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13 Indices – enfin un Cluedo moderne ?

13 Indices – enfin un Cluedo moderne ?

 

Parmi les jeux de société antérieurs à la période dite « moderne », le Cluedo appartient aux quelques titres méritant encore l’intérêt des ludistes contemporains. On doit évidemment en déplorer l’usage du dé, qui crée très injustement une inégalité des joueurs même les plus habiles, et sans doute la position de départ influe-t-elle un peu sur le résultat. Mais dans l’ensemble, les tours sont fluides, les règles aussi courtes que claires et évidentes, on n’attend pas passivement de jouer parce que les actions des autres sont aussi riches d’enseignement que sa propre progression, et l’appel à l’intuition, au bluff et à la déduction, fonctionne aussi bien avec le thème qu’avec les capacités des joueurs. Ses qualités et ses légères lacunes ouvrent un boulevard pour des réappropriations plus ou moins diverses, plus ou moins fines, plus ou moins amples. Après l’excellent et ambitieux Minuit, Meurtre en Mer, observons de plus près un jeu plus proche en termes de format du Cluedo, le 13 Indices d’Andrés J. Voicu, illustré par Giacomo Tappainer, édité par dV Giochi (Deckscape) et localisé par Gigamic (SquadroCompagnonsFlamme rougeGalèrapagosCosmic Factory, bref beaucoup de jeux qu’on aime beaucoup !).

Vendu 24 euros 9013 Indices a de surcroît l’avantage de ses configurations, puisqu’il s’adresse à 2 à 6 enquêteurs de huit ans et plus.

 

13 Indices

La scène du crime

Si la situation diégétique de 13 Indices est tout à fait banale (en 1889 à Londres, Scotland Yard appelle des détectives pour les aider à résoudre des affaires non élucidées), le principe est plus original : au lieu d’être en compétition autour d’un crime unique, les joueurs tentent de résoudre leur meurtre plus vite que leurs adversaires.

Pour cela, chaque détective commence par prendre un paravent, un crayon, une fiche du carnet de résolution, et une tuile loupe – sauf à deux joueurs, où les loupes ne sont pas utiles. Un « 13 » apparaît sur les paravents, indiquant le sens dans lequel ils doivent être tournés vers le centre de la table. L’intérieur devra en être caché aux autres, tandis qu’on ne doit soi-même pas pouvoir regarder l’avant de son propre paravent. Les loupes sont posées devant, de façon à ce que chacun sache à tout moment de la partie combien il reste de loupes à ses adversaires, tandis que la fiche de résolution ne doit être connue que de soi.

La boîte contient 30 cartes Indice, 10 personnages, 10 lieux, 10 armes. À deux, on retire les 12 cartes grises, marron, blanches et orange, à trois les 9 cartes grises, marron et blanches, à quatre les 6 cartes grises et marron, à cinq les 3 cartes grises, et à six, on recourt à l’intégralité des cartes. Les cartes restantes sont séparées en trois piles selon ce qu’elles représentent, et une de chaque pile est distribuée à chaque joueur face cachée. Puis toutes les cartes sont mélangées, et les détectives en piochent deux. Les cartes restantes forment une ligne face cachée d’informateurs au centre de la table, et à chacune on associe une tuile Lettre.

 

 

Les enquêteurs regardent enfin leur main de cinq cartes, choisissent un personnage, un lieu et une arme, et les placent dans les porte-cartes à l’extérieur du paravent de l’adversaire à leur gauche. Les deux cartes restantes sont insérées dans les porte-cartes à l’intérieur du paravent de leur propriétaire.

La subtilité, on l’aura compris, est qu’il faut résoudre l’affaire que nous a assignée notre voisin de droite en devinant les trois cartes qu’il a glissées sur notre paravent, en s’aidant des cartes que l’on voit sur les paravents des autres, des deux cartes de l’intérieur de son propre paravent et des informateurs.

Cette idée seule contribue déjà à rendre la mise en place amusante, en offrant une aimable interactivité avant même de débuter la partie. Cela s’ajoute à l’agrément de sa rapidité, même le tri des cartes s’avérant assez prompt compte tenu de leur petit nombre. Et surtout on ne se lasse pas du soin matériel apporté au jeu, qui contient déjà six grands crayons de papier, dont les cartes sont tout à fait jolies, dont même les carnets de résolution sont clairs, illustrés et colorés, et dont l’usage des paravents est à la fois judicieux et amusant.

On s’assurera seulement d’y insérer les cartes aussi délicatement que possible, puisque la brutalité pourrait endommager les porte-cartes et empêcher d’y attacher les indices, donc de jouer. Il existe bien des solutions alternatives, comme les barres de bois fendues de Root, mais enfin, mieux vaut être délicat avec 13 Indices afin que son matériel tienne longtemps. Ce qui ne devrait pas être si problématique, étant donné qu’on ne manipule les indices qu’à la mise en place et au moment du rangement.

Il ne reste qu’à choisir un premier joueur au hasard, et la partie peut débuter.

