2014, le début du concert de clarinettes
Comment espérer que la VR transforme radicalement notre quotidien ?
En acceptant les avances de Facebook en 2014, Palmer Luckey pensait que les 2 milliards lâchés par Zuckerberg allaient lui permettre de déployer rapidement sa technologie.
Très rapidement se constitue une Dream Team autour du fondateur d’Oculus. Une semaine après l’annonce, Michael Abrash, ingénieur chez Valve spécialisé dans la VR, rejoint le groupe, complétant ainsi une équipe de spécialistes sans précédent.
Les ambitions sont officiellement annoncées :
« Est-ce que nous voulons être une plate-forme de choix pour un milliard d’utilisateurs ou pour 10, 20, ou 50 millions ? ».
La puissance financière de Facebook et sa banque d’utilisateurs vont donc permettre à Oculus de faire goûter sa technologie aux masses. Le résultat de cette piqûre aux hormones permettra donc une baisse rapide des prix et une démocratisation de la VR. C’est évidemment la prévision idéalisée vendue aux partenaires, aux constructeurs et aux médias.
Pourtant, alors que les cabinets d’analyses nous annoncent aujourd’hui encore une « explosion du marché » pour Noël, les signaux sont toujours ceux pressentis en 2013 : ça ne peut pas marcher.
Tout d’abord le périphérique en lui même :
Le casque VR, même avec une évolution technique forte, restera une contrainte. L’électronique qu’il doit embarquer le condamne à la lourdeur… bien plus importante qu’une paire de lunettes 3D dont c’était pourtant le handicap n°1 d’après les consommateurs.
On ne manquera pas de garder à l’esprit certains effets secondaires largement détaillés et qui amènent Samsung à recommander de « faire une pause de 10/15 minutes toutes les 30 minutes de jeu, même si l’on n’en ressent pas le besoin ».
On parle couramment de risques plus élevés de myopie chez les enfants comme de léthargie prolongée chez les utilisateurs adultes… Une description quasi apocalyptique de ce que pourrait être le monde de demain des utilisateurs de la VR.
Tout ça pourrait faire seulement sourire si d’autres études se penchant elles sur les effets post-utilisation de la VR, ne soulignaient pas aussi un risque de « léthargie extrême et une réduction de la capacité multitâche ». Vous devez donc être prudent car « ces symptômes peuvent vous exposer à un risque plus élevé de dommages dans le cadre d’activités ordinaires du monde réel. »
En gros, le retour au monde réel semble extrêmement difficile à encaisser et les effets sont beaucoup plus inquiétants que ceux procurés par une chute en trébuchant sur le cordon HDMi de l’Oculus ou un torticolis provoqué par les presque 550 grammes du Samsung Gear VR.
La mule semble suffisamment chargée, mais la contribution de Jeremy Bailenson (directeur du Virtual Human Interaction Lab @ Stanford University,) qui a mené une longue étude sur les effets à moyen et long terme de la VR sur les utilisateurs, rajoute encore une couche.
L’étude et ses effets sont décrits dans l’article d’Androidpit. Cependant, en guise de conclusion, Bailenson se fendra de cette phrase : « une technologie de cette ampleur est comme l’uranium : elle peut chauffer la maison mais aussi détruire le monde ». Dans le cas présent, on ne parle pas de « maison » mais bien de la tête de l’utilisateur…
Mais après tout, si vous vous sentez disposés à affronter ce qui ressemble aux effets secondaires d’une lobotomie partielle, il reste la question du portefeuille…
La puissance nécessaire
On a justifié une course à l’armement dans le monde du PC par l’avènement massif de la VR. Aujourd’hui, même les dernières grosses cartes n’assurent pas un niveau de performances à toute épreuve pour la VR. Si Sony a pu faire baisser fortement le ticket d’entrée dans la réalité virtuelle, c’est aussi au prix de gros sacrifices sur le rendu perçu en comparaison des solutions PC.
En l’état, le hardware n’est pas à la hauteur pour permettre une expérience VR complète. Certes, les kits sans fil arrivent, les puissances augmentent, mais tout ça n’est pas suffisant pour simplifier l’utilisation « physique » de la VR . Il faudra ensuite accepter de transformer son habitat en capharnaüm, juste pour le fun.
Le taux d’équipement, une vraie indication de « l’adoption » de la VR.
Les objectifs de ventes, depuis le lancement des produits jusqu’à cette fin d’année, sont :
Samsung GEAR VR : 6,7 millions d’ici fin 2017
PlayStation VR : 2,6 millions d’ici fin 2017
HTC Vive : 553 000 d’ici fin 2017
Oculus Rift : 346 000 d’ici fin 2017
Fin 2016 déjà on constatait un « décalage » entre les forecasts et la… réalité.
Soyons lucides : le marché est microscopique en terme de volume. Il ne peut, à cet instant, justifier de basculer des ressources de développement (notamment pour le gaming). Si on zoome un peu plus sur ces chiffres, on ne peut que constater que la place de N°1 de Samsung avec son Gear VR, confirme la gadgetisation de la VR pour certains constructeurs. Gardons ainsi à l’esprit que le GEAR VR s’est écoulé aux prix de bundles et d’offres packagées…et non de ventes spontanées.
De son côté, Sony a constaté un essoufflement des ventes une fois la « hype » retombée. La réaction est là aussi une baisse de prix d’environ 50€ se matérialisant par un pack PS VR + Caméra + VR Worlds à 399€ (soit le prix actuel du casque seul).
La demande / besoin des gens.
C’est sans doute l’argument le plus difficile à porter mais voir les consommateurs adopter en masse un produit cloisonnant et contraignant comme un casque a quelque chose d’antithétique. Si on met ça en perspective avec l’état de la demande et des comportements vis-à-vis de la technologie dans son acception large… c’est encore plus compliqué. Une technologie est d’autant plus vite acceptée qu’elle n’est pas vécue comme une contrainte. Encaissez 4 à 5 heures du poids d’un casque VR et vous verrez clairement ce que je veux dire.
Clairement, les diagonales de nos TV sont de plus en plus grandes, idem pour nos smartphones, nos écrans de PC fixes ou portables. On cherche la facilité du sans fil et sans contrainte, la légèreté tout en privilégiant l’esthétique et l’intégration parfaite dans son univers domestique (pas de fils, de télécommandes…).
Prenez un environnement VR acceptable et calquez lui ces tendances d’aujourd’hui : toutes les cases seront cochées en rouge.
81 Year Old Grandpa goes off on Vive (VR)