La partie qui fâche, donc… (gaffe aux spoilers)
Beaucoup ont dû ressortir de leur séance de cinéma, et maudire ce film qui semble n’avoir ni queue ni tête. Et j’avoue avoir fait partie de ces derniers. La réalisation est pourtant excellente (ouf), le casting rudement bien orchestré (les couples Lawrence/Bardem & Harris/Pfeiffer en ligne de mire), et l’ambiance malsaine à souhait (grâce à l’excellent travail sonore de Johann Johannsonn), dans une progression lente mais certaine. Il sera donc délicat de parler d’un film si énigmatique sans spoiler un minimum, la version sans se résumant à une sorte de « WTF ?! » à grande échelle.
Puis en y repensant, encore et encore (car oui, Mother! est du genre obsédant), on finit par trouver quelques pistes à suivre, quelques allusions et métaphores quand soudain, PAF, une seconde lecture du film y donne tout son sens, un peu comme une analyse de Mulholland Drive : implacable. Me voilà donc soulagée, nul besoin d’aller mettre Mother! (et mon réalisateur chouchou) au bûcher. À la place de cela, un petit mindfuck de qualité que nous allons nous empresser de vous faire partager (attention, il s’agit ici d’une seconde lecture d’une œuvre suffisamment complexe pour en comporter bien d’autres… !).
Mother! fait donc partie de ces films rares qui ne vous donneront pas une explication toute faite au bordel que suscite l’œuvre. Si quelques clés de lecture peuvent survenir dans les dernières secondes du film (ou dans les premières, au choix), rien n’est jamais ici énoncé clairement. Tant et si bien qu’à la fin, il demeure légitime de se demander si Aronofsky ne se serait pas perdu dans un trip mégalo-horrifique, sur fond de pseudos réflexions profondes sur l’image de la Mère, de l’Artiste, de la Création, de la Perfection, de la Folie… Autant de thèmes déjà omniprésents dans Black Swan.
Sur cette route-là, il y a donc plusieurs pistes d’interprétations possibles : Mother! serait un film qui dresse des archétypes : celui du poète en quête de reconnaissance et d’inspiration, celui du foyer, de la Femme… Si ces quelques pistes me semblaient les plus évidentes, elles ne parvenaient pourtant pas à correspondre vraiment au film : cela n’expliquait pas… le film, en fait. Trop de détails, trop de dédouanements scénaristiques… juste pour ça ? Non, vraiment, cela ne ressemble pas trop au bonhomme (un peu comme un film sans Clint Mansell à la composition… Oh Wait !).
Et puis, ce fut la révélation. Car oui, Mother! est en fait un film biblique, une immense allégorie d’un récit religieux ancestral. Oui oui, wtf, attendez… cela ne peut pas être qu’un hasard. Le réalisateur lui-même ayant donné sur ce point quelques pistes à la suite d’une avant-première, en mentionnant la plus belle de toutes les mères, la Nature, et autres hints du genre.
Si l’on reconsidère donc l’ensemble du film sous ce jour, tout, exactement tout trouve une signification (et ça fait du bien). Sans rentrer non plus dans la multitude de détails que nous offre le film, Mother! dresse finalement l’archétype d’un paradis originel (la Maison/la Terre/la Nature, que Jennifer Lawrence décrit d’ailleurs comme tel), peu à peu envahi par les hommes. Si l’on pourrait prêter des allures de Dieu au personnage de Javier Bardem (le poète/le Créateur), et de Dame Nature au personnage de Jennifer Lawrence (LA fameuse Mother), Ed Harris et Michelle Pfeiffer revêtent quant à eux les traits d’un Adam et Eve d’un autre temps.
Cela parait donc farfelu au premier abord, et pourtant, tout coïncide vers cela : la Femme, extraite de la côte du premier homme (vous vous souvenez de la blessure sur le flanc?), l’accès défendu au bureau du poète en guise de jardin d’Eden, le cristal brisé comme pomme croquée avant de répudier les deux individus du paradis… Et cela ne s’arrête pas là, puisque les deux enfants du couple Harris/Pfeiffer en viendront à commettre un meurtre fratricide (Caïn et Abel donc). Et c’est ainsi jusqu’à la fin : l’accident de plomberie/le déluge qui dépeuple la maison de ses habitants, l’apocalypse par le feu… jusqu’à la vénération pour l’icône d’un Dieu mentionné comme bon/généreux, et les sévices dispensés à une Terre meurtrie, sans oublier les concepts de fanatisme, de pardon divin, de haine et de violences aveugles. Jusqu’à ce que Dieu/la Nature décident que s’en est assez : Tabula Rasa.