Angry Birds ou Warcraft : quelle adaptation de jeu vidéo voir en ce moment ?

 

On pourrait croire, à lire notre analyse du calendrier des sorties super-héroïques, qu’avec autant de productions concentrées sur une seule année, 2016 serait cinématographiquement l’année des super-héros. Ce serait négliger une donnée plus discrète, parce que prenant des formes plus variées, mais bien plus frappante du fait de sa rareté : jamais le jeu vidéo n’a connu tant d’adaptations cinématographiques que cette année.

Sont déjà sortis Ratchet et Clank (on vous en parlait ici), Dofus, Livre 1 : Julith, Angry Birds et Warcraft : Le Commencement. Kingsglaive (spin-off de Final Fantasy XV) devrait sortir en septembre, Assassin’s Creed sera diffusé en décembre, et si l’on ne compte pas Lego Batman, annoncé pour le début 2017, et le reboot de Tomb Raider, annoncé pour l’année prochaine. Également, Resident Evil : The Final Chapter, Dead Rising : Endgame, Five Nights at Freddy’s, Mass Effect,  Gears of War, Shadow of the colossus, Tetris, Gran Turismo, The Last of us, Sly Cooper et Uncharted sont sérieusement envisagés cette année encore, pour ne mentionner que les projets d’adaptation de jeu vidéo pour lesquels un réalisateur, un scénariste ou un casting ont été mentionnés (ce qui ne veut pas toujours dire qu’ils seront tournés, et a fortiori tout de suite).

Cleek ne pouvait passer à côté du phénomène, et c’est pourquoi nous vous proposons cette semaine les critiques d’Angry Birds et de Warcraft : Le Commencement. D’abord, parce que les deux adaptations sont sorties en mai, à seulement deux semaines d’intervalle. Ensuite, parce que leur création à tous deux a été contrôlée par le studio responsable du jeu, qui a été présent jusque dans le processus de production : Rovio et Blizzard, ce qui tranche évidemment avec une époque où ce genre d’adaptations était entièrement livré en pâture à des compagnies cinématographiques. Enfin, tous deux racontent l’arrivée dans un pays pacifique d’une espèce inconnue, principalement caractérisée par sa peau verte, et belliqueuse, ce qui est un point commun de taille, vous l’avouerez.

 

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Constatant le succès planétaire de la licence Angry Birds et de la série Angry Birds Toons, multipliant les produits dérivés et les jeux en freemium, Rovio ne pouvait s’empêcher de tenter une adaptation du jeu vidéo pour le grand public, en investissant pas moins de 73 millions dans sa réalisation, sans compter les 400 millions de dollars environ investis par Rovio et Sony dans le marketing.

Inutile de dire qu’il s’agissait avant tout d’éviter de prendre des risques : Rovio a donc choisi de confier la réalisation à deux novices en la matière, plus habitués à jouer les petites mains sur les films qu’à se retrouver à des postes à responsabilité. Fergal Reilly avait en effet travaillé sur les storyboards de Spider-Man 2, Les Schtroumpfs, Tempête de boulettes géantes et Hotel Transylvania. Clay Keytis n’avait eu qu’une expérience d’animateur, sur Wreck-it Ralph et La Reine des glaces notamment. Le studio a donc fait le choix de la technique contre celui de la création, et cela se ressent à tout moment du film.

Angry Birds n’est pas laid, ou mal animé. Il souffre d’une platitude graphique difficile à digérer à une époque où Disney et Pixar tentent de repousser les limites de l’animation, que ce soit dans Zootopie (notre critique ici) ou dans Le Voyage d’Arlo. Ici au contraire, les réalisateurs ont semblé croire que l’accumulation de n’importe quoi pouvait tenir lieu de créativité, comme dans cette scène où Chuck parodie le remarquable money shot de Vif-Argent dans X-Men : Days of future past, ou cette autre où le même Chuck traverse différentes pièces du château des cochons. Les idées semblent très prometteuses en terme de délire visuel, et restent désespérément sages.

