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Test de Conan Exiles : Minecraft au pays des Cimmériens ?

Test de Conan Exiles : Minecraft au pays des Cimmériens ?

Le développeur et éditeur norvégien de jeux vidéo Funcom semble décidément fan de l’univers de Conan le Barbare, puisqu’on lui devait en 2008 le MMORPG (notoirement bugué) Age of Conan: Hyborian Adventures, puis dix ans plus tard le Conan Exiles dont il sera question dans cette chronique. Il faut dire que l’univers créé par Robert E. Howard dans les pulps des années 1930, puis développé dans de nombreux romans par des auteurs divers, des films au succès… variable (du très chouette au lamentable), bientôt dans une série Netflix, avait de quoi fasciner par sa brutalité presque primaire, et s’inscrivant pourtant sur un travail soigné de création de monde, le héros étant au carrefour de civilisations très diverses par les coutumes et les croyances.

Voilà qui pouvait se prêter formidablement bien à un jeu de survie en monde ouvert, et ce n’est d’ailleurs pas pour rien que je me plonge avec curiosité dans cet univers plutôt que dans ARK par exemple, pourtant très comparable mécaniquement !

Conan Exiles avait ainsi paru en 2017 en accès anticipé, avant d’être enfin publié officiellement en mai 2018 sur Windows, PS4 et Xbox One. Si nous l’avons testé sur PS4, notons qu’il vient de sortir en version augmentée sur Xbox Series S et X.

Notez d’emblée un biais important de ma critique : j’ai un peu tâté des fonctionnalités en ligne, mais l’ai surtout pratiqué en solo. Conan Exiles est un jeu qui s’accomplit principalement en multi-joueurs, et quand j’aurai le temps et l’équipe requises pour en profiter pleinement, je reviendrai amender mon texte avec plaisir, mais mes quelques dizaines d’heure d’exploration me semblent suffisantes à tirer certaines conclusions, tout en ayant conscience de ne pas avoir joui pleinement du jeu. Toujours est-il que j’aime mieux le reconnaître d’emblée que de vous faire croire qu’en une poignée de semaines je maîtrise tous les aspects du jeu alors que je me contenterais de piocher dans les tests d’estimés collègues.

Conan Exiles

De la nudité à la barbarie

On commence Conan Exiles nu – ou presque, puisque certains pays la censurent sur certains supports, ou qu’elle demande quelques manipulations sur un serveur la tolérant pour être activée. Il va de soi que même en commençant nu, vous ne le resterez pas longtemps, une telle exposition dans un monde aussi impitoyable étant suicidaire, mais la communauté attache énormément d’importance à cette possibilité, à la fois parce qu’elle reflète la crudité du monde d’Howard (comme la possibilité… d’avoir des esclaves plus tard dans la partie, en détruisant la volonté de nos captifs !), parce qu’elle permet littéralement de débuter nu comme un ver pour faire progresser son personnage… et parce que c’est assez drôle et régressif. Surtout quand vous savez que vous pouvez modifier la taille de la poitrine féminine… ou de certaine partie du corps masculin.

 

 

Il va de soi que ce n’est pas le seul élément personnalisable d’un personnage que vous créez de fond en comble, même si, comme souvent, la multiplicité d’options aboutira rarement à un résultat vraiment joli – n’y passez pas trois heures, cela vous frustrera plus qu’autre chose. Outre le genre, la voix, les cheveux, yeux, taille etc., vous pourrez par exemple choisir votre ethnie : Cimmérien, Hyborien, Nordique, Stygien…

 

 

Le plus intéressant sera sans conteste… de choisir votre religion, et donc d’adorer Crom, Set, Yog, Mitra, Ymir ou Darketo. Vous pourriez être tenté de vous décider pour Crom, bien sûr… mais il n’offre aucun avantage, ce dieu distant et froid ne s’intéressant pas aux hommes. Amusant. Les plus utiles pour un joueur débutant/moyen seront sans doute Mitra et Set, qui offriront la possibilité de soigner ses blessures ou de guérir du poison. Mais renseignez-vous avant sur l’intérêt de chacun pour trouver celui qui vous correspond le mieux, sachant que vous pourrez découvrir d’autres religions au cours de la partie, mais pas tout de suite. Tous les dieux (sauf Crom) bénéficient également d’un avatar, une forme vraiment démesurée que vous pourrez invoquer pour annihiler vos ennemis. Mais tout se mérite : ne vous attendez pas à bénéficier du moindre avantage en tout début de partie, pour obtenir les faveurs d’un dieu, il faudra suivre des rites précis, lui construire un autel couteux…

