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Voldemort: Origins of the Heir, un fanfilm incontournable ?

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Review du fanfilm Voldemort: Origins of the Heir

 

Vous n’avez pas pu manquer la nouvelle : le 13 janvier dernier, un fanfilm de 52 minutes a été diffusé sur YouTube pour raconter les origines de Voldemort. d’une durée de 52 minutes, le moyen-métrage italien (doublé en anglais et sous-titré en plusieurs langues, dont le français) cumule déjà plus de onze millions de vues, preuve que malgré la douche tiède des Animaux fantastiquesHarry Potter reste un phénomène d’actualité. Surtout, la vidéo a recueilli près de 95% de « J’aime », ce qui en fait une exception dans le paysage du fanfilm, où les productions sont régulièrement condamnées par les fans pour les libertés prises par rapport à l’univers qu’ils aiment et par l’ensemble des spectateurs pour la qualité nécessairement inférieure aux vidéos des grands studios. Il fallait donc que VonGuru se penche sur le sujet et vous livre l’avis de deux rédacteurs.

 

 

L’avis de Siegfried « Moyocoyani » Würtz : un fanfilm qui mérite d’être discuté

 

Voldemort: Origins of the Heir appartient à ces vidéos YouTube, encore rares ou trop peu médiatisées, qui révolutionnent notre vision de ce qu’il est possible de faire et de voir sur des médias libres d’accès, et pour cette seule raison mérite davantage d’attention qu’on ne lui en a accordé pour l’heure – parce que onze millions de vues, c’est bien, mais ce n’est pas encore viral, et c’est somme toute assez peu comparé au nombre de fans de Harry Potter. Cette révolution passe par deux éléments (qui n’en constituent au fond qu’un seul), l’argent et la qualité.

Voldemort: Origins of the Heir a été financé par un crowdfunding sur Kickstarter, à hauteur (me dit wikipédia) de 15.000 euros. C’est une somme, assurément, et il ne faudrait pas mettre un fanfilm au même rang qu’un blockbuster, mais pour l’anecdote il peut être intéressant de noter que le moins cher des huit films Harry Potter, La Chambre des secrets, avait coûté 100 millions, chaque opus tournant autour des 150 millions, soit dix mille fois plus. Ce n’est pas pour rien que, quand j’en avais vu la bande-annonce, je l’avais ignorée au même titre que les centaines de fantrailers pullulant sur le net, et qui ne sont pratiquement toujours là que pour susciter l’excitation des fans, absolument pas pour annoncer la production d’un véritable film, dont il est évident qu’il serait beaucoup trop cher pour qu’on puisse même en rêver l’existence.

 

 

Il ne faudrait pas non plus ignorer les exigences de la propriété intellectuelle. Si George Lucas n’avait pas de mots assez durs contre les auteurs de fanfictions Star Wars, J. K. Rowling a toujours été connue (et appréciée) pour sa tendresse vis-à-vis de la communauté Harry Potter. Cependant, entre un récit parmi des milliers sur un site de fanfic et un moyen-métrage, il y a un gouffre, et c’est assez naturellement que Warner Bros. a demandé l’interruption du financement participatif, faisant malgré tout l’effort de contacter ceux qui l’avaient lancé pour leur proposer un arrangement à l’amiable : le film pourrait sortir si ses créateurs n’en retiraient aucun bénéfice. Quand Voldemort commence en nous disant qu’il « n’est pas soutenu par, affilié ou associé à Warner Bros. ou J. K. Rowling », il faut donc avoir à l’esprit qu’il est tout de même toléré par les studios, et que sans cette tolérance rien n’aurait pu se faire.

