La Boîte à Musique :  Jhin – League of Legends

 

Bonjour à tous et bienvenue dans le dixième numéro de votre chronique musicale sur Cleek. Vous l’aurez compris, il sera question ici de musique, et plus particulièrement des musiques qui ont bercé et qui continuent de bercer l’univers geek, qu’il s’agisse de jeux vidéo, de films ou d’animés. Le format de cette chronique pourra varier d’un numéro à l’autre selon les musiques qui vous seront proposées. Présentations, analyses, extraits de partitions seront autant d’éléments que vous pourrez retrouver dans la boîte à musique de Cleek.

Vous l’avez sûrement remarqué tout au long de ces derniers jours : Cleek a suivi les différentes rumeurs et informations qui tournaient autour de la sortie du nouveau personnage de League of Legends : Jhin. Ce dernier, mis en avant au travers d’un somptueux trailer, et mis à la disposition des joueurs sur le PBE, ne devrait plus trop tarder à arpenter la Faille de l’invocateur. Aujourd’hui, c’est donc au thème de connexion de Jhin que nous nous intéresserons. Embarquez dans l’Esprit du Virtuose, Jhin !

Les anciens numéros : Final FantasyGame of ThronesLeague of Legends 1 & 2Les musiques rétrosInceptionWorlds Collide Les musiques horrifiquesHunger Games.

 

[divider]Présentation[/divider]

 

Énigmatique, sombre et dangereux, Jhin s’est révélé à la communauté de League of Legends il y a quelques jours au travers de son trailer de promotion. Si Riot a bien intégré une chose (à défaut d’un lobby de file classée qui fonctionne), c’est que l’impact du Lore ainsi que l’empreinte artistique qui encadrent un personnage étaient des plus importants pour la communauté de joueurs. Ainsi, au travers de personnages tels que Braum, ou encore Bard, Riot Games était parvenu, au travers d’un « simple » artwork et d’une « simple » musique à habiter l’esprit de son personnage, à lui conférer des caractéristiques humaines aussi précises que variées : le travail rencontre alors plus ou moins de succès, mais le moins que l’on puisse dire avec le petit dernier de la bande, c’est que tout semble pour l’instant lui réussir.

Jhin sera donc un personnage AD (mid, ADC ?) dont le Lore tourne autour des notions de meurtres, de mort et de beauté (rien que ça !). Il serait en fait une sorte de virtuose (comme le vend le trailer) appliquant son esthétique particulière dans les méfaits commis sur ses toiles artistiques, ses victimes. En ce qui concerne ces dernières, Sona, Zed, Garen et Vi seraient passés au travers du baiser mortel de Jhin, à en juger par leur icône de profil, modifiée pour l’occasion. Dans sa vidéo de promotion, les victimes rendaient donc leur dernier souffle (ahah) de façon symbolique, tandis qu’une effluve éthérée semblait se libérer de leurs corps. De la violence donc, mais aussi beaucoup d’élégance, de délicatesse ainsi qu’une notion capitale d’art, allié de la mort et de la souffrance. En route pour la musique de Jhin.

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[divider]Analyse[/divider]

 

Cela faisait bien longtemps, pour ma part, qu’une musique ne m’avait pas plu à ce point sur League of Legends. Après un thème musical énigmatique pour Kindred, le compositeur Edouard « Ed The Conqueror » Brenneisen nous propose la musique de login de Jhin, toujours empreinte d’un style classique et orchestral, très typé musique de film. Un parti pris intéressant et original, face à certains autres thèmes tout aussi beaux mais moins complexes et ambigus dans leur construction.

Pour parler tout d’abord des caractéristiques globales de la musique de Jhin, cette dernière possède, vous le verrez par la suite, plusieurs métriques (du quatre temps, du cinq temps…) ainsi que plusieurs modes/tonalités (mode éolien, sol mineur…) Quelque chose d’assez rare donc, dans un extrait musical, d’ordinaire assez court, qui ne laisse pas beaucoup d’opportunités de changement. Il n’en est rien ici, puisque Ed The Conqueror nous propose un thème musical de 4’20 (assez rare pour être souligné) divisé en deux parties distinctes, possédant chacune leur métrique et tonalité spécifique, malgré un nombre conséquent d’éléments similaires.

Côté instruments, la musique de Jhin puise dans un registre assez classique et mystique, avec principalement des chœurs mixtes (hommes et femmes), et de nombreux solos de violon ; des sonorités à connotation très nobles et élégantes donc.. Ajoutez à cela quelques ambiances éthérées électro, et quelques coups de percussions dans la première partie de la musique, et vous obtenez ce cocktail original qu’est la musique de notre nouveau champion. Partons un peu plus en avant désormais pour analyser les thèmes musicaux eux-mêmes, et voyons en quoi ils correspondent à merveille à la folie, à l’élégance et à la quête d’un idéal de beauté et de mort que construit Jhin.

 

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[divider]Partie A[/divider]

 

Elle s’étend du début jusqu’à 1’45.

