Iron Fist – Review de l’intégralité de la nouvelle série Netflix
Une nouvelle série Netflix est toujours un événement : peu importe que l’entreprise produise des dizaines de séries originales chaque année, elle paraît toujours leur accorder autant de soin. Sa collaboration avec Marvel est particulièrement notable, les deux entreprises de divertissement semblant donner leur meilleur, Daredevil ou Jessica Jones appartenant aux meilleures séries des dernières années en plus de se signaler par leur qualité parmi les productions super-héroïques.
L’exception Luke Cage possédait assez de qualités (en terme d’interprétation, de background social…) pour ne pas ruiner notre confiance, bien qu’elle ait parue montrer une incapacité à mêler l’univers sombre et réaliste voulu par Marvel et Netflix avec une action plus cartoonesque. En cela, on comprend qu’Iron Fist n’ait pas été diffusé plus tôt : il fallait fidéliser les spectateurs avec les personnages les plus importants et les plus sérieux avant de leur ajouter un adepte d’arts martiaux et dans une moindre mesure d’arts mystiques dans une saison de treize épisodes…
Ah et au fait, contrairement à la plupart des critiques que vous avez pu voir sur le net, c’est l’intégralité de la série dont nous parlerons ici, sans tirer de conclusions hâtives des seuls six premiers épisodes !
Commençons par le commencement
Jetons déjà un œil au générique, pour constater qu’il est le moins inspiré des quatre séries issues de la collaboration Marvel/Netflix. Pourtant il semblerait (j’attends d’en trouver la confirmation) que c’est toujours Patrick Clair qui est à l’oeuvre : le style rappelle bien ses célèbres travaux sur les génériques (tenez-vous bien) de Daredevil, The Crown, True Detective, Westworld, Le Maître du haut-château, The Night Manager et même Luke Cage (qui s’inspirait également de The Wire), mais sans la richesse symbolique à laquelle nous étions habitués. Clair semblait en effet nous donner à voir la série par des objets ou des aspects singuliers, évoquant métaphoriquement son contenu. Or nous n’avons guère ici qu’une figure pratiquant le kung-fu devant un paysage de montagnes puis métropolitain, ce qui fait difficilement honneur à Iron Fist, à moins d’en traduire fidèlement l’absence d’enjeux…
À première vue, dire qu’il n’y avait rien à en montrer paraît pourtant injuste, les deux premiers épisodes étant d’une agréable densité narrative et thématique. Iron Fist raconte ainsi le retour de Danny Rand à New York, quinze ans après le crash de son avion dans l’Himalaya qui avait coûté la vie à ses parents, et son échec à se faire reconnaître par les héritiers de l’immense empire commercial de son père. D’abord sans domicile, il finit par être interné en asile psychiatrique par Joy et Ward Meachum, anciens camarades d’enfance et actuels PDG de la compagnie. L’introduction de son histoire est donc habile : plutôt que d’évoquer ses pouvoirs et de mettre en scène de redoutables super-vilains, on se concentre sur sa lutte très humaine pour faire admettre son identité, avec ce qu’il faut de décalage culturel entre le monde moderne et un homme qui aurait vécu ces quinze dernières années dans un monastère himalayen. On a de l’empathie pour lui, on assiste aux doutes de Joy, on comprend sans les approuver les craintes de Ward de laisser l’entreprise aux mains d’un imposteur, ou plus généralement de perdre une société qu’il a dirigé avec succès pendant des années, et on apprend que le père de Joy et Ward est vivant, au su de son seul fils, malgré son décès officiel il y a des années.
Bref, une intrigue qui n’est pas forcément super-héroïque, et qui attache en promettant son lot de mystères, de combats psychologiques (Rand doit choisir entre la paix et son identité, les Meachum entre la confiance risquée et leur intérêt…) et d’exploration de cadres encore inexplorés dans les quatre précédentes saisons des héros sur Netflix, les sans-domiciles vivant au pied des gratte-ciels et les fous, deux catégories sociales qui sont amenées très naturellement dans l’intrigue et dont on peut beaucoup attendre d’une collaboration qui avait fait de l’assez bon travail sur les représentations avec Luke Cage.
