Office, historique de la vache à lait de Microsoft
Un OS, c’est bien, des logiciels et services qui vont avec, c’est mieux. Tel est le constat que l’on peut établir lorsqu’on étudie la stratégie (très fluctuante il faut bien dire) de Microsoft en termes de softwares au cours de son existence. Petite rétrospective de ces quelques logiciels dont certains sont devenus cultes à commencer par la célebrissime Suite Office, leader incontesté des suites bureautiques.
Un succès jamais démenti
Les ancêtres d’Office : Word / Excel / PowerPoint
Microsoft s’était déjà lancé sur le marché avec Word au début des années 1980. Il était alors compatibles avec plusieurs OS différents, à commencer par le célèbrissime MS-DOS de Microsoft. On ne parle pas de Suite Office à l’époque mais Word fait déjà une petite percée et contribue à ériger le format .doc comme un standard mondial dans les années 1990/2000. La grande révolution apportée par Word est celle du WYSIWYG, c’est à dire le traitement de texte en temps-réel avec une interface graphique utilisable par tous sans difficulté. Microsoft sort aussi une version Mac OS en 1985, alors qu’Apple et Microsoft sont encore alliés. (La sortie de Windows 1.0 fera voler en éclat cette alliance…)
Excel c’est désormais un nom générique pour désigner un tableur, spreadsheet en anglais. Pourtant en 1985, la star des tableurs se nommait Lotus 1-2-3. Quand Excel sort en 1985, rien ne le prédispose encore à devenir le grand standard mondial des tableurs. L’apport de Visual Basic et des macros le propulse rapidement au rang de logiciel leader et balaie très vite Lotus dans les années 1990.
PowerPoint a une destinée un peu différente. Il s’appelle à l’origine Presenter et est développé par Robert Gaskins et Dennis Austins au sein de la société Forethought pour la Macintosh d’Apple. Mais, coup de théâtre, Microsoft rachète Forethought le 31 juillet 1987 pour… 14 millions de $ ! Pas mal pour ce qui va devenir PowerPoint, le plus célèbre logiciel de présentation, si célèbre qu’il est presque devenu un nom commun pour désigner ces assemblages de slides qui ont révolutionné plus d’une réunion.
Microsoft Office
Microsoft Office est aujourd’hui la suite bureautique la plus connue et utilisée au monde. C’est aussi une source majeure de revenus pour Microsoft qui en tire de (très) juteux bénéfices
Naissance d’Office : Office 3.0 et 95
En 1989, Microsoft sort ainsi le premier Pack Office qui inclut Word, Excel et PowerPoint. Une version Pro comprend aussi Microsoft Access (base de données) et Schedule+ (logiciel de gestion de temps). La sortie de Windows 3 puis 3.1 se conjugue avec celle d’Office 3.0 qui rajoute un client mail à la Suite Office : le grand-père d’Outlook est né.
Mais c’est réellement avec la sortie de Windows 95 que Microsoft, qui dévoile aussi Office 95, lance le Pack Office tel qu’on le connaît (presque) aujourd’hui. Word, Excel, PowerPoint, Access dans des versions très renouvelées à l’occasion de Windows 95 présentent beaucoup d’innovations qui vont perdurer pendant près de 12 ans. C’est-à-dire jusqu’à la sortie d’Office 2007 : des barres des tâches avec les raccourcis les plus communs de mise en forme, les fameux menus Fichier, Edition, Insertion… Finalement, on peut même dire que les innovations qui ont lieu jusqu’à la version Office 2003 sont plus esthétiques que révolutionnaires.
Le tandem Office 95 – Windows 95 rencontre un franc succès, appuyé par un marketing inédit et massif : le budget consacré au marketing de Windows 95 va de pair avec une campagne publiciaire appuyée pour Office 95 qui achète des espaces publicitaires à la télévision pour l’installer comme le grand logiciel professionnel accessible à tous.
Microsoft avait aussi ajouté à Office un petit programme appelé Office Binder, le classeur Microsoft Office en français, qui servait à regrouper des fichiers Word, Excel et PowerPoint en un seul fichier. L’intérêt de ce programme un peu déroutant était de toutes façon complètement annihilé par de très graves problèmes de sécurité à une époque où les virus commencent à se diffuser en masse sur le web.
