Boss Quest : afin de sauver le prince, aucune pitié… pour vos rivaux !

Présent quatre jours au Festival International des Jeux de Cannes, je n’ai pu y pratiquer que quatre jeux de société, comme je le relatais ici : un Crazy Tower, un Stratego (oui oui), un Hades Trap en prototype et un Boss Quest, dans des conditions un peu particulières puisque je le pratiquais en connaissant à peine le titre contre son auteur, Christophe Lauras (Zombie Bus, La Princesse aux Échelles), contre la blogueuse Ludigurl et son compagnon, et sous la caméra de son éditeur, Benjamin de Débâcle Jeux.

J’avais perdu bien sûr, trop prudent comme toujours dans tout ce qui emprunte au stop-ou-encore (Charlatans de BelcastelAbyssMystic Vale) pour vraiment briller, un peu trop sage sans doute malgré quelques agressions de mes adversaires, mais nous avions tous passé un moment extrêmement amusant et tendu à se tirer dans les pattes afin de récolter plus de clefs de boss que les autres, et il fallait donc que je vous présente plus avant ce formidable petit jeu d’ambiance, avec son extension-goodie La Faucheuse, désormais disponible en ligne, qui avait bien renouvelé le plaisir de jeu lors de cette partie mémorable !

Illustré par Christina Weinman, dont le style assez japanimation cherche habilement un juste milieu entre hommage aux jeux vidéo « classiques » et parodie, Boss Quest est vendu 19 euros et s’adresse à 2 à 5 aventuriers de 8 ans et plus pour des parties de 20 à 30 minutes (un peu plus avec la Faucheuse). Il avait fait l’objet d’une jolie campagne Ulule, dont j’avais notamment apprécié la transparence !

 

Des paysans en quête d’aventures

On commence logiquement une partie de Boss Quest en choisissant son pion Chevalier : deux femmes, dont une un peu dénudée mais musclée et sans volonté de faire dans le « sexy », deux hommes dont un noir, torse nu, et l’autre assez androgyne, un humain dans une armure complète et un chien, on peut dire que les auteurs ont fait attention aux représentations, et après avoir tant loué la démarche de WelcomeFeelinks, Nidavellir, Les Foufounes ou même Roll Player, on ne peut que les en applaudir ! De même, le personnage à sauver est une princesse sur une face et un prince sur l’autre, à vous de décider si vous voulez tordre le cou aux clichés ou les suivre – même si le dos de la boîte explique quand même qu’il faut y sauver la princesse, bon…

À chaque héros sont associés trois jetons Cœur.

Une pile Boss est constituée avec les 8 cartes Boss, dont la première seulement est dévoilée, devant la pile de clefs.

Sous la grande carte Magicien, on place la pile de cartes Sort et on en dévoile autant que de joueurs, en plus d’une face cachée, trois face visible et une face cachée à deux joueurs. Tous reçoivent une grande aide de jeu détaillant les effets de tous les sorts.

Un armurier est enfin désigné parmi les joueurs, et la partie peut déjà commencer ! Compte tenu de la quantité du matériel, on aurait pu craindre une mise en place un peu plus fastidieuse, un peu plus contraire à l’esprit « jeu d’ambiance », mais à partir du moment où les éléments distincts sont séparés dans des sachets, il vous suffira de deux minutes pour tout installer et faire face à une jolie table, claire du fait de la taille des cartes, colorée et bien aérée.

Le donjon aux 99 boss

Au début d’une manche, chaque joueur reçoit une arme face cachée (qu’il a le droit de consulter) et une arme face visible.

Un tour consiste à choisir entre deux actions :

  • demander 1 à 4 nouvelles armes à l’armurier, qu’il reçoit simultanément face visible. L’armurier lui-même fait bien entendu partie des aventuriers, et se demande donc lui-même à haute voix une certaine quantité de cartes. Si le total des valeurs des cartes Arme (face visible et cachée) devant un joueur excède les PV du boss, il ne pourra plus réaliser cette action au prochain tour de table.
  • se rendre chez le magicien, ce qui ne permettra plus de demander des armes pendant cette manche, de sorte qu’il faudra ensuite attendre que tous les autres se considèrent bien équipés et soient chez le magicien afin de poursuivre. Chez le magicien, il peut appliquer ou défausser un sort, y compris le sort secret (dont on choisit ce que l’on en fait avant de le dévoiler – forcément on n’y recourt pas très souvent).

