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Une journée à la Comic Con Paris 2017

Une journée à la Comic Con Paris 2017

 

Du 27 au 29 octobre se tenait la troisième édition de la Comic Con. Ayant obtenu une accréditation pour la journée du vendredi 27, j’ai passé la journée et une partie de la soirée à la grande halle de la Villette, profitant des masterclasses, visitant les stands de dédicaces, déambulant dans les boutiques – et il est temps maintenant de partager avec vous quelques impressions sur LE grand événement français lié à la Pop culture américaine.

 

 

Communication d’une grande convention

Commençons par une petite partie en « coup de gueule », dont je ne sais pas si elle ne concerne que moi ou si elle témoigne d’un problème plus général : je n’ai reçu le mail confirmant mon accréditation que trois jours avant la Comic Con (et je n’étais de surcroît pas inscrit sur la liste des journalistes accrédités, ce qui heureusement a été résolu très vite quand j’ai prouvé mon invitation). Autrement dit, je ne savais pas avant le 24 octobre si je devais me rendre le 27 à Paris, et comme aucune date n’avait été annoncée, j’avais fini par me persuader assez logiquement que je ne recevrais pas d’accréditation (et j’étais déjà assez fâché de ne pas en avoir été prévenu malgré deux relances).

C’est déjà gênant pour des Parisiens, qui pourraient légitimement prévoir autre chose pour leur weekend, ça l’est davantage encore pour des « provinciaux » devant improviser leur transport et leur séjour dans la capitale, ce qui ne se fait pas sans frais ni sans embêtements quand c’est à la dernière minute… Et si vous vous posiez la question, non, ce n’est pas la norme, la plupart des grosses conventions préviennent bien plus tôt. À titre de comparaison, la Paris Games Week (qui n’a rien à envier à la Comic Con en ambition) nous avait sans problème attribué quatre accréditations pour toute sa durée, six jours après la demande et presque deux mois avant qu’elle ne se tienne, sachant que l’ « accréditation » de la Comic Con n’est pas un coupe-file ni une carte d’entrée privilégiée à des événements exclusifs, seulement une entrée gratuite. Quand on écrit une thèse sur les super-héros, qu’on communique régulièrement dans des colloques sur le sujet, et qu’on promet un article récapitulatif sur l’événement, on peut s’attendre à un tout petit peu mieux, enfin bref, je me suis arrangé, et déjà bien content d’avoir économisé ces 19 euros, je me suis rendu sur place à l’ouverture de la grande halle.

mon sac n’a d’ailleurs pas subi de fouille, hum… L’entrée du public devait être mieux surveillée, j’espère, et on y avait droit à de très jolis sacs pour nos achats, gratuits malgré leur qualité, ce qui était un petit plus propice à mettre de bonne humeur.

 

Des comics, des produits dérivés et des hommes

Le cœur d’une Comic Con, ce sont (normalement) les comics. Si la fameuse « artist alley », judicieusement située à l’étage, manquait singulièrement de cachet dans sa juxtaposition serrée de tables, j’ai eu l’agréable surprise de constater que les files d’attente étaient très courtes à l’ouverture de la Comic Con pour les artistes les plus attendus, Tim Sale et Don Rosa, récompensant mieux les plus motivés que beaucoup de festivals où les files sont vite prohibitives. D’autant que la plupart des artistes acceptaient avec le sourire un début de discussion avec ceux qui s’efforçaient de leur baragouiner leur admiration ou une question, ce qui n’est pas toujours une évidence non plus.

Don Rosa

En ce qui concerne les comics à proprement parler, on ne peut pas dire qu’ils aient été très bien mis en valeur : un stand complètement excentré en vendait des premières éditions et éditions rares, seul moyen me semble-t-il d’en trouver ici en version originale, et les quelques boutiques se situant pleinement dans la halle variaient assez peu leurs propositions, mettant surtout en valeur les productions des artistes présents à l’événement.

 

Et s’il est agréable de voir que plusieurs éditeurs de moindre envergure ou récents y avaient leur place, je ne comprends toujours pas l’absence d’Urban Comics (éditeur français de DC Comics) au profit de Panini (l’éditeur de Marvel), y compris dans les workshops, et malgré la présence de Tim Sale, l’un des dessinateurs des aventures de Batman les plus appréciés de ces dernières années. Évidemment cela doit s’expliquer par des histoires de contrats et de gros sous, mais c’est un manque cruel et dommageable dans une foire aux comics.

Tim Sale

De façon totalement irréaliste, j’aurais souhaité qu’une convention pour les fans de comics en vende à des tarifs sensiblement préférentiels, alors que la concurrence et le mercantilisme régnaient assez prévisiblement en maîtres, la Comic Con étant plutôt une foire aux produits dérivés de la culture populaire américaine au sens large. Les amateurs de Funko Pop seront ravis, ceux de bande dessinée un peu moins, et il paraît difficile de se plaindre que les fans achètent massivement par Amazon quand même un événement comme la Comic Con ne cherche pas tant à les satisfaire qu’à les appâter.

