My Little Scythe et Le Gâteau dans le ciel : le meilleur jeu pour enfants ?
Vous connaissez probablement le Scythe de Jamey Stegmaier, 11ème meilleur jeu de tous les temps et 12ème meilleur jeu tactique d’après l’agrégateur de référence Board Game Geek. Mais saviez-vous que Hoby Chou en avait imaginé une version pour enfants avec sa fille Vienna Chou, dans le style bien plus enfantin de Katie Khau, et toujours édité par Stonemaier Games (Wingspan, Viticulture, Charterstone, Tapestry, Pendulum) ? Ce My Little Scythe pourrait bien être la plus ambitieuse conversion d’un gros jeu en titre pour les plus jeunes, et donc l’un des plus ambitieux jeux pour enfants, ce qui mérite assurément qu’on s’y attarde.
Conçu pour 1 à 6 joueurs, particulièrement intéressant à 3-4 mais très correct même quand il est moins interactif à 2 ou plus chaotique à 5-6, il est accessible à partir de 8 ans. Jusqu’à quel âge ? On le verra dans l’article, la réponse n’étant pas si simple, comme vous pouviez l’attendre de la part d’un Scythe Mon petit Poney (c’est ainsi que le prototype était thématisé, et ce que le jeu serait devenu si Hasbro avait dit oui). Vendu 45 euros (40 avec un abonnement Ludum), les parties en durent 20 à 40 minutes, selon le nombre de joueurs.
Après le jeu de base et sa version solo, on parlera de son extension, Le Gâteau dans le Ciel, vendue 21 euros.
Comme toujours avec les Stonemaier Games, on trouvera sur le blog de l’éditeur des notes passionnantes et extrêmement transparentes sur le processus de création du jeu, du point de vue mécanique, thématique, matériel… Une mine dont je vous recommande très chaleureusement la lecture !
L’un des plus beaux jeux jamais édités ?
L’ouverture de la boîte de My Little Scythe est un pur ravissement matériel, comme on aimerait en connaître bien plus dans le monde du jeu de société. L’insert de Game Trayz (Parks, Wingspan, Tang Garden, Endeavor…) y est pour beaucoup, et Stonemaier Games le sait puisque l’éditeur a sauté sur ce concepteur après avoir découvert le thermoformage extraordinaire de La Forêt des frères Grimm afin d’ambitionner la même qualité pour My Little Scythe. Si le résultat n’est pas aussi incroyable, notamment parce que les roues de combat et la tuile de mise en place s’insèrent moins parfaitement que le reste, et que les jetons de ressource peuvent un peu s’éparpilles pendant le transport de la boîte, le résultat est tout de même saisissant, chaque élément ayant sa place.
La mise en place est ainsi considérablement facilitée par la séparation stricte des différents types de pièces et du matériel relatif à chaque joueur/couleur, et par la capacité des thermoformages Game Trayz à optimiser même le retrait des éléments.
On est ensuite bien sûr saisi par les figurines de nos fureteurs, grandes, détaillées, adorables, des véritables jouets comme on pouvait en avoir dans un Mosquito Show. My Little Scythe propose sept espèces animales (singes, aigles, sangliers, tigres, ours, loups et bœufs musqués), afin que même à six joueurs on ait encore le choix, et deux figurines identiques par espèce/joueur. Si elles sont blanches avec un socle coloré, la boîte contient un guide de peinture proposant une colorisation pour chaque figurine, en plus de décrire leur background et de leur donner un prénom, un joli effort de création de contexte pour un jeu où cela n’a pas réellement d’importance.
En effet, ces espèces sont identiques (il aurait été trop difficile d’ajouter à My Little Scythe l’asymétrie de Scythe) et l’univers… vaut ce qu’il vaut, avec son Royaume de Pomme dont on deviendra le dirigeant pendant une année en collectant quatre trophées avant les autres, encore une course monarchique. Du moins a-t-elle de quoi faire sourire, on n’est pas confrontés tous les jours à des jeux dont la ressource primordiale est la pomme, prétendument née de la chute d’une étoile ! Et comme on le verra, si ce monde ne vibre pas vraiment par son authenticité, même fabuleuse, il crée au moins une ambiance dans laquelle on pourra croire aux actions de nos personnages.
