Palm Island – et si on avait trouvé le jeu le plus pratique pour les vacances ?

 

Bien sûr, on peut sortir n’importe quel jeu pendant les vacances. Certains en profiteront sans doute même pour trouver enfin le temps de se lancer dans leurs grosses boîtes (j’ai bien l’intention de me mettre à Hannibal & Hamilcar) ou de profiter de l’arrivage récent et massif de jeux très attendus, VillainousLa Forêt des Frères Grimm (tous deux en test bientôt), Batman: Gotham City Chronicles, la deuxième vague du 7ème ContinentRoot… Mais les vacances, ce sont aussi les festivals, les voyages à vélo, en train ou en avion, une accumulation de moments plus ou moins courts où l’on ne peut pas trop s’encombrer, où l’on ne dispose pas d’une aire de jeu convenable voire où l’on est debout sans table… Ce n’est pas pour rien que Nuts! Publishing (1066One Deck DungeonSub Terra, AuZtraliaLa Traque de l’Anneau) vient de localiser le Palm Island conçu, illustré et édité par Jon Mietling ! Une petite boîte, un petit prix (11 euros 90), la possibilité de jouer seul ou à deux dans des modes de jeu variés, le thème très estival, les parties de 15 minutes assez exactement, semblent bien en faire une merveille de praticité pour les vacances… Et on va voir tout de suite si cette impression se confirme et si ce Palm Island tient du gadget ou de l’idée géniale !

 

Palm Island

Principes de Palm Island

La boîte de Palm Island ne consiste qu’en une soixantaine de cartes, dont 17 seulement sont normalement utilisées par joueur. On mélange ainsi les 10 cartes productrices de ressources (la carrière pour la pierre, le hangar à canoë pour le poisson, le bois pour… le bois, le fabricant d’outils pour les trois), les 4 cartes productrices de points (les temples et les logements) et les 2 cartes échangeant des ressources contre d’autres ressources (le marché et la maison du commerce). Après ces 16 cartes, on place le compte-tours.

Un joueur seul choisit donc le paquet bleu ou le paquet rouge, à deux, chacun prend une couleur, sachant que les cartes en sont absolument identiques, le code chromatique ayant seulement pour fonction d’éviter le mélange des deux decks.

Toutes ces cartes sont recto-verso, et possèdent sur chaque face un endroit et un envers, c’est-à-dire que chaque carte a quatre côtés.

Au début d’une partie, toutes ces cartes sont orientées de façon à ce que le chiffre en apparaisse dans le coin supérieur gauche : c’est leur position de base.

Les joueurs peuvent regarder les trois premières cartes de leur deck, ils peuvent utiliser la capacité des deux premières cartes (et placent alors la carte utilisée derrière le paquet), et ils peuvent défausser la première uniquement (en la mettant derrière le paquet sans l’utiliser).

Les cartes de Palm Island portent des symboles de ressources, d’orientation, de niveau et de points.

Un symbole d’orientation permet ainsi d’incliner la carte pour produire une ressource. La carte est toujours placée derrière le paquet, mais son orientation permet de montrer malgré tout que le joueur a une ressource à sa disposition. C’est cette astuce qui permet de jouer debout, rien n’ayant besoin d’être posé sur une table. On rétorquera alors malicieusement qu’il ne faut pas avoir de trop gros doigts, et il n’est pas toujours facile en effet de maintenir quatre cartes inclinées (le maximum) à la fois, mais cette petite contrainte ajoute au plaisir matériel du jeu, et ne représente pas du tout un défi insurmontable. Notons d’ailleurs que si une ressource n’est pas utilisée, et que la carte inclinée se retrouve en première position dans le paquet, son propriétaire doit la redresser (perdre la ressource) et la placer derrière son paquet (perdre la possibilité de produire la ressource), une lourde pénalité qui enjoint à la prudence sur la production trop incontrôlée.

Un autre symbole permet de retourner la carte en la gardant du même côté, ce qui correspond généralement à une amélioration. Un dernier symbole d’orientation permet de retourner la carte sur son autre face.

Le hangar à canoë produit ainsi normalement un poisson quand on l’incline. Si l’on paye un poisson (c’est-à-dire que l’on redresse une carte inclinée produisant du poisson), on peut la retourner sur la même face (où elle produit gratuitement deux poissons quand elle est inclinée) ou sur son autre face (où elle produit une bûche de bois et un poisson). Quelle que soit l’orientation choisie pour cette première amélioration, on peut ensuite l’améliorer encore sur son dernier côté en payant une bûche et un poisson pour produire une bûche et deux poissons à chaque inclinaison.

Naturellement, plusieurs cartes ont des spécificités. La carrière ne produit ainsi rien sur sa position initiale et doit être retournée contre un coût pour commencer à produire de la pierre. Le fabricant d’outils peut être retourné sur sa face opposée pour produire des ressources, ou sur la même face pour rapporter quatre points. Le temple et le logement ne rapportent qu’un nombre croissant de points selon leur niveau, entre 0 (sur sa position initiale) et 6 ou 10 après avoir été retournés trois fois (sur le côté opposé, puis sur l’autre face, puis sur le côté opposé).

