Mother! – La Critique

Laurianne « Caduce » Angeon

Mother! – La Critique

Mother! – La Critique

Laurianne « Caduce » Angeon
21 septembre 2017

L’année 2017 n’en finissait plus de nous sortir des films à la réussite en demi-teinte. Après The Last Girl ou plus récemment Seven Sisters, VonGuru lève le voile sur l’une des sorties horrifiques les plus attendues de cette fin d’année (avec « Ça »), avec Mother!, le dernier né de Darren Aronofsky : un thriller horrifique aux allures de huis-clos troublant et oppressant, dont la récente sortie a déjà fortement divisé la critique. Réputé par le grand public pour être un réalisateur inégal, il était donc difficile de savoir à quoi s’attendre avec Mother!, qui plus est dans une bande-annonce aussi forte et mystérieuse que celle qui nous fut offerte : une raison de plus pour s’empresser d’aller voir le film, car un Aronofsky en septembre, c’est un peu Noël avant l’heure. Mother! réussira-t-il donc a échapper à la malédiction qui plane sur 2017 ?

Rien n’était moins sûr… Car à en juger par les écarts dans les notations, Mother! semblait d’ores et déjà recueillir des avis plus que mitigés, entre nouveaux spectateurs, fans inconditionnels et détracteurs du réalisateur (2.5/5 sur Allociné, 6.5 sur Sens Critique, 6.8 sur IMDb). Me situant clairement dans la partie groupie du public, j’étais déjà ravie de voir quelques avis incendiaires et des notes aussi catastrophiques. Darren Aronofsky n’étant pas en mesure de se planter à ce point, cela augurait sûrement un film complexe et pour le moins original. Quid de tout ceci ?

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Mother! relate l’histoire tumultueuse d’un couple d’apparence tranquille, récemment emménagé dans une immense maison, et dont la quiétude sera bientôt perturbée par l’arrivée de nombreux étrangers. A priori, rien de nouveau sous le soleil, un synopsis horrifique comme on n’en compte plus, donc. Mais au-delà de ça, Mother! est en fait bien plus qu’un simple huis-clos qui se plait à perdre son spectateur dans un labyrinthe de symboliques, dans une intrigue qui elle, nous semble bien concrète.

Avant de passer aux spoilers qui fâchent, mentionnons que la complexité et la lenteur de Mother! pourraient en rebuter plus d’un. Si l’angoisse est latente, l’intrigue interpellante, Aronofsky se perd néanmoins dans un récit subtil et atypique, dont la révélation finale se fait beaucoup trop attendre. Sans doute la plus grande faiblesse du film, in fine, car on se demande : « qui ? ». Qui pourrait accueillir chez lui sans rechigner une multitude d’inconnus pour le moins inquiétants, vivre dans une maison qui semble littéralement respirer sous nos pieds, tolérer de sa moitié une attitude aussi étrange ?

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Mother! progresse donc doucement dans une trame de plus en plus inquiétante, avec son lot d’incohérences et de mystères qui laissent tout doucement présager d’une issue surnaturelle. Vient alors la peur d’un twist final aux allures de fantômes à la Sixième Sens, Les Autres... Qui, à défaut d’être efficaces, ont été vu bien trop de fois. Ne voyant d’ailleurs pas d’autre issue possible à l’histoire invraisemblable de notre couple vedette, j’en venais presque à être déçue par anticipation, comme si je sentais une fin bien trop prévisible poindre le bout de son nez – ce qui n’aurait donc certainement pas suffi à justifier le caractère « spécial » de l’ensemble de l’œuvre.

Et pourtant, Mother! réservait encore son lot de surprises.

 

La partie qui fâche, donc… (gaffe aux spoilers)

 

Beaucoup ont dû ressortir de leur séance de cinéma, et maudire ce film qui semble n’avoir ni queue ni tête. Et j’avoue avoir fait partie de ces derniers. La réalisation est pourtant excellente (ouf), le casting rudement bien orchestré (les couples Lawrence/Bardem & Harris/Pfeiffer en ligne de mire), et l’ambiance malsaine à souhait (grâce à l’excellent travail sonore de Johann Johannsonn), dans une progression lente mais certaine. Il sera donc délicat de parler d’un film si énigmatique sans spoiler un minimum, la version sans se résumant à une sorte de « WTF ?! » à grande échelle.

Puis en y repensant, encore et encore (car oui, Mother! est du genre obsédant), on finit par trouver quelques pistes à suivre, quelques allusions et métaphores quand soudain, PAF, une seconde lecture du film y donne tout son sens, un peu comme une analyse de Mulholland Drive : implacable. Me voilà donc soulagée, nul besoin d’aller mettre Mother! (et mon réalisateur chouchou) au bûcher. À la place de cela, un petit mindfuck de qualité que nous allons nous empresser de vous faire partager (attention, il s’agit ici d’une seconde lecture d’une œuvre suffisamment complexe pour en comporter bien d’autres… !).

