Le Sablier curieux – Présentation d’un café ludique/boutique à Tours !

Il y a quelques mois, Le Sablier curieux a ouvert à Tours… pratiquement en face de chez moi. Ravi de l’établissement d’une boutique et d’un café ludique dans un quartier qui n’en disposait pas, a fortiori ici, j’ai pu en être aussi surpris étant donné que Tours est une ville assez dynamique en termes de rendez-vous socioludiques, aussi bien en termes de bars à jeux que de boutiques emblématiques, concentrés dans la « vieille ville » c’est-à-dire à un kilomètre exactement du Sablier curieux, soit quinze minutes à pied.

Je me suis donc hâté d’aller visiter le Sablier curieux pour comprendre exactement le concept de ce lieu particulier, déterminer ses atouts par rapport à la concurrence et son agrément dans l’absolu. J’y ai été accueilli très chaleureusement par son ludicaire Damien, qui a bien voulu répondre à une série de questions assez précises qui devraient vous donner une bonne idée de sa proposition !

Le Sablier curieux
Mon nom apparaît dans quatre des jeux en vitrine… une preuve de bon goût du Sablier curieux, bien sûr !

 

Découverte des lieux

Le Sablier curieux se trouve au 28 avenue de Grammont, à deux pas de la mairie, de la gare, de la place Jean Jaurès (important carrefour de trams et de bus), sur le grand axe de Tours, même si c’est sur une portion qui se dynamise mais qui n’est pas encore aussi active que ce qu’on pourrait attendre d’un quartier aussi central. Entre la devanture élégamment violette et la vitrine envahie de jeux colorés, l’attention est immédiatement attirée, et un sous-titre vient clarifier le projet : « Jeux de société – Café ludique ». Clarifier ? On le voit, l’explicitation est relative, il ne serait pas malaisé, de l’extérieur, de ne percevoir le Sablier curieux « que » comme un café ludique, et pas une boutique, pourtant sa vocation première. Enfin, c’est ouvert, allons voir.

L’intérieur est particulièrement accueillant, cosy, et on sent que ça a été une préoccupation première de Damien : au lieu de montagnes de jeux oppressantes, on se retrouve dans un espace aéré avec un nombre de références relativement limité, mais incluant toutes les nouveautés qui comptent et quelques classiques, la majorité étant de surcroît présentée de face, preuve que ça ne cherche pas à se bousculer dans les étagères mais qu’on est là pour regarder les jeux, un présentoir mettant en avant quelques titres récents et importants. Le « sacrifice » de l’exhaustivité et du stock a payé, le Sablier curieux a bien une identité assez unique.

Dans l’arrière-salle, derrière le comptoir, plusieurs jeux ouverts sont triés par catégorie, avec la liberté de les prendre gratuitement pour jouer sur place, même s’il est naturellement attendu que vous consommiez quelque chose, ou achetiez un jeu. D’ailleurs vous pouvez repartir avec l’un des jeux testés pour un prix réduit (puisque le jeu est d’occasion), une idée tout à fait judicieuse qui peut néanmoins aussi impliquer qu’un jeu que vous aviez apprécié la dernière fois n’y soit plus une fois suivante parce qu’acheté entretemps et pas encore remplacé. Enfin vous aurez globalement de quoi faire, et Damien sait favoriser des jeux adaptés au test sur place (ne me faites pas croire que vous avez besoin d’un Twilight Imperium), donc plutôt orienté ambiance, escape, duel…

S’il y avait une table au rez-de-chaussée, on en trouve quelques autres au premier étage, là où sont également exposés les jeux experts face aux jeux pour enfants, endroit idéal pour se poser sereinement en journée avec quelqu’un et jouer dans un relatif isolement et un cadre tout à fait agréable. Notez juste que les tables sont assez peu nombreuses et de taille moyenne, le Sablier ludique n’étant pas un lieu associatif où vous pourriez retrouver vos potes pour continuer votre Game of Thrones ni un bar à jeux cherchant à attirer soixante personnes, ce qui peut être sa limite et sa force : on y est bien, dans une ambiance que n’a aucun autre lieu socioludique, avec son thé ou son jus de fruits inhabituellement raffiné à profiter des jeux en toute sérénité.

