Birds of Prey et Watchmen, héroïnes et tordus dans le jeu de deck-building DC Comics !
On vous présentait hier le jeu de deck-building DC Comics édité par Cryptozoic Entertainment et localisé par Don’t Panic Games, avec deux boîtes de base. Il s’agissait d’y constituer un deck de plus en plus puissant en acquérant de nouveaux alliés, équipements, lieux, vilains, super-pouvoirs afin de vaincre des super-vilains et de finir avec le deck valant le plus de points. Rapide, vivant, accessible, il proposait une expérience satisfaisante et d’autant plus variée que l’on peut combiner toutes les boîtes du jeu, les boîtes de base et les extensions. Ses mécaniques pouvaient cependant paraître basiques au bout d’un certain nombre de parties aux joueurs les moins néophytes, satisfaisantes, mais un peu basiques. Aussi les créateurs ont-ils eu l’intéressante idée d’y ajouter des extensions qui ne représenteraient pas que de nouvelles cartes, mais permettraient d’intégrer de nouvelles mécaniques et d’approfondir considérablement le titre, à l’instar de Birds of Prey et Watchmen.
On appréciera naturellement la connexion parfaite à l’actualité de la boîte de base Titans et de ces deux petites extensions avec deux séries on ne peut plus contemporaines et avec un film… sortant aujourd’hui ! On ne reviendra naturellement pas sur le fonctionnement du jeu, pour lequel on vous renvoie à l’article d’hier, puisque cet article sera consacré à la présentation des spécificités de Birds of Prey et Watchmen. Et comme ma thèse porte beaucoup sur ce dernier comics, j’avais évidemment hâte de découvrir comment sa complexité et son ambition ont pu être convertis en une si petite boîte !
Birds of Prey est conçu par Matt Hyra (auteur d’innombrables jeux Rick and Morty) et Nathaniel Yamaguchi, les deux responsables ensemble ou séparément de l’ensemble des extensions de la franchise, it vendu 14 euros. Watchmen par Matt Hyra seul, pour le même prix. Ils s’adressent toujours à deux à cinq super-héros de 10-12 ans pour des parties de 30 à 45 minutes.
Birds of Prey
On commence par couper en deux le Deck commun d’une boîte de base, par mélanger les 23 nouvelles cartes à l’une des deux moitiés, et à placer cette moitié augmentée au-dessus de l’autre. Il s’agit de garantir qu’elles sortiront, alors que les mélanger avec l’intégralité du deck aurait pu les diluer. C’est en fait indispensable pour profiter au mieux de la nouveauté mécanique de ce Birds of Prey, la rotation des cartes.
Plusieurs effets permettent en effet de les faire pivoter, à chaque fois de 90° et dans le sens des aiguilles d’une montre, afin de bénéficier d’effets bonus.
L’extension Birds of Prey propose d’incarner Catwoman, Black Canary, Batwoman, Oracle, Katana ou Huntress. On peut les mêler aux super-héros des autres boîtes ou décider tous de choisir dans ce roster afin de conserver une cohérence thématique.
Oracle permet par exemple une fois par tour de piocher une carte et pivoter une carte contrôlée (toujours de 90° dans le sens des aiguilles d’une montre) si l’on contrôle au moins deux héros. Catwoman permet de gagner la carte du dessus du Deck commun si l’on contrôle au moins quatre cartes pivotées, et d’en pivoter une qui était à l’endroit à chaque fois que l’on pose une carte Vilain. Avec Batwoman, toutes les cartes de la Réserve coûtent un Point de Puissance (PP) de moins si elles sont du même type qu’une carte pivotée que l’on possède. En contrôlant deux équipements, Katana peut faire pivoter une carte ou détruire une carte de base de sa main.
Parmi les nouvelles cartes de Birds of Prey, le lieu permanent La Tour de l’horloge pivote à chaque fois qu’un adversaire bat un Super-vilain, et est remise sous sa pioche quand elle a fait un tour complet pour permettre de jouer immédiatement (en plus de son tour dans la séquence normale). Maître voleur fait piocher une carte par carte pivotée sous son contrôle. Arbalète permet de piocher une carte et de faire défausser une carte à tous les adversaires ayant une carte pivotée. Maggie Sawyer offre +1 PP et +1 PP par carte pivotée contrôlée. Scandal Savage est permanente, on peut la faire pivoter pour éviter une attaque, mais elle est défaussée quand elle revient à l’endroit.
