonctionnait encore, et surtout un excellent méchant dans le personnage de Loki, qui sauva également le pourtant médiocre Thor. Captain America : First Avenger était admirable par le sérieux avec lequel était traitée une histoire courant à chaque seconde le risque du ridicule, bref, la « phase 1 » était plutôt une réussite, précisément par sa nouveauté.

Rien n’était alors plus risqué que d’envisager un calendrier s’étendant sur des années et plusieurs phases, la deuxième étant évidemment celle de la maturité du groupe, après une phase consacrée à leur formation et avant celle consacrée à leur rupture. Mais la seule véritable réussite de cette phase intermédiaire est les Gardiens de la galaxie, précisément parce que personne ne l’attendait, et ne s’attendait donc à un résultat aussi plaisant à regarder, l’introduction du sujet principal de l’univers étendu Marvel, le gant de l’infini, étant faite sur un mode presque exclusivement comique. Ant-Man fut également une surprise assez bonne, grâce à sa seule légèreté, le scénario et les personnages appartenant aux clichés les plus rebattus, incapables de se faire oublier tant la réalisation était pauvre. Thor : The Dark World, Avengers 2 : Age of Ultron et Captain America 2 : the Winter Soldier étaient quant à eux des échecs cuisants à tous points de vue, d’autant plus flagrants à vrai dire que les deux derniers ambitionnaient un discours politique assez fort, assez vite décrédibilisé du fait de leur représentation par des méchants stéréotypés, tous les problèmes pouvant apparemment être résolus par quelques explosions et coups de poing…

Il faut par ailleurs noter la mauvaise ambiance régnant sur les plateaux des films Marvel, entre les rivalités salariales entre acteurs – légitimes, quand on voit l’abyssale différence entre le traitement de Robert Downey Jr. et ses supposés coéquipiers, mais affligeantes en ce qu’elles prouvent la motivation très intéressée des acteurs – et surtout l’incapacité des studios à s’allier des bons réalisateurs : Joss Whedon a déclaré que le tournage d’Avengers 2 avait été un enfer et son film charcuté, Edgar Wright qui avait commencé à travailler sur Ant-Man est parti pour « différends artistiques », remplacé par Peyton Reed, alors que Kenneth Branagh avait réalisé le premier Thor, le deuxième a été confié à Alan Taylor… La signification de ces choix est claire : à une époque où le cinéma indépendant s’affirme chaque année davantage, les films Marvel veulent réincarner le cinéma de studios, où le réalisateur n’est que la marionnette des producteurs, et se voit donc confier un film non pour ses talents mais comme tâcheron dont aucune créativité n’est requise.

Captain America : Civil War semblerait déjà condamné si certains de ces défauts ne pouvaient devenir qualités : la phase 2, on l’a dit, fut d’autant plus décevante qu’elle nous rappelait la faiblesse générale de la phase 1, mais elle était pensée comme un remplissage pour montrer l’équipe à son meilleur avant de l’opposer dans la phase 3 à des épreuves plus sérieuses que la domination technologique du monde par une intelligence artificielle misanthrope ou le noyautage de l’organisation d’espionnage et de contre-espionnage la plus puissante au monde par une agence terroriste aux moyens illimités. Or, Captain America : Civil War est précisément la premier film de cette nouvelle phase, pensée comme bien plus ambitieuse, et qui a la chance de pouvoir tenir compte des critiques émises par rapport aux films précédents sans en souffrir économiquement – on vous expliquait déjà comment Disney avait évité la baisse de budget de ses films Marvel, et il faut rappeler que les plus caricaturaux restent techniquement assez impressionnants pour prévaloir dans le champ du cinéma d’action américain, et que les super-héros ont assez la cote pour que les revenus fassent exploser malgré tout les records connus des box-offices (sur les douze films déjà produits, un seul n’a pas été rentabilisé sur le seul territoire américain, L’Incroyable Hulk, auquel ses ventes à l’international ont tout de même permis de gagner presque le double de son budget).

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Cette pression bienvenue a en tout cas incité les studios à émettre les promesses les plus alléchantes et les plus inattendues, à commencer par l’adaptation du comics Civil War, paru en 2006-2007, l’une des meilleures aventures jamais imaginées dans l’univers Marvel, qui a cependant eu le malheur d’être outrageusement étendue par des aventures extrêmement inégales dans les directions les plus diverses. Pour attiser la curiosité des fans connaissant le comics, la Maison des idées a promis de l’adapter librement. Autorisons-nous une remarque cynique : il s’agit peut-être surtout de justifier l’absence des scènes-choc dans la film. Rappelons quand même, et nous ne mettrons pas de balise parce que ce spoil est connu de tous les lecteurs de comics, et que Marvel doit prendre en compte la connaissance de cette donnée pour ses projets, que dans le comics Captain America est assassiné, ce qui est peut-être l’événement le plus marquant dans cet univers depuis la mort de Gwen Stacy, la petite amie de Peter Parker, en 1973. Il faudra voir s’ils oseront se défaire ainsi de Chris Evans.