 

En plus d’être nu, vous démarrez votre partie… crucifié. Quand je vous disais que vous étiez au fond du fond ! Conan lui-même passe heureusement par là, vous libère et vous enjoint de suivre un chemin de pierres morcelé… qui vous conduira seulement au premier point d’eau, grouillant de premières présences hostiles, rien de plus. Vous apprendrez alors (à la dure généralement) à satisfaire déjà vos besoins vitaux, en allant consommer quelques insectes et boire, avant de tenter de vous poser pour comprendre comment faire davantage. Un processus qui paraît simple, mais pourra vous coûter déjà une vie ou deux si vous essayez de combattre une créature ou êtes rassurés de voir quelques humains au loin. Certains combats sont d’emblée faisables, mais vous n’en retirerez au mieux que des blessures, et avez donc tout intérêt à les éviter tant que vous n’avez aucun intérêt à prendre des risques.

 

 

Étant donné qu’une mort vous ramène au tout début du jeu, votre priorité sera sans doute de construire une paillasse, qui servira de point de respawn, et sera donc un élément absolument essentiel pour commencer à vous approprier les lieux. Le menu vous indique quelles ressources il vous faut, et vous pouvez partir les récolter, sachant que les objets les plus élémentaires n’exigeront que des ressources elles-mêmes élémentaires, fibres végétales, cailloux, branches. Quelques vêtements rudimentaires vous protègeront un peu du froid tout en vous offrant une défense minimale, tandis que quelques armes simples vous aideront à vous sentir moins impuissant, et même à terrasser vos premières créatures pour recueillir leur viande ou sécuriser un lieu aux ressources abondantes, et que quelques outils vous permettront d’accéder à plus de ressources, en quantité comme en nature.

C’est qu’en bon jeu de survieConan Exiles requiert de prêter la plus grande attention à plusieurs paramètres, la soif, la faim, l’encombrement et la température, en plus de circonstances temporaires comme l’empoisonnement. Si vous voulez survivre quelques heures, vous serez ainsi bien inspiré de vous faire vite un feu afin de cuire la viande et ainsi de l’assainir, de vous préparer une gourde pour voyager dans des régions où l’eau peut être rare, et de surveiller le vieillissement de vos aliments. Méfiez-vous tout de même, on est très vite encombré dans Conan Exiles, ce qui aboutit à des déplacements d’une lenteur assez insupportable, de sorte qu’il faudra savoir être bien équipé et voyager léger en même temps.

Quand vous en sentirez le besoin, ou juste que vous en aurez envie, vous construirez enfin une base, petite cabane pour commencer, avec un plancher, quatre murs et peut-être même un toit, véritable forteresse complètement aménagée plus tard. N’y attachez pas une importance démesurée au début, parce que l’absence de téléportation vous empêchera d’y revenir aisément, et vu la taille vraiment importante de la carte, revenir en arrière pour un abri de fortune n’aura aucun sens. Il faudra donc que vos premières bâtisses soient des bases d’opération temporaires, à partir desquelles vous explorerez une zone dans tous les sens, d’autant que la récolte de ressources est assez longue et répétitive pour vous décourager de construire une maison tous les dix mètres.

 

 

On pourra alors déplorer une interface assez vieillotte, indiquant heureusement clairement quelle ressource il faut pour construire quoi (une fois que l’on aura compris où le crafting se passe), mais avec un système de tri des recettes peu opérant, et les affichant dans de si petites fenêtres que retrouver les bonnes pourra demander un peu de temps, et que l’immersion s’en trouvera un peu affaiblie. À mes débuts, je ne parvenais ainsi juste pas à saisir comment faire des cordes à partir de fibres végétales, et je n’ai toujours pas compris pourquoi j’ai fini par les retrouver dans ma liste d’objets craftables alors que je les y avais longuement manquées. Assurément ma faute, mais dans un jeu vous invitant à ce point à vous débrouiller par vous-mêmes, sans aucune forme de tutoriel, on ne s’attendrait pas à ce que la difficulté vienne aussi des menus.

 

C’est que vous débloquerez de très nombreuses recettes dans Conan Exiles, en attribuant les points acquis à chaque montée de niveau à des recettes particulières dans différents domaines, de sorte que l’on perd vraiment quelque chose à ne pas pouvoir y naviguer agréablement, même si cela n’empêche pas le crafting d’être agréable parce que très complet et varié, et même tout à fait logique, tout objet faisant ce que l’on peut attendre de lui. Un enjeu bien sûr au cœur d’un jeu… de survie et de crafting.

