Diablo III : Eternal Collection, la lutte la plus épique contre le Seigneur de Terreur… sur Switch ?
En 2012, le mythique Diablo II recevait enfin une suite à laquelle plus personne n’osait croire (il avait tout de même été publié… en 2000 !). Acclamé, ce Diablo III initialement sorti sur PC et Mac avait vite eu droit à un portage sur PS3 et Xbox 360, puis sur PS4 et Xbox One en 2014 avec la jolie extension Reaper of Souls, et sa course glorieuse semblait pouvoir s’arrêter là.
C’était sans compter l’attrait inattendu et passionnant de la Nintendo Switch pour des AAA parus dans les années précédentes sur les consoles de salon, juste assez vieux pour être supportés sans trop de downgrade et assez récents pour inspirer le formidable désir de revivre d’aussi bons et beaux jeux sur une machine hybride.
Diablo III était simplement le candidat idéal : sa vue isométrique assez loin des personnages évite une trop grande perte de qualité visuelle si on en profite en portable, et y jouer ainsi semble donner tout son sens à un hack’n slash, donc un genre volontairement un peu répétitif, théoriquement moins immersif qu’un action-adventure, assez souple sur le système de sauvegarde, où l’on pourrait enfin progresser bien installé dans son canapé ou plus avachi, dans le lit, en attendant que le repas cuise, dans le train…
Diablo III : Eternal Edition a ainsi été pour moi LE jeu vidéo du confinement. Après l’avoir déjà pratiqué sur PS3 puis PS4, le pratiquer sur Switch avec ses dernières nouveautés en multijoueurs en ligne avait valeur de redécouverte, et m’inspirait évidemment le désir de reparler un peu du jeu sur Vonguru !
Un univers démoniaque et enchanteur
20 ans après les événements de Diablo II, notre avatar arrive à la Nouvelle-Tristram afin d’enquêter sur une étoile qui serait tombée du ciel sur la cathédrale et ressusciterait les morts. Il nous faut pour cela affronter le roi squelette Leoric qui nous en bloque l’accès, premier gros boss du jeu dont la défaite nous permet de découvrir la véritable « étoile », un étranger amnésique tombé du ciel. À la fin du premier acte, l’intrigue prend une toute nouvelle dimension en nous dévoilant que l’étranger est l’archange Tyrael, aspect de la Justice, qui a renoncé à sa nature pour prévenir l’humanité de l’arrivée de deux seigneurs démons, Azmodan et Belial.
Une ampleur intéressante… mais je dois confesser que le lore très travaillé de Diablo ne m’a jamais particulièrement parlé, que passé la moitié de l’acte I, j’avais tendance à ne plus parler à aucun PNJ présent pour exposer du background et à accélérer les dialogues obligatoires, ne profitant pleinement que des rares cinématiques superbes qui font la réputation de Blizzard.
C’est que Diablo III n’est pas réellement immersif – ou plus précisément je ne me suis jamais vraiment senti immergé. La vision isométrique qui perturbe tout de même l’adhésion à ce que réalise son personnage, la boucle assez abstraite donjon à explorer – objet à trouver – boss à tuer, et les clichés dont une telle fantasy s’encombre inévitablement, ne sont pas réellement faits pour me convaincre de la densité de l’univers dans lequel je suis supposé vivre, que je suis supposé ressentir.
Est-ce un mal ? Pas vraiment, cela pourrait même tenir à la nature du hack’n slash, sans être sauvé par les efforts considérables de lore des développeurs, mais ce n’est pas un aspect dont j’attendais beaucoup dans Diablo III. Et si j’ai malgré tout pu y passer autant de dizaines d’heures, c’est peut-être au contraire que l’intrigue a su rester assez subtilement au second plan du jeu pour nous permettre d’apprécier toutes ses autres qualités.
Un second plan servant de prétexte à l’exploration d’environnements extrêmement variés, d’abord assez classiques (une morne plaine, des catacombes…) et toujours plus fous. À des points que je n’oserais pas décrire pour ne pas vous spoiler – sachez seulement que l’acte IV ne vous décevra pas – mais à chaque tranche de quelques heures, vous découvrirez un nouveau type de paysage, plus ou moins naturel, urbain ou magique, plus ou moins gothique ou lumineux, doté de ses propres éléments destructibles et de son bestiaire très agréablement varié.
À chaque fois que vous quittez votre session de jeu puis y retournez, un « brouillard de guerre » recouvre les zones déjà explorées. Cela pourrait paraître extrêmement fastidieux, avec l’obligation de parcourir à nouveau des paysages connus, alors qu’il s’agit d’une invitation à les redécouvrir, la génération aléatoire de monstres plus ou moins rares et de loot leur donnant une seconde vie.
