Aficionado de séries télévisées ou simple lecteur régulier de la presse, vous n’avez pas pu passer à côté de l’info. Lors de la 67ème édition des Emmy Awards qui s’est déroulée dimanche soir aux États-Unis, l’actrice Viola Davis a reçu l’Emmy de la meilleure actrice dans une série dramatique pour son rôle dans la série How To Get Away With Murder. Devenant ainsi la première femme noire à recevoir ce prix dans l’histoire de la télévision. La série, diffusée sur ABC aux États-Unis à partir du 25 septembre 2014, a entamé hier sa seconde saison outre-Atlantique. How To Get Away With Murder raconte l’histoire de l’avocate et professeure de droit Annalise Keating, et des cinq étudiants qui l’accompagnent dans ses affaires.

 

HOW TO GET AWAY WITH MURDER - Annalise Keating (Academy-Award Nominee Viola Davis) is everything you hope your Criminal Law professor will be - brilliant, passionate, creative and charismatic. She's also everything you don't expect - sexy, glamorous, unpredictable and dangerous. As fearless in the courtroom as she is in the classroom, Annalise is a defense attorney who represents the most hardened, violent criminals - people who've committed everything from fraud to arson to murder - and she'll do almost anything to win their freedom. Each year, Annalise selects a group of the smartest, most promising students to come work at her law firm. Working for Annalise is the opportunity of a lifetime, one that can change the course of our students' lives forever, which is exactly what happens when they find themselves involved in a murder plot that will rock the entire university. (ABC/Nicole Rivelli) VIOLA DAVIS

 

Diffusée en France sur M6, vous avez pu voir la série – rebaptisée Murder – en prime time cet été pendant les premiers épisodes, puis à l’horaire peu enviable de 23h pour tout le reste de la saison, ce qui explique que cette excellente série ait eu du mal à se faire un nom dans l’Hexagone. L’Emmy Award, reçu par l’actrice Viola Davis, devrait recadrer les projecteurs sur une production qui dépoussière le genre de la série policière, et qui gagnerait à être mieux connue. Cleek vous explique pourquoi cette série, passionnante, a réussi à se faire un nom au pays de l’Oncle Sam.

 

[divider]Murder, She Wrote[/divider]

 

Au milieu des mastodontes du genre, tels que Law & Order, Damages, Body Of Proof, ou encore la très bonne série française Engrenages, force est de constater que le milieu de la série judiciaire est assez surpeuplé, notamment aux États-Unis, un pays qui se passionne pour les affaires judiciaires. Pas si simple, donc, de se faire une place dans ce genre très compétitif et où tout, ou presque, a déjà été fait. Qu’est-ce qui fait donc de How To Get Away With Murder une série à part ? Commençons par le plus évident, la partie émergée de l’iceberg, celle qui a été primée dimanche soir aux Emmys pour son interprétation. Annalise Keating, le personnage principal, interprétée par Viola Davis, est la pierre angulaire de l’édifice How To Get Away With Murder, la figure autour de laquelle toute la série a été construite. Il ne fallait pas donc pas se louper sur le personnage de l’avocate, et on peut dire que ce premier défi a été brillamment relevé par les scénaristes de la série. Annalise est ambitieuse, manipulatrice, et ne recule devant rien pour arriver à ses fins. Mais c’est aussi une excellente avocate, et une femme de poigne, qui n’hésite pas à employer les grands moyens pour bousculer et stimuler ses élèves en les emmenant sur le terrain.

 

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Le titre de la série, ironique, est d’ailleurs tiré du nom qu’elle donne elle-même à son cours de droit de la défense : comment commettre un meurtre, et s’en tirer en toute impunité. Loin de tout angélisme, la série ne juge pas son personnage, ni ne condamne son attitude, car comme l’avocate le souligne elle-même, elle « se fout » de savoir si ses clients sont innocents, ou coupables. À l’instar de la devise d’un autre célèbre héros de série américaine empreint de cynisme, Annalise est convaincue que « tout le monde ment », même ses proches. Le personnage force l’admiration mais suscite en même temps le trouble chez le spectateur : le personnage et ses méthodes ne sont pas loin d’être parfois franchement inquiétants, et la série parvient subtilement à instiller le doute au fur et à mesure que les heures s’écoulent. Connaissons-nous vraiment les gens qui nous entourent, même les personnes qui nous sont le plus proches ? Connaissons-nous vraiment le personnage d’Annalise Keating, extrêmement talentueuse, séduisante, mais dont les principes moraux sont difficiles à cerner ? Ou ne voyons-nous pas le monde à travers les yeux suspicieux d’une avocate qui a appris, à la dure, la méfiance au milieu de menteurs professionnels ?

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[divider]Suspense et manipulation[/divider]

 

Car personne, dans How To Get Away With Murder, n’est réellement celui qu’il semble être, et ce, pour une raison fort simple. La manipulation constante, à double niveau, de la série elle-même sur les a priori du spectateur, tant au niveau de l’écriture du scénario, à chaque épisode, que dans le déroulement global de l’histoire, où les fausses pistes et les questions en suspens se multiplient. Il faut dire que la série elle-même orchestre un savant tempo : le rythme, ultra-nerveux, ne s’essouffle jamais, malgré le degré de complexité et le caractère fouillé d’un scénario plein  de rebondissements. Il se passe toujours quelque chose dans How To Get Away With Murder, et ce pour le plus grand bonheur du spectateur.

 

HOW TO GET AWAY WITH MURDER - "Kill Me, Kill Me, Kill Me" - It's the evening of the bonfire and we finally see what exactly happened on the night of Sam's death, on the winter finale of "How to Get Away with Murder," THURSDAY NOVEMBER 20 (10:00-11:00 p.m., ET) on the ABC Television Network. (ABC/Mitchell Haaseth) ALFRED ENOCH, JACK FALAHEE, KARLA SOUZA

 

La série déploie deux chronologies : la première, linéaire, suit la progression de l’avocate et des affaires successives qui l’occupent, elle et ses cinq étudiants triés sur le volet. La seconde, située 3 mois plus tard, nous montre le déroulement d’une nuit fatidique, mais aux nombreuses inconnues. Le suspense naît, dès lors, non seulement des affaires traitées de la première période, mais aussi du rapprochement graduel des deux chronologies, les informations concernant cette dernière étant distillées au compte-goutte à l’aide d’un savant montage. La rigueur de la construction narrative fait de How To Get Away With Murder un digne héritier de l’influence des romans policiers, tout en jouant avec les codes du genre dramatique et des attentes du spectateur. L’interprétation et l’ambiguïté des personnages est une nouvelle source de mystère et de suspense, et la série fait partie du cercle trop rare de ces feuilletons dont les rebondissements arrivent à créer un réel effet de surprise.

 

Savant mélange entre enquête policière, série à suspense, et pure tradition judiciaire, How To Get Away With Murder réussit le pari de piocher le meilleur parmi les innovations et les codes de ses prédécesseurs, tout en parvenant, avec une signature désormais reconnaissable entre toutes, à dépoussiérer le genre de la série judiciaire, pourtant souvent visité et décliné sur le petit écran. Interprétation, rythme, ou musique, les qualités de cette série sont nombreuses, mais sa réussite la plus notable est d’avoir su apporter un réel aspect didactique à sa série, par le biais des étudiants, ce qui permet une grande lisibilité de l’intrigue tout en disposant de la capacité, précieuse, de la complexifier à loisir. Il ne fallait rien de moins que cela pour un scénario aussi ambitieux que celui de How To Get Away With Murder, dont la saison 2, extrêmement attendue, vient tout juste de débuter aux États-Unis.