Roll Player – le jeu de société… de construction d’un personnage de jeu de rôle !
Je ne mets pas de note aux jeux de société, pas de pourcentage de plaisir ludique ou de succès. Cela tient en grande partie à la subjectivité critique : il me semble que face à un jeu de société, bien plus encore que face à un film ou un jeu vidéo, les conditions dans lesquelles on le pratique, les personnes participant avec nous à la partie et à son ambiance, mais aussi nos habitudes, sont si déterminantes que ce que l’un abhorre, un autre pourrait l’adorer.
Paradoxalement peut-être, cela ne m’empêche pas d’accompagner le relai de mes critiques de notes quand cela est exigé sur TricTrac et Philibert, ou proposé sur MyLudo, parce que j’aime tout de même l’idée en soi des notes pour refléter un ressenti personnel. Jamais directement sur les articles, qui ont la vocation de partager une expérience ludique, d’exposer les raisons de mon appréciation ou de ma réticence de façon argumentée, surtout pas de la résumer aussi vainement que par une note, dont on sait à quel point il peut être tentant de s’y reporter sans lire le commentaire qu’elle illustre.
De même, j’évite autant que possible de parler de « coups de cœur » ou autres expressions débordant d’enthousiasme, parce qu’il m’arrive de les lire trop souvent, parfois pour chaque test d’un camarade « influenceur » – et quand une fois cela n’apparaît pas, on comprend qu’il n’a pas du tout aimé le jeu, malgré ses propos les plus valorisants. Même pour une oeuvre m’ayant aussi enthousiasmé que Cairn, j’expliquais en conclusion pourquoi je ne voulais pas parler de « coup de cœur », ce qui pouvait apparaître comme l’expression d’un reproche et devait pourtant être compris comme celle d’un sincère enthousiasme.
Tom Vasel, de Dice Tower, possède un système très satisfaisant, l’attribution de « Seal of Approval » pour les jeux lui paraissant assez objectivement bons, et de « Seal of Excellence » pour ceux lui paraissant excellents, que rien n’empêche de tourner parfaitement et semblant de surcroît dotés d’un « je ne sais quoi ». Ces sceaux ne sont pas limités, de sorte que tous les jeux pourraient théoriquement être des « Seal of Excellence », et s’ils ont vocation à une relative objectivité, Tom Vasel ne serait pas bête au point de les croire réellement absolus.
Aussi ai-je décide de décerner de temps à autre un « Golden Award » sans qu’il soit jamais question de « Bronze Award » ou de « Silver Award », pour mettre en valeur au premier coup d’oeil un coup de cœur personnel, mais me paraissant également un jeu particulièrement bon et donc susceptible de convaincre au plus grand nombre (mais on ne rembourse pas si vous n’êtes pas satisfait !).
Vous l’aurez compris, Roll Player serait ce premier « Golden Award », ce qui ne signifie naturellement pas que sur les 300 jeux testés sur Vonguru de nombreux autres n’auraient pas pu y prétendre, y compris récemment, seulement qu’il faut bien commencer quelque part, et que Roll Player a tellement convaincu à chacune de ses parties qu’il paraît un parfait point de départ.
Roll Player, c’est ce jeu de placement de dés (pas particulièrement « sexy » dit comme ça)… De création d’un personnage de jeu de rôle. Conçu par Keith Matejka (Skulk Hollow), illustré par Luis Francisco (Flash Point, Masmorra, The Resistance) et John Ariosa (Mice and Mystics, Summoner Wars, Evolution, Omen), ce titre original est édité par Thunderworks (Skulk Hollow, Dual Powers) et localisé par Intrafin (Terraforming Mars, Barrage, Spirit Island, Mage Knight, Sword & Sorcery, Creepy Falls). Vendu 42 euros, Roll Player s’adresse à 1 à 4 aventuriers de 10/12 ans et plus pour des parties d’environ une heure et demie.
Pour construire un bon personnage, il faut… des dés
42 euros, un prix tout à fait normal pour un jeu de société, qui laisse toutefois espérer une certaine qualité matérielle. L’argument de vente de Roll Player, ce sont ses dés, comme on peut l’imaginer, pas moins de 73 dés à six faces de 7 couleurs (verts, blancs, rouges, bleus, violets, noirs et jaunes, un tout petit peu plus nombreux), que l’on garde dans un sac.
Tous lancent un dé, qui définit le premier joueur.
