Dictature des Dieux : le générique de Watchmen et Bob Dylan

 

Vous n’avez pu manquer la nouvelle : le prix Nobel de Littérature a été remis la semaine dernière à Bob Dylan. Par-delà le débat entre ceux qui louent l’esprit d’ouverture tant générique que politique de l’Académie royale de Suède et ceux qui dénoncent une imposture de vieux soixante-huitards récompensant une œuvre ancienne et dénuée de la cohérence d’une réelle bibliographie, cette consécration poétique des textes de Dylan nous a paru une belle invitation à nous repencher sur sa célèbre chanson « The Times they are a-changin’ », dans toutes les mémoires de geeks pour avoir accompagné le générique d’ouverture du film Watchmen.

Bonjour donc et bienvenue dans ce nouvel article de Dictature des Dieux, la chronique dans laquelle nous étudions la représentation de l’implication politique des super-héros dans les comics, et la réflexion ou l’idéologie ainsi transmise. Après trois analyses d’aventures montrant respectivement un Superman président des Etats-Unis d’Amérique, un Superman roi du Monde et un Superman dictateur de l’Union Soviétique, et un hors-série consacré aux enjeux de la version longue de Batman v Superman, nous vous proposons aujourd’hui une petite analyse de cette séquence mythique de Watchmen, un film que nous aimons beaucoup et voyons comme l’un des deux ou trois meilleurs films de super-héros de tous les temps. D’abord pensé comme un hors-série (parce que nous étudions une séquence de film et non un comics), cet article est finalement pleinement considéré comme un article de la chronique parce qu’il approfondit de manière importante les réflexions entamées précédemment.

Il ne s’agira pas d’y dénicher tous les Easter Eggs, ou de commenter image après image les nombreuses références iconographiques et historiques, d’autres l’ont fait, et sous forme écrite l’exercice serait fastidieux, mais d’observer la richesse narrative et réflexive de ces quelques minutes, en lien avec la chanson de Dylan. Avant toute chose, visualisons à nouveau la vidéo :

 

 

[divider]Un générique remarquable par sa fidélité[/divider]

 

Rappelons que le film Watchmen commence par l’assassinat du Comédien (Jeffrey Dean Morgan, Thomas Wayne dans Batman v Superman et extraordinaire Negan dans The Walking Dead), et que le générique constitue donc un flash-back…racontant quarante-cinq ans d’histoire (entre 1940 et 1985) en cinq minutes. Plus précisément, on y voit la formation d’un premier groupe de super-héros, les Minutemen, son heure de gloire et son déclin, puis la formation d’un second groupe qui en prend la relève, les Watchmen, dont seul un membre, le Comédien, appartenait également aux Minutemen.

Ce générique ne figure pas dans le comics d’Alan Moore et Dave Gibbons, où l’histoire des Minutemen n’est relatée que par des extraits du livre écrit par Hollis Mason (le premier Hibou, à la retraite), qui concluent chacun des douze chapitres/fascicules qui le constituent. Plusieurs choix s’offraient donc à Zack Snyder, dont le plus évident était oublier tout à fait ces événements qui ne sont pas indispensables pour comprendre ce qui se passe dans le livre comme dans le film. Mais Snyder n’a pas peur de la durée d’un film ni de l’ampleur de la narration, et il adapte donc ces pages à l’écran tout en les condensant en une seule séquence, au risque de quelques libertés – et encore le terme de « liberté » est-il abusif dans un film aussi respectueux de son matériau – disons de quelques additions, comme l’assassinat de Kennedy par…le Comédien. Celle-ci est notable parce que Gibbons refusera de la reconnaître quand il supervisera la ridicule entreprise d’offrir neuf préquels à Watchmen en 2012, celui consacré au Comédien montrant au contraire l’étroite amitié entre Edward Morgan Blake et les frères Kennedy.