 

Certains sorts s’appliquent au boss, augmentant ou diminuant ses PV afin de les faire correspondre autant que possible à la valeur totale de nos armes, ou ne permettant qu’aux joueurs possédant une arme de la couleur indiquée de le combattre. De quoi exclure simplement de la compétition un adversaire dont on pense qu’il ne l’a pas (ou défausser une règle qui nous serait vraiment défavorable si un adversaire l’appliquait) !

Certains sorts s’appliquent à un joueur (nous ou un autre), augmentant ou diminuant l’attaque, échangeant deux armes face cachée (de quoi détruire la stratégie de deux adversaires à la fois, surtout s’ils sont déjà chez le magicien !), empêchant un joueur n’ayant pas deux armes de la même couleur de remporter la manche, offrant la victoire au deuxième joueur ayant le total d’armes optimal au lieu du meilleur…

C’est là que le bluff sur l’arme cachée prend tout son sens ! Soyez trop clair sur ce que vous pouvez posséder, et vous pouvez être certain qu’un adversaire perturbera vos plans. Utilisez les quelques sorts disponibles au mieux pour affermir votre position et faire vaciller celle des autres, il y a toujours de quoi chambouler toutes les certitudes. Et si rien ne vous menace, gardez à l’esprit qu’un joueur certain de perdre la manche pourra toujours faire appel au sort secret, juste pour voir, avec l’énergie du désespoir…

 

 

Quand tous les joueurs sont chez le magicien, ils combattent le boss : ils dévoilent leur carte face cachée, font le total de leurs armes et de leurs éventuels bonus et malus, vérifient qu’ils respectent les sorts fixant des contraintes pour affronter le boss. Tous ceux dont le total des cartes dépasse les points de vie du boss perdent un cœur. Celui dont le score ne dépasse pas les points de vie du boss mais s’en approche le plus remporte une clef. En cas d’égalité, il faut posséder le moins d’armes, et en cas de nouvelle égalité, tous remportent une clef. Et tous ceux qui obtiennent un perfect (un total exactement égal aux points de vie du boss) remportent une clef supplémentaire.

Puis on recommence une manche, en défaussant le boss, le sort restant et toutes les armes en jeu, pour dévoiler un nouveau boss et de nouveaux sorts, et redonner une arme face cachée et une face visible à chacun. L’aventurier suivant dans le sens des aiguilles d’une manche est nommé armurier, et c’est reparti pour une boss quest !

La partie s’achève aussitôt qu’un chevalier a obtenu sa cinquième clef (à 2, 3 ou 4 joueurs) ou sa quatrième clef (à 5 joueurs, évitant des parties interminables), ou qu’un chevalier sa perdu son dernier cœur. Dans les deux cas de figure, le joueur vivant avec le plus de clefs remporte la partie, sachant qu’il est évidemment possible de moduler selon votre envie, en permettant de récupérer une clef de moins, ou en vous mettant d’accord en cours de partie pour en imposer une de plus… Tout ce qui compte, c’est le plaisir que vous prenez avec Boss Quest !

 

Toujours plus de niveaux !

Amusant… mais vous avez peur de tourner un peu en rond ? Vous êtes bien exigeant pour un jeu d’ambiance à moins de 20 euros et aussi joliment édité ! Mais les auteurs ont pensé à vous, en incluant pas moins de quatre mini-extensions et un mode solo !

Vous pourrez ainsi pratiquer Boss Quest avec les potions, trois cartes mélangées aux armes. Quand on en reçoit une, on décide immédiatement si on la place du côté -1/-2/-3 ou +1/+2/+3 sans pouvoir en changer plus tard, modifiant ainsi notre score avec le genre de petit coup de pouce permettant précisément de s’approcher du score requis sans risquer de le dépasser. Naturellement, ces cartes viennent avec deux sorts permettant de retourner une carte Potion, à qui qu’elle appartienne !