Le meilleur détective de Londres

Le meilleur détective de Londres sera, dans 13 Indices, celui qui résout son affaire avant que ses collègues ne résolvent la leur. Le thème n’impose ainsi pas de compétition trop acharnée – théoriquement, on aura juste été plus rapide que les autres, cela ne les empêche pas de bien faire leur travail – et cela change plutôt agréablement de la course bien plus compétitive d’un Cluedo par exemple. Même si, bien sûr, la mécanique de 13 Indices est tout à fait compétitive.

Un tour consiste à dépenser ses loupes pour réaliser des actions. Si l’on ne possède pas de loupe quand il faudrait jouer, on peut en prendre une dans la réserve, et s’il n’y en a plus, en prendre une à un rival. Comme il n’y a pas de loupes à deux joueurs, on se contentera dans cette configuration de réaliser une action l’un après l’autre.

La première action est l’interrogation d’un témoin. On donne une loupe à un joueur pour lui demander combien de cartes il voit d’une certaine couleur ou d’une certaine catégorie : la moitié des personnages sont ainsi des hommes et l’autre moitié des femmes, la moitié des lieux sont des intérieurs et l’autre moitié des extérieurs, la moitié des armes permettent de tuer au corps-à-corps et l’autre moitié à distance. Il n’est cependant pas permis de poser une question plus précise que celles portant sur la couleur du bord de la carte et cette catégorie (Y a-t-il des gens dans ce lieu ? Le personnage a-t-il un objet dans les mains ?). Le joueur interrogé ne peut pas bluffer, et doit répondre en tenant compte des cartes qu’il voit sur les autres paravent et des deux indices à l’intérieur du sien.

 

 

Une variante expérimentée pour 3 à 6 joueurs suggère de donner à chaque enquêteur une unique tuile Top secret en début de partie, qu’il peut défausser lors d’un interrogatoire pour poser sa question secrètement et recevoir la réponse secrètement, sur un bout de papier par exemple.

La deuxième action consiste à consulter un informateur secret. L’action est impossible à six, où il n’y a pas d’informateurs secrets, mais où les joueurs sont assez nombreux pour permettre de poser bien des questions ! On donne alors une loupe au joueur le plus proche dans le sens des aiguilles d’une montre qui n’en a plus, et si tout le monde en a, on la remet dans la réserve, puis on consulte secrètement l’une des cartes Indice posées au centre de la table. Comme l’interrogation, cette action peut être réalisée plusieurs fois tant que le joueur possède des loupes, contrairement à la dernière, limitée à un usage par tour.

C’est que l’on peut enfin faire une accusation, en citant un personnage, un lieu et une arme, et en espérant qu’il s’agit des cartes sur l’extérieur de son paravent. Cela coûte également une loupe remise au joueur le plus proche dans le sens des aiguilles d’une montre qui n’en aurait plus. Les autres joueurs jugent alors l’assertion, et si elle est fausse, indiquent seulement cette fausseté sans précisions supplémentaires. En ce cas, toutes les loupes du joueur sont défaussées. Si en revanche il avait raison, il remporte la partie. À deux joueurs, on doit préciser si l’autre joueur prend en compte la carte de droite à l’intérieur de son paravent ou la carte de gauche.

Notons que les règles interdisent de citer une carte qui apparaîtrait sur le paravent d’un autre joueur ou à l’intérieur du sien, limitant un bluff que je trouve souvent fructueux au Cluedo. Mais il est vrai que 13 Indices s’avère assez cérébral, et que se débarrasser de cette composante (sans empêcher d’ailleurs de bluffer en citant les informateurs) peut simplifier son déroulement, au moins avec des joueurs peu expérimentés.

Le système de loupes ajoute une couche aux mécaniques de 13 Indices en ce qu’elles incitent à ne pas nécessairement interroger la personne la mieux à même de répondre, mais aussi celle qui a été le moins avantagée par des loupes. Si tous les joueurs interrogent la même personne, celle-ci possédera en effet une quantité considérable de loupes, et donc une grande avance sur ses adversaires…

 

13 Indices, enfin un Cluedo moderne ?

13 Indices ne dissimule pas sa parenté avec le Cluedo, revendiquée dès la phrase d’accroche : « Un lieu, une arme, un coupable… ». On cherche donc les trois mêmes réponses que chez son ancêtre, toujours en interrogeant un adversaire à la fois, et toujours en s’aidant d’une fiche pour tenter de prendre des notes « intelligemment » et ainsi d’aider son sens de la déduction. Mais 13 Indices est un Cluedo renonçant au plateau et aux dés, dans un exercice d’épure d’autant plus satisfaisant qu’on perd ainsi ce qui pouvait y relever de l’arbitraire pour se focaliser sur la seule enquête, pimentée par le système de loupes autrement plus « ludique » (à la fois rigoureux, tactique et amusant) que le dé. Quand on y ajoute la parfaite concision des règles (qui tient en une feuille, avec ses variantes et la mise en place) et le soin apporté à son matériel, on ne peut que reconnaître que 13 Indices tient ses promesses de réédition moderne, cérébrale et interactive du jeu culte.

 

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