D’ailleurs, si des Tourangelles et Tourangeaux lisent cet article, n’hésitez pas à me le faire savoir, ce Sablier curieux peut faire un parfait lieu de rendez-vous ludique, plus que les autres lieux de la ville qui ont des vocations et donc des offres, des ambiances et des attentes générées différentes !

Vous aurez noté que je reste assez en surface dans toute cette présentation, parce que l’interview qui suit permet de donner quantité d’informations qu’il aurait été vain de redoubler. Vous y découvrirez un modèle de lieu intéressant et une personnalité passionnée, combinaison très prometteuse pour faire du Sablier curieux un lieu toujours plus important du tissu socioludique régional (et si vous connaissez les éditeurs et distributeurs, rappelez-leur son existence, il est quand même dommage qu’il reçoive la visite d’aussi peu de commercia.les.ux) !

Le Sablier curieux
Les jeux experts

 

Interview de Damien, ludicaire du Sablier curieux

1. Quel parcours de vie t’amène à ouvrir seul une boutique de jeux de société après une expérience professionnelle déjà longue dans des domaines ayant a priori peu en commun avec cette aventure. Justement le défi de te lancer en indépendant dans un boulot passion ?

J’ai passé une douzaine d’années en marketing dans l’automobile sans passion particulière pour les voitures, et j’ai eu l’envie, ou le besoin, de me reconnecter un peu plus à mes centres d’intérêts. C’est peut-être lié à l’âge, j’ai plein d’amis qui changent complètement de carrière vers 30-40 ans, pour sortir d’une voie vers laquelle on nous a peut-être un peu poussé il y a 20 ans… En ce qui me concerne, ce n’est pas tant par défi que pour avoir moins l’impression d’aller travailler, et pourquoi pas travailler pour moi. Quand j’ai remarqué que je prenais plaisir à conseiller les gens dans le rayon jeux de société de la Fnac, je me suis dit qu’il fallait peut-être faire quelque chose !

2. Pourquoi Tours ? As-tu senti qu’il y avait des besoins particuliers dans cette ville ? Tu te situes à environ un kilomètre des deux boutiques de jeux de société emblématiques de Tours (Sortilèges et La Règle du jeu), ce qui est à la fois peu et beaucoup… Quelle est ta relation avec ces boutiques ? Qu’estimes-tu offrir de plus ou de différent, outre une boutique dans un quartier qui n’en avait pas (et d’ailleurs singulièrement bien située) ?

J’ai vécu à pas mal d’endroits, en France et à l’étranger, et après quelques années en région parisienne, on avait envie de retrouver une ville à échelle humaine, et gagner un peu d’espace, de calme. Je suis né à Chambray, c’était l’occasion de revenir aux sources. En revanche il y avait déjà 3 boutiques, dont les deux institutions que tu mentionnes ! J’ai donc cherché à m’éloigner un peu de l’hyper-centre où elles sont toutes les deux, et j’ai eu la chance de trouver ce local dans la zone que je privilégiais : au sud de Jean-Jaurès, mais pas trop loin pour rester dans une zone passante et active. S’éloigner un peu, c’est bien, mais il fallait aussi se démarquer ; faire les choses différemment. J’ai donc eu l’idée de proposer des jeux à jouer sur place, la possibilité de boire un verre. Quitte à avoir des jeux ouverts, autant traiter l’occasion ; et puis organiser des événements. J’ai donc un concept un peu hybride entre la boutique classique, et le bar à jeu.