Ces pommes sont bien sûr très jolies, représentées par des jetons en plastique rouge brillant en forme de pomme, tandis que les gemmes magiques sont énormes, transparentes et bleues. Et l’on ne peut évoquer la qualité matérielle de My Little Scythe sans parler de ses dés gravés et colorés du plus bel effet. L’éditeur a ainsi poussé si loin son désir d’un jeu-objet magnifique que tout ce qui n’est pas aussi soigné paraît injustement cheap en comparaison, les jetons Tarte, jetons Amitié, pions Action, plateaux Joueur… de sorte que l’on peut avoir assez envie de pimper encore My Little Scythe pour placer les quelques pièces moins parfaites au rang enchanteur des autres !
La guerre (amicale) des pommes
Au début de la partie de My Little Scythe, chaque joueur commence sur un camp de base placé à une extrémité du plateau avec l’une des 8 cartes Personnalité face cachée (un objectif personnel laissant la place à un peu de surprise), tandis que se déploient devant lui des pommes, gemmes et jetons Quête disposés aléatoirement par la tuile de mise en place.
Un tour de jeu consiste simplement à déplacer le pion Action de son plateau personnel d’un emplacement vers un autre, et à déclencher l’action correspondante.
On peut ainsi déplacer nos deux fureteurs de deux cases s’ils ont les mains libres, d’une case s’ils se sont encombrés de gemmes ou de pommes, qui les accompagnent dans leurs déplacements et qu’ils peuvent collecter automatiquement en passant par les cases qui en comportent. S’ils portent quatre gemmes ou quatre pommes, ils peuvent les livrer au Château Everfree au centre du plateau (en s’y rendant directement ou en passant par un portail de téléportation), permettant au joueur de gagner le trophée de livraison de gemmes ou de pommes. Ils regagnent alors le camp de base et y sont régénérés, ce qui signifie que l’on gagne 1 carte Sort ou 2 tartes (sur le compteur de tartes du plateau) et que l’on retire le jeton Action du plateau, autorisant sa pose n’importe où au tour suivant, y compris pour refaire l’action du tour précédent.
Si un fureteur s’arrête sur une case occupée par un fureteur adverse, il déclenche une bataille de tartes. Son comportement fait immédiatement perdre 1 point d’amitié au joueur attaquant. Les deux joueurs impliqués indiquent secrètement sur leur roue de combat combien de tartes ils souhaitent lancer sur leur adversaire, en s’aidant éventuellement d’une carte sort par fureteur sur la case attaquée afin d’ajouter des tartes supplémentaires. Puis ils dévoilent le tout et perdent les tartes indiquées. En cas d’égalité, le gagnant remporte le combat, et donc le trophée de combat de tartes, tandis que le perdant regagne le camp de base en laissant toutes ses ressources sur la case quittée, une défaite compensée par les avantages de la régénération.
Après un déplacement, si un fureteur se trouve sur une case occupée par un jeton Quête, on le défausse et pioche une carte Quête décrivant une situation et trois comportements possibles. En voyant des amis en danger, on peut par exemple choisir de placer deux gemmes de la réserve sur une case occupée par un fureteur adverse, et ainsi gagner 2 points d’amitié et 1 tarte, décider que l’on a autre chose à faire, et donc gagner 2 pommes mais perdre 1 point d’amitié, ou opter pour une solution plus neutre en ignorant la quête, ce qui rapporte 1 gemme mais demande de replacer la quête sous la pile de cartes, de sorte qu’elle ne compte pas comme l’une des deux quêtes à remplir pour un trophée. On appréciera beaucoup ce système de moralité qui donne de la consistance narrative à des événements bien entendu minimalistes.