 

Les projections

En 2017, les projections n’auront pas été le point fort de la Comic Con, et j’espère que ce n’est lié qu’à une absence de propositions, et pas à des ruptures de contrat qui impliqueraient que le problème perdure. En 2016 avaient été projetés le superbe Premier Contact de Denis Villeneuve avec un mois et demi d’avance sur la sortie, Dr. Strange trois jours avant et Sausage Party un peu plus d’un mois avant. Pour cette troisième édition, nous avons eu droit aux deux premiers épisodes de la saison 2 de Stranger Things le jour de la sortie, à Happy Birthdead avec trois semaines d’avance, et au Cold Skin de Xavier Gens dont la sortie française n’est pas encore programmée (mais qui est déjà sorti en Espagne). Cela fait quand même moins rêver, en termes d’exclusivité ou de promesse sur la qualité…

Il paraît heureusement que Happy Birthdead était une très agréable surprise, et surtout j’ai pu assister à la projection de Cold Skin, dont j’attendais le pire (Xavier Gens est quand même le réalisateur de Hitman et Frontière(s), ce qui ne laissait pas espérer grand chose)… et qui s’est avéré sincèrement saisissant ! J’attendrai la sortie pour développer ma critique, mais le 27 octobre, Gens attendait encore le jour prochain où son film serait montré à des distributeurs pour les convaincre de le diffuser, et il faut souhaiter que sa mauvaise réputation n’ait pas découragé les distributeurs de se déplacer, parce que vraiment Cold Skin mérite d’être vu. Gens n’a jamais eu la chance d’un Besson ou d’un Aja, ou même d’un Gans (avec lequel Gens a proposé un workshop), alors qu’il n’est manifestement pas moins passionné, et il a eu une bonne intuition en sortant du film de genre pour proposer quelque chose de plus personnel, flirtant avec l’horreur survivaliste mais jouant au mieux de l’économie évidente de moyens pour resserrer son attention autour de l’humain.

Un grand stand Netflix permettait de se prendre en photo dans des décors évoquant Stranger Things

Workshops, panels et conférences

La Comic Con Paris n’est pas compétitive : comme elle tombe chaque année quelques semaines après la Comic Con de New York (laquelle se tient début octobre), aucun officiel de Marvel, de Disney ou de la Warner ne vient faire d’annonces, tout ayant déjà été dit sur le sol américain. Reste à communiquer sur les éditeurs français (souvent hermétiques et dépendant de toute manière essentiellement des sorties aux Etats-Unis), à faire venir quelques célébrités pour faire coucou et à proposer quelques discussions… Est-ce par complexe d’infériorité ? Toujours est-il que la Comic Con propose beaucoup de petits événements, occupant toute la journée ses trois salles. La richesse de la programmation cache ainsi le fait qu’il faudra faire des choix frustrants, et que l’on pestera à chaque fois que l’on se sera fait avoir…

J’ai par exemple réussi à échapper au panel sur la mythique série de 1978 L’Incroyable Hulk, dont on m’a dit que les intervenants ne l’avaient pas vue depuis une éternité, comme s’ils n’avaient même pas su qu’on leur demanderait d’en parler, mais j’ai subi celui sur la « diversité dans les comics », se résumant à louer la représentation des dominés ethniques et sexuels dans la bande dessinée américaine, avec des intervenants plus ou moins inspirés mais n’ayant de toute manière jamais l’occasion de développer la moindre réflexion tant il est difficile dans la petite heure du workshop, quand la parole doit être répartie entre six personnes, chaque parole devant de surcroît être traduite, soit en français pour le public soit en anglais pour les auteurs anglophones.

 

 

C’était par ailleurs une véritable torture que d’hésiter entre le panel #VisibleWomen sur les femmes auteurs de comics (et auquel participait Katchoo, l’auteure du très recommandable blog The Lesbian Geek !) et à un entretien avec Joe Johnston (contributeur aux six premiers Star Wars, réalisateur de Chérie j’ai rétréci les gosses, Jumanji, Jurassic Park III et Captain America : First Avenger !). J’a finalement opté pour le second, tout à fait divertissant, et me mord encore les doigts d’avoir préféré l’attrait publicitaire pour le grand nom à la conversation nourrissante.

 

 

Très content cependant d’avoir vu Brian Michael Bendis, l’un des scénaristes les plus marquants de Marvel (et créateur de Jessica Jones), avec Finn Jones (Loras Tyrell/Iron Fist), dans un panel Defenders (même si évidemment n’importe qui aurait pu répondre à leur place aux questions tant elles étaient convenues et contractuellement imposées).