Les règles recommandent d’affronter les super-vilaines dans l’ordre de leur valeur en PP, en commençant par Harley Quinn, puis Calculator, Cheetah, Livewire, Poison Ivy, Lady Shiva, Nocturna et enfin Talia al Ghul.
Harley est par exemple permanente et fait pivoter l’une de nos cartes au début de chacun de nos tours. Quand Ivy est dévoilée sur la pile de Super-vilains, elle donne deux cartes Faiblesse à tous ceux qui ne contrôlent pas de carte pivotée, et une fois acquise, elle donne +3 PP et répartit toutes les cartes Faiblesse de notre mai et de notre défausse dans les autres défausses. Quand Lady Shiva est révélée, chaque joueur met deux cartes qu’il contrôle sous sa pioche, et une fois acquise, elle octroie +5 PP et permet de détruire deux cartes de sa main, de sa défausse et de la réserve…
Watchmen
À première vue Watchmen est moins ambitieux, en tout cas moins spécifique : on mélange complètement ses 11 cartes au Deck commun, et elles ont des pouvoirs assez généraux, à l’exception d’une seule.
Naturellement tous les super-pouvoirs sont liés au Dr. Manhattan, le seul être qui en est doté dans cet univers, comme Reconstruction (détruit toutes les cartes non-Super-pouvoir de la réserve et les remplace) ou Duplication (qui rejoue une carte déjà jouée ce tour, et détruit une carte du même nom dans la main ou la défausse des adversaires).
Les deux héros, on s’en doute, sont les Minutemen Sally Juspeczyk, alias Sally Jupiter (qui permet de gagner la carte au sommet du Deck commun et de répéter le processus si elle coûte 4 ou moins ou de la détruire si elle coûte 6 ou plus) et Hollis Mason (qui détruit toutes les cartes non-équipement de la réserve et les remplace).
Les deux vilains, Moloch et les casseurs ; les équipements, Archie, le masque du Hibou et celui de Rorschach ; l’unique lieu (parce que Karnak n’est pas représenté, peut-être pour ne pas spoiler), New York City, qui permet d’acheter dans les cartes détruites comme dans la réserve.
Et on nous propose évidemment d’incarner Ozymandias, le Comédien, le Spectre soyeux, Dr. Manhattan, Rorschach et le Hibou.
Avec le Dr. Manhattan, on peut détruire une carte de sa main après avoir joué un deuxième super-pouvoir en un tour ; Rorschach permet de défausser une carte de sa main pour jouer la carte au sommet de la pioche d’un adversaire, puis de l’y replacer ; Ozymandias permet de piocher une carte supplémentaire à la fin de son tour et d’en poser une au sommet de sa pioche.
Comme la plupart des cartes du DC Comics Deck-Building Game, celles de l’extension Watchmen recherchent une cohérence entre leur sujet et leur effet, un exercice dont il est toujours plaisant de constater le résultat, surtout appliqué à un univers qui (jusqu’à Doomsday Clock) n’était pas commun à celui de Batman, Superman, Wonder Woman et des autres, dans un mélange d’une amusante incongruité. Mais la force de Watchmen est bien loin de se cantonner à l’addition d’un nombre si dérisoire de nouvelles cartes.
Si vous connaissez un peu le comics ou son adaptation par Zack Snyder, vous savez qu’il n’y a pas réellement de super-vilains (ni de véritables héros d’ailleurs) dans Watchmen. Aussi n’affronte-t-on pas ici une pile de Super-vilains, mais chaque joueur reçoit-il une carte Loyauté face cachée. Un seul d’entre eux sera secrètement le Génie du crime, qui doit réaliser une sombre machination pour remporter la partie, ou vaincra quand le Deck commun sera vide – sachant qu’à la fin de chaque tour où l’on n’a acquis aucune carte, on ajoute une carte du Deck commun à la Réserve, de sorte que la partie avance immanquablement, comme une horloge…
Au lieu de la pile de Super-vilains, on place trois challenges, de niveau 1, 2 et 3. La loi Keene annule par exemple les pouvoirs de tous les super-héros, et il faut poser sur elle 3 héros, 2 équipements, 4 super-pouvoirs et 2 vilains (pas forcément au même tour ni le même joueur évidemment, et sans appliquer leur effet), plus totaliser pendant son tour une puissance de 9 pour s’en débarrasser (et détruire toutes les cartes qui y avaient été posées). Avec Nixon, si l’on n’a pas joué d’attaque à son tour, on ajoute la première carte du Deck commun à la réserve, et il doit être vaincu avec 3 équipements, 3 vilains, 2 héros coûtant 5 ou moins et 1 carte coûtant 7 ou plus, en plus de cumuler une puissance de 11. L’horloge de l’Apocalypse résout contre tous les joueurs chaque attaque d’une carte détruite ou posée dans la réserve, et on la surmonte enfin avec 14 PP, 2 cartes de l’extension Watchmen, 2 équipements coûtant 4 ou moins, 3 cartes de base, 3 vilains coûtant 5 ou plus.