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Vous pourrez recevoir un fort joli compagnon merveilleux en début de partie, octroyant à leur seul propriétaire des effets aussi variés que le droit de considérer que leurs armes sont de toutes les couleurs, de regarder une fois par manche le sort mystère ou l’armée cachée d’un adversaire, d’aller chez le magicien immédiatement après avoir récupéré des équipements (et ainsi de ne pas risquer qu’un autre s’empare avant lui d’un sort convoité), d’emporter les égalités, de ne pas perdre de cœur si l’on dépasse la vie du boss d’1 ou 2 points, de remplacer un sort du magicien par le premier de la pioche. Très bien, mais un peu plan-plan d’assumer cette dimension asymétrique tout au long de la partie… sauf que l’extension est évidemment accompagnée de trois sorts permettant d’intervertir deux compagnons, qu’ils soient en jeu ou dans la réserve !

 

 

Le vainqueur seul pourra décider d’affronter un boss final… représentant l’auteur en Kratos ! À chaque fois qu’il demandera des armes, autant qu’il veut, ses adversaires pourront se concerter pour appliquer un sort, l’empêchant de piocher une carte après l’autre. Quand enfin il part au combat, il peut sacrifier un ou deux cœurs pour augmenter son score d’un point. Si vous perdez… personne n’a gagné la partie et la princesse nommera le fils qu’elle aura eu d’un autre « Presque » (oui, dommage de ne pas avoir envisagé qu’il pourrait être un Prince dans les règles).

Vaincre avec 1 cœur ou 2 vous assure de devenir chevalier d’honneur ou chef général des chevalier. Vaincre avec trois cœurs permet… d’épouser la princesse, mais votre relation insatisfaisante vous pousse à aller vivre avec le MegaBoss ! Très amusant, malgré les relents un peu sexistes d’une telle conclusion (épouser la victime comme récompense ultime, puis la quitter parce que cela ne nous va pas).

Ul’ul, qui fait évidemment référence à la campagne Ulule ayant permis à Boss Quest d’exister, peut être utilisé comme un boss à 22 points, ou posséder de surcroît une règle spéciale (qui n’apparaît malheureusement pas sur sa carte), plaçant toutes les armes de la manche face cachée et faisant perdre 2 points de vie à quiconque dépasse sa santé.

J’aime particulièrement les compagnons, qui ajoutent un côté tactique au jeu avec la possibilité de les échanger et une variété renouvelée des parties, et le MegaBoss, avec cette idée tellement dans l’esprit de Boss Quest que le vainqueur peut encore perdre puisque tout ce qui importe finalement, c’est de s’amuser en continuant les coups bas !

 

La Mort n’est pas la fin

C’est d’ailleurs l’esprit qui motive également l’extension La Faucheuse, qui n’est donc pas incluse dans la boîte mais peut être récupérée comme goodie, notamment pendant les festivals, et a récemment été mise à disposition des joueurs directement sur le site de l’éditeur. Si vous n’avez pas de bonne imprimante, pas d’inquiétude, il ne s’agit guère que d’une illustration de la créature avec ses 23 points de santé et de son verso, expliquant son fonctionnement !

Dès qu’un aventurier perd son dernier cœur, la Faucheuse devient le nouveau boss à affronter, et le perdant peut participer au combat. Au lieu de remporter une clef, triompher de la Faucheuse permet soit de récupérer ses trois cœurs, soit de devenir la Faucheuse.

Il perd alors ses cœurs et ses clefs, poursuivant un objectif tout différent : chaque fois qu’il ne dépassera pas les points de vie du boss et respectera les règles pour l’affronter, y compris quand il n’a pas un meilleur score que les autres, tous les adversaires totalisant moins de points que lui perdent un point de santé.

Il lui faudra ainsi toujours tenter de jouer aussi bien que possible afin d’éliminer tous ses ennemis, et de remporter la partie en étant le dernier en lice !