 

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Plus qu’une anecdote, ce détail traduit une certaine prise de risque de la part d’un réalisateur maniaque de la fidélité au travail de Moore et Gibbons, mais elle est également ambitieuse d’un point de vue cinématographique : encore une fois, cette histoire n’est pas indispensable à la compréhension de Watchmen, mais enrichit fortement l’expérience en introduisant l’uchronie (on y reviendra), donc le contexte historique, un certain background pour les personnages, et l’essentiel de la réflexion politique du film. Cette séquence de cinq minutes entièrement muette est donc extrêmement riche en informations qui ne seront pas redonnées dans la suite du film, et elle a donc bien plus la valeur d’une séquence narrative posant le scénario que d’un générique. On pense immanquablement aux puissant début de Sucker Punch, également muet et sur-esthétisé alors qu’il était cette fois essentiel à la compréhension de l’histoire. Bref, comme nous le disions déjà dans notre Hype Review consacrée à Batman v Superman, nous admirons cette foi dans les images, assez rare à notre époque où la voix-off et la vacuité sémantique des plans triomphent.

Ils bâtissent ici essentiellement une chronologie, ou plus précisément une histoire uchronique. Souvenez-vous : l’uchronie consiste à imaginer l’Histoire en modifiant un élément du passé. Ici, on imagine que des justiciers costumés soient apparus et aient été médiatisés dans les années 1940, ce qui n’aurait pas eu beaucoup de conséquence (la photo représentant la Silhouette embrassant une infirmière, et qui remplace donc celle très connue, intitulée joliment V-J Day in Times Square), jusqu’à la divergence plus fondamentale de l’apparition du Dr. Manhattan, que l’on voit serrer la main de Kennedy, puis accueillant Armstrong sur la lune.

 

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Cela n’empêche ni l’assassinat de Kennedy, ni la guerre du Viêt Nam, et étrangement, la célèbre photographie de Marc Riboud en 1967, montrant une jeune fille posant une fleur dans le canon d’un soldat à Washington lors d’une manifestation pacifiste connaît une conclusion divergeant de celle de l’Histoire puisque les soldats tirent. Cet événement est lié à un autre, la réélection de Nixon pour un troisième mandat, qui dit beaucoup du climat régnant à l’époque. C’est en tout cas tout un cours d’histoire que nous livre le film, en mêlant références à des photographies, à des productions artistiques, à des événements connus, et en imaginant l’impact plus ou moins légers qu’auraient eu les héros dans ce contexte.

Le choix photographique est fondamental dans la démarche de Snyder, parce que, comme on l’a dit, celui-ci est terrifié à l’idée de ne pouvoir être fidèle au roman graphique du Maître. Or ajouter des images, c’est prendre le risque d’ajouter du sens, d’interpréter par-delà la volonté de Moore et Gibbons. C’est pourquoi les images sont très fixes, et ressemblent davantage à des photographies dynamiques qu’à des plans cinématographiques, les rares mouvements un peu amples (le client quittant la mère de Rorschach, Ozymandias s’éloignant des caméras, le cocktail molotov) étant filmés en slow-motion : Snyder rappelle ainsi qu’il adapte une bande dessinée et qu’il a l’intention de respecter la manière même de concevoir l’image dans le neuvième art.

Même l’utilisation d’une chanson de Dylan est pleinement cohérente avec la démarche de Moore et Gibbons et avec le comics Watchmen. En effet, chacun des douze chapitres se clôture sur une citation…et Bob Dylan est cité deux fois, y compris à la fin du premier chapitre, là où même Einstein, Willial Blake, Jung et Nietzsche ne sont cités qu’une fois. C’est à dire autant que la Bible (Moore cite la Génèse et Le Livre de Job).

 

[divider]Bob Dylan et les Watchmen, même combat ?[/divider]

 

 

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La première citation de Dylan provient de sa chanson « Desolation Row », et il y est question de l’allégeance des super-héros au pouvoir étatique oppressif, tandis que la deuxième, extraite de « All along the Watchtower », n’est utilisée hors contexte que pour décrire la situation diégétique. Évidemment, l’artiste n’est pas cité que parce les paroles de ses chansons évoquent arbitrairement le comics, mais parce que, comme Moore, il s’est toujours engagé pour les libertés civiles, et que comme Moore il s’est toujours méfié de la machine politique.