Une fois que 16 cartes ont été inclinées/retournées/défaussées, les joueurs sont confrontés à la carte de décompte des tours, qu’ils retournent pour indiquer qu’ils passent au tour suivant. Après huit tours, la partie s’achève.

On remarquera l’astucieux choix du thème, à la fois une invitation à acquérir le jeu pour ses vacances et une invitation dans le jeu à se mettre dans la peau d’un insulaire faisant évoluer les infrastructures afin d’établir un village florissant. Bien sûr Palm Island reste un jeu assez abstrait – les cartes ne portent ainsi même pas un nom différent selon leur orientation pour exprimer mieux encore l’amélioration – mais Mietling compense largement ce risque d’une froideur thématique par l’ambiance toute polynésienne de ses illustrations. Sans avoir l’impression de réellement construire un village, on est tout de même bien mieux plongé dans cet univers exotique qu’on aurait pu le craindre d’un simple jeu de 17 cartes !

D’autant que si l’on a parlé du gameplay de Palm Island, il n’a pas été question encore de ce que l’on cherchait à accomplir dans ce jeu, précisément parce que l’une de ses grandes surprises, outre son originalité ludique, est la multiplication des modes et objectifs, afin de satisfaire des joueurs aux profils et désirs très variés, et simplement d’apporter un plaisir d’une extrême variété à ceux qui seront curieux de toutes ses propositions.

 

Palm Island

Une petite île pour une multitude de manières de jouer seul…

Un joueur solitaire s’efforcera simplement d’obtenir le meilleur score possible après avoir additionné les valeurs de toutes ses cartes à l’issue des huit tours. Il s’agira donc pour lui de tâcher de construire un bon moteur à ressources dans les premiers tours puis de comprendre quand commencer à les dépenser pour construire des bâtiments valant des points, un équilibre d’autant plus difficile à trouver que l’ordre dans lequel les cartes apparaissent impose des tactiques différentes à chaque partie. Entre 10 et 19 points, on estimera qu’il y a « encore du boulot », tandis qu’à plus de 40, son score « incroyable » le poussera à comparer sa performance à celle d’autres joueurs, voire à continuer de se dépasser.

C’est d’ailleurs là qu’intervient la numérotation des cartes : un joueur pourra indiquer à des rivaux qu’il a atteint 42 points en plaçant ses cartes dans un certain ordre, et ainsi leur imposer le défi de battre son score en les conservant dans le même ordre.

Vous devriez regarder aussi ça :
All Stars : ta collection de cartes inédites !

Un joueur solitaire pourra d’ailleurs tâcher de réaliser des exploits. Neuf cartes lui imposent ainsi des conditions très précises (posséder trois hangars à canoë au niveau 2 ou plus et un score d’au moins 30, le marché et la maison du commerce au niveau 2 et un score d’au moins 32…), qui une fois remplies, constitueront autant d’artefacts utiles au joueur, soit pour un bonus de début de partie (un hangar à canoë ou un bois amélioré au niveau 1), soit pour une nouvelle carte dans le paquet octroyant ressources et points. Cela augmente bien sûr considérablement la possibilité de défis lancés aux autres joueurs, par exemple obtenir tel nombre de points en ayant mérité et en utilisant l’intégralité des cartes Exploit, ou seulement une au choix, etc.

Enfin; un joueur solitaire peut modifier sa manière de pratiquer Palm Island en ajoutant trois cartes de Villageois au hasard juste avant la carte de suivi de tour. Contre un coût important, le Prêtre, la Marchande et le Chef rapportent des points de victoire en fin de partie. Le Constructeur réduit un coût de 1 ressource de n’importe quel type (un par tour ? ce n’est pas si clair). L’Ancien augmente la limite de ressources stockées à cinq cartes pour ce tour. L’Éclaireur et le Pillard ôtent respectivement 6 et 4 points de victoire, mais peuvent gratuitement être inclinés pour rapporter deux ressources de son choix ou une ressource de chaque.

 

Palm Island

… et à deux, pour de la survie coopérative ou des vacances compétitives

La richesse du mode solo pourrait laisser croire que c’était la manière dont Mietling avait principalement envisagé Palm Island. Comme on va le voir, on peut pourtant le pratiquer à deux avec la même variété.

Deux joueurs ont déjà le choix entre la coopération et la compétition.

Dans le cas d’une coopération, ils décident d’un désastre, la famine, l’ouragan ou l’éruption. La carte correspondante est placée après la carte de suivi de tour de l’un d’entre eux. Au bout de huit tours, il faut avoir retourné le désastre trois fois (sur son autre côté, son autre face, puis son autre côté) pour le surmonter, sans quoi la partie est perdue. Sur sa position initiale, l’éruption coûte ainsi une bûche, deux poissons et deux pierres par joueur pour être retournée, puis deux bûches, deux poissons et trois pierres par joueur, et enfin trois bûches, deux poissons et quatre pierres par joueur. Heureusement, on peut mettre ses ressources en commun, et ainsi attribuer à chacun une spécialité afin de construire deux performants moteurs à ressources pendant les cinq premiers tours et de les dépenser judicieusement pendant les trois derniers.