Or un tel geste de la part d’un tel studio n’a rien d’anodin, il s’agit d’une manière de reconnaître la passion sincère de l’équipe créative et technique regroupée sous le nom de « Tryangle Films » et la qualité d’un travail qui ne déflore pas le mythe Harry Potter. Et en effet, on est d’emblée frappé par la qualité visuelle impressionnante de ce fanfilm, en particulier grâce à un étalonnage très professionnel et grâce à une scène d’action inaugurale aux effets spéciaux assez virtuoses, et d’ailleurs assez « jeu vidéo » (la scène se paye même le luxe d’un plan en FPS), ce qui est loin d’être un reproche quand c’est pour souligner les efforts d’originalité d’une équipe disposant de si peu de moyens. Et rien ne vient ternir cette impression de professionnalisme, ni dans la prise de son, ni dans la photographie, ni dans les costumes et maquillages, ni même dans la musique, imitant un peu trop Inception au début mais globalement très convaincant.

Un seul fond vert m’a paru assez visible sans me gêner, c’est dire, et je pense qu’on peut voir le film sans trop remarquer que les acteurs sont doublés – j’ai d’ailleurs l’impression qu’ils parlent anglais avant d’être doublés par d’autres acteurs en anglais, pour éviter de trop gros décalages de synchronisation labiale. Toujours en purs termes de technique, je n’ai trouvé qu’un décor franchement raté, une espèce de mansarde/grotte aux décors assez cheap, et un seul choix de plan douteux, celui de très gros plans sur les yeux des deux personnages principaux, qui ne soulignent aucune émotion particulière, et soulignent donc au contraire l’inexpressivité de ces regards. C’est que les acteurs sont assez bons, mais pas assez pour faire ressentir des mouvements de l’âme subtils. Heureusement, l’intrigue est assez grandiloquente pour éviter l’écueil de la subtilité.

 

 

Une sorcière du nom de Grisha cherche quelque chose dans un entrepôt russe, finit par être arrêtée et interrogée par un général à l’aide de veritaserum. Tout le film est donc construit en allers-retours entre ce récit-cadre et les faits qu’elle relate, ce qui a déjà deux effets nuisibles. D’abord, pour rappeler le récit-cadre et s’en servir de transition entre les différents faits, justifiant les ellipses, on revient souvent au dialogue entre Grisha et le général qui manque pourtant singulièrement d’intérêt en soi, avoisinant même un certain ridicule quand le général s’emporte et pose des questions stupides à sa prisonnière, alors qu’elle est sous veritaserum (l’intimidation est donc inutile) et que ce qu’elle dit ne mérite pas des réactions disproportionnées, et surtout que ces questions ne portent que sur des éléments que Grisha vient de relater et que le spectateur a donc tout à fait compris. Cela nuit ensuite au film en ce que cela découpe l’histoire de Voldemort en nombreux fragments. On peut louer la volonté d’y laisser une part de mystère et comprendre que Tryangle Films n’avait pas les moyens ou le temps de raconter davantage, mais cela frustrera légitimement ceux qui s’attendaient à assister au déroulement linéaire de la naissance de Voldemort.

L’inconsistance narrative de Voldemort: Origins of the Heir a alors pour conséquence que le fanfilm satisfera davantage les fans, en montrant ce qui n’était qu’écrit ou suggéré, voire en remplissant des trous, que les autres spectateurs, déçus de l’absence de récit fort. Tous les spectateurs seront cependant un peu perdus par moments, le film ayant la remarquable ingéniosité de s’interdire tout texte explicatif, malgré des promenades très libres dans l’espace et le temps. Et entre un film qui demande un léger effort de compréhension et un film qui vous précise « Paris » en plus d’une image purement illustrative de la Tour Eiffel, j’ai vite fait mon choix.

Ce qui est plus dommage, c’est que l’absence de récit linéaire ne permette pas de véritable développement psychologique, et qu’il ait donc paru plus simple de faire de Tom Jedusor un arrogant prick dès sa première apparition. Comme beaucoup, je rêve que la Warner réalise un jour un spin-off sur la formation de Voldemort, et je n’imagine ce film que comme la lente descente vers le côté obscur d’un jeune homme certes d’emblée torturé (on s’en rend compte quand Dumbledore va le recueillir), mais qui trouve un monde où ses pouvoirs n’en font pas un paria, et qu’on imagine donc bien déchiré, ne construisant que petit à petit son mépris pour les autres sorciers et les Moldus au fur et à mesure que ses pouvoirs lui apparaissent comme la preuve de sa supériorité. On aurait même pu imaginer qu’il soit relativement bienveillant, mais obsédé par l’idée d’accroître son pouvoir, surtout après avoir reçu la confirmation de son ascendance, qu’il se lance dans des expériences interdites, et finisse par perdre de son humanité en tentant un premier Horcruxe alors qu’il est encore étudiant à Poudlard.