Office 97/2000/XP/2003 : le développement, la maturité
Office 95 c’était simple : deux versions, quelques logiciels (Word, Excel, PowerPoint, Access, Mail, Schedule+ et Binder). Office 97 va partir à l’assaut d’une gamme beaucoup plus large de clientèle en diversifiant massivement son offre avec une flopée de nouveaux logiciels et éditions. En novembre 1996, Microsoft dévoile Office 97 divisé en 4 éditions :
- Standard Edition
- Professional Edition
- Small Business Edition
- Developer Edition
C’est aussi l’arrivée d’une batterie de logiciels à commencer par Outlook qui deviendra l’un des client mail les plus utilisés, et Publisher qui rend la PAO accessible au plus grand nombre. Mais aussi d’autres qui vont connaître une destinée un peu plus courte tel Microsoft Bookshelf qui est en fait un immense dictionnaire numérisé qui disparaît en 2000.
A noter l’arrivée d’une révolution particulièrement déroutante : Clippy une sorte de trombone qui parle pour aider les utilisateurs. Ce monstre de l’enfer va perdurer pendant plusieurs versions d’Office et terroriser (et énerver…) des générations d’utilisateurs…
Les versions de Microsoft Office durent assez peu longtemps à la fin des années 1990 avec 4 versions en 6 ans de 1996 à 2003 avec successivement Office 97 (sorti en 1996), Office 2000 (1999), XP (2001 concomitament à la sortie de Windows XP, d’ailleurs, c’est la seule version d’Office dont le nom n’est pas une année) et Office 2003. Les évolutions sont assez mineures entre Office 97 et Office XP, principalement une amélioration des performances (introduction de Windows Installer pour la version 2000) et de la sécurité (retrait du Binder avec Office XP). L’interface n’est vraiment changé qu’avec Office 2003 qui remplace l’austère gris clair par une interface bleue et légèrement dégradée. L’impression de 3D qui en résulte donne un sérieux coup de jeune à une suite un peu ronronnante et le résultat est d’ailleurs très réussi à l’utilisation. Office 2003 est version très populaire chez les utilisateurs intensifs de la suite Office comparativement aux versions ultérieures (nous allons voir pourquoi). Seule grosse révolution : l’arrivée de OneNote (logiciel de prise de note) dans sa version 2003 et aussi (symbole de l’essor d’Internet au début des années 2000) de FrontPage éditeur HTML WYSIWYG qui permet de créer des pages Web aussi simplement que si on tapait un document sur Word. Mais qui avait par contre une fâcheuse tendance à créer des pages optimisées pour Internet Explorer…
En 2000 est lancé le projet OpenOffice sur initiative de Sun Microsystems. L’objectif est simple : créer une alternative libre et gratuite à Office. Cependant, la suite, bien qu’ayant conquis un certain nombre d’adepte, ne parviendra pas à acquérir un statut comparable à celui de Microsoft Office notamment du fait de la médiocre compatibilité entre les deux plateformes. Microsoft continue d’engranger beaucoup d’argent avec sa suite Office tout au long des années 2000.
Office finit par terrasser la compétition à la fin des années 1990 et le trio de formats doc / xls / ppt s’impose comme un standard mondial dans les années 2000.
Office 2007/2010 : révolution en deux temps
Office 2007 (nom de code : Office 12) est incontestablement un produit audacieux. Pensez donc, une interface complètement renouvelée et modernisée (la Fluent User Interface), quitte à dérouter les utilisateurs, un nouveau format de fichier (le x rajouté à la fin de l’extension faisant par exemple du doc un docx) qui renforce les potentialités de la suite et la sécurité de ces fichiers, quitte à causer des incompatibilités.
Le ruban est la grosse révolution Made in Microsoft en termes d’interface logicielle dans les années 2000. Fini les alignements de boutons et d’icônes obscures, les menus Fichier et Édition interminables… Place au classement dans des onglets contextuels qui permettent de voir en un clin d’œil et de façon claire l’ensemble des fonctions d’Office. L’adaptation à cette nouvelle interface pour les utilisateurs des anciennes versions est particulièrement délicate, du fait des automatismes acquis et, il faut l’admettre, de la dispersion des fonctions d’Office dans ces différents onglets qui peut parfois compliquer les interventions de l’utilisateur.