Notez d’ailleurs bien que Conan Exiles n’est « que » ça, un jeu de survie et de crafting, sans campagne scénarisée. Il y a bien un peu de lore et quelques amorces de quête, mais sur lesquelles vous tomberez presque par hasard (j’ai d’ailleurs vu beaucoup de joueurs les manquer tout à fait) et dont il serait ridicule de dire qu’ils rendent le jeu un tant soit peu narratif. Je m’étais un peu renseigné sur le jeu avant de me lancer, sans non plus y passer des heures, et la com officielle ne me semblait pas mettre en avant l’absence totale de véritable fil rouge. Pour le coup, cela m’a un peu manqué, même une fausse campagne finissable en 15 heures et prétexte à se lancer dans ce monde.

 

Les compagnons, l’une des nombreuses additions au jeu après sa sortie.

 

Peut-être aurait-il suffi d’indiquer dès le début de la partie où trouver une première quête pour surmonter ma déception toute relative, mais je conçois que cela aurait été contraire à l’esprit de Conan Exiles, un jeu décidément ennemi de tout point d’intérêt sur la map ou de tout point d’exclamation au-dessus des PNJ. Et il va de soi que proposer un semblant de campagne aurait suscité plus vite la lassitude des joueurs l’ayant finie, alors que leur absence permet de passer 1 000 heures à Conan Exiles sans les compter.

Vous devez ainsi savoir que vous jouez pour construire et explorer, sans vraie fin qui se dessine, une philosophie à laquelle il faudra adhérer avant même de se lancer dans ce monde inhospitalier, et qui pourra alors seulement s’avérer très stimulante. Outre le système de craft et de survie joliment complet, on l’a dit, parcourir les environnements est en effet un véritable plaisir tant ils sont nombreux et distincts, profitant bien des possibilités d’escalade ou d’être parcourus en monture, possédant chacun sa faune, ses particularités environnementales, et de nombreux éléments de terrain spécifiques qui vous impressionneront tout en vous offrant des points de repère assez forts. Si Conan Exiles n’est pas un jeu graphiquement à la pointe, même pour un titre de 2018, il bénéficie ainsi d’une bonne direction artistique, ce qui est beaucoup plus important encore.

 

 

Ce qui pourrait le mieux s’apparenter à un semblant de système de quêtes est le Périple, qui donne des étapes toujours plus complexes pour progresser dans tous les domaines : construire une paillasse, tuer un ennemi, cuire de la viande, etc., et constitue la manière la plus simple et rapide d’engranger des points d’expérience. Le Périple est ainsi une invitation bien pensée à persévérer, à essayer des choses, à tâter de la variété de Conan Exiles, sans être du tout dirigiste puisque tout à fait facultatif et n’imposant pas d’ordre donné dans lequel accomplir ces tâches uniques, seulement un classement par difficulté.

 

 

Ce rapide parcours de Conan Exiles ne serait pas complet sans évoquer un système de combat… sur lequel j’ai encore du mal à me faire un avis. D’un côté, l’IA est assez faible, ce qu’elle compense par son agressivité et ce qui colle assez bien à un univers plutôt primaire. En outre, le feeling des armes et des coups n’est pas très travaillé, et on aura souvent plus l’impression de taper une hitbox que d’utiliser une arme contre un adversaire. À côté de ces constats qui pourraient sonner comme une condamnation, on appréciera cependant des armes vraiment variées (jusqu’aux armes de siège !) dans leur nature, leurs possibilités et leur fonctionnement, un bestiaire riche dont on aura invariablement plaisir à percevoir les particularités, et des donjons qu’il est aussi satisfaisant de découvrir que d’explorer et de surmonter.

 

 

Conan Exiles peut être pratiqué en solo. Il est alors assez solide, mais pourra naturellement lasser par son absence de squelette narratif. Cette possibilité est presque plus un bonus qu’une véritable manière d’apprécier un titre clairement conçu pour le multijoueurs, et où je recommanderais surtout de jouer coopérativement avec une petite équipe d’amis. La sensation de progresser, de vaincre des ennemis et de construire ensemble, en particulier dans un monde aussi impitoyable et aussi fidèle à l’esprit littéraire et cinématographique de Conan, donne simplement une toute nouvelle dimension au jeu.

Il va de soi que vous pourrez aussi le pratiquer de façon plus offensive, la survie dans ce monde hostile s’accompagnant de la peur de croiser un autre joueur humain belliqueux, puis, une fois que vous vous serez un peu développé, du désir de rencontrer enfin des adversaires dignes de vous sur cette carte immense afin de raser leurs forteresses (oui, selon les règles du serveur, le pvp peut s’avérer assez punitif).