Mother! fait donc partie de ces films rares qui ne vous donneront pas une explication toute faite au bordel que suscite l’œuvre. Si quelques clés de lecture peuvent survenir dans les dernières secondes du film (ou dans les premières, au choix), rien n’est jamais ici énoncé clairement. Tant et si bien qu’à la fin, il demeure légitime de se demander si Aronofsky ne se serait pas perdu dans un trip mégalo-horrifique, sur fond de pseudos réflexions profondes sur l’image de la Mère, de l’Artiste, de la Création, de la Perfection, de la Folie… Autant de thèmes déjà omniprésents dans Black Swan.

Sur cette route-là, il y a donc plusieurs pistes d’interprétations possibles : Mother! serait un film qui dresse des archétypes : celui du poète en quête de reconnaissance et d’inspiration, celui du foyer, de la Femme… Si ces quelques pistes me semblaient les plus évidentes, elles ne parvenaient pourtant pas à correspondre vraiment au film : cela n’expliquait pas… le film, en fait. Trop de détails, trop de dédouanements scénaristiques… juste pour ça ? Non, vraiment, cela ne ressemble pas trop au bonhomme (un peu comme un film sans Clint Mansell à la composition… Oh Wait !).

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Et puis, ce fut la révélation. Car oui, Mother! est en fait un film biblique, une immense allégorie d’un récit religieux ancestral. Oui oui, wtf, attendez… cela ne peut pas être qu’un hasard. Le réalisateur lui-même ayant donné sur ce point quelques pistes à la suite d’une avant-première, en mentionnant la plus belle de toutes les mères, la Nature, et autres hints du genre.

Si l’on reconsidère donc l’ensemble du film sous ce jour, tout, exactement tout trouve une signification (et ça fait du bien). Sans rentrer non plus dans la multitude de détails que nous offre le film, Mother! dresse finalement l’archétype d’un paradis originel (la Maison/la Terre/la Nature, que Jennifer Lawrence décrit d’ailleurs comme tel), peu à peu envahi par les hommes. Si l’on pourrait prêter des allures de Dieu au personnage de Javier Bardem (le poète/le Créateur), et de Dame Nature au personnage de Jennifer Lawrence (LA fameuse Mother), Ed Harris et Michelle Pfeiffer revêtent quant à eux les traits d’un Adam et Eve d’un autre temps.

Cela parait donc farfelu au premier abord, et pourtant, tout coïncide vers cela : la Femme, extraite de la côte du premier homme (vous vous souvenez de la blessure sur le flanc?), l’accès défendu au bureau du poète en guise de jardin d’Eden, le cristal brisé comme pomme croquée avant de répudier les deux individus du paradis… Et cela ne s’arrête pas là, puisque les deux enfants du couple Harris/Pfeiffer en viendront à commettre un meurtre fratricide (Caïn et Abel donc). Et c’est ainsi jusqu’à la fin : l’accident de plomberie/le déluge qui dépeuple la maison de ses habitants, l’apocalypse par le feu… jusqu’à la vénération pour l’icône d’un Dieu mentionné comme bon/généreux, et les sévices dispensés à une Terre meurtrie, sans oublier les concepts de fanatisme, de pardon divin, de haine et de violences aveugles. Jusqu’à ce que Dieu/la Nature décident que s’en est assez : Tabula Rasa.

 

Difficile donc, après tant de détails et de preuves de nier l’omniprésence mystique autour de Mother! et quel plaisir donc, d’y voir enfin de quelle mère on parle tant. Si le film aurait pu gagner en consistance et en efficacité en perdant un peu moins son spectateur, Mother! n’en demeure pas moins une œuvre fort originale et poignante, notamment grâce à ses multiples niveaux de lecture, mais également par sa brutalité sans concession.

Bien loin de toute complaisance, Aronofsky nous confronte à des peurs primaires (la mort, la souffrance, la multitude) et à des angoisses bien plus insidieuses (la folie latente, le fanatisme, la guerre, la Fin…). Avec son final rythmé et violent en apothéose à un film lent et énigmatique, Mother! divisera donc, mais subjuguera de nombreux fans. Perdue entre perplexité et fascination à la fin du film, un second visionnage me paraît désormais nécessaire pour saisir pleinement tous les enjeux du film… Et que l’on ne se mente pas, ce sont souvent de ces films-là que l’on se rappelle.

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