En commençant par lui, chacun choisit un personnage, c’est-à-dire une « race » (elfe, halfelin, nain, humain, drakéide, orque et grippli, une grenouille anthropomorphe). Les plateaux sont identiques à l’exception d’un (léger) bonus de +2 dans une caractéristique et d’un léger malus de -2 dans une autre. Un drakéide sera ainsi plus fort qu’adroit, vous vous en doutez… Il n’y a cependant pas lieu de choisir son personnage sur cette base, qui ne vous aide pas du tout… Pour l’instant. On appréciera beaucoup la possibilité de choisir le sexe apparent de son avatar selon la face du plateau, pour un impact strictement cosmétique et nominal !
Chacun reçoit ensuite 5 pièces d’or, 6 pour le troisième, 7 pour le quatrième.
Et on arrive déjà à la création de son personnage : en commençant par le premier joueur, chacun pioche un dé (qui ne doit pas être jaune ni d’une couleur déjà piochée) et prend la carte Classe correspondante : ensorceleur, barbare, druide, moine… Vous n’aimez pas l’idée de subir votre classe ? Sachez d’abord que les cartes Classe ont deux faces, et que vous pouvez décider de celle qui a votre préférence. Il va ensuite de soi que si ce mode d’attribution ne vous convient pas, vous pouvez décider d’une sélection libre ou de toute autre méthode ayant votre préférence. À ce stade, cela commence à avoir une importance, très légère : les classes octroient une capacité et donnent un objectif de valeur à remplir dans chaque caractéristique. Un objectif élevé sera rempli plus facilement avec un bonus +2 et assez difficilement avec un -2 ; enfin on peut très bien faire sans, et c’est aussi pour cela que les cartes ont deux faces.
Puis chacun se voit octroyer aléatoirement une carte Alignement et une carte Antécédent. Les premières donnent une grille de moralité, indiquant s’il faut que le personnage soit plutôt bon, loyal, mauvais ou chaotique. Les antécédents comportent un assez long texte racontant votre background et indiquent pour chaque caractéristique la position d’un dé, à reproduire pour tenter d’obtenir des Points de Victoire (PV) supplémentaires. Toutes deux sont par ailleurs associées à un attribut, ce qui vous permettra de générer un « drakéide ensorceleur, artisan et lunatique » ou un « halfelin bagarreur, aristocrate et renégat ». De quoi déjà bien vous rire ! Un marqueur de la couleur de sa classe est posé sur chaque carte : sur la carte antécédent comme pur rappel, sur la carte alignement pour noter ses changements moraux.
Les 54 cartes Marché sont empilées, celles marquées d’un point au-dessus de celles marquées de deux points. Pour plus de variété (et de chaos), rien n’empêche évidemment de toutes les mélanger. On en dévoile autant que de joueurs plus une, au-dessus de chacune, une carte Initiative dans l’ordre croissant, et sur toutes celles qui se trouvent entre la première et la dernière, une pièce d’or.
Vous avez enfin envie de toucher les dés ? Il est temps de piocher autant de dés que de joueurs plus quatre ! Chacun les lance et les pose sur les emplacements libres de ses lignes de caractéristiques, sur son plateau personnel. Un dé jaune (« or ») rapporte 2 pièces. On les place dans la ligne de son choix, mais toujours sur la première colonne vide, jamais sur le troisième emplacement d’une caractéristique si la première et la deuxième ne sont pas aussi occupées par exemple.
Si l’on remplit déjà une ligne, cela rapporte une pièce d’or. À chaque caractéristique correspond un pouvoir, qui ne se déclenche pas lors de la mise en place : poser un dé sur une case à ce stade risque donc de priver ensuite le joueur de l’utilisation d’un pouvoir, ce qu’il faut méditer. Heureusement que tous les joueurs procèdent à l’attribution simultanément !
Une variante très intéressante propose de donner à chacun un dé de chaque couleur, puis 1/2 dés Or à 3/4 joueurs. Notez qu’il est bien entendu possible d’attribuer un ou deux dés de plus pour raccourcir les parties.Enfin, raccourcir les parties est surtout intéressant pour les néophytes, et leur donner des dés supplémentaires quand ils ne savent pas réellement quoi en faire n’est pas à leur avantage. Avec des habitués cela peut s’avérer un peu plus intéressant, d’autant que l’on ajoute une certaine tension à baisser le nombre de tours et d’actions.