 

Come gather around people
Wherever you roam
And admit that the waters
Around you have grown
And accept it that soon
You’ll be drenched to the bone
And if your breath to you is worth saving
Then you better start swimming or you’ll sink like a stone
For the times they are a-changing
Come writers and critics
Who prophesize with your pen
And keep your eyes wide
The chance won’t come again
And don’t speak too soon
For the wheel’s still in spin
And there’s no telling who that it’s naming
For the loser now will be later to win
Cause the times they are a-changingCome senators, congressmen
Please heed the call
Don’t stand in the doorway
Don’t block up the hall
For he that gets hurt
Will be he who has stalled
There’s the battle outside raging
It’ll soon shake your windows and rattle your walls
For the times they are a-changing
Come mothers and fathers
Throughout the land
And don’t criticize
What you can’t understand
Your sons and your daughters
Are beyond your command
Your old road is rapidly aging
Please get out of the new one if you can’t lend your hand
Cause the times they are a-changing
The line it is drawn
The curse it is cast
The slowest now
Will later be fast
As the present now
Will later be past
The order is rapidly fading
And the first one now will later be last
Cause the times they are a-changing

 

Le texte/poème « Tthe Times they are a-changin’ » est une évocation optimiste des changements à venir. Présente sur le disque éponyme, diffusé en 1964, il devient l’un des hymnes de la jeunesse en prédisant de grands changements à travers une multitude de métaphores appelant toutes les catégories de la population, et particulièrement celles qui relèvent de l’ordre ancien, à accepter de rejoindre la masse et à laisser tourner la roue pour offrir un nouvel avenir au monde. La chanson est séduisante parce qu’elle se présente non comme l’espérance d’une génération mais comme une prophétie, une prédiction certaine relative à un ordre des choses nécessaires, inarrêtable par les puissances humaines, à une époque où, juste après l’assassinat de Kennedy et alors que son successeur Lyndon B. Johnson était responsable d’une escalade de la guerre du Viêt-Nam, où les gens avaient besoin d’entendre ces paroles.

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Deux paramètres essentiels doivent cependant être pris en compte ici : le fait que cette chanson recouvre une période bien plus large que son contexte d’écriture, aussi bien dans le passé que l’avenir, et notre situation dans une uchronie que l’on identifie aisément comme dystopique, par la conclusion dérangeante de la séquence.

Au commencement du générique, on peut encore croire l’usage de la chanson assez platement illustratif, la profonde mutation historique étant l’apparition des super-héros, et le refrain faisant référence à l’uchronie opérée (« les temps sont en train de changer » sur les images de notre histoire remodelée par l’apparition des superhumains). La dysharmonie provoquée par la vision du bombardier Enola Gay (qui vient de larguer la bombe sur Hiroshima) rebaptisé Miss Jupiter, d’un super-héros protégeant une banque et portant le sigle dollar comme emblème, et plus généralement la sur-médiatisation de l’arrestation de petits bandits, peut être perçue comme une légère maladresse immédiatement oubliable. Même la Cène de Léonard de Vinci revisitée, qui peut faire tiquer par sa désacralisation du dernier repas de Jésus, remplacé par une femme enceinte qui prend sa retraite et une bande de clowns de bien bonne humeur, apparaît d’abord comme une référence facile.

 

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La première image perturbante est celle de Mothman tandis qu’il est emmené à l’asile et mord l’un des médecins qui s’efforce de le contenir. Pour la première fois, on nous montre explicitement que l’un de ces super-héros n’est pas réellement sain d’esprit, et ne paraissait donc pas nécessairement qualifié pour défendre les citoyens. La vision du jeune Rorschach, attendant que les clients de sa mère aient fini leur oeuvre et nourrissant un profond ressentiment provoque la même réaction, comme celle, plus tard, de la fille de Miss Jupiter assistant à la dispute de ses parents, mais ces dissonances peuvent encore être effacées par la vision pleine d’espoir du Dr. Manhattan serrant la main à Kennedy, une image connotée très positivement par la popularité du Président.

