Honga – le jeu de collecte préhistorique délicieusement tactique et accessible

 

Nous avons déjà traité plusieurs jeux de la gamme « Soirée jeux » de HABA : MedurisIquazùMountains, Karuba, toujours pour être frappés par leur capacité à être accessibles (à partir de huit ans, parfois dix), juste assez jolis pour attirer l’œil sans être trop chers (sauf le magnifique Iquazù), et à mettre la tactique au centre de leurs préoccupations alors même que l’éditeur est traditionnellement réputé pour ses productions pour enfants. Or il y a un dernier jeu dans cette gamme qui m’attirait dans ce que HABA propose actuellement, le Honga de Günter Burkhardt, illustré par Stephanie Böhm. Soit l’auteur de Trésor de glace, qui avait reçu le prix du meilleur jeu pour enfants au festival d’Essen (le plus prestigieux dans le domaine du jeu de société) et l’illustratrice d’Iquazù, moins percutante ici, mais toujours soignée. Un tandem qui a donc de quoi ajouter à la curiosité pour ce jeu de gestion préhistorique pour deux à cinq joueurs, disponible pour un peu plus de trente euros.

 

Honga HABA

Un monde séduisant

Alors que les jeux tactiques (a fortiori allemands) sont connus pour leur froideur et leur thème artificiellement plaqué sur leurs mécaniques, HABA habitue ses joueurs à un travail plutôt soigné de thématisation, que l’on retrouve dans Honga, puisque le synopsis seul promet déjà beaucoup : les joueurs sont des hommes de l’âge de pierre en compétition pour devenir le nouveau chef de la tribu du tigre à dent de sabre. Et pour être un bon chef, il faut être pieux, courageux, efficace, et participer directement à la prospérité du village, sans négliger Honga, le tigre à dents de sabre qui sert de mascotte.

Le plateau de jeu représente le petit monde connu par la tribu. Il est assorti, au centre de la table, d’un plateau de rangement, où chaque joueur pose les six pions mammouth de sa couleur. Chacun reçoit ensuite un carton de joueur qui sert à compter ses ressources. Les marqueurs pour le poisson, les baies et champignons sont placés sur 1, le marqueur pour l’eau sur 0. Les joueurs sont représentés par un homme préhistorique placé à la base de la montagne sacrée, à côté de Honga.

Les cartes d’action sont représentées sous la forme de disques blancs et rouges, mélangés et disposés séparément face cachée, à l’exception d’une carte d’action grise piochée par chacun. De même, les cartes de troc sont mélangées et constituent une pile face cachée, dont les trois premières cartes sont révélées sur les emplacements du haut du plateau central. Logique, les actions des villageois se situent dans le village, quand les cartes bonus, vertes et au dos feuillu, sont placées dans la forêt.

Les cinq pierres de classement sont enfin posées devant la grotte et la défense de mammouth sur la case mammouth (avec des traces de pas).

Une mise en place qui annonce donc la possibilité d’un certain nombre d’actions, et dont on appréciera qu’elle soit parfaitement facilitée par le travail de conception et d’iconographie des pièces et du plateau. Même sans lire les règles, on comprendra où placer la plupart des éléments, et après la première partie, on s’en souviendra sans plus avoir besoin de s’y référer, ce qui prendra bien moins de temps encore. On appréciera de même que Honga, les hommes préhistoriques, les mammouths, la défense de mammouth, le marqueur premier joueur « feu » et les matières premières aient tous la forme de ce qu’ils sont supposés représenter, même pour des pièces dont l’abstraction n’aurait pas choqué tant elle est habituelle.

Honga HABA

Petit manuel pour être le meilleur chef d’une tribu préhistorique

Le joueur le plus hirsute prend le marqueur premier joueur et le gardera jusqu’à la fin de la partie. Chacun joue un tour complet, divisé en quatre phases, avant de laisser la main au suivant.

La première phase consiste à poser la carte d’action que l’on a dans la main sur l’une des quatre cases rondes autour de Honga. Cette carte représente quatre mains (à la manière de l’art rupestre), que l’on oriente vers les actions qui nous intéressent. L’emplacement de la carte, son sens et le nombre de mains représentées (ou parfois leur absence) sont donc cruciales pour optimiser un tour et méritent la plus grande attention !

