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Les Animaux fantastiques – le nouvel enchantement de Rowling ?

Les Animaux fantastiques – le nouvel enchantement de J. K. Rowling ?

 

Bien avant sa sortie le 16 novembre en France, le 18 aux États-Unis, Les Animaux fantastiques faisait déjà figure de film le plus attendu de l’année, et avant même l’annonce de sa production, il était déjà espéré avidement par la fanbase d’Harry Potter ne rêvant que de nouveautés pour étendre l’univers du sorcier à lunettes, sous quelque forme que ce soit : pièce de théâtre, recueils de nouvelles, et surtout films. Alors que J. K. Rowling semblait décidée à passer à autre chose, il était difficile de rester insensible à un appel aussi pressant et prometteur à tous les niveaux.

Elle eut alors l’idée, aussi risquée qu’intéressante (et probablement nécessaire) de ne pas offrir un simple prequel ou spin-off à la saga Harry Potter, mais de proposer du Wizarding World une perspective différente, aussi bien temporellement que spatialement, en racontant le voyage de Newt Scamander, bien connu des fans pour être le plus important zoologiste des créatures magiques, à New York dans les années 1920.

Comment garantir aux spectateurs que cela ne virerait pas au grand n’importe quoi, à l’exploitation pauvre et mercantile d’un univers fictionnel ayant prouvé sa rentabilité et sa popularité ? En engageant le réalisateur des quatre derniers films, David Yates, et surtout en proposant à J. K. Rowling sa première expérience de scénariste, en mettant à leur disposition le budget colossal de 180 millions de dollars et en engageant quelques acteurs très en vue, le récemment oscarisé Eddie Redmayne, Colin Farrell, dans des rôles secondaires Jon Voight et Ron Perlman, la future star de la Warner Ezra Miller (interprète du Flash dans le DCCU), en plus de promettre un aperçu du grand méchant de la nouvelle saga, Grindewald, campé par pas moins que Johnny Depp lui-même.

Les Animaux fantastiques est-il donc un nouvel Harry Potter, et l’enchantement est-il à son comble au commencement de cette nouvelle saga magique ? Trois rédacteurs de Cleek vous donnent leur avis.

 

Siegfried « Moyocoyani » Würtz : Les Animaux fantastiques, un charme dangereux

 

Inutile de créer de l’impatience plus longtemps : Les Animaux fantastiques est un très bon divertissement, nettement supérieur à la moyenne, et donc très recommandable, ce qui n’était pas évident au début du film.

Celui-ci commence en effet avec une succession de coupures de journaux magiques supposés nous teaser l’univers auquel nous allons nous intéresser : un certain Grindewald sème le chaos en Europe, tandis qu’aux États-Unis de l’Entre-deux guerres (et plus précisément de la Prohibition) le MACUSA (ou Congrès Magique des États-Unis d’Amérique) avec sa Présidente promeut une politique sécuritaire et ségrégative, défendant par exemple toute relation entre Non-Maj’ (les Moldus) et sorciers. Enfin si vous comprenez tout cela, vous pourrez déjà être satisfaits : les coupures s’enchaînent assez vite, livrant des informations très diverses (d’actualité, de politique, culturelles), pas toujours bien liées entre elles, dans une séquence qui essaye de remplacer un carton d’introduction ou une voix-off (ce qui est louable), sans trop en dire sur un nouvel univers que l’on doit découvrir petit à petit, mais créant plus de confusion que de mystère.

On est ensuite bien loin dans les premières minutes de ne nous intéresser qu’à Newt Scamander : au contraire, on ne sait rien du personnage, dont l’histoire se dévoilera très timidement plus tard, et dont les intentions ne seront claires qu’à la moitié du long-métrage. La séquence de son débarquement alterne avec celle montrant un immeuble détruit par une force magique redoutable, autour duquel rôde un Colin Farrell souriant, bien que nous apprenions par la suite qu’il est l’un des inspecteurs les plus importants du MACUSA. On nous met également en relation avec les Fidèles de Salem, un groupuscule (en fait composé d’une poignée seulement de membres) prétendant dénoncer l’existence des magiciens, dont les idées séduiront par la suite le fils légèrement déséquilibré d’un magnat de la presse, ignorant ces théories complotistes ridicules au profit de son autre fils, un Sénateur lorgnant sur la Présidence des États-Unis. Et on a à peine évoqué le MACUSA à proprement parler et les personnages secondaires gravitant autour de Newt : bref, cela fait beaucoup d’intrigues secondaires pour un film de deux heures intitulé Les Animaux fantastiques. Consciente de leur secondarité, l’équipe créative s’est donc senti obligée d’intégrer au tiers du film une séquence ronflante d’animaux magnifiques et de grosse musique, un pur concentré en dix minutes de la poésie que l’on aurait voulu retrouver diluée dans le film, alors que cette concentration rappelle que les animaux sont une digression plutôt qu’un enjeu…

