Petit lexique façon Cleek : « noob »

 

Vous faire découvrir de nouveaux horizons, c’est bien. Vous proposer un angle de vue nouveau sur un univers qui vous est déjà familier, c’est mieux. C’est pourquoi Cleek vous propose de faire un tour lexical de ce réseau complexe de par ses codes et son langage qu’est Internet. À chaque numéro de cette petite série, il s’agira de s’intéresser à un mot ou une expression aussi geek qu’obscure (ou pas) pour pouvoir faire le beau sur les chans ou autres salons de discussion en ligne.

Revenons aux bases pour cette analyse lexicale, et du début, il en sera en partie question. En effet, étant sans doute premier mot que l’on découvre mais qui nous vient aussi à l’esprit quand il s’agit de parler d’un terme geek – en dehors de geek lui-même -, le mot « noob » se retrouve sur toutes les lèvres. C’est donc par ce retour au level 1 – voire au didacticiel pour les moins confiants d’entre nous – que nous plongerons une nouvelle fois dans les richesses linguistiques du monde geek.

 

[divider]Noob, noob, noob, c’est le goob[/divider]

 

noob – noun [C] /nuːb/ informal – someone who has just started doing something, especially playing a computer game or using a type of software, and so does not know much about it.

 

Une fois n’est pas coutume, mon brave dictionnaire français papier Le Petit Robert 2013 me fait défaut et m’abandonne lâchement dans cette quête. Terme trop récent ou trop anglophone, peut-être ? C’est en tout cas bien du côté de l’anglais que l’on doit se tourner pour en trouver une définition académique. Vous trouverez bien des pages Wikipédia, Wikitionnaire et même Désencyclopédie françaises, mais c’est du côté du site Cambridge Dictionnaries Online que je me suis tournée pour une source plus universitaire. En effet, il est à noter que le mot « noob » n’est pas non plus présent dans mon dictionnaire papier anglais Longman Dictionary of Contemporary English 2009.

Outre l’origine linguistique de ce mot qui nous est dès lors clairement donnée, on peut en tout cas immédiatement noter le caractère particulièrement connoté de ce mot. En effet, la définition explicite clairement l’origine geek du terme puisqu’elle s’applique tout particulièrement dans le domaine de l’informatique et du gaming. Pourtant, on peut remarquer qu’un autre sens du mot, que l’on retrouve notamment dans les sources Internet citées un peu plus haut, et dont l’importance n’est pas à dénigrer, semble ici complètement effacé : l’aspect péjoratif, pour ne pas dire injurieux sur les bords, du mot « noob ».

Mot incomplet voire inexistant aux yeux de certains dictionnaires, le terme « noob » est donc à bien des égards mystérieux. Si l’on en a tous une définition plus ou moins précise en tête, on peut s’interroger sur ce flou qui flotte autour de ce mot. C’est pour cela que nous nous tournerons, une fois de plus, du côté de l’étymologie afin d’essayer de mettre un peu de lumière dans cette part d’obscurité.

 

[divider]Le mot de Teemo[/divider]

 

Vous le savez désormais, c’est en compagnie du Professeur Teemo et de son grand savoir eh-Teemo-logique que nous allons explorer la question des origines du mot « noob ».

 

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Obscurité, dites-vous ? Vous ne pouviez pas tomber plus juste. C’est en effet dans des temps obscurs et lointains qu’il faut remonter pour comprendre d’où vient ce bien sombre mot.

C’est en effet dans les années 90 qu’il faut se replonger, en ce temps encore primitif de notre civilisation, où la culture et la technologie n’avaient pas encore éclairé de leurs bienfaits une société qui se perdait dans des vices aussi bestiaux que malsains. C’était en effet le temps des Boys Band, sorte de sectes musicales à but terroriste, cruelles et sans la moindre once de pitié. Une période bien sombre de notre histoire, je vous le dis.

Certaines de ces sectes étaient plus virulentes que d’autres. On pourrait par exemple citer la secte 2Be3, la secte World Appart ou encore la secte Alliage. Je ne m’étendrais cependant pas plus longtemps sur une liste de ces sectes pour ne pas réveiller un vieux traumatisme dont le monde a encore du mal à se remettre. Mais, pour en revenir à ce qui nous concerne, les sectes les plus dangereuses de l’époque étaient sans doute celles qui apparurent au tournant de l’Illumination culturelle que devait apporter le nouveau millénaire, et qui devait signer la fin prochaine de ces sectes.

 

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2Be3 Illuminati confirmed !