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Si aucune main n’est orientée vers Honga, celui-ci est mécontent que le joueur ne s’occupe pas de lui, et va sur son plateau dévorer un poisson. S’il n’en a pas, il dévore une baie, ou un champignon, ou de l’eau, ou un mammouth, à moins que le joueur ne possède vraiment rien. Et il ne part pas à la fin du tour, mais demande à être nourri à chaque tour, même si l’on s’occupe de lui au tour suivant, jusqu’à ce qu’une carte bonus permette de l’éloigner ou qu’un autre joueur néglige de s’occuper de lui !

 

Honga HABA

 

L’un des quarts du disque d’actions est tourné vers Honga, les trois autres vers des lieux où l’on pourra réaliser autant d’actions qu’il y a de mains dans leur direction. Il y a huit actions possibles, pour les plus simples, ramasser des champignons, cueillir des baies, pêcher, puiser l’eau, explorer la forêt (et récupérer une carte bonus à utiliser à partir du prochain tour).

Rendre hommage aux dieux ancestraux de la nature permet de gravir une marche de la montagne sacrée. À chaque fois qu’un joueur atteint le sommet, il gagne cinq points, les autres joueurs gagnent autant de points que la valeur de la marche sur laquelle ils se trouvent, et tout le monde redescend.

Attirer des mammouths coûte un champignon, une baie et un poisson. On déplace alors un mammouth de sa couleur du plateau de rangement vers l’aire des mammouths sur le plateau. Or cette aire est divisée en plusieurs emplacements, en fonction du nombre de joueurs. Quand un mammouth arrive, il pousse tous les autres d’une case, et si un mammouth quitte la dernière case, il est posé sur le plateau du joueur auquel il appartient.

Le troc nécessite de défausser les ressources indiquées sur l’une des trois cartes de trop dévoilées pour gagner autant de points de victoire. À la fin du tour, on replace autant de cartes que le joueur en a récupérées.

Ces actions peuvent être renforcées par le prétendant au titre de chef grâce à une ou deux cartes bonus s’il en possède et s’il a pris soin de Honga ce tour-ci. Les cartes bonus peuvent par exemple chasser Honga de son plateau individuel, réduire le prix d’un troc, faciliter l’apprivoisement des mammouths, acheter ou gagner des points de victoire…

Un tour s’achève par la pioche d’une nouvelle carte d’action. Le joueur possédant le plus de mammouths sur l’aire des mammouths peut grâce à la défense piocher une carte d’action rouge, plus intéressante que les cartes grises puisqu’elle porte cinq mains au lieu de quatre.

La partie s’achève quand un joueur a dépassé les 40 points à deux, les 35 à trois, les 30 à quatre ou cinq. On conclut le cycle jusqu’à ce que tous aient joué le même nombre de tours, puis on compare les points de victoire pour désigner le Grand Manitou de la tribu du tigre à dents de sabre, en donnant le titre à celui qui possède le plus de ressources s’il y a égalité.

Honga HABA

Honga, parfait jeu de collecte familial

Sous ses allures de jeu enfantin, d’ « initiation au jeu de collecte », Honga peut s’avérer délicieusement tactique. Tactique parce qu’à la manière d’Imaginarium, on est bridé dans les actions que l’on voudrait accomplir, et le choix de prendre ou non soin de Honga, de l’emplacement et de l’orientation de son disque, peut s’avérer très difficile en ce qu’il traduit une stratégie à court et moyen-terme. En outre, l’interaction et le hasard sont très limités, existant juste assez pour que l’on se taquine et s’amuse ensemble, sans bouleverser injustement la partie. Délicieusement parce que l’on voit immédiatement les implications de chaque action, on sait ce que l’on fait, ce que font les autres, et les tours sont clairs et dynamiques. Bürkhardt s’est ainsi livré à un inattendu travail d’équilibrage pour qu’aucune action ne s’avère plus intéressante que les autres, et inviter très discrètement à diversifier ses activités en fonction des choix de ses adversaires. Honga n’est ainsi pas qu’enfantin ou familial, et a ce qu’il faut pour s’avérer souvent un excellent moment de détente pour joueurs plus expérimentés, une sollicitation fraîche ce qu’il faut de leurs cerveaux entre deux œuvres plus complexes.