 

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Là où le bât blesse, c’est quand on voir le Comédien assassiner Kennedy. Non seulement le « super-héros » a donc des intérêts divergents du Dr. Manhattan et va jusqu’à assassiner un Président, mais plutôt qu’une preuve de son indépendance politique, son meurtre d’une personnalité parfaitement aimée l’identifie immédiatement comme un personnage mauvais, œuvrant au service de groupes d’intérêts secrets. Cela aurait simplement pu signifier, comme pour les autres Minutemen, sa déchéance…sauf qu’il fera bel et bien partie des Watchmen !

C’est là que l’on s’oriente vers une histoire dystopique : mort de Kennedy, escalade de la guerre du Viêt Nam, répression très violente des jeunes pacifistes américains, tous ces événements nous sont montrés après le serrement de mains du Président et du Dr. Manhattan. Or l’existence de celui-ci, comme des autres héros, aurait dû empêcher ces catastrophes et améliorer les choses, et au contraire, cette histoire alternative où existent ces bonnes volontés puissantes est pire que la nôtre, comme si l’on tissait un lien entre apparition des héros et détérioration du cours des choses. L’usage de la chanson, toujours égale dans son ton, annonçant toujours la même chose, devient alors profondément ironique : la roue n’a pas tourné dans le bon sens, la jeunesse que Dylan soutenait et qui chantait Dylan a été réprimée, les héros qui devaient soutenir les citoyens n’ont fait que soutenir, volontairement ou inconsciemment, une machine politique oppressive et belliciste.

 

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[divider]Faire le Bien, est-ce être réactionnaire ?[/divider]

 

On s’oriente ici en plein vers le thème de la chronique DdD : la présence des super-héros a eu dans cet univers une conséquence a priori inattendue pour tout lecteur assimilant naïvement super-héros, défense du Bien et amélioration de la société. L’utilisation cynique de la chanson plus premier-degré de Dylan est habilement associée au détournement des images et au montage pour exprimer au contraire l’empirement d’un monde où les hommes sont aidés par des Dieux…

 

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La dernière minute de la vidéo est aussi éloquente (sémantiquement) qu’elle est muette (littéralement). La présence du Dr. Manhattan sur la Lune où il accueille Armstrong casse déjà la puissance symbolique qu’avait à l’époque ce geste stupéfiant d’un homme marchant enfin sur un astre. Au contraire, le sentiment de ne plus rien pouvoir accomplir d’extraordinaire parce qu’un être pratiquement divin, et qui plus est un homme ayant acquis des pouvoirs formidables, peut tout faire et tout voir mieux que quiconque, est une source d’amertume pour une humanité en mal de modèles ou d’émulation. Rappelons-nous ce que disent philosophes chrétiens et théologiens sur la « discrétion de Dieu » : si Dieu était toujours présent et nous guidait à tout moment, nous nous déresponsabiliserions, nous ne connaîtrions plus la saine émulation pour nous améliorer sans cesse. Si l’humanité pouvait progresser dans Superman : Red Son, c’était seulement en s’efforçant de contrer Superman, et le scénariste trichait sur les pouvoirs du héros pour que cet enjeu existe…

Le plan présentant ensuite Ozymandias souriant aux flashs, puis allant saluer David Bowie, peut être difficilement compris : il faut voir qu’Ozy se présente aux médias sans masque, et dévoile ainsi son identité publiquement, sans renoncer pour autant à ses oripeaux super-héroïques. Or, si les super-héros dissimulent habituellement leur identité, c’est d’abord de préserver leurs proches, ensuite afin d’agir en dehors des juridictions officielles sans trop craindre de poursuites. Le secret est leur seule arme pour défendre une conception du Bien supérieure aux Lois. En dévoilant son identité, Ozymandias accepte de se soumettre au gouvernement dont il devient de facto un agent presque officiel. Le Hibou et Rorschach sont alors les seuls Watchmen a conserver la tradition de super-héros à l’ancienne…