En outre, comme il suffit de quelques heures pour faire le tour d’un lieu, vous saurez presque systématiquement être assez méthodique pour ne pas revenir en deux sessions successives aux mêmes endroits. Et puisque cela n’arrive qu’en une poignée d’occasions, on est presque heureux de cette opportunité de farmer de nouvelles créatures et de nouveaux trésors dans une région à la topographie connue.
Un plaisir largement renforcé par la beauté des environnements, Diablo III trouvant, comme on le soupçonnait en introduction, une forme d’accomplissement dans le mode portable de Switch, sur un écran juste assez grand pour saisir chaque détail et sa propreté graphique, pour accompagner cette impression de dominer le monde exploré, déjà livrée par la vue isométrique.
Au cours de ma progression (ou plutôt : de mes progressions), je n’ai rencontré que quelques bugs, des monstres qui apparaissaient puis disparaissaient derrière une porte, pour y apparaître à nouveau une fois la porte ouverte, jamais de problèmes dans la physique du jeu ou dans ses textures, que j’aurais davantage redoutés sur ce qui est après tout la moins puissante des consoles supportant le titre, et qui est à peine moins beau que sur PS4. Imaginez être quatre héros lançant déchaînant plusieurs sorts à la fois contre une trentaine d’ennemis et ne pas subir la moindre chute de framerate, impressionnant ! J’ai été plus gêné par la dissimulation de mon personnage derrière des éléments de décor, peu pratique quand on est attaqué, mais le problème était le même sur les autres consoles, et si ponctuel que j’ai failli ne pas le mentionner.
Un sentiment contant de progression
On commence l’aventure de Diablo III avec un choix entre 7 classes, moine, barbare, chasseur de démons, croisé, féticheur, sorcier et nécromancien, chacun se déclinant de façon purement cosmétique au masculin et au féminin. Ma dernière partie sur PS4 avait fait évoluer le féticheur, j’ai cette fois opté pour une nécromancienne (Tezcatlipoca) puis une sorcière (Xipe Totec). Chaque classe dispose bien entendu de ses affinités en termes de caractéristiques, de pouvoirs radicalement distincts et même d’une réserve de « mana » qui porte un nom propre et fonctionne de manière différente pour chacun (rage, essence, discipline, pouvoir arcanique…) !
En faisant face aux premiers monstres, on est surpris de ne maîtriser que deux compétences, une attaque de base (touche A) et un soin qui se recharge avec le temps (R). C’est qu’il faut attendre le niveau 2 pour débloquer une attaque secondaire (ZR), le niveau 4 pour la capacité défensive (Y), le niveau 9 pour la capacité de puissance (X), le niveau 10 pour une première compétence passive, le niveau 14 pour une compétence tactique (B), le niveau 19 pour une compétence de rage (ZL), le niveau 20 pour une seconde compétence passive, le niveau 30 pour une troisième et le niveau 70 pour une quatrième – notez que les noms de ces compétences peuvent varier d’une classe à l’autre (on s’est ici appuyés sur le barbare), l’important étant le nombre de touches utilisables sans réattribution. Ainsi l’apprentissage des touches se fait-il progressivement plutôt que de nous assigner d’emblée un personnage capable de tout, sauf d’être maîtrisé. Et je ne parle même pas des pouvoirs à débloquer une fois que l’on a trouvé le cube de Kanai ou en parangon !
Cela ne donne d’ailleurs qu’une idée du nombre de capacités différentes (donc de touches) entre lesquelles savoir basculer, aucunement du degré de personnalisation. Vous débloquerez par exemple de nouvelles capacités dans l’ensemble de ces catégories au cours de l’aventure, ce qui vous permettra de faire face à d’intéressants choix de combinaisons de pouvoirs. Et à chaque capacité correspondent des runes qui peuvent l’améliorer du tout au tout : tirer un rayon, c’est bien, mais plutôt de glace et presque gratuit ou de feu et rayonnant sur tous les adversaires en face de l’avatar ? Inutile de dire qu’à chaque niveau, vous débloquerez tellement de nouveautés que vous aurez envie de tout essayer, avant de commencer à savoir à peu près comment envisager votre personnage (ce qui peut arriver très tard et être encore sujet à changements).
J’ai ainsi joué toute ma troisième campagne intégralement en mode calvaire, le plus exigeant des quatre modes de difficulté de base (avant les 16 niveaux de Tourment !), pas parce que je serais particulièrement amateur de challenge, mais que l’on y reçoit 225% de l’or et de l’expérience du mode normal (plus la possibilité de trouver les gemmes impériales sur les monstres de niveau 61 et plus), un bon moyen de découvrir plus vite tout le potentiel de son personnage et de s’imposer de faire les meilleurs choix si l’on veut triompher ! Au début, je trouvais seulement les combats assez longs, puisque ma sorcière peinait grandement à faire baisser la barre de santé des plus petits ennemis. À partir du niveau 10, je progressais à une facilité qui me faisait oublier le mode calvaire, puis à partir du niveau 40-50, j’hésitais à diminuer la difficulté tant je mourrais souvent… Bref, je n’ai pas encore osé jouer en « extrême »… c’est-à-dire en permadeath !