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Or s’il est bien question des Horcruxes ici, c’est parce que Voldemort cherche les reliques des Quatre Maisons, sans qu’on sache bien quand il commence à les investir de son âme et pourquoi exactement. Or c’est un aspect qui m’aurait bien davantage intéressé que l’idée un peu grotesque (très fanfic justement au sens un peu méprisant du terme) que Tom Jedusor rencontre parmi les étudiants de Poudlard les descendants des fondateurs de Serdaigle, Gryffondor et Poufsouffle pour former un Club aux objectifs incertains. Faut-il rappeler que Godric, Helga, Rowena et Salazar ont vécu il y a un millénaire, et qu’il est donc aussi peu probable qu’ils n’aient qu’un descendant qu’il est impossible que leurs héritiers directs respectifs aient le même âge (sans même mentionner les difficultés d’établir une généalogie sur 1000 ans) ? Enfin Voldemort étant de façon canonique le descendant de Salazar, c’est un délire que l’on comprendrait si cela avait vraiment une utilité dans l’intrigue, alors que le rôle que jouent les trois autres descendants est pratiquement une insulte à leur ancêtre et à leur Maison tant ils auraient pu être échangés sans réel impact sur l’histoire avec un groupe de bons élèves représentant chacune des Maisons… Encore une fois, l’idée n’est pas en soi stupide, il est seulement regrettable d’ajouter au Canon quelque chose d’aussi énorme qu’un club des quatre héritiers des quatre redoutables fondateurs de Poudlard pour un résultat aussi faible.

 

 

Ce n’est pas pour autant illicite au sens où cela ne contredit pas le Canon, et dans l’ensemble le film est (heureusement) assez respectueux. Si l’on passe certains nouveaux pouvoirs cheatés, on s’étonnera cependant que Tom Jedusor affirme avoir longtemps cherché le collier de Serpentard alors qu’il travaille pour les deux marchands qui l’ont vendu à Hepzibah Smith, que celle-ci meure d’un Adava Kedavra et non pas deux jours après la visite du futur Voldemort, que le veritaserum soit vert et inoculé et plus incolore et bu… Ce ne sont malgré tout que des détails qui n’obséderont que les plus pointilleux des spectateurs, les autres ayant déjà assez à se demander pourquoi diantre le journal de Tom Jedusor serait en Russie et pourquoi le film s’intitule « l’origine de l’héritier » (ce qui laisse plutôt espérer l’histoire du jeune Tom Jedusor avant qu’il ne se découvre descendant de Salazar) plutôt que « l’origine du Mal » par exemple…

À la fin de mon visionnage de Voldemort: Origins of the Heir, j’ai cliqué sur le poing au pouce levé. Je n’ai pas été sidéré par le fanfilm parce que, pour un préquelle, l’histoire racontée est étonnamment fragmentaire et étonnamment peu psychologisante, en somme assez faible. Il ne faut pourtant pas oublier que les remous de la production ont pu abréger un projet qui aurait peut-être été autre s’il avait été davantage médiatisé sur Kickstarter et si le financement participatif n’avait pas été interrompu par Warner Bros. Si l’on peut aisément imaginer qu’avec plus de moyens, le film serait devenu un long-métrage plus ambitieux, cela reste une vue de l’esprit, peut-être Tryangle Films n’avait-il rien d’autre en vue que le film que nous avons sous les yeux. Dans tous les cas c’est sur celui-là qu’il faut se faire un avis. Après visionnage, je me dis donc qu’on pouvait espérer mieux, mais avant visionnage je n’en aurais jamais attendu autant. Le plus important est ce sentiment d’évidence : voilà le genre de productions qui peut susciter des vocations et porter YouTube et le cinéma toujours plus loin.