 

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Le passage de la photo des Watchmen au téléviseur annonçant la réélection de Nixon pour un troisième mandat crée comme une impression de rapport de cause à conséquence, qui rejoint ce que nous avons déjà dit sur la détérioration du monde du fait de leur existence. Un Président ne peut normalement effectuer plus de deux mandats consécutifs : profitant de sa popularité auprès des Grands Électeurs, Nixon a donc pu modifier la Constitution, alors que le prolongement légal du pouvoir n’est jamais bon signe dans une démocratie. Nixon est par ailleurs le président le plus mal perçu de l’histoire des États-Unis avant Bush fils, plus mal même qu’Andrew Jackson ou les présidents esclavagistes du parti whig. Sa réélection, remplaçant sa démission suite à l’affaire du Watergate, est bien le signe d’une décrépitude démocratique, renforcée par la destruction de la vitrine par un cocktail molotov, qui prouve que ce n’est pas à l’amour du peuple qu’il la doit, et que le fossé entre l’opinion et le gouvernement s’est considérablement creusé.

À première vue, la question « Who watches the Watchmen ? », taguée sur la vitrine du magasin, ne se pose pas, puisque tout ce que nous avons dit semble impliquer que les super-héros sont des marionnettes du pouvoir en place. Ce n’est pas tout à fait exact : aucun des Watchmen même n’est présenté dans le film ou le comics comme un serviteur explicite de Nixon, mais leur défense de l’ordre public et le crédit qu’ils ont apporté au gouvernement suffit à les assimiler à un pouvoir qu’ils ne soutiennent dans l’ensemble même pas. C’est une des leçons essentielles du comics du Modern Age (depuis 1986) : si les super-héros se contentent d’aider les citoyens au quotidien, d’arrêter les criminels, de rétablir l’ordre public en soutien secret aux services de police, ils favorisent naturellement la perpétuation du pouvoir en place. L’absence de projet politique du super-héros est dommageable à son action, parce qu’en stoppant les symptômes, il avoue son indifférence coupable, son ignorance ou son impuissance face à la maladie qui gangrène la société.

 

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Le problème des Watchmen, posé dès la générique, est qu’ils n’ont aucune cohésion, qu’ils ne se surveillent même pas les uns les autres, et que le gouvernement seul a un œil sur leur groupe. Quand le poète Juvénal posait la question « Quis costodiet ipsos custodes ? » (Qui surveille ces gardiens ?), il faisait référence aux gardiens engagés par les propriétaires en leur absence, entre les mains desquels on plaçait donc beaucoup de pouvoir sans aucune garantie qu’ils n’en abuseraient pas. Le problème de Juvénal, c’est que le propriétaire ne puisse surveiller les gardiens pour protéger ses biens. Or, le propriétaire n’est pas le gouvernement (qui serait plutôt dans l’histoire le directeur de l’agence de sécurité recrutant les gardiens), mais le peuple, qui accorde sa confiance au gouvernement, et conséquemment à la police, pour le protéger.La question de Juvénal est donc centrale dans Watchmen parce qu’elle rappelle que le lien entre le super-héros et le peuple est indispensable à sa légitimité, et que dans l’absence de ce lien, il ne peut guère être que l’agent fasciste d’un pouvoir qu’il défend sans recul.

L’usage de la chanson « The Times they are a-changin’ » n’était donc ironique que pour mieux rejoindre par d’autres biais la pensée de Dylan, perpétuel insurgé contre le système et ses agents « de l’ordre » (cf. « Desolation Row » entre autres). C’est ce problème de représentation du peuple par le héros que nous explorerons le mois prochain dans notre prochain article de Dictature des Dieux.