 

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[divider]Un synopsis et des images…encourageants[/divider]

 

De même que dans Batman v Superman : Dawn of Justice, les Avengers sont mis face à leurs responsabilités suite aux nombreuses catastrophes auxquelles ils ont été liés – New York (Avengers), Chicago (Winter Soldier) et la Sakovie (Age of Ultron), et comme dans Batman v Superman, leur désaccord dans leur manière d’assumer ces événements et donc de juger la légitimité de leur action les conduira à se battre.

Alors que le gouvernement, soutenu par Iron Man, demande que tous les super-héros soient fichés, c’est-à-dire que leur identité civile soit connue et qu’ils puissent donc œuvrer comme des super-agents officiels du gouvernement plutôt que comme les armes secrètes d’une agence gouvernementale secrète, Captain America doute de la confiance que l’on peut placer dans l’État, à la realpolitik duquel il préfère l’action spontanée, motivée uniquement par le sens du devoir, des super-héros. Vient s’ajouter à cela un conflit autour de Bucky Barnes, l’ancien coéquipier de Captain America, dont le lavage de cerveau avait fait le soldat de l’hiver, mais qui paraît avoir retrouvé la mémoire, et que le gouvernement semble vouloir arrêter alors que Cap lui accorde sa confiance.

Alors que le premier trailer insistait de manière abusive sur Bucky, semblant en faire le seul motif de l’affrontement entre Cap et Iron Man, le deuxième s’avère bien plus satisfaisant en créant un lien inextricable entre différend idéologique et raisons personnelles. Mais les dernières images sont également surprenantes en ce qu’elles montrent tous les super-héros mobilisés, ce qui fait douter de la promesse de Chris Evans qu’il s’agira bien d’un film Captain America et non d’un troisième Avengers. D’autant que l’absence d’un Iron Man 4 dans la phase 3 nous laisse face à une alternative, soit ce film tiendra à la fois lieu d’Iron Man 4 et de Captain America 3, ce qui paraît une option intéressante, soit la Civil War sera essentiellement montrée selon la perspective  très consensuelle de Cap, ce qui serait une grande perte pour la profondeur du film.

Parce que si l’adaptation de la Civil War était si prometteuse, c’était justement par son intelligence contrastant avec l’essentiel des productions de la Maison des idées : comment ne pas attendre un film dans lequel les super-héros sont leurs seuls adversaires, et se livrant une guerre impitoyable non pour les motifs si pauvres d’une hypnose ou d’une trahison mais au nom de différentes visions du Bien ? Si la même problématique avait déjà été traitée assez définitivement par Watchmen, l’intérêt est évidemment de voir s’opposer des héros connus que le spectateur aime, dans un film créant de l’empathie pour les deux camps, pari qui semble assez réussi ici : alors que le spectateur a naturellement tendance à prendre le parti de Captain America contre Iron Man, l’idéaliste contre le pragmatique, la blessure (la mort ? mais ne rêvons pas trop) d’Iron Patriot dans son combat contre Bucky paraît un moment assez fort pour que nous comprenions mieux son acharnement contre Cap.

 

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Parce qu’il aura bien besoin de cette épreuve pour s’attirer l’attention d’un spectateur qui ne lui est pas seulement défavorable idéologiquement, mais qui sera bien incapable de comprendre après les événements de Winter Soldier et Age of Ultron qu’il accepte encore de se soumettre à un gouvernement qui n’a jamais réellement soutenu les Avengers, et est très probablement noyauté par l’Hydra, et qu’il reste fidèle à sa conviction qu’il faut tout mettre en œuvre pour stopper les catastrophes avant même qu’elles n’aient lieu, la création d’Ultron ayant dû servir de leçon au plus borné des hommes…

 

Il est en fait dommage qu’en essayant astucieusement d’amorcer ces pistes de réflexion dans les films précédents, Marvel ait à chaque fois démonté assez radicalement l’argumentation d’Iron Man, ôtant beaucoup de son intérêt à un film posant pourtant la question fondamentale de la conscience personnelle contre l’action étatique, de la supposée antinomie entre liberté et sécurité, et donc des fonctions que peut et doit assurer un citoyen. D’autant que les raisons que peut avoir le gouvernement d’exiger le recensement des héros peinent à convaincre, les trois crises évoquées ayant à chaque fois été résolues de manière optimale, tandis que dans le comics il s’appuyait sur l’explosion meurtrière provoquée lors de l’arrestation d’un gang de criminels très mineurs par une équipe de héros très mineurs pour une émission de télé-réalité – on comprend mieux la peur des citoyens à côtoyer au quotidien sans toujours les soupçonner des mutants ne maîtrisant pas toujours des pouvoirs destructeurs, et donc leur désir de contrôle par le gouvernement de tous les supers. Sans compter que dans les films Marvel les super-héros paraissent assez rares et travaillent presque tous dans les Avengers, une équipe sur laquelle le SHIELD avait déjà tous les renseignements imaginables…

 

La suite et la conclusion page 2 !