 

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Difficile alors de ne pas redouter que ces pistes ne trouvent de résolution que dans les suites du film : assez admirablement, il faut le dire, Les Animaux fantastiques s’efforcera de toutes les lier et les traiter à peu près convenablement ! Cela n’empêche pas quelques frustrations, sans doute inévitables – après tout, dans Harry Potter aussi on suggérait souvent des extensions à l’univers qui étaient là pour montrer sa complexité et pas pour être traitées directement. Les Fidèles de Salem auraient ainsi beaucoup gagné à constituer un important réseau plutôt qu’une simple famille de fous, dont l’intérêt est donc moins évident. Le système de gouvernement est assez peu clair, et son idéologie est plus suggérée verbalement, voire prétexte à gags, qu’elle n’est réellement constatée dans l’action, ce qui rend ses différences profondes (pourtant affirmées) avec l’Angleterre d’Harry Potter trop peu visibles. Surtout, et c’est le point le plus gênant, le titre ne rend pas honneur à son intrigue : l’évasion des animaux fantastiques de la malle de Newt paraissant déjà étrange dans le synopsis, dans le film elle s’intègre très mal aux autres histoires. Le design des animaux et leur animation sont absolument remarquables, et les scènes d’interaction avec Newt lui confèrent indéniablement une jolie profondeur (incapable de relations sociales normales, il se montre étonnamment à l’aise au contact d’animaux dangereux), il n’empêche qu’ils servent davantage de super-pouvoirs au personnage (une espèce d’Animal Man magique) dans un usage gadget que de fil directeur…

 

 

Cette frustration n’est pas aidée par une direction d’acteurs étonnamment faible. Il est frappant de constater que la plupart des critiques ont mis l’accent sur l’acteur du Non-Maj’ Jacob Kowalski, Dan Fogler, plutôt que sur les têtes d’affiche. Ses excès comme comic relief servent finalement son interprétation très contrastée, entre sa pauvreté financière et affective, son émerveillement devant les richesses de l’univers qu’il découvre, son affection pour les personnes qu’il rencontre et son désir de les accompagner malgré son absence de pouvoirs… Eddie Redmayne s’en sort également assez bien, même si son jeu est souvent caricatural. Pour insister sur le fait qu’il soit inapte aux relations sociales normales avec d’autres humains mais puissamment à l’aise dans son domaine avec les animaux les plus dangereux (et cela fonctionne), on lui a apparemment donné la consigne de toujours regarder dans une direction radicalement différente de celle des yeux de son interlocuteur, de toujours sourire béatement même quand ses animaux s’enfuient ou que le MACUSA fait remarquer l’immense danger qu’il fait courir, au secret des sorciers et à la vie des Non-Maj’… Espérons que l’objectif était de le mûrir de film en film, et apprécions pour l’heure son jeu « féminin » (visiblement les producteurs ont aimé The Danish Girl) curieux, sa synergie réussie avec les animaux, et la volonté passionnante d’offrir un héros moins viril, moins taillé dès sa naissance pour sauver le monde, que dans la plupart des blockbusters, à commencer par Harry Potter.

 

 

Le jeu des autres acteurs est plus monolithique et assez mal mis en valeur. Même pour Colin Farrell, parfait dans son rôle, son costume, avec cette coiffure, la réalisation n’a capitalisé que sur le charme naturel de ses apparitions sporadiques, sans jamais lui laisser le temps d’ouvrir son interprétation à la nuance malgré un personnage éminemment intéressant. Ezra Miller (Credence) apparaît comme un personnage si secondaire au début que l’on s’interroge davantage sur son intérêt qu’on ne parvient à l’apprécier – même s’il faut lui concéder une certaine présence, qui s’avère trop tardivement. Et il vaut mieux ne pas trop parler de Katherine Waterston en Tina qui, malgré un background intéressant, prend visiblement aussi peu au sérieux les menaces qui pèsent sur la ville que Redmayne, qu’elle dispute sur le ton de l’agacement alors qu’il s’est rendu coupable d’agissements criminels de la plus haute importance, et n’hésite pas à aller pleurnicher chez la Présidente dont elle sait très bien qu’elle la dérange pour rien vu la faiblesse de ce qu’elle lui annonce et la gravité des circonstances… Accordons tout de même deux mentions honorables à Ron Perlman, délicieux en Gnarlack, et à Johnny Depp, qui m’a paru bien grimé.