Office 2007 est une grosse révolution… pour Word, Excel et PowerPoint. Les autres logiciels ne sont pas concernés par le déploiement de l’interface FUI qui attendra Office 2010 (c’est notamment le cas d’Outlook, Access et Publisher, les fers de lance de la version professionnelle d’Office). Enfin, last but not least, Office Open XML est le nouveau format de fichier du pack Office qui comme on l’avait dit, modifiait les extensions de fichiers produits et lus par Office. La différence, en plus d’une meilleure sécurité, réside dans la taille des nouveaux fichiers qui sont plus petits. FrontPage est supprimé dès Office 2007 (un autre logiciel Microsoft Expression Web sort en 2006 en dehors de la suite Office pour le remplacer) et de nouveaux logiciels apparaissent tel Office Groove remplacé en 2010 par SharePoint Workspace (un nom nettement plus professionnel que Groove mais qui est aussi nettement moins fun…).
Office 2013/2016 : Office se connecte à Internet et passe au flat-design
La plus grande évolution est celle entre Office 2010 et 2013 : refonte de l’interface et ajout de fonctionnalités Internet, encore plus poussées avec Office 2016. L’objectif d’Office est de rattraper Google Drive qui propose depuis plusieurs années des fonctionnalités poussées d’édition de documents en simultané par plusieurs utilisateurs.
Si l’emphase mise sur la connectivité d’Office sur Internet est stratégiquement bienvenue et utile pour les utilisateurs, la refonte de l’interface est bien moins heureuse. Certes, le passage au flat design a logiquement modernisé une interface devenue un peu vieillotte une fois le choc d’Office 2007 passé. Mais l’ajout d’effets visuels tout à fait insupportables ou la disparition du fond noir, très prisé pour le confort visuel qu’il procurait en diminuant la luminosité, dans Office 2013 a échauffé les esprits. Il me semble (pour avoir utilisé Office 2010 puis Office 2013) que le passage est au moins aussi difficile qu’entre Office 2003 et Office 2007 d’autant plus que Office 2013 est vraiment pénible à utiliser. Je n’ai pas encore testé Office 2016 mais les retours utilisateurs sont bien meilleurs (et le thème noir est de retour, par la plus grande joie des utilisateurs intensifs d’Office !)
Office à l’heure de la révolution Windows 10
Microsoft a frappé un grand coup avec Windows 10. De fait, Microsoft propose la mise à jour à ses clients sous Windows 7 et 8. Une mise à jour gratuite (si réalisée la première année). C’est une révolution incroyable dans le monde des systèmes d’exploitation Windows qui a toujours fait payé (cher) ses mises à jour vers un opus plus récent. Du coup, la question qu’on est en droit de se poser est la suivante : qu’en est-il d’Office ? Office, en tant que vache à lait, avec un statut d’hégémonie quasi-totale dans le monde de la bureautique, a-il besoin de passer vers un modèle semi-gratuit ou en tout cas plus flexible ?
Le débat est ouvert, et il est assez important pour la firme de Redmond. La popularité des versions piratées d’Office sur les divers sites de téléchargements illégaux est indéniable. Microsoft semble vouloir changer le modèle économique d’Office très progressivement. Le discret et très light (en fonctionnalités) Office Starter 2010, gratuit en téléchargement pour Windows 7, supprimé en 2012 n’avait pas fait grand bruit. C’est plutôt vers Office Online que les regards se tournent. La plateforme offre certaines des fonctionnalités des logiciels Windows mais ne propose pas vraiment un cadre de travail aussi agréable que celui de la suite Windows.
Office n’a pas proposé de grande révolution à ses utilisateurs depuis presque 10 ans (hormis une ouverture progressive vers la collaboration en ligne). A l’heure où Google Drive monte en puissance, notamment dans le monde de l’éducation, Microsoft ne risque-il pas de casser sa vache à lait ? Pour le moment, Office 2016 coûte aussi cher que ses prédécesseurs. Affaire à suivre…
Juste une petite faute il manque un s (monstre) dans la légende sur clippy