Et très content aussi d’un workshop sur les éditeurs français de comics, qui commençait à prendre de la hauteur quand la séance s’est finie (toujours trop d’intervenants dans un temps trop court). Étaient quand même représentés Panini, Glénat Comics, Delcourt, Akileos et Bliss (toujours pas Urban, mais du beau monde quand même), avec deux intervenants tout à fait passionnants (de Delcourt et Akileos il me semble). J’ai ainsi même eu le luxe d’assister à une scène un peu tendue quand quelqu’un du public reprocha à certains éditeurs de ne plus faire des comics que des objets promotionnels pour les films, à laquelle lesdits éditeurs répondirent avec plus d’esprit que je ne l’aurais cru, rappelant que Marvel avait récemment mis fin à leurs publications des Quatre fantastiques pour ne pas favoriser des films sur lesquels la Fox (et non Disney) possède les droits. On le sait, mais il est toujours savoureux et rassurant d’entendre des officiels admettre le cynisme de leur métier.

Et ce n’était même pas l’événement le plus stimulant de la journée, la palme revenant au lancement officiel de l’éditeur Hi Comics ! (non, le nom n’est pas très heureux), qui avait pourtant attiré assez peu de monde. Même si plusieurs sites avaient déjà relayé des informations supposées secrètes quelques jours auparavant (y compris l’excitante annonce de la publication des comics Tortus Ninja, que le fondateur de Hi ne pouvait ironiquement que nous teaser, faute d’avoir le droit de le dire). Hi Comics ! appartient à Bragelonne, et fera donc office d’héritier à Milady Graphics, dont il rééditera notamment la brillante trilogie Warren Ellis. Mais il cherche aussi à s’affirmer comme un éditeur de qualité, publiant beaucoup moins que Panini ou Urban, mais toujours avec soin dans le format (du cartonné de grande qualité, des grosses éditions augmentées à prix abordable) et le choix des œuvres (un « éditeur bio » nous a-t-on dit, avec des « indés cueillis à la main »). Hi s’occupera aussi de Scott Pilgrim et sera surtout l’éditeur officiel… de Rick and Morty, dont on nous a promis de jolis recueils d’aventures en comics et même des jeux de société !

En somme

Mon expérience de la Comic Con Paris a été mitigée. Je conserve l’impression que le prix est un peu élevé pour un événement dont l’intérêt est principalement de voir des célébrités et d’être dans un environnement geek nous confortant dans nos passions, tandis que les workshops et autres ateliers devraient être gratuits, surtout étant donné leur concision et le peu d’efforts qu’ils coûtent aux invités et animateurs. Il faut cependant prendre de la hauteur et voir la Comic Con comme un modèle économique, où le flux de visiteurs et l’argent qu’ils apportent permet de faire venir bénévolement ou de façon payante des éditeurs, acteurs, réalisateurs, scénaristes et dessinateurs, dont certains nous font le privilège de leur venue et d’autres au contraire sont honorés d’avoir une si belle opportunité publicitaire. En cela, la Comic Con est une relative réussite qui demande des perfectionnements mais commence à trouver sa cohérence. Bien que dubitatif sur la faible place laissée aux comics, sur l’encadrement et le programme des discussions, je ne peux être aveugle à ce qu’il y a de plus authentique, une bonne humeur, un esprit encore bon enfant, qui n’est pas celui de toutes les conventions (je pense aux critiques adressées à la Paris Games Week par exemple), assurément lié à un public de jeunes adultes retombant en enfance, sur scène comme dans la salle.

Parmi les pistes d’amélioration réalistes (je crois), donc sans même parler de projections plus prestigieuses et d’exclusivités : une meilleure communication autour des accréditations, peut-être des accréditations servant à quelque chose (ne serait-ce qu’à une file d’attente particulière, de toute manière les salles sont rarement pleines, et cela permettrait simplement aux journalistes d’être plus efficaces dans leur enchaînement d’événements à couvrir), ou au moins durant trois jours pour les journalistes (comment peuvent-ils sinon se faire un avis complet de la Comic Con en n’étant invités qu’une journée ?), enfin la présence d’Urban Comics, un emplacement pour la vente de comics d’occasion, des animateurs sachant animer ou traduire ou au moins connaissance leur sujet (ce qui n’a pas été le cas sur les panels « éditeurs de comics en France » et BM Bendis/Finn Jones), moins de « show à l’américaine » (DJ et chauffeur de salle pour nous occuper un peu grossièrement, au lieu de musiques geek et de bandes-annonces par exemple), indiquer les toilettes sur les plans, de meilleurs montages-récapitulatifs de carrière des invités (plutôt qu’un amas d’images sans titre et sur une musique générique, aléatoirement choisie et montée), un espace presse où les journalistes pourraient préparer leurs articles, se rencontrer et mener sereinement des interviews (à moins que je ne l’aie manqué, ce qui est possible), un peu moins d’événements-gadgets fourrés là uniquement pour remplir le planning (sans forcément les remplacer d’ailleurs), un peu plus d’affiches, de tapis, de maquettes, de statues, bref de décor dans la halle pour transformer l’ensemble du lieu en temple geek.

 

 

 

 

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