 

Menacées par la disparition imminente du mouvement sectaire musicale qu’elles représentaient, ces sectes, peu nombreuses, mais au dessein ô combien malfaisant, cherchaient à ressusciter par tous les moyens possibles les sectes récemment tombées. Certaines de ces sectes comprirent que l’union faisait parfois la force, et certaines d’entre elles entreprirent donc un dangereux travail de fusion. Tel un docteur Frankenstein et son monstre des temps modernes, les nostalgiques des 2Be3 et les adeptes des Nous Ç Nous (secte plus discrète et au but plus obscur encore : faire rire !) donnèrent ainsi naissance à la secte Noobiwan (le nom figurant l’association de ses deux sectes d’origine).

Suite à un premier échec et à un premier démantèlement, la secte renaquit de ses cendres sous le nom Noobitoo. Une troisième version vit ensuite le jour (Noobisri), ainsi qu’une quatrième version (Noobiphore), et ce n’est qu’à la 23e version (Noobitouentysri) que ce phœnix sectaire fut définitivement mis à mort. Cela fait un sacré nombre de sectes dont on n’a pas entendu le nom, me direz-vous ! Vous imaginez bien que le gouvernement et les historiens ont tout fait pour effacer cette triste épisode de notre Histoire. Et même des dictionnaires !

Pourtant, si la tendance sectaire Noobi est éteinte, la communauté subsiste et reste active, dans l’ombre et le silence. Aujourd’hui encore, on qualifie les membres de ce mouvement de « noob ». Il serait faux de penser qu’ils sont marginaux : les noobs sont partout. En besoin de reconversion, ils ont envahi de très nombreux domaines : le monde du sport, de l’art, mais aussi du jeu vidéo. Loin d’exceller dans leur nouvel environnement, les noobs accumulent donc tous les défauts possibles : petits nouveaux, mauvais ET fans de Boys Band. Voilà pourquoi l’on fait désormais très facilement l’amalgame, traitant de noob toute personne maladroite de la souris, en laissant de côté ses possibles préférences musicales. Et cela explique le refus de reconnaître officiellement dans les dictionnaires l’appellation « noob », encore aujourd’hui taboue dans le milieu des historiens.

 

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Cleek remercie chaleureusement le Professeur Teemo pour cette explication, et rappelle à son lectorat que la musique de Boys Band doit être écoutée par des professionnels, et qu’il est dangereux de reproduire cela chez soi sans la supervision d’un cascadeur entraîné.

 

[divider]Motus et bouche cousue[/divider]

 

Et dans les faits (les vrais), ça donne quoi ?

 

L’origine du terme « noob » est relativement bien connue et reconnue, bien qu’elle ne soit pas exactement officielle. Il est en effet admis par le plus grand nombre que le mot « noob » est une variation du terme « newbie », qui dériverait lui-même de l’expression « new boy » propre à l’argot de l’école publique anglaise et au jargon militaire nord-américain et australien des années 1850. Le sens principal n’a guère varié au fil des années : le terme désigne en argot un petit nouveau, un nouvel arrivant, et donc par extension une personne qui débute dans quelque chose, un novice, voire un néophyte (mais on change ici de registre de langue). C’est dans les années 1980 que le terme « newbie » aurait fait son apparition sur Internet, son usage devenant rapidement à très grande échelle et quasi exclusivement associé au monde geek.

C’est durant cette même période que le mot « newbie » a poursuivi son évolution. Avec l’apparition, l’évolution et la démocratisation sur Internet du Leet speak (ou 1337 5|*34|< pour les initiés), système d’écriture apparu à la fin des années 1980 utilisant uniquement des caractères de type alphanumérique ASCII utilisé par les programmeurs dans un premier temps pour se démarquer des noob, justement, et en se basant sur la prononciation américaine du mot, le terme « newbie » est donc rapidement devenu « newb », puis « nub », et enfin « noob », que l’on retrouvait aussi sous la forme « n00b ». L’on retrouve aussi de nos jours une forme « naab », et de nombreuses autres variantes existent aussi.

Si le sens de débutant persiste dans le mot « noob », force est de constater que cette variante est bien plus connotée que son parent « newbie » : ce dernier aura en effet plutôt tendance à être neutre, et à désigner une personne découvrant un jeu par exemple, quand le terme « noob » sera utilisé à des fins généralement plus péjoratives, pour désigner une personne qui connaît les mécanismes d’un jeu mais qui ne sait pas bien jouer (tout en se montrant quelque peu désobligeant, pour ne pas dire insultant).

Reste, enfin, l’usage humoristique : qui ne s’est jamais pris un bon « noob » des familles de la part de ses amis ?