 

 

Outre une mise en valeur insuffisante et une direction d’acteurs étrange, c’est donc aussi d’une relative faiblesse d’écriture que souffrent ces personnages. Leur trop grand nombre impose de synthétiser le maximum d’informations sur leur passé, leur manière de penser et de se construire les uns par rapport aux autres, dans un minimum de scènes, au risque d’une grossièreté qui est rarement évitée, ce qui est évidemment regrettable surtout parce que c’est la conséquence d’un trop grand souci de bien écrire. Le talent de Rowling est évident dans ce désir de donner à toute chose relief et profondeur, et rappelle en cela qu’il s’est formé sur le roman et pas le cinéma, où il ne peut se révéler de la même manière.

Là où l’on peut constater, plus subjectivement, un défaut manifeste d’écriture, c’est dans la quantité d’incohérences qui peuplent Les Animaux fantastiques. Naturellement, on s’est habitués aux incohérences dans les films, et plus particulièrement dans les films faisant intervenir de très (très très) nombreuses possibilités d’action, comme les super-pouvoirs ou les pouvoirs magiques (les sagas X-Men et Harry Potter sont célèbres pour les remarques de spectateurs se demandant pourquoi tel personnage n’a pas d’un coup résolu le problème au vu de ses pouvoirs plutôt que de les utiliser de manière tout à fait secondaire à d’autres moments du récit). Les sorciers perdent presque tout à fait l’habitude de prononcer le nom des sorts qu’ils pratiquent, comme s’il s’agissait d’une tradition un peu ridicule alors qu’on nous enseignait dans Harry Potter l’importance de la prononciation – et quand il faut faire cet effort pour lancer un expelliarmus, selon quelle logique cela n’est-il pas nécessaire pour des sorts extraordinaires comme la reconstruction de bâtiments démolis, pour effacer la mémoire, pour une suggestion hypnotique ou pour tuer (imperio et adava kedavra peuvent ne pas être des sorts interdits ici, mais il y a des limites !) ? Par-delà la tentative louable de définir une manière américaine de vivre la magie, ce monde où la télépathie est normale, où plus aucune importance n’est accordée aux baguettes, aux artefacts magiques, aux sorts utilisés, est-il encore le monde d’Harry Potter ?

 

 

Cette critique peut paraître d’autant plus injustement sévère que j’ai sincèrement apprécié le film. Les défauts évoqués ne m’ont pas empêché d’apprécier la réalisation couplée à une photographie superbe, rappelant le meilleur de David Yates (et pas le Tarzan qui fera à jamais tache sur son CV), avec ses couleurs sombres et contrastées (malgré des gains et baisses de luminosité soudaines), ses plans presque tabulaires ; une histoire nouvelle dont même les extensions d’Harry Potter n’avaient rien suggéré, un univers magique inédit et historiquement bien traité, des effets numériques saisissants, un scénario tout à fait valable… Sur le moment, le charme des Animaux fantastiques opère. Quand le décevant et interminable final se déroule sous nos yeux, et avec le recul, on en vient cependant nécessairement à s’interroger, la bourde de Rowling faisant beaucoup de mal à la perception du film : quelle idée d’annoncer cinq films avant même que le premier ne soit sorti, condamnée par l’assurance du studio de garder Yates sur toute la saga !

J’espérais que Les Animaux fantastiques annonceraient enfin une série de spin-offs sur le monde enchanteur d’Harry Potter : les annonces (toutes ratées parce qu’introduites artificiellement dans une intrigue qui n’en avait pas besoin) d’une suite rappellent qu’il ne s’agit plus que d’un prequel à une saga qui ne sera pas si neuve, puisqu’elle mettra en images des éléments dont nous avons déjà connaissance par des sources éparses, jusqu’à l’arrestation et l’enfermement définitif de Grindewald au terme de la Seconde Guerre mondiale, lançant donc plus de ponts vers la saga Harry Potter qu’elle ne semble vouloir chercher à surprendre…

 

 

David « Niks » Chaillou : un film qui vaut le coup mais qui aurait pu être excellent

 

À part quelques points notables, je suis d’accord avec le constat fait par Moyo sur Les Animaux Fantastiques. Le film est bon et la photographie est admirable. J.K. Rowling parvient à nous enchanter une fois encore et à nous faire oublier que nous sommes devenus des adultes en étendant l’univers de la Sorcellerie.

Une chose m’a cependant particulièrement choqué en visualisant le film (en VF…) : le fait que je n’arrive pas à garder à l’esprit que nous soyons dans le monde d’Harry Potter. Ne pas prononcer les sorts a été choquant pour moi et retire un charme certain à l’aventure (à part Accio répété à qui mieux mieux). On perd beaucoup en artefacts magiques pour se centrer davantage sur le scénario et ses manigances politiques/sociales. En fait, j’ai eu l’impression que le film tentait de me faire des piqûres de rappel maladroites en me balançant du Dumbledore, Poudlard ou Lestrange juste pour me faire plaisir et rassurer le fan service.