 

 

Le scénario fut confié à Don Vitti, un auteur célèbre pour ses nombreuses contributions aux séries Les Simpsons, The Critic, entre de nombreuses autres, et qui devrait donc maîtriser parfaitement l’humour, ses exigences rythmiques et les personnages qui doivent en être le support. Son scénario est effectivement divertissant, mais il a visiblement peiné à s’accorder aux exigences enfantines du studio, ses personnages schématiques amusant sans surprendre – alors que la surprise est un élément majeur dans un film à vocation humoristique, surtout dans un film a priori délirant, parce qu’adaptant un jeu où il suffit de balancer des oiseaux au lance-pierre dans des échafaudages. C’est justement quand la base est pauvre, mais joue la corde de l’absurde, que l’on devrait se faire plaisir, et ce n’est pourtant pas le parti pris par les scénaristes d’Angry Birds, qui se contentent d’un fan service plus prévisible que divertissant en imaginant le caractère des différents oiseaux du jeu, et en reprenant longuement une séquence de catapultage dans un château de piggies.

 

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Entendons-nous bien, le film est assez fun, sans être du tout compétitif, parce que sa simplicité ne le place clairement pas dans la même cour que l’essentiel des productions contemporaines en matière de films d’animation. Au contraire, il se contente de respecter un cahier des charges sans chercher à le faire bien, sans réels efforts, à l’image des seconds rôles de prestige, pratique presque obligée, qui ne sont simplement pas reconnaissables ni pour Peter Dinklage, ni pour un Sean Penn qui se contente de grogner pendant tout le film. Il est amusant de voir leurs noms au casting, alors qu’au cours du visionnage, on n’en comprend pas l’utilité dans l’histoire ou l’humour. Ainsi, Angry Birds se regarde sans déplaisir, mais sans faire oublier qu’il résulte d’une volonté plus opportuniste qu’artistique.

 

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[divider]Warcraft : le commencement[/divider]

Qu’un film comme Warcraft ait pu être réalisé marque l’entrée dans une nouvelle ère, pour le septième et surtout pour le dixième art, une ère où les studios de cinéma et de jeu vidéo vont essayer de s’allier pour produire des films à la fois respectueux des gamers, fidèles à l’univers du jeu, dignes en terme de budget, de l’imagination des créateurs, et accessibles à tout spectateur. Nous avons cité en introduction les nombreux titres de projets lancés depuis peu, et il est évident que, par son ambition, Warcraft est le premier de ces films.

L’adaptation de la licence de Blizzard était espérée sans réellement être attendue : le succès des deux premiers STR (Jeu de Stratégie en Temps Réel) avait déjà incité le studio à entamer un univers étendu par des romans, conjointement à la sortie du troisième opus, tandis que le triomphe de World of Warcraft, qui en tant que MMORPG était évidemment bien plus ambitieux en terme de construction d’un monde, l’entraîna même à publier des comics et mangas. Au point qu’on arrive aujourd’hui, pour cinq jeux à peine, à une trentaine de romans, six arcs de comics et une dizaine de mangas. Un univers étendu qui porte bien son nom, donc, et qui avait de plus l’inconvénient de relever de l’héroïc-fantasy. Bref, il n’était plus question de livrer l’un de ces films sans budget et au scénario suintant de mépris pour les joueurs que l’on espérait appâter, dont Karim Debbache avait fait le sujet de Crossed (à regarder !).

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Pour bien faire les choses, Blizzard, en association avec Legendary Pictures et Atlas Entertainment, deux des plus grosses sociétés de production de ces dernières années, a commencé par consentir un budget de 160 millions de dollars. Pour vous donner une idée, dans un genre comparable, chaque film de la trilogie du Seigneur des Anneaux a coûté entre 90 et 100 millions de dollars.

Après avoir cherché à recruter Sam Raimi, le choix pour le réalisateur s’est porté sur Duncan Jones, qui n’est pas seulement le fils de David Bowie, mais également et surtout le réalisateur de deux films indépendants et très originaux, Moon et Source Code. Donc pas le premier nom qui nous viendrait à l’esprit pour un blockbuster adapté d’un jeu vidéo, et le contraire d’un faiseur à la botte des studios, ce qui devait rendre le projet d’autant plus palpitant qu’il obtint dès sa nomination le droit de réviser le scénario qu’il trouvait trop manichéen. La nouvelle version en fut donc écrite par le réalisateur lui-même avec Charles Leavitt (Au cœur de l’océan, Le Septième fils, K-Pax, Blood Diamond), en se basant sur l’histoire de Chris Metzen, pas moins que le doubleur de Thrall dans tous les jeux, l’un des principaux créateurs tant graphiquement que pour l’histoire de Starcraft et Diablo et l’auteur de plusieurs romans sur l’univers de Warcraft. En somme, une pierre angulaire de Blizzard et une belle garantie pour les fans.