Après une brève introduction pour instaurer l’ambiance par le biais de sons electro éthérés, la musique démarre : des percussions, au timbre pour le moins étrange (on pourrait croire à des tirs sous silencieux), marquent les temps de la mesure (en quatre temps donc : quatre coups de pulsation, à l’image sans doute des quatre tirs du « Murmure », le passif du personnage). Le violon rentre alors en action avec une levée (c’est-à-dire quelques notes qui précédent, qui « lancent » les premières mesures de musique mélodique à proprement parler). À la suite de cela vont s’alterner deux phrases musicales : l’une basée sur une pédale et rehaussée d’harmonies « tendues » sur notre mode éolien, et l’autre articulée de manière harmonique et mélodique. La première débute donc à 0’27 et laisse place à la seconde à 0’38 où les chœurs exposent ici la première mélodie du thème de Jhin que voici (accompagnée des accords en notation anglaise) :

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Pendant cette brève mélodie, le violon accompagne les chœurs par des notes répétées en spiccato (des notes brèves et piquées). C’est après cet accompagnement succinct que le violon entre alors véritablement pour son premier vrai solo, à 0’52, où il interprète sur une pédale des basses (un sol) des arpèges en triolet. Ce choix de rythme n’est en fait pas anodin, et avec les quelques changements de métrique, les temps forts se voient décalés, et la superposition d’un rythme ternaire sur une métrique binaire crée un effet de décalage (bien que très léger). C’est là le premier effet de surprise musical que l’on retrouve dans le thème de Jhin, et qui correspond au caractère imprévisible et à la folie de personnage, à l’image d’un Joker qui n’aurait qu’une idée en tête, la beauté dans l’acte de tuer. Voici en partition ce solo de violon en triolets :

 

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On alterne à nouveau avec notre premier type de phrase, construite harmoniquement mais sans mélodie qui prend le dessus. On notera juste que les premiers temps des mesures sont à chaque fois précédés par nos quatre battements de percussions (nos quatre coups) pour ponctuer la phrase. Le solo de violon est ensuite repris à l’identique (à quelques exceptions près) pour accompagner le même schéma mélodique qui entourait la première mélodie du chœur. La partition réunit donc deux éléments musicaux : le solo du violon, et l’harmonie de notre première mélodie (sans oublier les coups de percussion), afin de compléter, de réunir, de parfaire et ainsi, de finir notre première partie. Cette dernière, bâtie sur des effectifs orchestraux et electro, instaure donc une ambiance particulière, à la fois élégante et moderne, à l’image de notre tueur au pistolet, complètement absorbé dans sa folie meurtrière. La première partie se termine alors sur une decrescendo rapide, après quatre coups ultimes de percussions : Jhin a consumé son crime, la victime est alors inerte au sol.

 

 

[divider]Partie B[/divider]

 

Elle s’étend de 1’45 à la fin.

Le calme succède désormais à la tempête. Après notre mesure à quatre temps et notre mode éolien, la musique évolue vers une ambiance beaucoup plus diffuse et lente. Cette seconde partie sera donc écrite en cinq temps, une métrique qui, ajoutée au caractère lent de la mélodie, nous donnera la sensation d’une musique sans réelle pulsation marquée. Les petites ornementations du violon renforceront alors cet aspect en donnant à la musique un caractère de chant improvisé. Symboliquement, et bien que cela soit très très très (vous avez saisi) subjectif, cette seconde et ultime partie fait finalement penser à l’artiste qui contemplerait son œuvre un fois achevée : un tableau macabre pour une ambiance mystique auréolée de mystère, sans oublier bien sûr cet aspect noble et élégant, traduit ici par le chant du violon (la « voix » de Jhin).

Les chœurs débutent cette seconde partie, en rappelant le motif de la levée du violon, au tout début du morceau. Tout cela converge en des enchaînements harmoniques qui nous mènent à notre nouvelle tonalité, celle de sol mineur. Les chœurs, utilisés ici dans un registre médium d’accompagnement, confèrent un aspect mystique et religieux à une musique que l’on entendrait presque résonner dans une cathédrale. Le chant du violon revient alors à 2’15 dans un nouveau solo aux rythmes réguliers et à la métrique bancale, en cinq temps donc. Beaucoup plus calme et lyrique, cette partie débute dans un registre médium pour se hisser petit à petit vers une mélodie plus aiguë : l’heure est à la contemplation, celle de Jhin devant son œuvre.

 

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Après une brève césure, le chœur reprend la seconde partie du solo de violon, tandis que ce dernier accompagne la mélodie par des triolets rapides et instables (comme nous avions pu déjà l’entendre lors de la première partie.). Ce solo de triolet reprend d’ailleurs une bonne partie du schéma harmonique du premier solo, transposé ici en sol mineur. Après la lenteur du début de partie, nous repartons donc ici dans le canevas métrique du début, en quatre temps, aux pulsations beaucoup plus marquées et mesurées. Nous retrouvons également l’ambivalence et la superposition troublante du ternaire sur le binaire qui crée ce décalage, ce côté imprévisible et complexe de la musique. Le violon, passant ici d’un solo lyrique a quelque chose de beaucoup plus rapide et technique se rapproche ainsi de l’idéal de beauté de Jhin, et de son talent de virtuose. Voici donc ce dernier solo en partition :

 

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Le procédé n’est pas nouveau, mais le fait de personnifier le personnage et la voix de Jhin par le chant du violon confère au personnage un caractère noble et élégant, entre lyrisme, mélancolie et virtuosité. Comme pour compléter l’exercice de style, le solo de violon passe alors, pour le final du morceau, de triolets à des doubles croches : un rythme beaucoup plus rapide donc, pour un sentiment d’urgence et d’accélération pourtant magnifique dans sa virtuosité. Jhin est-il rassasié par son dernier crime ou est-il prêt à tuer de nouveau ? La question reste alors en suspens à 4’03, et un unisson des chœurs vient clôturer la musique. Une affirmation ? À vous d’en juger lorsque vous découvrirez Jhin, le virtuose.

 

 

Après lecture de cette analyse, qui, je l’espère, aura su vous faire un peu voyager dans l’esprit dérangé de Jhin, redécouvrez maintenant son thème musical en intégralité.

 

 

À bientôt pour un nouveau numéro de la Boîte à Musique de Cleek !