Le Sablier curieux est donc un café ludique en même temps qu’une boutique : on peut y acheter une boisson fraîche ou chaude, mais sans alcool, se poser sur une table pour profiter de l’une des boîtes ouvertes, et acheter l’un de ces jeux ouverts à un tarif d’occasion ou l’une des références sous cello.
3. Combien de jeux environ peuvent être testés sur place, et combien de références environ vends-tu ? Peux-tu envisager d’ajouter une boîte aux jeux ouverts si on te le demande ?

Je les ai comptés ce matin, il y a 231 jeux dispos à l’essai. Ce chiffre augmente au gré des nouveautés que j’ouvre, et des occasions que je reprends… Ça fait pas mal de choix, sur tout type de jeux – hormis les jeux experts – mais il arrive en effet qu’on me demande si un autre jeu peut-être ouvert et joué. J’essaie d’accepter quand c’est possible, selon le stock restant et le coût de la boite ! Côté vente, il y a environ 900 références disponibles en magasin. C’est moins que mes concurrents mais j’ai besoin de place pour les tables, et surtout je préfère une ambiance plus aérée, il faut qu’on se sente bien, qu’on ait envie de s’installer. Mais si on me demande une référence que je n’ai pas en rayon, c’est facile de la commander et d’informer le client à réception.

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Le Sablier curieux
Les jeux à tester sur place

4. Tu as privilégié un cadre cosy à l’ambition d’une boutique exhaustive croulant sous les références. Comment tries-tu les jeux que tu vas décider de vendre ? Parviens-tu à tous les tester à l’avance grâce à BGA ou à des visites de commercia.les.ux?

Effectivement, entre mon choix d’agencement et le nombre de sorties ludiques, je ne peux clairement pas tout référencer ! À chaque annonce de nouveauté, j’essaie de voir comment fonctionnent les jeux, si ça apporte quelque chose de nouveau, si ça colle à ma cible… J’essaie de suivre sur les réseaux sociaux les jeux dont les gens parlent avant leur sortie, ceux qui buzzent. Le mieux serait de pouvoir les tester mais on voit rarement les commerciaux des distributeurs, et si c’est parfois possible sur BGA, les jeux disponibles sur la plateforme avant leur sortie en physique sont encore assez rares.

5. Estimes-tu avoir des spécialités en termes d’offre (je vois par exemple que tu ne fais pas de JC², même si Lorcana pourrait être envisageable, ni de jeu de rôle ou de figurines) ? Est-ce qu’elles peuvent bouger selon ta clientèle ou t’es-tu positionné fixement sur des segments précis correspondant probablement aussi à ta culture ludique et à la place dont tu disposes ?

Je suis plutôt généraliste, j’ai référencé tout type de jeux de société à l’ouverture, en attendant de connaître un peu mieux ma clientèle. Je pourrais affiner par la suite en fonction, je me rends déjà compte après 4 mois d’exploitation que je vends très peu de jeux expert par exemple. Comme tu le soulignes, je n’ai pas de rayon JCC, figurines, ou JDR. Ce sont des segments du jeux de société que je maîtrise moins, personnellement, contrairement à mes concurrents très implantés sur ces types de jeux. Je ne me sentais pas légitime pour proposer quelque choses aux clients souvent pointus de ces types de jeux très spécifiques. Mais je suis quelqu’un de curieux, je ne ferme pas la porte à ces marchés-là !

6. Le Sablier curieux propose des animations. Peux-tu nous en dire plus ? Est-ce un programme à peu près fixe ou continues-tu de réfléchir aux types d’animation, dates, prix ?

Je propose une animation pour les enfants le lundi matin avec un animateur extérieur, et une soirée jeux le mardi que j’anime moi. Dans les deux cas on pousse un ou plusieurs jeux quelques jours avant sur les réseaux sociaux, et je demande une participation financière de 5€, déduite s’il y a un achat. Ce serait bête de ma part de graver tout ça dans le marbre après si peu de temps ! J’expérimente toujours pour trouver la formule qui convient le plus aux clients : j’ai déjà bougé l’animation des enfants du mercredi au samedi, j’ai réduit l’offre des jeux de la soirée pour offrir plus de liberté aux clients… Je teste, et j’apprends !

