Welkin – devenez bâtisseur de cités célestes dans le nouveau jeu Ankama

 

Vous connaissez assurément Ankama pour le développement des jeux Dofus et Wakfu, et donc l’univers trans-médiatique créé autour de ces licences. Mais saviez-vous que l’entreprise française était également connue pour l’édition de jeux de société, dont de plus en plus sont indépendants de cet univers et extrêmement prometteurs : StelliumMonster Slaughter, Draftosaurus, bientôt Arkeis, et leur dernier-né, le Welkin de Fabien Tanguy (Word Bank), délicatement illustré par le talentueux Sylvain Sarrailh.

J’en étais d’autant plus curieux que le thème des villes célestes se prête ordinairement à des jeux très plaisants tant mécaniquement que graphiquement, à l’instar des superbes Noria et Celestia. Et si je connaissais plutôt l’Ankama éditeur pour ses gros (et onéreux, mais magnifiques) jeux à figurines, je découvre avec Welkin un souci de développer également des jeux familiaux, tactiques mais très accessibles, tant en termes d’âge (à partir de 8/10 ans) que de prix (26 euros 90), de quoi redoubler mon intérêt.

 

Welkin Ankama

 

Les cités célestes de Welkin

Enfin je crois qu’on est dans les cités célestes de Welkin, que « Welkin » est le nom du monde où « les terres habitables flottent dans le ciel », à moins qu’il s’agisse du nom d’une ville (puisqu’on construira des maisons) ou encore d’autre chose, difficile d’en être sûr faute de la moindre mention de ce terme dans l’ensemble des règles (en dehors du titre bien sûr). Ma foi pourquoi pas, en approchant le titre je pensais qu’il serait assez thématique, et ce n’est pas le cas, mais il est si joli qu’on se sentira tout de même immergé dans quelque chose d’un peu nébuleux qui octroie au fond une indéniable élégance à ce jeu presque abstrait.

P.S.:  j’écrivais ces lignes avant de découvrir le passionnant « journal d’auteur » de Fabien Tanguy, où il admet que Welkin est d’abord « de la méca pure et dure », sur laquelle il avait collé un univers de science-fiction avant qu’Ankama ne suggère un thème faisant davantage rêver et un titre signifiant « voûte céleste » en vieil anglais.

 

Welkin Ankama
Premier prototype vénusien du jeu

On commence la mise en place de Welkin en posant le plateau central, composé de cinq zones… au centre de la table. Puis on prend les dix jetons Cotation sur une face au hasard et on les pose sur l’un des quatre emplacements de la zone correspondante sur le plateau central. Ces jetons sont en effet double-face, et sur chaque face représentent une ressource végétale, élémentaire, animale, un métal ou une pierre précieuse, ainsi que l’élément figurant sur la face opposée (en plus petit, sur le côté).

À deux joueurs, on compose une pile avec 20 des 46 cartes Chantier, à trois ou quatre, avec 24 de ces cartes, le reste étant replacé dans la boîte pour ménager une grande variété entre les parties, une imprévisibilité de ce qui sortira à l’avenir. Cinq cartes en sot placées face visible dans les cinq fentes tout autour du plateau central.

Les jetons Argent et les 75 jetons Ressource sont placés à portée des joueurs.

Enfin, chaque joueur s’empare d’un joli plateau individuel où il pose cinq jetons Production, un pour chaque ressource, qu’il pose face Ressource visible. Le plus grand (celui qui a la « tête dans les nuages », dont les racines sont le mieux plongées dans le ciel comme dirait Socrate/Platon) commencera la partie.

La mise en place est donc extrêmement rapide et fluide, après une première partie, on n’aura jamais plus besoin de se reporter aux règles pour la réaliser. Si elle est l’occasion d’admirer les jolies cartes Chantier, leurs illustrations entre Unearth et Imaginarium, et l’intuitivité du matériel, on remarquera aussi que la boîte est très grande et un peu vide, joliment thermoformée sauf pour des cartes malaisées à retirer, que les jetons ne sont pas si grands et glissent beaucoup sur les plateaux central et individuels, bref que l’effort appréciable de lisibilité aurait pu être matériellement poussé un peu.

Entendons-nous bien, les couleurs sont distinctes, le matériel d’une qualité tout à fait correcte, on perçoit à peu près ce qu’il se passe sur les plateaux des autres, mais je ne peux manquer de pinailler quand je vois que l’intuitivité a à ce point été au cœur des préoccupations d’Ankama pour Welkin.

Welkin Ankama

Bâtir des cités exceptionnelles

Un tour de jeu consiste simplement à réaliser une action parmi trois possibles.

La première est la récupération de ressources. Pour cela, on retourne les jetons Production de son plateau individuel. Le retournement du premier jeton est gratuit, chaque jeton supplémentaire coûte une pièce. Le joueur prend ensuite une des ressources représentées par face +1 visible. C’est-à-dire que si les cinq jetons sont sur leur face Ressource, et que le joueur se contente de retourner gratuitement le jeton représentant une ressource animale sur sa face +1, il ne pourra prendre qu’une seule ressource de la réserve (un seul jeton est sur sa face +1), qu’il devra choisir parmi tous les types de ressources sauf l’animal (puisque la face Ressource animale n’est plus visible).