Au lieu de se déplacer, on peut effectuer une recherche sur l’un des deux emplacements de la zone centrale du plateau de recherche, dont dépendent les dés lancés. Chaque dé est en effet associé à une spécialité : les rouges ne représentent que des pommes, les bleus que des gemmes, l’ambré que des quêtes. Si l’on sait donc quels éléments apparaîtront à l’issue du lancer, on ne sait pas où : à chaque face correspond en effet l’une des six zones du plateau central où il faudra poser l’élément représenté, sur l’un de nos fureteurs idéalement, sur une zone vide, ou sur un fureteur adverse afin de gagner des points d’amitié.
La troisième action consiste dans la fabrication de deux tartes (contre 2 pommes), d’une carte Sort (contre 2 gemmes) ou d’une tuile d’amélioration (contre 1 pomme et 1 gemme). Dans ce dernier cas, on pioche trois tuiles Amélioration de la piles d’améliorations de fabrication ou de déplacement et on en choisit une que l’on place sur l’une des trois zones d’action du plateau personnel afin de l’améliorer définitivement, chaque action pouvant être recouverte une fois.
Un magicien repenti pourra ainsi gagner 1 point d’amitié en plus de piocher une carte Sort en dépensant 2 gemmes, tandis qu’un prince gâté gagnera une nouvelle action consistant à prendre une pomme ou une gemme sur une case inoccupée adjacente à un fureteur. Parmi les tuiles de déplacement, le char royal peut simplement déplacer directement l’un des fureteurs au château pour effectuer une livraison, ou la catapulte de livraison permet aux fureteurs d’un même joueur de s’échanger des ressources après leur déplacement. Comme on le voit, ces tuiles créent une asymétrie et un sentiment de gain de puissance particulièrement excitants !
Il existe 8 trophées (livraison de pommes, livraison de gemmes, 8 points d’amitié, 2 améliorations, 3 sorts, 2 quêtes, victoire de combat de tartes et 8 tartes), dont la récupération de l’un est facilité par notre carte Personnalité. Chacun ne peut être gagné qu’une seule fois, de sorte qu’une fois un combat de tartes remporté, combattre des adversaires n’a plus pour fonction que de leur voler des ressources. Un trophée gagné n’est pas perdu si la condition n’est plus remplie (que l’on joue des cartes sorts jusqu’à en avoir moins de 3 en main par exemple), mais il est impossible d’en récupérer un si notre amitié est en-dessous de 3, un comportement trop inamical nous disqualifiant temporairement de la course au trône.
La partie s’achève quand un joueur a récupéré 4 trophées et que tous les autres ont joué un tour de plus, désormais sans limite d’un seul trophée par tour. Dans le cas où, à la fin de cet ultime tour, plusieurs auraient obtenu 4 trophées, l’égalité serait remportée par celui dont l’amitié est la plus haute, puis par celui qui possède le plus de pommes et de gemmes. Les égalités sont fréquentes, et d’ailleurs assumées par les règles. Ce qui apparaîtrait généralement comme un défaut prouve tout de même ici un travail d’équilibre dont on n’a pas toujours l’habitude dans un jeu pour enfants, et vient paradoxalement renforcer la tension de My Little Scythe, puisque l’on perçoit alors à quel point la moindre erreur peut nous laisser sur le carreau, tout en étant invité à ne pas être trop aveugle dans sa course aux trophées aux autres paramètres du jeu, et à équilibrer un peu amitié et ressources.
On le voit, cette gestion de l’amitié (à laquelle les auteurs se réjouissent de ne pas avoir renoncé, comme ils y avaient un moment songé) est l’un des points forts de My Little Scythe pour son évidence morale et thématique, d’autant plus amusante qu’elle pèse à ce point mécaniquement. Après tout, qu’il est curieux et formidable de se dire que l’on aura souvent plus intérêt à offrir des ressources à nos adversaires pour faire grimper la jauge que des les attaquer pour la faire descendre, l’ascension nous rapprochant d’un trophée (et de la victoire en cas d’égalité) tandis que la chute peut simplement nous empêcher d’en gagner ! Jolie manière (et ô combien paradoxale) de surcroît d’avoir intérêt à être bienveillant, et de créer par calcul un climat plus détendu autour de la table. Remarquable.
