Accueil Gaming Rogue Lords : la triche au cœur d’un rogue-lite diabolique !

Rogue Lords : la triche au cœur d’un rogue-lite diabolique !

Rogue Lords : la triche au cœur d’un rogue-lite diabolique !

Les amateurs de rogue-lites – dont je suis – n’auront pas manqué la sortie de Rogue Lords. Dans la continuité de Hades, Roguebook, Slay the Spire, Gritflands, Monster Train, Curse of the Dead Gods, etc., Rogue Lords propose en effet des runs où l’on passera d’un évènement à l’autre (combat, rencontre, marchand…) avec une légère notion de choix grâce à des embranchements, et s’achevant par la rencontre d’un boss. Puis, le run réussi ou échoué, on revient à un hub préparer le run suivant.

Arrivant dans un marché qui semble s’approcher d’une certaine saturation, il faudra voir si le jeu développé par Leikir Studio & Cyanide, et édité par Nacon, a suffisamment d’originalités à faire valoir, et les exploite assez judicieusement, pour surnager voire se distinguer… Spoiler : il a des arguments à faire valoir, comme vous le lirez.

Vendu entre 25 et 30 euros, Rogue Lords est disponible sur Steam, Switch, PS4 et Xbox One. Pour ce test, je l’ai pratiqué sur Nintendo Switch, mais je préciserai naturellement quand un développement sera propre à cette console.

Notez qu’Aykori avait déjà consacré une critique à la bêta fermée sur PC de Rogue Lords en juin 2021, puis une critique complète lors de sa sortie, n’hésitez pas à vous reporter à ses articles enthousiastes en complément !

Faire régner la terreur

Dans Rogue Lords, vous incarnez… le Diable, rien que ça. Vous n’apparaîtrez d’ailleurs pas directement dans le jeu, mais depuis les enfers, vous conduirez une équipe de fidèles et célèbres serviteurs, collectant les âmes, semant la terreur, jusqu’à affronter tous ceux qui osent détourner la populace du mauvais chemin. Il vous faudra ainsi traverser six livres, en quête de six reliques, afin de pouvoir faire face à votre ennemi juré, Van Helsing.

Pour cela, vous commencerez par choisir vos trois serviteurs – sachant que vous ne disposerez de toute manière que de Dracula, du Cavalier sans tête et de Bloody Mary au début.

Vous devrez alors déplacer un avatar tridimensionnel sur une jolie carte du monde en vue isométrique pour découvrir les points d’intérêt accessibles – un point d’intérêt principal, parfois accompagné d’un point d’intérêt facultatif. Notez que cette phase est strictement gadget, et qu’on aurait très bien pu, à la Slay ou Monster Train, vous faire choisir un embranchement sur une piste beaucoup plus abstraite. Mais si cela n’ajoute absolument rien en termes de possibilité de gameplay, au moins l’univers en est-il un peu plus consistant, un peu plus immersif, sans alourdissement. Vous ne vivrez pas grâce à ce détail l’aventure de votre vie, mais votre progression aura plus de sens que dans d’autres titres similaires où un clic sur le lieu suivant suffira à vous y téléporter.

Les points d’intérêt seront de diverses natures, les plus importants étant naturellement les combats, mais vous pourrez aussi enchaîner les rencontres et autres visites au marchand et éviter la plupart des affrontements.

Rogue Lords

Les rencontres consistent généralement à vous faire choisir l’un de vos trois agents, généralement en vous fondant sur une caractéristique indiquée à l’écran – on vous fait par exemple comprendre que l’occultisme pourrait jouer un rôle particulier dans la saynète, de sorte qu’opter pour un personnage avec beaucoup de points en occultisme pourrait être judicieux. Puis une situation vous est exposée, et vous devez choisir entre plusieurs options, bien sûr… toutes plus diaboliques les unes que les autres.

C’est après tout le grand plaisir légèrement régressif de Rogue Lords que d’être une vraie force du Mal. Avoir le choix lors d’une rencontre avec des inquisiteurs s’attaquant à un paysan entre tuer tout le monde, corrompre les inquisiteurs ou pousser le paysan à les massacrer (chaque option ayant une difficulté propre, et évidemment les récompenses correspondantes) est assez sadiquement savoureux. Le serviteur envoyé y gagnera des améliorations autant pour le combat (plus d’attaque ou d’esprit par exemple) et y améliorera ses stats plus secondaires (l’occultisme, l’épouvante…) – pratiquement des « caractéristiques sociales » en somme, qui influeront sur les rencontres suivantes. De quoi améliorer le lien entre le joueur et ses héros et leur donner encore un peu plus de personnalité.