Puis on commence la partie.
Cela fait beaucoup de texte, de sorte que la mise en place peut paraître fastidieuse à première vue… Mais les éléments sont dans l’ensemble si différents que même sans thermoformage, on les distingue très vite dans la boîte ; et surtout, les auteurs ont eu l’excellente idée de nous faire jouer tout en installant les éléments ! L’avatar se dévoile progressivement au joueur, pour l’amuser et l’intriguer, lui donner déjà une première idée des tactiques permettant de profiter au mieux de ses capacités pour trouver les PV. En outre, avec le premier placement des dés, on est déjà pleinement immergés dans le jeu, participants à l’aventure Roll Player, happés dès le début de l’installation sans souhaiter en ressortir avant d’avoir parachevé son héros.
Du hasard pour mieux choisir
Un tour de Roll Player est divisé en quatre phases.
Pendant la phase de pioche, le premier joueur pioche autant de dés que de cartes Initiative (donc autant de dés que de joueurs, plus un), les lance et les place sur ces cartes Initiative dans l’ordre croissant. Si plusieurs dés représentent la même valeur, il choisit dans quel ordre les placer.
Pendant la phase de développement, chaque joueur, en commençant par le premier, prend une carte Initiative avec le dé correspondant et son éventuelle pièce d’or (plus 2 pièces d’or s’il s’agit d’un dé jaune). Ce dé doit être placé sur son plateau personnel, ce qui déclenche s’il le souhaite l’action de la caractéristique (y compris sur le dé qui vient d’être posé), clairement exprimé par de judicieux pictogrammes :
- La force permet de retourner n’importe quel dé de sa fiche sur sa face opposée.
- La dextérité permet d’intervertir la position de deux dés.
- La constitution permet d’augmenter ou de diminuer de 1 la valeur de l’un de ses dés.
- L’intelligence permet de relancer l’un de ses dés, en conservant l’ancienne valeur ou la nouvelle.
- La sagesse permet de déplacer orthogonalement d’une case son marqueur Alignement.
- Le charisme permet de gagner un jeton Charisme qui, ce tour-ci seulement, pourra être défaussé pour réduire de 1 le coût d’une carte du marché. Dans toutes les parties que j’ai réalisées, il s’agissait de la caractéristique la moins évidemment utile. Je suppose que le gain direct d’une pièce d’or se serait avéré trop puissant, surtout en déclenchant des combos, mais il est vrai que j’ai vite eu tendance à remplir le charisme au début de la partie, afin de garder les pouvoirs plus indispensables pour la suite… N’hésitez pas à me dire si vous jouez autrement, et usez plus intelligemment de cette capacité.
La phase de marché se déroule dans l’ordre donné par les cartes Initiative. On comprend alors mieux la manœuvre : le dé le plus faible, donc généralement le moins intéressant (même si c’est loin d’être systématiquement le cas) est toujours celui qui permet de commencer la phase de marqué, ce qui est un avantage considérable, tandis qu’en acceptant d’être le dernier à cette phase, on peut récupérer le dé le plus puissant. Aussi fallait-il offrir une compensation aux joueurs intermédiaires, sous la forme d’une pièce d’or.
Dans cet ordre, on peut soit défausser une carte du marché (et gagner 2 pièces d’or), soit l’acheter pour le coût indiqué, en replaçant ensuite la carte Initiative au centre de la table :
- On ne peut posséder en même temps qu’une arme à deux mains ou deux armes à une main, logique. Au besoin, on peut toujours en défausser librement pour les remplacer. Les autres ne sont pas limitées.
- Les armures représentent des collections : on gagne 1 PV par pièce correspondant à notre classe, et un nombre de PV proportionnel à la quantité de pièces d’une même collection.
- Les traits de caractère portent une petite flèche : en l’acquérant, on déplace immédiatement dans ce sens notre marqueur Alignement si on le peut.