L’automatou, le joueur créé pour se prendre des tartes
My Little Scythe comporte un automatou, conçu par The Automa Factory, la compagnie de Morten Monrad Pedersen précisément conçue afin d’imaginer des intelligences artificielles à affronter dans les Stonemaier Games. Or l’originalité de l’automatou est qu’il n’a pas pour fonction que de permettre les parties en solo, mais peut aussi être inclus dans une partie multijoueurs, une bonne idée pour ajouter un peu de tension à deux et surtout pour éviter l’affrontement direct avec un enfant qui pourrait mal le prendre, l’automate donnant et prenant les coups sans impliquer la responsabilité d’un joueur humain, pratique.
Cet automatou se décline en cinq difficultés, distinguées par le nombre de jetons (pomme, gemme et quête confondus) qu’il doit cumuler pour obtenir un trophée (de 6 à 2) et par son niveau initial sur la piste de tartes (0 à 5).
Il possédera constamment 5 points d’amitié, et fonctionne avec 21 cartes Automatou au lieu du plateau Joueur, de la carte Personnalité et des sorts.
Quand c’est son tour, l’automatou vérifie s’il possède assez de jetons pour mériter un trophée, pioche la première carte Automatou et l’applique. Si des tartes y apparaissent et qu’il en cumule ainsi 8, il obtient un trophée 8 tartes. Un diagramme peut également y indiquer la pose de ressources sur certaines cases du plateau. Plusieurs voies de déplacement y apparaissent, et chaque collecteur choisit le schéma lui rapportant le plus de ressources, y compris en combattant. Enfin, s’il doit combattre, on regarde sur la carte Automatou suivante combien de tartes il envoie (dans la limite des tartes qu’il possède) et combien de sorts il y ajoute de la pile.
Le système est relativement élégant afin de lui permettre d’être un adversaire assez redoutable, sans cesse en quête de ce que nous convoitons aussi, à peu près prévisible au pire sens du terme, et cela sans pour autant trop réfléchir à l’application de la carte. On comprend bien pourquoi Stonemaier a à nouveau fait appel à The Automa Factory !
My Little Scythe en équipes
My Little Scythe a enfin la richesse inattendue de proposer une variante en équipes, une approche remplissant la double-fonction d’ajouter une manière de le pratiquer et de permettre de s’allier à ses enfants ou aux enfants de s’allier entre eux, dans une belle prise en compte de ce dont il peut avoir besoin et où il peut prendre du plaisir selon son âge et son caractère.
La variante en équipes propose de coopérer à 2 ou 3 joueurs humains contre 2 ou 3 automatous.
Ces derniers réalisent d’abord chacun ses trophées puis ceux de leurs coéquipiers, à l’exception des emplacements des trophées 8 tartes et combat de tartes (donc ceux qui ne sont pas remportés avec les ressources), qu’ils doivent toujours gagner par eux-mêmes.
Il va de soi que lorsqu’une quête nous impose de donner des ressources à un autre joueur, il faut les donner à un automatou, et que placer des ressources sur la case d’un fureteur allié suite à une recherche n’octroie pas de points d’amitié. La seule nouvelle règle concernerait les fabrications, puisque l’on peut désormais utiliser les ressources d’un fureteur adjacent à l’un de nos fureteurs avec sa permission.
L’idée de limiter les nouveautés pour laisser plutôt la place à des aménagements de bon sens est sans doute judicieuse puisque le seul fait de ne pas pouvoir attaquer ceux qui sont désormais nos alliés, auquel il faudrait ajouter l’intérêt qu’il peut désormais y avoir à laisser tomber des ressources en chemin, peut déjà assez transformer la logique du jeu. En outre, l’entraide adverse concernant les trophées suffit à imposer une coopération active si l’on ne veut pas se laisser très vite dépasser, donnant évidemment toute sa pertinence à la variante.
My Little Scythe : Le Gâteau dans le Ciel
L’extension Le Gâteau dans le Ciel de My Little Scythe a d’abord cet avantage de pouvoir être entièrement rangée dans la boîte de base, où des emplacements étaient prévus pour accueillir de nouveaux éléments, à commencer par les quatre figurines de renards et hiboux.