À chaque tour, il s’agira donc de choisir astucieusement quels jetons on retourne et quels jetons on garde sur la même face qu’au tour précédent, sachant qu’on est limité à quatre ressources en stock en même temps (on peut en récupérer plus, mais il faut alors se défausser jusqu’à ne plus en avoir que quatre). On pourrait se dire que cela dépend des chantiers que l’on souhaite construire, sauf que l’on ignore quels chantiers vont sortir, qu’un adversaire peut très bien choisir un chantier dont on pourrait trop aisément construire les ressources, et qu’il peut arriver qu’un chantier soit particulièrement intéressant alors même qu’on ne produit pas du tout de quoi le construire…

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La seconde action est en effet l’ouverture d’un chantier : on prend l’une des cinq cartes Chantier sur le pourtour du plateau central et on la place au-dessus de son plateau individuel, à condition qu’il ne soit pas complet, qu’il n’y ait pas déjà deux chantiers en cours (ne vous dispersez pas !). La carte est aussitôt remplacée par la première de la pioche.

Certaines cartes Chantier représentent dans leur coin supérieur gauche un jeton retourné. En les récupérant, on doit prendre l’un des jetons Cotation du plateau central et le retourner, puis le placer dans la nouvelle zone représentée. Comme on va le voir, cette action est au centre de Welkin, et peut justifier à elle seule le choix du chantier.

La dernière action consiste à utiliser les ressources pour construire les chantiers. On déplace alors les jetons Ressource de son plateau individuel sur les emplacements représentant ces ressources des cartes Chantier. Quand tous ces emplacements sont remplis, le Chantier est terminé et aussitôt vendu contre autant de pièces que de jetons Cotation dans la zone des ressources utilisées pour le construire. Si un chantier a coûté deux ressources métalliques et une ressource élémentaire, si sur le plateau central trois jetons de cotation se trouvent dans la zone métallique et deux dans la zone élémentaire, le joueur gagne huit pièces (2*3 pour les ressources métalliques, 1*2 pour les ressources élémentaires).

Welkin Ankama

Il ne faut donc pas bêtement tenter de construire autant et aussi vite que possible : un chantier apparemment très prometteur au moment où on l’ouvre pourrait ne plus rien valoir au moment de sa construction si les jetons Cotation ont été bougés sur le plateau central. C’est ce qui rend Welkin assez passionnant, il faut savoir trouver le bon moment pour investir et le bon moment pour construire, idéalement en évitant que les adversaires ne nous bloquent volontairement…

Tous les chantiers ont un pouvoir une fois qu’ils ont été achevés, à l’exception des bâtiments spectraux qui ont déjà la redoutable faculté de pouvoir être érigés avec les ressources de son choix. Un pouvoir peut être utilisé une seule fois et n’est pas considéré comme une action.

Ces pouvoirs sont de cinq sortes. L’un permet de vendre des chantiers même s’ils sont incomplets, ce qui rapportera donc moins que s’ils étaient complets mais peut être essentiel pour se débarrasser d’un chantier encombrant ou l’achever rapidement avant que la partie ne se termine. Un autre effectue la troisième action, l’utilisation de ressources. Le troisième permet l’ouverture d’un chantier supplémentaire, même si deux chantiers étaient déjà ouverts. Le quatrième permet de dépenser une pièces pour piocher deux ressources de son choix dans la réserve, toujours dans la limité de quatre ressources en stock. Le cinquième, sans doute le plus dévastateur, permet de retourner deux jetons Cotation représentant des ressources différentes.

Quand un bâtisseur prend la dernière carte Chantier de la pile, chacun joue encore un tour et la partie s’achève. Celui qui a le plus d’argent remporte la partie, et en cas d’égalité, c’est celui qui aura construit le plus qui sera nommé plus grand bâtisseur de Welkin. En cas de nouvelle égalité, on sacrera celui dont les chantiers ont coûté le plus grand nombre total de ressources – dans ce cas, le pouvoir consistant à construire un chantier sans disposer de toutes les ressources peut évidemment s’avérer déterminant.

 

Welkin, jeu nébuleux ou céleste ?

L’ouverture de la boîte de Welkin peut décevoir au premier abord : elle est assez vide, les éléments en sont plutôt sobres malgré leur bariolage, les efforts évidents consentis sur la lisibilité ne semblent pas avoir été aussi poussés qu’ils l’auraient pu, bref on n’est pas face au contenu pléthorique auquel Ankama nous avait habitués. Puis on se souvient que le prix est aussi bien en-deçà de celui des jeux de société liés à Wakfu et Dofus, et on a plutôt envie de féliciter l’éditeur/développeur de s’aventurer vers des genres et des univers différents, de ne pas céder à la facilité en capitalisant seulement sur des licences populaires, mais de faire aussi oeuvre de créateur en tentant de s’imposer dans le monde socioludique avec des titres efficaces et originaux.

Et Welkin est assez surprenant d’efficacité. Si ses règles sont expliquées en trois minutes et ses tours limités à une action parmi trois, on comprend vite que ce n’est pas par pauvreté mécanique, mais au contraire pour fluidifier les parties, éviter l’analysis-paralysis par la rapidité à appréhender le plateau et donc ce que l’on peut faire, sans sacrifier l’importance des décisions. Loin de là même, puisque derrière ces règles très simples se dissimule un système d’investissement très tendu, faisant la part belle à une interactivité parvenant à être indirecte (on ne peut pas nous faire perdre nos chantiers, nos ressources ou nos pièces) et pourtant féroce (rien de plus facile que d’ôter toute valeur à une ressource dans laquelle on plaçait tous nos espoirs). Ainsi, il faut savoir faire le bon choix au bon moment, rien n’étant plus punitif que de réaliser une action un tour trop tôt ou un tour trop tard.

Il faut alors lire le passionnant journal d’auteur de Fabien Tanguy, qui dévoile toutes les étapes du processus créatif, pour admirer les sinuosités du cheminement auctorial (avec des raisonnements mécaniques s’exprimant en termes mathématiques) pour arriver à un résultat d’une simplicité aussi élégante, à un jeu aussi fonctionnel et incisif. Je n’en ai que plus hâte de découvrir le Word Bank que Blue Orange publie à peu près simultanément !