La position du bébé tigre
Naturellement, si je commence par exprimer mes espoirs et par lister les points prometteurs, c’est que les reproches arrivent ensuite, et qu’ils sont d’autant plus acerbes que la série ne tient pas ses premières promesses. De la mendicité new-yorkaise on ne verra guère qu’un représentant bienveillant, alors qu’il y avait largement la matière à un propos social pertinent, qui aurait pu compenser les attaques (injustifiées) de whitewashing adressées à la série à l’annonce du casting, et idem pour l’asile, dont on nous « présente » un patient et un médecin (comprenez par là qu’eux seuls parlent, ce qui ne signifie pas qu’ils aient un background), avant de passer à autre chose. Géographiquement, le reste de la série se contentera de se situer dans un penthouse, le dernier étage d’une tour de verre, quelques entrepôts, la rue malfamée et un dojo, unique nouveauté timide face à des environnements vus et revus dans Jessica Jones et Daredevil…
Ensuite, Iron Fist réalise l’exploit de ne pas parvenir à créer un seul personnage intéressant en treize épisodes (là où Murdock ou Jessica captaient notre empathie dès les premiers épisodes de leurs séries respectives, sans même mentionner les personnages secondaires) : j’avais personnellement l’impression que Joy prendrait de l’importance comme love interest de Danny et épine dans le pied de son frère et de son père, mais elle reste finalement désespérément en retrait, Iron Fist s’amourachant plutôt de Colleen Wing, la sensei d’un dojo qui l’accompagnera dans sa quête et se révélera (un tout petit peu) plus trouble qu’à première vue – pourtant son histoire dans les comics avait de quoi lui donner un peu plus de profondeur…
Même gâchis avec Harold Meachum, dont la capacité à ne pas vieillir, le secret dont il s’entoure pour protéger de loin les intérêts de sa famille, la relation complexe qu’il entretient avec les mafias, promettait un méchant intéressant, peut-être à la hauteur du fantastique Killgrave de Jessica Jones, d’autant que j’ai beaucoup de sympathie pour David Wenham, qui en plus d’un rôle tout en délicatesse dans Lion était extrêmement charismatique en Faramir dans Le Seigneur des anneaux, avec ses airs de Sean Bean mâtiné de Nikolaj Coster-Waldau…
Mais Iron Fist préfère faire revenir pour la quinzième fois un antagoniste qui possédait une classe indéniable dans ses premières apparitions, mais met seulement en valeur par sa récurrence l’incapacité de l’univers Marvel/Netflix à progresser, à évoluer vers autre chose : le héros affrontera principalement Madame Gao (entre une tripotée d’ennemis sans aucune présence), évidemment sans réussir à mettre un terme à ses activités puisqu’on suppose devoir attendre The Defenders pour en être enfin débarrassée. Alors que les scénaristes auraient été bien inspirés en permettant à Iron Fist d’atteindre un potentiel à la fin de la série qui lui aurait permis de conclure enfin l’acte autour de Madame Gao. Le spectateur aurait ainsi été doublement satisfait du visionnage de la série, d’abord parce que son héros aurait révélé une puissance qu’on souhaiterait retrouver dans la suite, et parce qu’en faisant disparaître une super-vilaine apparue dans les autres séries, il aurait manifesté sa capacité à avoir une incidence sur l’univers partagé…
Des coups de poing dans l’eau
Si les acteurs font ainsi de leur mieux, Finn Jones en tête (il faut dire qu’on l’avait déjà beaucoup aimé en Ser Loras dans GoT), leur progression psychologique toute relative et l’absence d’impact profond de leurs actions empêche d’apprécier leur travail à sa juste valeur. J’ai ainsi beaucoup peiné à croire au personnage d’Iron Fist, qui est supposé avoir appris à trouver le calme intérieur et à se discipliner durant quinze années d’intense entraînement auprès d’un ordre secret de moines-guerriers… et qui ne cesse d’être bouleversé, de se mettre en colère, d’être impulsif, quand il ne parle pas simplement à tout le monde de la cité sacrée où il a été élevé et des mystères qu’il doit protéger ! Combien plus intéressant il aurait été (paradoxalement) d’avoir enfin un héros serein, qui n’externaliserait qu’en de rares moments de crise ses doutes sur la voie à suivre, plutôt que de tenter de le rendre humain contre toute vraisemblance et sans mieux parvenir à nous y attacher ? Et il va de soi que l’identification aurait été favorisée par des flash-backs sur son pénible entraînement, plutôt que de nous imposer dix fois son accident et presque autant sa promenade devant une grotte : le budget et le temps de tournage ont dû être sérieusement revus à la baisse pour que l’équipe créative nous inflige à la place des fonds verts si évidents bien que si rares et la catastrophe aérienne la moins bien mise en scène depuis des décennies…