 

L’avis de Marine « Reanoo » Wauquier : un film par et pour les fans

 

Le principal dilemme que je rencontre vis à vis du fanfilm Voldemort: Origins of the Heir relève de son statut. Dois-je l’analyser et le critiquer en tant que production amateur, lié à son statut de fanfilm, ou en tant que production professionnelle, tant la qualité est parfois au rendez-vous ?

Effectivement, cette vidéo est techniquement impressionnante pour du fanmade. L’image est belle, certains effets très convaincants, et l’on se laisse très vite prendre au jeu. Tout cela tend rapidement à me faire oublier le caractère fanmade, et c’est pour cela que j’insisterai davantage sur ce qui m’a le plus dérangée, globalement des détails, sans pour autant dénigrer le travail réalisé. De par son montage notamment, le film insiste de façon maladroite, à grand renforts de musique et de cadrage, sur certains points qui me semblent bien obscurs, quand ce n’est pas juste maladroit. Je pourrais à ce titre citer des passages très précis, comme le plan menant à la découverte de l’œil voilé du général, dont on ignore pourquoi on nous le présente avec autant d’insistance, les dialogues somme toute assez ordinaires pourtant entrecoupés par des instrumentations très voire trop marquées, ou encore le zoom incessant sur les yeux des personnages. Si la plupart des effets sont très heureux, d’autres le sont beaucoup moins, comme certaines vues quasi à la première personne qui m’ont un peu gênée. J’ai de la même façon été gênée par moments par le doublage, un léger décalage entre image et son me faisant parfois m’interroger sur la qualité de ma connexion tant le doublage fonctionne le reste du temps sans même que l’on se pose la question. Enfin, s’il fallait que je critique un dernier point, sans que cela soit dommageable par la suite puisque cela intervient relativement tôt, c’est par l’incarnation d’une Grisha de seconde année (donc plus ou moins douze ans) qui ne fait absolument pas son âge.

 

 

Ce qui m’a finalement le plus dérangée dans ce fanfilm n’est finalement pas la forme mais le fond. Je ne cherche pas ici à pointer du doigt le moindre écart au canon, comme notamment l’ajout de certains personnages (ce qui n’est pas nécessairement gênant quand ça n’a pas d’influence sur l’histoire principale), mais certains aspects m’ont néanmoins paru plus problématiques puisqu’ils remettent en cause divers aspects du film. Je pense notamment à l’explication liée à Merope Gaunt, dont la mort en couches semble ici revisitée pour ajouter du drame à l’histoire, mais qui vient mettre un coup sur la théorie lié au pendentif de Salazar, ou la co-existence bien fortuite des quatre héritiers des fondateurs de Poudlard. J’ai à ce titre été assez troublée par le postulat d’une alliance entre ces quatre héritiers dans une sorte de démarche salvatrice. On ne comprend pas vraiment d’où ça sort, dans quel contexte ça s’inscrit ou ce à quoi ça va répondre, si ce n’est amener des tensions entre des personnages qui ne sont fondamentalement pas nécessaires et sonnent un peu faux.

En cela, je trouve que le fanfilm se rapproche d’une fanfiction manuscrite telle qu’on se les imagine dans la mesure où l’histoire semble ici davantage servir le désir des fans d’une histoire teintée de triangle faussement amoureux que d’une réelle intrigue scénaristique. Je trouve de façon générale le scénario un peu faible, puisque le titre lui-même me semble mal choisi. Il ne s’agit pas ici de nous faire découvrir un jeune Tom qui découvrirait son statut de descendant de Salazar, mais bien d’un jeune sorcier qui se laisse aller à son côté obscur, sans d’ailleurs que l’on sache réellement pourquoi. Le twist final est à ce titre un peu trop prévisible, mais je ne peux pas en tenir rigueur aux gens à l’origine du fanfilm, tant ce dernier reste globalement très agréable à regarder. C’est pour moi une œuvre faite par et pour des fans, mais qui n’en reste pas moins tout à fait honorable.

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