Claim – le trône reviendra au meilleur recruteur de peuples
On découvrait avec Port Royal les « petits jeux » de l’éditeur célèbre pour ses grosses boîtes qu’est Matagot (Xi’An, Kemet, Scythe, Charterstone, Western Legends…). Or en 2019, il lancera une gamme pléonastiquement intitulée « pocket-mini » pour lancer des jeux tenant littéralement dans une poche, tous vendus sous les dix euros. Une intéressante concurrence aux classiques du genre, les Complots, les Citadelles, qui en comparaison auraient presque l’air de gros jeux onéreux ! Avant de nous pencher prochainement sur Matryoshka, intéressons-nous au Claim de Scott Almes (les Tiny Epic, Harbour), illustré par Mihajlo Dimitrievski et initialement édité par White Goblin Games (Montana).
Conçu pour deux joueurs exclusivement, à partir de 8-10 ans, les parties en durent une vingtaine de minutes.
Manuel de conquête du pouvoir
Le Roi est mort. Que ce soit par accident ou assassiné (peut-être même par vous ?), cela n’a pas d’importance, on ne le saura jamais. La priorité doit être de lui trouver un successeur et seuls deux candidats sont assez manipulateurs et rassembleurs pour pouvoir aspirer au trône à condition de régler leurs différends… ou que l’un des deux soit clairement mis en minorité par l’autre. Or dans un Royaume où cinq factions se partagent l’influence politique, les gobelins, les chevaliers, les morts-vivants, les nains et les doppelgängers, pas facile de recruter des partisans…
Chaque joueur pioche 13 des 52 cartes, représentant des membres des cinq factions, qu’il va s’agir d’opposer un à un pour remporter des alliés. Le plus jeune des joueurs, puis le vainqueur du pli précédent, révèle la première carte de la pioche. Il joue une carte de sa main, de la faction de son choix, puis son rival en joue une à son tour de la même faction. Celui qui a joué la carte de la plus haute valeur dans la faction choisie par le premier joueur remporte le pli ; autrement dit, si le deuxième joueur n’avait plus de cartes de la faction demandée, il perd automatiquement. En cas d’égalité, le même premier joueur le remporte – normal, en jouant d’abord, il a pris plus de risques. Dans tous les cas, le vainqueur pose la carte face cachée devant lui pour former progressivement une pile de partisans. Le perdant pioche quant à lui la première carte de la pioche, la consulte sans la révéler, pour constituer sa propre pile de partisans.
Quand la pile centrale est épuisée – et normalement que les joueurs ont posé leurs 13 cartes – on passe à la deuxième phase. Il est bien beau de recruter, encore faut-il savoir ensuite rassembler les personnages recrutés et faire de son accession au trône leur objectif commun en s’en servant pour convaincre le camp adverse de vous rejoindre ! Chacun prend alors sa pile de partisans, qui va constituer sa nouvelle main. Le premier joueur pose une carte, l’autre en pose une autre, en respectant les mêmes règles que précédemment, sauf que cette fois-ci, on se bat pour la carte de l’autre. Le gagnant des deux cartes les pose alors dans sa pile de score.
Quand les 13 plis ont été remportés, on compte le nombre de cartes de chaque faction dans chaque pile de score. Celui qui a le plus de cartes d’une faction en remporte le vote, en cas d’égalité, la voix va à celui qui possède la carte la plus forte de la faction. Le joueur obtenant la soutien de trois factions ou plus remporte la partie.
Vous avez sans doute déjà perçu la petite subtilité : il ne faut pas pendant la phase de recrutement tâcher de gagner à tout prix, mais il faut mesurer le risque à l’aune de son désir de récupérer la carte centrale. Si celle-ci n’est pas intéressante, il vaut mieux jouer une carte faible… d’une faction dans laquelle l’adversaire semble posséder des cartes ! Il est donc également important d’être très attentif aux cartes que chacun joue, pour tenter de comprendre s’il n’a rien dans certaines factions. Surtout, lors de la seconde phase, on peut se souvenir des cartes remportées par son adversaire, ce qui peut aider dans l’évaluation de sa main !
Une société démocratique pas si égalitaire
Pour l’instant, voilà un jeu que l’on pouvait pratiquer avec un paquet de cartes traditionnel – sauf qu’il y a cinq factions plutôt que trois couleurs, enfin cela ne vaut peut-être pas le coup d’acheter un jeu spécifique, même à dix euros. Mais il ne faut pas oublier que les factions représentent cinq espèces, et que chacune a logiquement des particularités propres à complexifier le jeu du trône !
Les gobelins seuls n’ont pas de pouvoir. Si un gobelin est est posé en premier, et que l’adversaire n’a pas de gobelins en main, il peut poser un chevalier et remporter automatiquement le pli. Lors de la première phase, on récupère la carte de la pioche et on défausse les cartes posées par les joueurs… sauf si l’une de ces cartes était un mort-vivant, celui-ci allant directement inaugurer la pile de score de celui qui remporte le pli ! Inutile de dire que l’on ne se débarrasse pas négligemment de ses cartes zombie, mais qu’on s’efforce à tout prix de récupérer celles de son adversaire dans des plis bien calculés. Si un doppelgänger est joué en deuxième, il copie la faction de la première créature, sans son pouvoir. S’il est joué en premier, il est simplement un doppelgänger, et exige la pose d’un deuxième doppelgänger par l’autre joueur. Le pouvoir des nains enfin ne s’applique qu’au cours de la deuxième phase : le joueur ayant perdu le pli remporte tous les nains joués pendant ledit pli, une manière de contre-balancer l’avantage au vainqueur du mort-vivant si l’on veut.
Claim : entre belote et Love Letter
À première vue, Claim ressemble à cent jeux, empruntant au barbu, à la belote, au tarot, au président, bref à un fonds commun de règles de jeux de cartes traditionnelles… sauf qu’il ne se joue qu’à deux, une configuration assez exceptionnelle dans un jeu de plis ! Dans un premier, il peut sembler malin mais pas très notable… jusqu’à ce qu’on prête attention aux pouvoirs des personnages, qui renversent complètement cette vision des choses. Soudain le mort-vivant le plus faible peut faire l’objet du plus lourd investissement, le nain peut sauver le joueur en plus mauvaise posture, le doppelgänger peut surprendre celui qui croyait avoir percé le secret d’une main… On n’est plus très loin du Love Letter, ce formidable classique du jeu de cartes pocket où la valeur des cartes avait autant d’importance que leurs pouvoirs. Et Claim a également pour lui ses très jolies illustrations, chaque numéro d’une faction ayant son propre design, ce qui signifie qu’il compte 48 dessins distincts et, à l’exception des doppelgängers, très inventifs. Une très plaisante introduction à une nouvelle gamme de jeux qui donne envie de s’intéresser aux autres !