Les rencontres n’ajoutent pour autant pas de réelle dimension narrative au jeu. Les mêmes situations vont revenir, et même les situations différentes racontent souvent les mêmes choses. Cela reste bien mieux que Slay the Spire, mais plus proche de Monster Train que de Griftlands, notamment parce qu’au moins les enjeux de notre quête démoniaque sont clairs, alors que même en jouant à Slay, je n’avais aucune idée de la raison pour laquelle mes avatars exploraient ces donjons.

Les combats sont particulièrement intéressant du fait de l’absence de hasard : pas de taux de précision ou d’esquive par exemple, vous connaissez les intentions des adversaires et même leurs cibles, et pouvez donc y adapter des attaques qui toucheront à coup sûr. Trop facile ? Sauf qu’à chaque tour, vous ne disposez que de 5 points d’action à répartir entre les compétences des trois héros, la plupart des compétence en coûtant 2, et chaque compétence s’épuisant une fois utilisée, pour ne se rafraîchir… qu’en utilisant une compétence de rafraîchissement du héros ou de l’ensemble des héros.

Autrement dit, vous pourriez très vite vous retrouver coincé lors d’un tour, sans aucune compétence à utiliser, et donc forcer de « perdre le tour » en rafraîchissements alors même que l’adversaire prépare une attaque à contrer absolument. L’absence de hasard n’est ainsi pas tant une facilité qu’une nécessité, en ce qu’elle permet une planification des actions sur plusieurs tours sans laquelle le jeu serait juste trop chaotique.

En outre, chaque personnage possède une jauge de santé et une jauge d’esprit, de sorte que vous pourrez choisir d’attaquer l’une ou l’autre : il suffit que l’une des jauges soit à 0 pour que le personnage devienne vulnérable, et soit donc tué à la prochaine attaque. De quoi pimenter subtilement la rejouabilité, en invitant à tester par exemple une team aggro spirituel après avoir assez logiquement misé sur la santé, plus classique, lors des premiers runs.

Au cours de votre run, vous pourrez acheter et gagner de nouvelles compétences pour vos serviteurs, voire les améliorer en acquérant trois fois la même compétence. Un run n’étant pas excessivement long, il faudra décider assez vite si l’amélioration des compétences est une voie qui vous intéresse et à quel point, afin de faire les détours requis, mais aussi de faire attention à collecter assez d’âmes, la ressource permettant les achats au magasin.

Notez que, sur Switch, les combats sont plus fastidieux que sur ordinateur notamment, parce que se déplacer entre les compétences de chaque héros et les adversaires (pour vois leurs intentions) avec un stick ou pavé directionnel est autrement plus pénible qu’en naviguant avec une souris.

Selon vos choix, vous pourrez obtenir des bonus de terreur ou subir des malus, par exemple parce que les habitants de la contrée ont conscience de vos agissements et y opposent une foi accrue.

Vous constaterez par ailleurs qu’il vous faudra un paquet d’heures pour débloquer le roster complet de neuf serviteurs. Une bonne manière de maintenir votre intérêt pour le jeu – leur déblocage est assurément plus motivant encore que la perspective de vaincre enfin Van Helsing, et apporte une rejouabilité passionnante à Rogue Lords tant chaque combinaison a une synergie propre – mais qui pourra en décourager certains – on y reviendra plus tard.

Et chaque run s’achèvera (à moins d’avoir perdu plus tôt) par l’affrontement d’un boss, nettement plus puissant même que les adversaire élite éventuellement rencontrés çà et là.

En avançant dans votre aventure, vous débloquerez aussi de nouvelles compétences pour les héros et de nouvelles reliques en franchissant des paliers d’expérience à la conclusion des runs, mais de façon assez habituelle dans les jeux de ce genre, ce sont des bonus que l’on pourra rencontrer lors des prochains runs, apportant donc plutôt de la variété et de la technicité qu’une véritable amélioration de notre équipe pour ce run. Ainsi, l’amélioration entre chaque run est loin d’être aussi notable que dans un Hades par exemple : clairement vous devrez profiter de votre expérience pour faire toujours mieux, sans réelle possibilité de farmer à la légère.

 

Le Diable est un vil tricheur… mais ça tombe bien, vous êtes le Diable !