Je rejoins l’avis de Moyo sur les personnages, notamment pour Jacob qui a été critiqué. Pardon ? C’est sans doute le personnage le plus fort et marquant alors qu’il a le rôle le plus ingrat : le sidekick rigolo cher à Karim Debbache ! On s’identifie immédiatement à lui puisqu’on est traîné dans cet univers magique et l’on découvre en même temps que lui toutes les nouveautés de ce monde. Et il est dur de ne pas s’attacher à ce personnage. Par contre, je n’ai pas du tout aimé le personnage de Quennie interprété par Alison Sudol, personnage qui avait pourtant tout pour être intéressant avec son talent spécifique mais qui n’est relégué presque qu’à une belle femme qui sourit béatement. Ah, petit bémol au manichéisme si cher à Rowling pour le personnage de Grindelwald alors que Colin Farrell pue la classe.

Le scénario enfin qui est bien trop dense et qui ne justifie en rien le titre tant les Animaux n’auront été qu’une histoire secondaire et c’est bien dommage tant le passage dans la valise du Docteur Norbert Dragonneau en français (Docteur parce qu’il est difficile de passer outre les ressemblances au personnage d’une série bien connue) est bien foutu. On sent le problème que le film a posé à Rowling et l’impossibilité pour elle de ne pas développer assez son univers avec moult descriptions et approfondissement. Plutôt bien écrit dans l’ensemble, la scène de fin a pourtant été un supplice pour moi et j’avais hâte que le film se termine.
Pour autant, impossible de nier le divertissement de l’œuvre et on se demande comment J.K. Rowling va poursuivre les aventures de Norbert en continuant à prolonger notre enfance.

 

Marine « Reanoo » Wauquier : aussi satisfaisant que frustrant

 

Le constat établi par Moyocoyani et Niks me semble sans appel, ce qui est à la fois très positif mais aussi regrettable. Moi qui m’inquiétais de l’adaptation qui serait faite du court ouvrage de type encyclopédique qu’était Les Animaux fantastiques (vie et habitat des animaux fantastiques), je n’ai pas été déçue – ou plutôt si. Le film n’est pas une adaptation de ce petit livre. Le film n’est qu’une œuvre se basant sur la vie de l’auteur fictif de cet ouvrage. Les Animaux ne sont en effet pas réellement au cœur de l’intrigue (comme vous l’aurez compris), et ne sont qu’une excuse pour certains ressorts et facilités que se permet le film à certains moments. Ces facilités, accompagnés de quelques inévitables, mais parfois contrariantes, incohérences, auront quelque peu gâché mon plaisir. Ça et la trop faible présence du bestiaire que l’on ne fait qu’entre-apercevoir ne me font pas regretter d’avoir opté pour un visionnage en simple numérique et non pas en 3D.

Bien qu’il ne soit pas tel qu’on pouvait l’espérer, le scénario est intéressant, et l’image belle. On sent cependant qu’un film ne suffit pas (d’où l’annonce d’une suite en plusieurs autres volets), et que les deux heures et quelques allouées à ce premier volet n’ont pas été suffisantes pour creuser suffisamment certains points qui auraient mérités à être développés : je pourrais citer la relation entre Credence et Tina (évoquée à titre de justification), pour ne pas reprendre les points mis en avant dans les argumentaires précédents.

Notons que le script (oui, le script du film a été publié et est disponible en anglais aux éditions Waterstones et en version numérique depuis le 18 novembre) ne nous offre guère plus d’informations que ce que le film nous montre. Aucune scène coupée n’a ainsi été publiée, et seuls quelques détails qui auraient pu échapper aux spectateurs, mais qui ne changent pas le cours du film puisqu’ils ne font qu’expliciter ou justifier des choix, sont fournis.

Si la liste des défauts du film est certainement conséquente, pour les diverses raisons évoquées (fan service malvenu, manque de développement dû à une trop grande richesse, absence des Animaux, décalage troublant avec l’univers originel pour une filiation pourtant assumée) m’empêche d’être complètement convaincue par le film, je dois reconnaître que j’ai passé un très bon moment, et que je ne peux qu’attendre la suite avec une certaine impatience, d’une part pour ouvrir les diverses portes que l’on nous laisse entre-ouvertes à la fin du film, et d’autre part pour voir si les prochains opus corrigeront certaines des erreurs mises en avant par ce premier volet. Mais surtout pour voir de nouveaux Animaux Fantastiques.

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