Le passage de la sonde spatiale américaine New Horizons à 12 000 kilomètres de la planète naine pourrait lever le voile sur le mystère Pluton
Pluton, comme vous ne l’avez jamais vue. Le 14 juillet, le monde s’émerveillait du survol de la planète naine par la sonde américaine New Horizons. Pluton, si distante que même les meilleurs télescopes du monde ne pouvaient capturer d’elle que des images de piètre qualité, apparaissait enfin vue de près, en haute résolution. Les données enregistrées par la sonde, capitales pour commencer à analyser et espérer percer les mystères de Pluton, sont progressivement recueillies par le poste de commandement de la mission de la NASA. Au milieu de l’engouement généralisé et en cette semaine de hype plutonienne, Cleek vous explique ce qui fait de New Horizons une mission spatiale hors norme.
[divider]New Horizons : un programme à part[/divider]
Le 19 janvier 2006, l’agence spatiale américaine NASA lançait la sonde « New Horizons » avec le lanceur de forte puissance Atlas V 550. L’objectif était que la sonde atteigne le plus rapidement possible sa cible, située à quelques 4,7 milliards de kilomètres de là. Pluton est – encore à cette époque, puisque son reclassement au rang de « planète naine » n’est pas encore intervenu – la plus éloignée des neuf planètes du système solaire et n’a encore jamais été étudiée par un appareil spatial. C’est sa distance, rédhibitoire, qui freine les velléités exploratrices des agences spatiales de tout bord.
Le programme « New Frontiers » va venir quelque peu changer la donne. Sur le site officiel de la NASA, on peut lire que le programme New Frontiers a pour vocation de « lancer des missions de recherche planétaire à fort rendement scientifique […] en se basant sur les approches innovantes des programmes Explorer et Discovery, tout en apportant, cependant, un mécanisme permettant d’identifier et de sélectionner des missions qui ne pourraient pas être menées à bien dans le cadre des contraintes de temps et de budget propres à Discovery. »
En d’autres termes, si New Frontiers s’inspire explicitement du programme Discovery d’exploration des planètes du système solaire, celui-ci repousse les limites de budget de 450 millions de dollars à 1 milliard de dollars, repoussant par là-même les limites physiques de distance. New Frontiers peut donc, dès sa création en 2003, envisager de s’atteler à l’exploration de planètes dites « externes », soit Jupiter et au-delà. Chronologiquement, « New Horizons » est donc la première mission de ce programme, lancée en 2006, elle sera suivie par les missions « Juno », lancée en 2011 et qui devrait atteindre Jupiter en 2016 pour en étudier la structure, et « OSIRIS-REx », dont le lancement est prévu en 2016 et qui devrait permettre de ramener un échantillon d’astéroïde pour analyse.
(Si le sujet des missions de la NASA vous intéresse, nous vous conseillons de vous rendre sur cette page officielle listant toutes les missions par ordre alphabétique.)
[divider]Vers l’infini et au-delà[/divider]
Neuf ans, c’est le temps qu’il aura fallu à New Horizons pour réaliser ce fameux survol ou « flyby » de Pluton. À l’époque du lancement, Pluton était encore considérée comme une planète, et Washington et la NASA auraient bien aimé qu’elle le reste car, découverte en 1930 par l’astronome Clyde Tombaugh, elle était jusqu’alors la seule planète découverte par un américain.
Son reclassement en « planète naine » intervient lors de la 26e assemblée générale de l’Union Astronomique Internationale (UAI) : à la faveur de la découverte de nombreux objets dits « transneptuniens » (dont par exemple Éris, dont les scientifiques ignoraient encore il y a quelques jours si son diamètre n’était pas supérieur à celui de Pluton) vient minimiser l’importance de Pluton, laquelle devient le premier objet transneptunien. Un objet transneptunien est un objet du Système solaire dont l’orbite se situe au-delà de Neptune, ce qui comprend notamment la zone dite « ceinture de Kuiper ». Pour mieux comprendre la nouvelle configuration qui a bousculé le rang de Pluton, voici deux vidéos, l’une, en français, sur le reclassement de Pluton et la seconde, en anglais, sur la ceinture du Kuiper.
Si les scientifiques ont attendu neuf ans que la sonde atteigne Pluton, la vitesse de déplacement de New Horizons (nécessaire afin d’atteindre, dans un délai raisonnable, son objectif) n’aura permis qu’un survol de quelques heures de la planète, au cours duquel toutes les données auront été enregistrées pour être renvoyées sur Terre. Avec un temps de transmission de plus de 4 heures Terre – New Horizons, c’est l’ordinateur de bord qui était donc chargé de corriger son orientation à l’aide de senseurs stellaires. Résultat ? Une trajectoire millimétrée, et un succès pour la mission, confirmé lorsque la sonde a « téléphoné » au PC de la NASA après huit heures de collecte de données. S’il y avait un risque, c’était celui d’une rencontre avec un débris spatial, qui aurait alors compromis la mission : immédiatement après son survol, 99% des données étaient encore stockées sur la sonde. Passé le survol de Pluton, le plutonium qui alimente la sonde lui permettra de continuer son voyage en plein cœur de la ceinture de Kuiper jusqu’à l’horizon 2025.
L’émotion des scientifiques aura été partagée sur Cleek avec notre couverture de l’évènement en quelques brèves et en temps réel : l’approche de Pluton, la réussite de la mission, et les premières découvertes.
[divider]Le mystère Pluton[/divider]
Mais si le survol de Pluton a autant fait figure d’évènement, c’est lié à la nature très mystérieuse de cette planète. Plutôt que de parler de Pluton elle-même, il serait plus judicieux d’employer le terme de « système plutonien », au sein duquel Pluton et Charon, son satellite, serait les deux corps principaux, avec également Hydre, Nix, Kerbéros et Styx, les quatre satellites plus petits. Le couple Pluton – Charon a ceci de particulier que leur barycentre (c’est-à-dire leur centre de gravité) se situe en dehors de Pluton, ce qui est inhabituel. Ceci est dû au faible écart de masse entre Pluton et Charon : Charon ne tourne pas autour de Pluton, mais les deux corps tournent l’un autour de l’autre en 6 jours. Tous deux en « rotation synchrone », ils présentent également toujours la même face l’un à l’autre.
Le survol de Pluton par New Horizons a aussi permis de mettre en évidence la présence de montagnes de glace sur la planète naine. Première pièce d’un puzzle pour l’instant encore énigmatique, l’activité géologique de la planète soulève de nombreuses questions. Comment se sont formées ces montagnes de glace ? Car « ce ne peut pas être un mécanisme classique d’influence entre un gros corps et son satellite, qui engendre des forces de gravité capables de triturer l’intérieur de ce dernier, au point d’engendrer du volcanisme, comme on l’observe sur Io, satellite de Jupiter » selon François Forget, chercheur au CNRS et collaborateur du projet. En d’autres termes : Pluton n’est pas sous l’influence gravitationnelle d’un autre corps capable de produire de tels effets. Le reste des données téléchargées par la NASA permettra peut-être d’apporter quelques éléments de réponse. Et de lever le voile sur cette Pluton aussi distante que mystérieuse.