Les cartes ne rapportant que des points seraient-elles donc inutiles dans le cadre d’une coopération ? Tout dépend si votre seule priorité est de surmonter le désastre… Pourquoi ne pas vous lancer dans une coopération compétitive, où la survie finale est l’occasion de comparer vos scores pour déterminer celui qui rebâtira le plus beau village ? Ou plus difficile encore, tenter à la fois de surmonter le désastre et d’obtenir le meilleur score, le livret de règles proposant alors de ne compter que celui du joueur ayant le moins de points pour doper la coopération ? Entre 1 et 9 points on apprendra qu’il y a « encore du boulot », et il faudra atteindre plus de 30 points pour un score « incroyable »… Et évidemment, vous pouvez toujours compter le score après une défaite, mais y a-t-il vraiment la moindre fierté à être les rois du tas de cendres, d’autant que votre destruction pourra justement être imputée à l’étrange stratégie consistant à favoriser les points plutôt que les ressources repoussant la catastrophe ?

On peut par ailleurs jouer ensemble en s’aidant des capacités coopératives, donc en ajoutant la carte Reconstruire, Stock ou Envoi à la fin du paquet. Contre un certain coût, Stockage permet de produire des ressources exclusivement destinées au paiement de la carte Désastre, Reconstruire offre la possibilité au début de chaque tour de placer une carte de son choix au-dessus du paquet, et Envoi permet une fois par tour de payer un coût pour son coéquipier. Il ne faudrait pas y voir cependant de plats bonus, une ressource utilisée pour une capacité est une ressource qui ne sera plus disponible pour le désastre, de sorte que leur intégration n’est pas tant une facilitation de la partie qu’un léger accroissement de sa dimension tactique.

Dans le cas d’une compétition, un joueur mélange son paquet puis donne l’ordre de ses cartes à son adversaire afin qu’il le reproduise dans son propre deck.

En mode « compétitif décontracté », on pioche des cartes Avant-poste jusqu’à en avoir un maritime, un montagnard et un forestier que l’on pose devant les joueurs. En ce cas, une table, ou au moins un petit support s’avérera nécessaire… Chaque avant-poste s’accompagne d’une condition (posséder trois carrières/hangars/bois au niveau 1 ou plus). À la fin d’un tour, si un joueur remplit cette condition, il récupère l’Avant-Poste, qui lui rapportera des points en fin de partie. Si les deux joueurs remplissent la condition, la carte est perdue.

En mode « compétitif de vitesse », on empile l’ensemble des avant-postes dans l’ordre décroissant du nombre de points de victoire qu’ils rapportent. Quand un joueur atteint son compteur de tours, il peut payer le coût de la carte du dessus du paquet et l’y ajouter pour remporter les points indiqués. Le premier avant-poste rapporte ainsi quatre points, deux avant-postes seulement en rapportent trois, puis six en rapportent deux et cinq en rapportent un. Il y a donc tout intérêt à se hâter de récupérer la carte supérieure, mais en jouant intelligemment, afin de s’assurer d’avoir de quoi la payer. On attend alors que les deux joueurs aient atteint la fin du tour et éventuellement acheté l’avant-poste avant de poursuivre la partie. Notons qu’il est crucial pour ce mode de jeu d’avoir une totale confiance dans son adversaire : comme il est question de jouer très vite, il est impossible de vérifier que chacun joue tout à fait conformément aux règles, et dans un mouvement rapide, une carte est si vite inclinée ou tournée l’air de rien…

Dans ces deux modes, il est possible d’utiliser des villageois en plus ou à la place des avant-postes afin de pimenter davantage encore les parties.

 

Palm Island

Palm Island : dans le train et sous les cocotiers ?

La conception de Palm Island répondait à l’exercice ou au défi ludique que s’était fixé Jon Mietling, celui d’imaginer un jeu de société sans table. Le public répondit très favorablement, puisque 4803 personnes contribuèrent à son financement participatif, permettant même à l’auteur de développer sa maison d’édition Portal Dragon Games pour envisager plus sérieusement une carrière dans ce domaine. Sa localisation par Nuts! Publishing était judicieuse puisque Palm Island est l’un des jeux faisant le plus parler de lui cet été… et d’ailleurs pas tant parce qu’il est portable que parce que ceux qui le pratiquent apprécient sa finesse, sa variété, la sensation d’accomplissement qu’il procure. Au premier regard, on aurait pourtant pu avoir l’impression d’une constante légèreté, qu’il suffit de stocker les ressources et d’améliorer dès qu’on le peut… avant de se rendre compte très vite que cela n’offre ni la victoire ni une quantité satisfaisante de points, que l’on arrive bien à quelque chose, mais pas au résultat optimal. Ce qui en fait sans doute un plus formidable jeu de vacances encore !