Étrangement, on ne dit pas ce qu’il advient de l’aventurier décédé si ce n’est pas lui qui triomphe de la Faucheuse… N’hésitez donc pas à imiter Cerbère en décernant d’office le rôle de la Faucheuse au premier aventurier ayant perdu tous ses cœurs ! C’est injuste, parce qu’au lieu de perdre la partie on la relance avec une nouvelle chance pour lui de vaincre ? Tout à fait, et alors ? Franchement, dans ma partie avec Christophe et Julia, cela avait prolongé la partie en lui offrant une toute nouvelle dynamique, et avait clairement participé à faire de Boss Quest un si joli succès !

 

L’aventurier solitaire

En ces temps de confinement, vous pourriez être particulièrement heureux d’apprendre que Boss Quest propose un mode solo, tout à fait plaisant de surcroît, bien que l’on perde naturellement l’interactivité chaotique qui faisait tout le charme du multijoueurs.

L’aventurier solitaire possède trois cœurs et les quatre sorts +1/+2/-1/-2 au score.

On place les boss en deux rangées de trois, et à côté de chaque rangée, 5 cartes Sort. Au-dessus de la deuxième, le Prince, le MegaBoss et trois sorts.

Naturellement, on retire quelques sorts ne pouvant pas s’appliquer sans adversaires, ainsi qu’une couleur d’arme.

On nomme alors un nombre libre de cartes Arme que l’on pioche, et que l’on doit toutes attribuer au même boss de la première rangée, avec le premier sort de la pioche. On répète le processus cinq fois (jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de sort), on s’aide éventuellement de ses modificateurs, et on regarde si l’on est parvenu à égaliser exactement le nombre de points de vie des boss avec ses armes.

Pour chaque boss dont on ne respecterait pas les éventuelles règles, dont on dépasserait ou n’atteindrait pas la santé, on perd un point de vie.

S’il nous reste de la santé, on affronte la deuxième vague en suivant les mêmes règles.

S’il nous reste toujours des cœurs après avoir dépassé la seconde vague, on a accès au MegaBoss, en suivant les mêmes règles (donc cette fois en trois tours, avec trois sorts s’appliquant au même ennemi), mais avec la possibilité de se retirer un point de santé (s’il vous en restait !) pour ajouter ou retrancher 1 à sa force.

Je vous avouerais qu’en trois tentatives, je n’ai jamais remporté encore ce mode solitaire, à cause des sorts qui bouleversent tout ce que je pouvais prévoir.

 

 

Boss Questgame boss ?

Boss Quest peut être décrit un peu à la va-vite comme un Blackjack vidéoludique, où il faut s’approcher autant que possible de la valeur en points de santé de différents boss sans la dépasser. Des cartes Arme d’une valeur de 1 à 7 remplacent les dés, et pour s’assurer que l’on agira rapidement, le jeu récompense par l’attribution d’une modification de règles les joueurs au fur et à mesure qu’ils estiment avoir complété leur main. S’il reste très aléatoire, il l’habille ainsi très bien thématiquement et enrichit astucieusement le stop-ou-encore d’une part tactique… particulièrement agressive.

C’est que Boss Quest est avant tout un jeu où vous aimerez vous taquiner les uns les autres. En laissant une place au hasard et au bluff grâce à la carte que chacun garde secrètement devant lui, il ne vous autorise jamais aucune certitude de victoire, et vous invite continuellement à saper les chances de vos rivaux, à bouleverser les règles de façon à leur retirer toute chance de rester dans la compétition. On tente bien entendu de deviner ce qu’ils peuvent cacher… pour rire énormément au moment de la confrontation avec le boss, que l’on soit tombé juste ou non, le plus important étant évidemment de s’amuser de l’ambiance particulièrement électrique suscitée par le titre.

Ce primat du plaisir est renforcé par les quatre modules de Boss Quest, qui ajoutent considérablement à sa variété et à son interactivité jubilatoire, avec une générosité inattendue de la part d’un jeu d’ambiance à 20 euros !

 

 

Ludum

 

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