Iron Fist n’est pas davantage aidé par ses réalisateurs que par ses scénaristes : alors que la plupart des épisodes ont été confiés à des réalisateurs confirmés, parmi lesquels on retrouve même le rappeur RZA (qui avait justement dirigé The Man with the Iron Fists) et Miguel Sapochnik (l’homme qui nous a réconciliés à vie avec Game of Thrones en réalisant les deux derniers épisodes de la sixième saison !), aucune personnalité n’en ressort. Au contraire, les affrontements de kung-fu évoquent un pastiche terne de Daredevil, dans leur chorégraphie moins impressionnante (il faut dire qu’au bout d’un moment, le kung-fu sur-cuté, ça lasse…), et parfois dans des rares efforts colorimétriques qui n’arrivent pas à la cheville de la série-étalon de Marvel/Netflix. Si au moins il se battait avec l’élégance et la fluidité de la figure du générique (ou de celle que suggère l’image au-dessous), la plus longue visualisation de ses mouvements leur aurait conféré un cachet neuf et une originalité esthétique…
Iron Fist, première pierre poreuse de l’édifice Marvel/Netflix
Iron Fist partait très bien, notamment parce que le personnage était peu connu mais possédait un background intéressant promettant enfin un affrontement frontal avec la Main et donc un début de résolution des problèmes posés par cet ordre malfaisant. L’univers partagé nous offre par ailleurs de très agréables retours de Claire Temple et de l’avocate Jerri Hogarth, qui font mieux que de la figuration, et excusent l’absence des autres héros.
Mais Iron Fist est une série étonnamment paresseuse en regard des autres collaborations Marvel/Netflix, ce qui est évident si l’on jette un regard aux personnages secondaires : qui pourra nous faire croire que Colleen Wing ou Davos sont les pendants valables de Trish, de Jerri Hogarth, de Luke Cage tel qu’il était introduit dans Jessica Jones, d’Elektra, du Punisher, même de Will Simpson ? Luke Cage avait déjà beaucoup déçu par son incapacité à créer des personnages forts, mais avait au moins le mérite d’approfondir l’infirmière Claire Temple, de proposer un aimable Cottonmouth (formidable Mahershala Ali), en plus d’un propos social judicieusement placé au premier plan.
Or Iron Fist n’a aucune des qualités de Daredevil, Jessica Jones voire Luke Cage, et sa longueur n’est absolument pas justifiée pour une série qui se contente d’introduire un personnage principal assez plat et deux ou trois personnages secondaires que l’on retrouvera sans aucun plaisir. Évidemment, Iron Fist reste dans la moyenne des productions télévisées, et s’avère encore loin de frôler le niveau catastrophique de certaines d’entre elles, mais pour une série dont on pouvait légitimement attendre qu’elle maintienne Marvel/Netflix au sommet, la chute est dure, et elle érode sérieusement la confiance que l’on peut avoir dans la suite…
Je ne suis pas d’accord, j’aime beaucoup cette série et elle tiens bien en haleine !
Il ne s’agit vraiment pas de dire que la série est mauvaise (je défends au contraire ses qualités de divertissement), simplement de signaler qu’en termes de scénario, de réalisation et d’enjeux, elle est un peu en-deçà de ce que l’on peut attendre d’une série Netflix aujourd’hui, et nettement en-deçà de Daredevil et Jessica Jones, ce qui la rend malheureusement moins indispensable. Il va de soi qu’il ne s’agit que d’un avis subjectif, mais je doute que quiconque (même en ayant été sincèrement emballé) puisse considérer Iron Fist comme un chef d’oeuvre ou simplement une série profondément marquante dans le contexte des productions contemporaines. Évidemment, n’hésite pas à défendre ton opinion en expliquant sur quels points tu n’es pas d’accord ou ce que tu as trouvé vraiment bon dans cette série !