Mais l’extension, c’est avant tout un gros dirigeable rose, initialement placé sur la case la plus proche du camp de base du dernier joueur. Chacun possède désormais un petit plateau dirigeable avec une capacité propre, que l’on peut soit répartir par espèce animale (représentée sur le plateau), soit aléatoirement, créant une légère asymétrie.
Lorsqu’un joueur effectue une action de recherche, il lance également le nouveau dé rose. Sur une face trophée, cela permet de déplacer le dirigeable d’autant de cases qu’il nous reste de trophées à acquérir (une jolie idée pour favoriser les joueurs à la traîne), tandis que le 6 permet de le déplacer de 6 cases au maximum, toujours à condition qu’il s’arrête sur une case occupée par 1 pomme ou 1 gemme.
On peut alors soit déclencher notre capacité de dirigeable (on y revient), soit prendre la ressource et la placer dans la soute de notre plateau Dirigeable personnel, en perdant 2 points d’amitié si on la vole à un adversaire. Il s’agissait sans doute de protéger ses ressources, afin de faciliter les trophées de livraison qui pouvaient faire perdre beaucoup de temps pour récupérer les 4 ressources identiques puis si l’on tentait d’éviter les attaques ennemies en route, habile.
Les sangliers peuvent par exemple ajouter 1 pomme sur la case du dirigeable et gagner 1 point d’amitié si elle était occupée par un fureteur adverse. Les aigles peuvent défausser une carte Sort pour déplacer jusqu’à 3 pommes et gemmes du plateau vers le case du dirigeable, en perdant 2 points d’amitié si ces ressources sont volées à des joueurs. Les ours possèdent un jeton Projecteur qu’ils peuvent déplacer sur la case du dirigeable, et gagnent 1 point d’amitié ou 1 tarte si un de leurs fureteurs se trouve dans la région du projecteur au moment d’une action de fabrication…
On remarquera que le plateau dirigeable comporte un nouvel emplacement de trophée, qui s’aligne avec ceux du plateau personnel. C’est qu’il en faut désormais 5 pour mettre un terme à la partie.
Naturellement, Automa Factory a procédé à quelques aménagements pour l’automatou, qui possède son propre plateau Dirigeable, dont on choisit la face. L’une recourt par exemple à un jeton qui désactive les autres gadgets et portails dans la région du dirigeable (avec une ignoble faute de conjugaison, un cas classique de après que + subjonctif qu’on tolère en pleurant dans un livret de règles mais qui gêne sur un plateau).
Quand il doit déplacer le dirigeable, il le fait en ligne droite sans limite de distance vers la ressource la plus proche et la place dans sa soute. Si la ressource appartenait à un joueur, il ne perd pas de points d’amitié, et s’il n’a accès à aucune ressource et ne se déplace donc pas, il récupère un jeton Quête de la réserve.
My Little Scythe, le plus beau et le meilleur jeu pour enfants ?
My Little Scythe est d’abord une merveille d’édition : entre son incroyable thermoformage signé GameTrayz, ses ravissantes et conséquentes figurines animalières, ses superbes dés, gemmes et pommes, son immense plateau coloré, on est constamment enchanté, et la magie est loin de s’éteindre après l’ouverture de la boîte, puisque chaque manipulation la fait renaître – et j’imagine bien qu’en peignant de surcroît les figurines, elle doit être encore décuplée. L’attrait est ainsi invincible pour les enfants comme pour les adultes, à condition bien sûr d’être sensibles à ce genre d’univers.
Mécaniquement, My Little Scythe tient du tour de force : on pouvait tout redouter de la transformation d’un jeu aussi remarquable que Scythe pour satisfaire les enfants, et il faut bien admettre qu’on en reconnaît étonnamment bien le système, au point que My Little Scythe puisse très naturellement apparaître comme une excellente initiation à Scythe. Les simplifications touchent avant tout la taille du plateau, le nombre d’actions possibles, les possibilités d’amélioration, la quantité de trophées à récolter, afin de proposer une expérience nettement plus accessible et rapide, mais ces éléments ne sont pas pour autant évacués, simplement mis à la portée d’un public plus jeune.