7. Petite originalité, tu as tenu à proposer des boissons de qualité, du cola au café en passant par le thé et les jus de fruits, avec des marques comme Arbol, George Cannon ou UMÀ plutôt que Coca ou Lipton. Pourquoi cette démarche, inattendue dans un café ludique [et forcément très appréciée par le théinomane snobinard que je suis] ? Envisagerais-tu (et aurais-tu la possibilité) de vendre aussi des bières et autres cocktails alcoolisés ? Ou du snacking ?

Il y a tout d’abord des aspirations personnelles : je préfère faire travailler un torréfacteur local – Arbol en l’occurrence – sur du bio, plutôt qu’un industriel international sur un produit pas top. Les sodas et jus de fruits ne sont pas de la région mais sont tout de même produits en France, et bio. Cela correspond aussi davantage à l’image que je veux donner du lieu, Le Sablier Curieux est un endroit cosy, élégant, où on a envie de se poser ; pour moi ça ne colle pas avec une canette de Coca-Cola ou un sachet Lipton. J’ai plus envie de tendre vers le salon de thé que vers le café PMU !

Je voulais initialement proposer de la nourriture, j’ai passé les formations pour, mais j’ai préféré temporiser et me concentrer à l’ouverture sur les jeux de société et le fonctionnement global de la boutique. La nourriture impose des règles supplémentaires, une gestion des stocks différente… Car, toujours dans la logique du Sablier Curieux, il s’agirait davantage de faire un partenariat avec une boulangerie locale pour des produits comme des brownies, cookies, que de proposer des barres Mars…

Quant à l’alcool, j’ai également passé les formations et j’évoquais dans mon business plan des partenariats avec des brasseurs artisanaux et viticulteurs locaux. J’ai mis cette option de côté car il n’est pas évident de trouver une licence III, et cela a un coût non négligeable. Avec un peu de recul, je ne sais pas si cela serait une bonne solution : Le Sablier Curieux est avant tout une boutique, qui ferme à 19h, je ne suis pas sûr que proposer de l’alcool soit judicieux.

Le Sablier curieux

8. Depuis combien de temps dirais-tu que tu pratiques les jeux de société ? Lesquels t’ont vraiment fait plonger dans le jeu de société dit moderne ?

Comme beaucoup de gens nés dans les années 80, j’ai joué enfant aux Mystères de Pékin, Bonne Paie, Risk, Mastermind, Monopoly… mais je m’en suis éloigné en grandissant. À part quelques parties de Jungle Speed ou Loup-Garou, je n’ai plus rejoué et ai raté les sorties des Catane et autres Carcassonne qui ont transformé le marché autour des années 2000. Je ne suis tombé dans les jeux de société modernes que beaucoup plus tard, en 2015, avec le jeu L’Âge de Pierre. Je me souviens avoir réalisé avec émerveillement qu’un jeu pouvait être basé plus sur la réflexion que sur le hasard, et proposer un thème dans lequel les mécanique se fondent. Ça a été un coup de foudre et je n’en suis plus jamais sorti !

9. As-tu eu des coups de cœur récemment ?

Ces derniers mois j’ai bien aimé au rayon ambiance les originalités apportées par Kites ou comment Perfect Words a modernisé le Codenames. Ensuite Sur les traces de Darwin propose une expérience qui plaira aux débutants en proposant en plus un peu de réflexion aux joueurs plus aguerris, avec un matériel de grande qualité.

Merci Damien, pour tes réponses et pour l’ambition d’un lieu ludique cosy encore extrêmement adaptable selon tes réflexions et la clientèle… et très bon courage pour ta première période de Noël comme ludicaire !

Le Sablier curieux