On dévoile aussi au début de la partie une seule des 4 cartes Sombre machination. Si le joueur dissimulant son identité de Génie du crime joue dans le même tour les cartes indiquées (par exemple un Super-pouvoir coûtant 4 ou plus, un Super-pouvoir coûtant 3, un Vilain coûtant 4 ou moins, un Super-pouvoir coûtant 4 ou plus et un Équipement coûtant 5 ou plus), il dévoile à tous qu’il est le Génie du crime et pose son Complot criminel (une carte secrète que tous les joueurs reçoivent en début de partie mais qui ne concerne que lui) sur le challenge en cours.
Le Complot criminel détruit la carte au sommet du Deck commun à chaque fois que le Génie criminel pose une carte donnée (un héros, un Super-pouvoir, un vilain, un équipement, une carte coûtant 2 ou 3). Il complique ainsi grandement la tâche aux héros loyaux, qui doivent le détruire en plus des trois challenges pour remporter la partie. Pour cela, ils peuvent exceptionnellement s’allier : un joueur doit totaliser 21 à 25 PP avec ses cartes, mais quand il décide de s’attaquer au Complot criminel, les autres joueurs peuvent contribuer en ajoutant une carte au hasard de leur main, une carte qu’ils récupéreront dans leur défausse ensuite.
Il va de soi que si le Complot criminel n’a pas été révélé, la partie est plus facile. D’autant que le Génie criminel peut trouver de l’intérêt à ne pas dévoiler trop vite son identité, et donc contribuer à la victoire sur les challenges, à la fois pour faire croire à sa loyauté et pour détruire des challenges qui parfois perturbent la réalisation du Complot criminel.
À deux joueurs, on distribue au hasard deux cartes Loyauté et une carte Génie du crime, de sorte que les joueurs ne savent pas s’il y a bien un Génie du crime parmi eux dont ils doivent se méfier, en s’assurant qu’il n’accumule pas les cartes nécessaires à la Sombre machination, ou s’ils sont vraiment alliés. À la révélation du troisième challenge, ils dévoilent leur identité. S’ils sont tous les deux loyaux… une équipe de super-vilains (une pile de huit super-vilains d’un jeu de base avec un coût de 8 et plus) vient ajouter à la difficulté de la fin de partie !
Birds of Prey et Watchmen, l’univers DC prend une autre tournure
Si DC Comics Deck-Building Game vous paraissait trop sage, intéressant dans son accessibilité et dans la fluidité de la compétition proposée, mais manquant de surprises et d’ampleur, l’extension Birds of Prey y ajoute en profondeur avec un système de rotation de cartes qui impose de bien mieux réfléchir à leur intérêt et à l’ordre de leur pose… et avec des super-héroïnes altérant davantage les règles et des super-vilains beaucoup plus puissants, possédant des effets plus dévastateurs et ainsi plus directement satisfaisants. On pourra regretter qu’elle ne soit pas librement combinable comme on le souhaite avec les boîtes de base et les autres extensions, mais c’est pour maximiser son intérêt et profiter pleinement des Birds of Prey avant de les retrouver au cinéma !
Watchmen transforme plus profondément le système du DC Comics Deck-Building Game que Birds of Prey en faisant d’une expérience compétitive… un semi-coopératif, ou plus précisément en coopératif avec un traître ! L’extension s’inspire ainsi remarquablement du comics d’Alan Moore, Dave Gibbons et John Higgins, de la présence d’un seul être surnaturel dans cet univers et de la nature névrotique de ses prétendus super-héros, sans présence de réel super-vilain, et même de sa complexité, pour imbriquer de nombreuses petites règles fonctionnant ensemble pour plus de tension et de challenge.