En cela aussi, My Little Scythe a quelque chose d’exemplaire, tant il s’efforce de tenir compte de ce que c’est que de jouer avec des enfants. Il est court tout en laissant le temps de se développer, propose de l’interaction mais la canalise afin d’éviter toute frustration et sentiment d’injustice, et il limite grandement le hasard afin de mettre l’enfant et l’adulte à égalité, à partir du moment où le premier aura su assimiler les règles bien entendu. Mieux, il propose des intelligences artificielles aisées à gérer qui ne sont pas tant destinées au solo qu’à des parties multijoueurs où les automates attirent l’éventuelle agressivité des joueurs (les combats de tartes, les vols de ressources), afin d’épargner à l’enfant le sentiment d’être attaqué par l’adulte ; tandis qu’une variante va jusqu’à proposer de jouer coopérativement contre ces automates, dans une admirable adaptabilité à ce dont l’enfant peut avoir besoin. Des fiches de réussite viennent même lui apporter en fin de partie un sentiment d’accomplissement avec de nombreux objectifs invitant à la rejouabilité et au surpassement, à côté desquels il pourra inscrire son nom et la date de leur obtention.
Ce Royaume de Pomme où l’on se bat à coup de tartes tout en tentant de préserver son rang d’amitié pourrait ainsi sembler le parfait jeu pour les enfants dès 8 ans, mais peu approprié aux adultes, alors que pour cette cible on peut commencer à espérer des titres plus universels, plus capables de plaire à tous, même dans leur simplicité. C’est que le thème et le matériel sont si enfantins que cette impression peut légitimement contaminer les mécaniques, et leur donner des allures bien plus puériles qu’elles ne le sont vraiment. En effet, My Little Scythe est assez riche pour constituer un jeu de course léger et rapide mais parfaitement satisfaisant pour des adultes, pas plus simple qu’un Kingdomino par exemple, d’autant qu’à un certain degré de maîtrise du jeu, les tours doivent être si optimisés que la moindre erreur peut coûter la victoire. Il restera trop kawai pour beaucoup, sans que cela autorise le moindre dénigrement d’un jeu absolument incroyable, qui sait ne prendre ni les enfants ni les adultes pour des idiots et qui enchante aussi bien les uns que les autres.
Une réussite à tous points de vue comme celle de My Little Scythe appelait assez logiquement une extension. Or Le Gâteau dans le Ciel n’est pas aussi merveilleux que le jeu de base pour la simple raison que ce dernier a déjà placé la barre si haut qu’il en aurait fallu beaucoup pour redoubler notre admiration. Elle parvient cependant à apporter tout ce que l’on pouvait en attendre, 2 nouvelles espèces de fureteurs, 4 nouvelles améliorations, 2 nouvelles quêtes, et surtout un dirigeable assorti d’une nouvelle asymétrie (par l’attribution à chaque joueur d’un pouvoir distinct lié au dirigeable), venant évacuer encore un peu plus l’agressivité de My Little Scythe en permettant de contourner plus les vols de ressources, et proposer de nouvelles manières d’interagir avec le plateau et les autres.
On réservera ainsi cette extension aux enfants connaissant très bien le jeu de base et capables voire désireux de passer à quelque chose d’un tout petit peu plus technique, dont l’accès sera assurément facilité par le nouvel enchantement matériel qu’est le grand dirigeable volant au-dessus du Royaume de Pomme, ou aux adultes naturellement curieux de la profondeur apportée par cette asymétrie et par le déplacement partagé du dirigeable.
En achetant My Little Scythe sur la boutique Ludum, pour 45 euros ou 39 euros 78 avec l’abonnement, vous ne le payez pas plus cher qu’ailleurs, mais permettez qu’une commission nous soit versée et nous aide à être présents en conventions et à vous apporter des articles toujours meilleurs, sans qu’un euro ne serve à satisfaire nos besoins/désirs personnels. Une jolie manière de nous soutenir, non ?