- Les compétences peuvent être utilisées dès leur acquisition. Il faut pour cela déplacer le marqueur Alignement dans la direction indiquée. Si ce n’est pas possible, l’action n’est pas réalisable. Intéressant pour limiter leur usage… Et aussi jouer sur leur désirabilité. Une compétence très intéressante mais déplaçant le marqueur dans une zone où l’on perd des points mérite réflexion, tandis qu’une compétence moins intéressante mais permettant précisément de ramener le marqueur dans les bonnes zones pour un joueur l’attirera davantage… Et que deux compétences déplaçant le marqueur dans deux directions opposées peuvent être alternées pour des résultats très tentants ! Utiliser une compétence implique cependant de l’engager, et une seule peut être dégagée par tour…
Les cartes présentes au marché ont ainsi un impact crucial sur l’intérêt des cartes Initiative : il faut parfois absolument la meilleure initiative pour obtenir la carte qui peut sembler la plus désirable à tous, pour bloquer un adversaire auquel elle pourrait être trop avantageuse (comme une armure complétant sa collection) ou éviter d’être bloqué !
Vous remarquerez vite qu’il y a très peu de cartes Marché, 54 à peine, au point qu’elles tombent toutes pendant une partie. On apprécierait immanquablement plus de variété, avec l’habitude du foisonnement de l’heroic fantasy, mais il y a quelque chose d’admirable à ce que les auteurs se soient à ce point limités quand il leur aurait été si facile d’en introduire toujours davantage, privilégiant en fait une rigueur à laquelle on sera sensible après plusieurs parties de Roll Player, quand on apprendra à anticiper ce qui va tomber, ne serait-ce que la certitude que toutes les pièces d’armure apparaîtront dans le marché à un moment ou à un autre.
Enfin, lors de la phase d’entretien, on défausse les jetons Charisme inutilisés, chacun redresse une seule carte Compétence, on défausse le dé et l’éventuelle pièce d’or de la carte Initiative encore sur la table, ainsi que la carte Marché, on fournit à nouveau le marqué et l’on place des pièces d’or sur les cartes Initiative intermédiaires. Enfin, le joueur suivant dans le sens des aiguilles d’une montre devient premier joueur et on commence un nouveau tour.
La partie s’achève lorsque les emplacements de dé des fiches de personnage sont occupés. Rien n’accélère ou ne ralentit ainsi les parties, qui avancent inéluctablement vers leur fin.
On calcule alors son score. Pour cela, on additionne :
- L’objectif pour chaque caractéristique, dépendant de sa classe. Un roublard doit par exemple totaliser 16 ou 17 points en force pour 2 PV, 18 en dextérité pour 4 PV, 14 ou pus en intelligence pour 1 PV…
- 1 PV par dé de la couleur de leur classe sur leur fiche de personnage.
- Le nombre de PV (nul, positif ou négatif) de la case Alignement sur laquelle se trouve son marqueur.
- L’objectif de l’antécédent, qui demande pour chaque caractéristique le placement d’un dé particulier. L’Enfant de la Faille doit par exemple avoir un dé rouge en troisième position en force, un dé blanc en deuxième position en dextérité, etc. 2 ou 3 dés bien placés ne rapportent qu’1 PV, malgré la difficulté du défi ; 4 ou 5 3 PV, 6 6 PV, ce qui vaut alors vraiment le coup.
- Les PV de sa collection de pièces d’armure. Les pièces de cuir rapportent par exemple chacune 1 PV aux classes pourpre et noire, et valent de surcroît ensemble 1 PV si on n’en a qu’une, 3 PV avec deux pièces de cuir, 5 PV avec 3, et 8 PV avec 4.
- Les PV de ses traits, qui rapportent parfois directement des points et imposent le plus souvent des objectifs : 2 PV si notre fiche contient des dés des 7 couleurs, 2 PV pour chaque caractéristique dont la valeur est inférieure ou égale à 5…
Une salade de points… En fait assez lisible, que l’on réalise sans trop de peine. On ne sait pas réellement au cours de la partie où en sont tous les joueurs, mais on repère très vite ceux qui se démarquent avec des traits ou des armures, et un rapide coup d’œil sur leur fiche de personnage suffit à évaluer vaguement leur progression, de sorte qu’on est loin d’être dans le flou, et que l’on perçoit sans peine quand il est judicieux ou non de procéder à un blocage.
En cas d’égalité, il faut posséder le plus de pièces d’or (qui sinon ne valent aucun PV, ce que j’apprécie toujours), puis posséder moins de dés de leur couleur sur leur fiche de personnage que les autres.
Un aventurier solitaire pour une grande aventure
Roll Payer peut se pratiquer en solitaire, une évidence pour un jeu de dés proposant de façon aussi thématique de créer un personnage de jeu de rôle, mais dont on imagine mal comment l’appliquer à un titre parvenant à être aussi interactif, bien qu’indirectement.
