Seasons of Inis : l’extension magique pour plonger dans la culture celte

 

Il y a quelques jours, je présentais l’un de mes coups de cœur du moment, le magnifique Inis de Christian Martinez, superbement illustré par Jim Fitzpatrick et édité par Matagot (Root, Kemet, Western Legends, Aeon’s End…). Apprenant l’existence d’une extension, Seasons of Inis, apportant cinq modules librement combinables avec les règles du jeu de base, je ne pouvais manquer l’occasion d’étendre le plaisir qu’il suscitait, et donc de vous présenter cette création enchanteresse. Il va de soi qu’on ne reviendra que sur les nouveautés de l’extension, et que l’article ne sera donc pas compréhensible pour ceux qui n’ont aucune idée du fonctionnement d’Inis (qu’on renverra à l’article dédié). Vendu 31 euros 90, Seasons of Inis est toujours jouable à partir de 12 ans, mais jusqu’à cinq prétendants au titre d’Ard-Ri, et pour des parties logiquement plus longues, surtout quand on pratique toutes les extensions à cinq !

Seasons of Inis

Prolongement de la mythologie

Qui dit « extension » dit « matériel supplémentaire » : il ne s’agit pas que d’enrichir l’expérience, mais aussi partiellement de la prolonger, et Seasons of Inis ne déroge pas à la règle en proposant dans son premier module 15 nouvelles cartes Récit épique, qu’il suffit d’ajouter aux autres.

Comme dans Inis, chacune de ces cartes renvoie à un mythe existant rapidement résumé dans les règles, et toutes sont si superbement illustrées qu’on les rêverait en poster – sauf « La Prophétie de Cathleann » peut-être, voire « Le Mariage de Bran », un peu moins soignées, ce qui suffit à jurer avec l’exceptionnelle qualité des autres.

« Colline sacrée de Tara » permet par exemple d’échanger la capitale avec la citadelle d’un autre territoire où se situe au moins un sanctuaire, très spécifique, mais redoutable. « Malédiction de Macha » interdit le déplacement des troupes sur un territoire pendant un tour. « Le Cri de la Banshee » (dont l’illustration sert de couverture au jeu) place sous un clan de chaque joueur un marqueur Banshee, qui détruit ce clan à la fin de la saison…

Les nouveaux prétendants

L’addition centrale de Seasons of Inis est celle d’un cinquième joueur, qui arrive avec ses figurines noires et ses quelques adaptations.

Quatre nouvelles cartes Action rejoignent ainsi les autres dans cette configuration, « Coalition » (qui permet une alliance temporaire dans le cadre d’une invasion), « Fili » (qui interdit tout conflit sur un territoire jusqu’à la fin de la saison), « Harmonie des clans » (qui ajoute un clan dans chaque territoire où le joueur est présent et qu’il partage avec un autre, ou qui ajoute simplement un clan dans un territoire), « La Terre et le Roi » (qui défausse une carte Avantage pour piocher une carte Récit épique ou permet de donner une carte Avantage à un joueur présent dans le territoire correspondant et de lui octroyer un clan, en échange d’un exploit).

Les parties peuvent alors s’avérer sensiblement plus longues, c’est pourquoi Christian Martinez a judicieusement conçu un module plus dynamique, recommandé pour jouer dans cette configuration.

La course au Roi

Dans ce module qui raccourcit le jeu en simplifiant les conditions de victoire, on place sur la table la tuile Roi sur sa face « Nous voulons un Roi ! ». Lors de l’étape de vérification des conditions de victoire, si le Brenn n’est pas parmi les joueurs à égalité (concluant ainsi la partie), ces derniers gagnent un jeton Exploit et on retourne la tuile sur sa face « Il nous faut un Roi ! ».

Sur cette face, les prétendants ne jouent qu’une dernière saison, à l’issue de laquelle le Brenn remporte la partie si aucun joueur ne remplit les conditions de victoire ou en cas d’égalité, tandis que les joueurs à égalité remportent la partie si le Brenn n’est pas parmi eux.

Notons que la tuile sert aussi d’aide de jeu, en rappelant les conditions de victoire normales en plus de spécifier les ajustements du module. « Nous voulons un Roi ! » s’avère en tout cas une addition bienvenue, transformant le rythme de la partie sans en transformer le sel, idéale pour des joueurs maîtrisant déjà Inis et souhaitant une expérience plus vive.