Tout semblait donc idéal, et au début, le film est très loin d’être déplaisant. Bien sûr, on devine quelques maquettes, quelques fonds verts ; quelques armures et armes, et même le crâne qui apparaît à la première seconde, sont clairement plus en plastique qu’en métal, et il faut savoir excuser des effets magiques très datés, à base de petits éclairs fluo que l’on peine à prendre au sérieux. Impossible cependant de ne pas être frappé par la représentation des Orcs, qui dans leur imagerie de synthèse photoréaliste sont réellement impressionnants, d’autant que la plupart des personnages sont assez bien mis en valeur par la photographie. C’est simple, on a envie d’y croire, et on y parvient assez bien.

 

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Le héros orc, Durotan, déborde d’un charisme qui rejaillit sur les personnages auxquels il est associé, Gul’dan, le mage de la même race, correspond exactement à ce qu’on était en droit d’attendre en matière de méchant classe, Anduin Lothar, le héros humain, est incarné par l’acteur interprétant Ragnar Lothbrok dans Vikings, ce qui est tout dire… En dehors d’un ou deux rôles bien moins convaincants ou très inégaux (Dominic Cooper, qui joue le roi humain, Ben Schnetzer, par moments assez faible en jeune mage, même s’il finit par emporter notre adhésion, comme le gardien incarné par Ben Foster), et même s’il est évident que les studios sont allés piocher dans les acteurs de séries télé pour économiser sur leur cachet, on accepte de suivre ces personnages.

Et on peut y prendre du plaisir, parce que l’écriture est étonnamment plaisante dans les deux premiers tiers, non tant dans l’intrigue, excessivement bateau, ou les répliques oscillant entre tirades psychologiques convenues et punchlines faciles, que dans la construction habile des personnages, qui interagissent de manière riche avec leur univers, chacun ayant ses faiblesses, ses aspirations, et pouvant donc se retourner émotionnellement, trahir ses camarades, tout en conservant une relative crédibilité et un certain intérêt.

Tout se disloque cependant dans un dernier tiers qui abat tout ce que le film s’était acharné à bâtir : les incohérences et le recours aux clichés les plus grotesques se multiplient, faisant régulièrement sortir le spectateur du film, y compris dans les motivations profondes des personnages principaux et les ressorts majeurs de l’histoire, ce qui est évidemment dérangeant… Plutôt que de vous spoiler en listant les innombrables incohérences de moins en moins pardonnables au fur et à mesure de l’avancée du film, on vous invite à lire simplement l’excellent article d’Odieux Connard qui y est consacré !

 

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Le défaut technique majeur du film saute alors aux yeux, alors qu’il n’était évident que sporadiquement auparavant : le montage est horrible. Paul Hirsch est pourtant le monteur attitré de Brian de Palma, ce qui n’est pas rien, mais les exigences d’un film avec des batailles d’orcs, de chevaliers et de mages, semblent être différentes même de celles d’un Mission Impossible. Et autant des choix de montage globalement brutaux déçoivent sans gêner la compréhension du film, autant ils deviennent vite illisibles pendant les combats finaux. Ce qui était déjà un problème en soi devient incompréhensible dans l’adaptation d’une licence de STR, dont l’intérêt est justement de constituer des armées et de les mener à la bataille.

On peut imaginer que le montage ait été molesté en post-production pour dynamiser le film et en réduire la durée, mais on peut aussi constater qu’en plus d’économiser sur les cachets des acteurs, les studios ont aussi tenté de capitaliser sur l’équipe technique, à tort, bien entendu, puisque le premier objectif du portage au cinéma d’une licence si épique aurait pu être le rendu de cette tonalité, à laquelle seule la photographie fait un peu honneur, tandis que le montage lui fait honte dans sa médiocrité, et la musique dans sa banalité (bien que composée par Ramin « Game of thrones » Djawadi !).

Warcraft : Le Commencement reste un must-see pour les fans des jeux, les mille références étant intégrées avec un art appréciable du fan-service (parmi les plus évidentes : les origines de Thrall, la transformation en mouton, « Un guerrier pour la Horde »…) qui sait ne pas pénaliser les non-connaisseurs tout en étant très généreux avec les autres. Les amateurs d’héroïc-fantasy et plus généralement de blockbusters épiques y trouveront sans doute aussi leur compte. Mais on regrette de ne pas pouvoir recommander le film à tout spectateur friand de divertissements de qualité bien qu’hollywoodiens, Warcraft ne manquant pas de beaucoup le coche. On ira pourtant voir la suite, avec la hâte de voir enfin les morts-vivants intervenir !

 

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