On joue alors contre un ennemi fictif, représenté par un dé Or, avec une mise en place pour deux joueurs.
Si l’on choisit la carte Initiative 2, on lance le dé Ennemi, qui n’a pas d’effet en obtenant 4, 5 ou 6 mais avec 1, 2 ou 3 défausse la carte la plus à gauche/au milieu/la plus à droite du marché. Si l’on choisit la carte Initiative 3, on défausse avec 1-2/3-4/5-6 la carte Marché la plus à gauche/au centre/la plus à droite. Prendre le dé le plus puissant a ainsi bien un impact négatif.
Au moment du calcul du score, on gagne 1 PR par lot de 8 pièces d’or… Et en dehors de cela, la partie se déroule exactement comme dans les règles « normales » !
On compare alors ses points à une grille : en-dessous de 21, on n’est qu’un PNJ, mais avec plus, on pourra prétendre au titre de mercenaire, aventurier, sommité, chef de clan ou véritable héros (au-dessus 38) !
Pas d’automa, pas de calcul de scores pour l’ennemi et de comparaison finale : un dispositif aussi léger que possible pour produire un semblant de tension sans ajouter aux complications habituelles aux modes solo.
Trop léger peut-être pour que Roll Player puisse réellement intéresser pour son seul mode solo, mais assez pour se pratiquer tout à fait agréablement afin d’expérimenter toutes ses subtilités du jeu, et de ne pas renoncer tout à fait aux plaisirs de cet excellent jeu quand on est dans l’impossibilité de le pratiquer à plus !
Roll Player, un coup de cœur
Roll Player est un coup de cœur, et c’est une formule que j’évite autant que possible d’utiliser sur le blog afin de ne pas la galvauder. Pourtant je ne suis pas rôliste, et l’idée de bâtir tout un jeu de société autour de la construction d’un personnage de jeu de rôle, sans même pouvoir l’utiliser ensuite afin de lui faire vivre des aventures, peut paraître curieuse, voire sérieusement rebuter des personnes imperméables aux univers de heroic fantasy… finalement enthousiasmées à chaque fois que j’ai eu le plaisir de le faire découvrir aux publics les plus divers.
Il faut dire que les règles sont impeccablement claires, et accompagnent si bien l’apprenant que l’impression initiale de débordement (quand on voit les races, classes, alignements, antécédents, caractéristiques, objets de marché…) se tasse vite au profit de la curiosité, et d’un certain amusement dans la création d’un avatar si original. Même sans adhérer au thème, on ne peut nier qu’il fonctionne, grâce à une excellente alliance avec la mécanique.
On pourrait même dire plus radicalement que pour gagner (mécanique), il faut y adhérer (thématique), tant chaque spécificité de l’avatar oriente sa réflexion tactique, tant on gagne de points à être fidèle à son identité. Que chaque carte porte un nom caractérisant son porteur est ainsi un vrai plus afin d’y croire toujours mieux, y compris en s’amusant des excentricités d’associations incongrues.
En cela, la présence de dés a la valeur d’un argument consensuel. Le néophyte a l’habitude de les manier dans des jeux autrement moins rigoureux, tandis que l’habitué sait à quel point le « jeu de société moderne » l’a en horreur, et n’y recourt que quand il se sait capable d’en contourner le chaos et l’arbitraire. Et de fait, entre le choix des dés, les actions pour en altérer la valeur, les nombreuses possibilités pour en tirer profit, on n’a presque jamais l’impression de subir le hasard, et bien plutôt celle d’être encouragé continuellement à s’adapter intelligemment.
Une merveille d’équilibre entre accessibilité et richesse, exemplaire de ce que le jeu de société moderne peut proposer avec des dés, thématique, fluide et tendu, dont le succès considérable n’étonne aucun de ceux qui a eu la chance de le pratiquer.
Et le plus beau est que ce succès a encouragé Thunderworks à publier des jeux variés dans l’univers de Roll Player, deux extensions bien sûr, Monster & Minions (en français dans les prochains jours) et Fiends & Familiars (en français début 2021), plus tard cette année le standalone Adventures, qui permettra d’importer ses personnages de Roll Player ou d’accepter des builds pré construits pour leur faire vivre une aventure, le spin-off Lockup (en français fin 2020), la version flip & write apparemment excellente, Cartographers, qui sort également ces jours-ci en français…