J’ai volontairement laissé de côté jusqu’ici l’aspect le plus amusant et le plus original de Rogue Lords, une espèce de friandise fondamentale si je puis oser l’oxymore. « Friandise » parce que vous pouvez jouer complètement sans cela – vous voyez que je n’ai pas du tout eu besoin de le mentionner dans ma présentation assez longue des détails du gameplay. Fondamental en ce qu’elle ajoute une toute autre dimension au jeu. Je parle bien sûr de la triche.

À vrai dire, il est même difficile de songer tout le temps que l’on a la possibilité de tricher, et sur autant d’aspects : vous pourrez mouvoir à l’envi la santé des belligérants, jusqu’au maximum ou à 0, transférer les altérations de statut, et en dehors des combats même vous téléporter ou faciliter des évènements. Mais l’énergie diabolique se recharge rarement, et sert avant tout à ressusciter vos acolytes en combat.

Si vous veniez à en manquer, le run serait perdu, ce qui invite à la prudence… et est presque dommage. Bien sûr il s’agit intelligemment de vous imposer une véritable gestion de l’énergie, mais vous pourriez décider de ne simplement pas tricher afin de ne pas gêner vos résurrections, une prudence rendant les runs moins funs, fatalement.

Comme vous vous en rendrez vite compte, tout (ou beaucoup tout du moins) reposera sur votre capacité à gérer l’énergie diabolique, à l’employer judicieusement et à savoir quand y renoncer. Vous gagnerez rarement un run sans du tout tricher, mais vous serez plus sûr encore de le perdre en trichant trop vite ou trop, de quoi rendre Rogue Lords plus exigeant encore.

C’est que le jeu est difficile, peut-être un tout petit peu trop dans le sens où la gratification aide à trouver la motivation de continuer. Dans Roguebook ou Monster Train, on s’améliorait sans cesse de façon évidente au cours d’un run, dans Hades, aussi difficiles que puissent être les débuts, on se surprend à arriver toujours plus loin grâce aux armes et améliorations débloquées de façon permanente. Dans Rogue Lords, les combats au cours d’un même run pourront se ressembler un peu plus, malgré les nouvelles reliques et compétences, et il faudra déjà un certain temps pour assimiler précisément les effets et intérêts de chaque capacité de chacun de vos trois agents.

En cela, il est évident que commencer directement avec trois agents crée d’emblée une technicité par laquelle il ne faut pas se laisser rebuter. On comprend tout à fait ce choix de design : un run de Rogue Lords se pratique toujours avec trois agents dont il faudra maîtriser les synergies, donc nous faire commencer avec un agent ou deux nous initierait bien mal à la suite. Mais ce choix reste à l’image du jeu, peu soucieux de trop faciliter l’expérience – sans sombrer dans l’opacité d’un FromSoftware, ou même la difficulté d’un Darkest Dungeon, rassurez-vous !

 

Rogue Lords, diaboliquement bon ou souverainement mauvais ?

Diriger une équipe de serviteurs démoniaques connus semant la mort et la désolation dans la Nouvelle-Angleterre du 17ème siècle, avec la possibilité de tricher sur de nombreux aspects du gameplay, voilà une promesse bien propre à attirer l’attention sur Rogue Lords. D’autant que la DA un peu burtonienne est accompagnée d’une BO joliment elfmanienne, bref que sans embarquer follement dans son univers, le jeu propose une ambiance jolie et efficace.

Attention cependant, Rogue Lords est un jeu bien plus technique que poétique : la dimension répétitive inhérente au rogue-lite, en partie renforcée ici par la difficulté du jeu et par le peu d’améliorations concrètes entre les runs, donc par des morts récurrentes pouvant être accompagnées par la relative frustration de ne pas réellement progresser, en fait un jeu auquel il vaut mieux s’attaquer en sachant un peu ce qu’il a dans le ventre.

Ce n’est qu’une fois sa philosophie et son exigence comprises que l’on profitera idéalement du renouvellement apporté par les livres suivants et le déblocage tardif de nouveaux serviteurs extrêmement asymétriques, ainsi que de ses idées malines nombreuses (à commencer par la plus visible, la « triche »), qui ne suffisent peut-être pas à en faire mon rogue-lite favori – j’aime mieux la progression gratifiante d’un Hades ou la fluidité et l’ambition narrative d’un Griftlands – mais qui me permettent d’apprécier chaque heure passée à épouvanter et massacrer les mortels grâce à mon équipe de croque-mitaines.

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