Il serait malhonnête de passer sous silence le principal problème rencontré par Conan Exiles à ses débuts, à savoir la pléthore de bugs qui lui avaient valu d’être assez conspué, notamment par la presse, et malgré une fanbase nettement plus enthousiaste. C’est l’inconvénient de critiquer un jeu day one (même si le reproche était légitime) sans mettre à jour son texte une fois les très nombreux patchs appliqués. Je dois ainsi avouer ne jamais avoir rencontré un seul bug flagrant et handicapant en quelques dizaines d’heures de jeu. Cela ne veut pas dire qu’il n’y en avait pas, mais pas plus que dans n’importe quel autre gros jeu similaire, ce qui témoigne manifestement d’un important travail des développeurs pour nettoyer progressivement leur produit.

 

 

Conan Exiles : un jeu barbare ?

Dire qu’il faut adhérer à la philosophie d’un jeu pour l’apprécier est une tautologie, mais particulièrement vraie pour Conan Exiles. Il faut ainsi avoir conscience de l’absence de véritable scénarisation dans un jeu particulièrement conçu pour l’excitation du multi-joueurs avant de se lancer dans le monde de Robert E. Howard, au risque d’être déçu par des « lacunes » en fait parfaitement assumées par le titre.

Une fois que l’on a calibré ses attentes à ce que veut proposer le jeu, Conan Exiles s’avère extrêmement convaincant, excitant même, et je ne m’étonne pas que des joueurs parlent avec des étoiles dans les yeux de leurs centaines voire millier d’heures passées à survivre. Si l’interface de crafting pourrait aisément être plus agréable, jolie et intuitive, et si les sensations des combats sont perfectibles, il tient parfaitement ses deux promesses génériques : en commençant nu sur une croix et sans aucun tutoriel, on apprend la survie à la dure, mais le jeu est assez bien fait pour que l’on comprenne très logiquement comment rester repu, sain et au chaud, tandis que le crafting est riche et varié, pour équiper son barbare dans ses exigeantes explorations ou construire une forteresse aussi redoutable que belle et personnelle.

Tout cela dans un monde qui transpire le respect du joueur, qui bénéficie régulièrement d’additions (agrandissement du monde, compagnons, montures…), comme le respect du lore original, sans même avoir besoin d’histoire ou de nous inonder sous les journaux de quête, lettres et autres livres, juste en nous permettant d’explorer l’authentique monde du Cimmérien sous le regard cynique mais admiratif de Crom.

 

4 Commentaires

  1. Je me permets de te corriger. Il y a un bien un fil rouge : obtenir certains artéfacts qui permettront à ton personnage de se défaire de son bracelet et par la même de quitter les terres d’exil. C’est fait précisément pour le jeu solo ou coop. C’est quelque chose à découvrir en cours de jeu en faisant les bonnes rencontre…

    • Merci pour la correction, mais c’est justement pour cela que je précisais « véritable » en parlant d’ « absence de véritable fil rouge ». Un fil rouge que l’on découvre un peu au hasard et qui n’a que l’intérêt que le joueur veut lui donner, surtout quand à terme il s’agit ainsi de mettre un terme à un jeu qui n’est pas vraiment conçu pour finir, me paraît un peu faible pour considérer que Conan Exiles a la moindre consistance narrative – c’est pratiquement plus un gadget pour faire miroiter une quête principale secrète qu’une histoire, aussi ténue soit-elle. Cependant, j’entends très bien que c’est une question de point de vue, et que ce qui ne me suffit pas peut très bien suffire à d’autres pour estimer que si, le jeu a bien un vrai fil rouge, donc merci d’avoir partagé ton sentiment à ce sujet 🙂

    • Bonjour Dorian ! Alors je répondais un peu à ta question dans l’article : « Conan Exiles peut être pratiqué en solo. Il est alors assez solide, mais pourra naturellement lasser par son absence de squelette narratif. Cette possibilité est presque plus un bonus qu’une véritable manière d’apprécier un titre clairement conçu pour le multijoueurs, et où je recommanderais surtout de jouer coopérativement avec une petite équipe d’amis. La sensation de progresser, de vaincre des ennemis et de construire ensemble, en particulier dans un monde aussi impitoyable et aussi fidèle à l’esprit littéraire et cinématographique de Conan, donne simplement une toute nouvelle dimension au jeu. »
      Après, tout dépend bien entendu de ce que tu y cherches. Si ce que je dis dans l’article sur le survival, la construction, la narration te parle, n’hésite pas à te lancer 🙂

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