Et je n’ai même pas parlé de l’équipement, où vous devrez trouver de quoi occuper main droite et main gauche, plus des gants, les épaules, le corps, le cou, les poignets, les pieds, les jambes, plus des gants, une cuirasse, deux anneaux et une ceinture. Pour vous et votre compagnon, puisque vous pourrez vous faire accompagner par un PNJ enchanteresse, bandit ou templier, possédant son propre équipement (moins varié heureusement) et ses pouvoirs, avec des lignes de dialogue spécifiques qui lui donnent joliment une certaine personnalité. Des équipements de niveau et rareté générés aléatoirement, que vous ne cesserez donc jamais de chercher, et qui vous imposeront des dilemmes terribles (faut-il vraiment jeter cet objet légendaire de niveau 50 pour équiper cet objet rare de niveau 100, qui ne peut être serti de gemmes et possède moins de pouvoirs mais améliore nettement mes statistiques ?).
Vaincre Diablo III en équipe
Cette gestion de l’équipement représentera d’ailleurs le gros point noir d’une partie de Diablo III en multijoueurs local, puisque l’inventaire est ouvert en plein écran, et que les autres n’ont donc plus qu’à attendre que celui qui s’en occupe ait fini, avant de s’y mettre aussi, tant on collecte vite les objets. Un point noir… qui est peut-être le seul.
Déjà parce qu’il ne concerne que le multijoueur local, déjà prodigieux en soi – vous avez bien entendu, du local, à notre époque, et jusqu’à 4 encore ! Grâce à la vue isométrique assez éloignée, on n’éprouve même pas la gêne habituelle à un écran partagé d’un personnage perdu hors du cadre. Si le Pro Controller reste la meilleure manière d’avoir accès aisément à toutes les capacités, il est tout à fait possible de recourir à un joy-con, tenu horizontalement, la maîtrise des différents raccourcis demandant alors logiquement un peu d’entraînement.
Bien entendu, Diablo III peut également être pratiqué en online, jusqu’à 4 également, et d’ailleurs cumuler les deux (deux joueurs en local avec deux en online par exemple) ! Et cela… en drop in, drop out, c’est-à-dire que vous pouvez rejoindre et quitter l’aventure quand vous le voulez sans rien interrompre, sans même devoir en être exactement au même stade que les autres (même si cela vaut mieux pour suivre l’histoire et avoir un niveau équivalent à celui requis) !
C’était déjà possible sur PS3 et PS4 (ainsi que sur les autres plateformes, je me permets simplement d’insister sur celles que je connais mieux), où cela paraissait déjà d’une souplesse extraordinaire, mais avec la Switch, on redécouvre ces possibilités à partir de novembre 2018, à une époque où elles n’existent simplement plus !
On pourrait songer à Borderlands… dont je me rappelle particulièrement la tendance des joueurs à se précipiter sur le loot afin d’y avoir accès avant leurs « alliés ». Aucun problème dans Diablo III, où chaque joueur a son propre loot personnalisé, qui n’apparaît simplement pas sur l’écran des autres. Ou craignez-vous, notamment en ligne, de ne pouvoir vous déplacer qu’en groupe donc en discutant en permanence de la direction à prendre ou en suivant fastidieusement un « leader » ? Que nenni, éloignez-vous tant que vous voulez, faites votre vie, et d’un clic rejoignez les autres où que vous soyez et où qu’ils soient !
D’ailleurs, comme dans Borderlands, vous pouvez vous amuser à affronter d’autres joueurs sans aucune pression, pas de perte de durabilité des armes, de gain d’expérience, pas de permadeath en « extrême », pas d’obligation de répondre à une sollicitation de duel… Il suffit d’aller parler au pugiliste qui se trouve dans la ville initiale de chaque acte. Il vous téléporte alors dans une « arène » où vous n’avez plus qu’à démontrer votre supériorité à vos rivaux. Comment ne pas admirer que Blizzard ait si bien conçu un multijoueur riche et privé de toute frustration ?
Diablo III : Eternal Collection, classique éternel ?
Diablo III : Eternal Collection est l’une des sorties majeures de la Nintendo Switch. Ce jeu de 2012 (!) prend en effet tout son sens sur une console hybride familiale, grâce à la souplesse de ses fonctionnalités multijoueurs (jusqu’à 4 en local et/ou en ligne en drop in drop out) et de sa portabilité. Comment mieux profiter d’un hack’n slash qu’en l’emportant partout, avec la possibilité d’en profiter aussi bien sur grand écran que dans le train, surtout quand il est aussi varié, riche et beau que ce portage soigné d’une oeuvre passionnante ?