Seasons of Inis

Bouleversements météorologiques et régaliens

Il était sans doute logique qu’une extension Seasons of Inis contienne un module « Saisons d’Inis », altérant en effet profondément l’expérience de jeu. Au moment de la mise en place, on ajoute le plateau Saisons à la table, et on tire au hasard la saison de départ, très joliment indiquée par le jeton Saison.

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Les saisons exercent leur influence à la fin de la phase d’assemblée puis lors de la phase de saison, à l’issue de laquelle la saison en cours laisse place à la saison suivante.

En automne (lugnasad), pendant l’assemblée, chaque joueur peut défausser des cartes Récit épique et ajouter autant de clans dans un territoire qu’il domine, puis tous défaussent toute carte Récit épique de leur main au-delà de la troisième.

En hiver (samhain), chaque joueur peut défausser une carte Action pour piocher un Récit épique pendant l’assemblée, quand pendant la phase de saison les déplacements sont limités à trois clans.

Au printemps (imbolc), pendant l’assemblée, les joueurs ayant le moins de cartes en main (ce qui ne fonctionne donc pas si tout le monde en a le même nombre) ajoutent un clan sur un territoire où ils sont déjà présents.

Enfin, quand arrive l’été (beltane), la phase d’assemblée permet aux joueurs ayant des clans dans le plus de territoires (donc à moins d’une égalité entre tous les prétendants) de choisir s’ils préfèrent ajouter un clan, ajouter un sanctuaire, ajouter une citadelle, ajouter un nouveau territoire. Pendant la phase de saison, un joueur peut défausser une Action pour déplacer jusqu’à trois clans au lieu de jouer une carte Saison.

Sans être excessivement complexe, le module est réservé aux joueurs connaissant bien Inis et souhaitant en pimenter les règles. On appréciera la capacité des nouvelles règles à proposer l’enrichissement attendu sans en faire trop, pour des parties réellement différentes de celles du jeu de base au prix d’un aménagement minime.

Seigneur des îles

Le dernier module est aussi le plus ambitieux et le plus impressionnant, puisqu’il ajoute des îles à Inis.

Pour cela, on mélange les trois territoires insulaires (qui ont un bord bleu) avec les autres, en remplaçant l’ancienne tuile Anse par la nouvelle. Quand on pioche et met en place autant de territoires que de joueurs, on respecte les règles de pose de tuiles Rade, imposées par tous les nouveaux territoires, et on ajoute une rade à la capitale, en plus de la citadelle et du sanctuaire (à moins que le territoire ne soit déjà doté naturellement d’une rade).

Ces rades sont de jolies petites tuiles dentelées, s’associant donc parfaitement aux territoires pour signifier leur accès à la mer. Elles ne peuvent être en contact qu’avec un seul territoire, elles ne peuvent pas être entourées par d’autres territoires et donc enfermées dans une mer intérieure, et un territoire ne peut en posséder plus d’une.

Quand on découvre une île, on la place logiquement à l’écart du continent, avec lequel elle ne sera jamais en contact. Les rades seules connectent les îles aux autres territoires, de même qu’elles peuvent connecter des territoires éloignés entre eux à condition qu’ils disposent tous de rades. Les déplacements sont ainsi étendus, et Inis gagne en magie avec ces îles isolées, toutes dotées de capacités mystérieuses, représentant un ailleurs assez immersif.

Tant que Hy Brasil est vierge, on ne peut y déplacer ou y placer de clans qu’avec les Récits épiques, jolie manière de suggérer qu’il s’agit d’un territoire de légende. L’Île de la joie est si envoûtante que les clans ne peuvent pas la quitter avec les cartes Action. Inis Mona arrive en jeu avec un sanctuaire en plus de sa rade.

Seasons of Inis

Seasons of Inis, extension mythique

J’aime particulièrement les extensions découpées en modules (à la manière de l’excellent Dice Forge – Rébellion) parce qu’on sent les auteurs plus libres dans leurs propositions pour varier l’expérience que quand il s’agit d’ajouter un bloc massif de règles à un jeu préexistant. Avec ses cinq modules, Seasons of Inis, se montre ainsi particulièrement respectueux de la boîte de base, ajoutant ici un joueur, là une nouvelle manière de concevoir l’espace, des cartes pour renouveler les parties et quelques ensembles de règles cohérentes pour les enrichir. La possibilité d’appliquer les modules que l’on veut, seuls ou en les combinant, accentue l’impression que l’on s’approprie Inis sans basculer dans un fastidieux réapprentissage des bases. Seasons of Inis ne constitue ainsi pas tant une extension des règles d’Inis qu’une extension de son splendide univers et de sa magie.