Call to Adventure : à la manière de Fable, écrivez votre destin héroïque !

 

Le jeu Fable, notamment conçu par Peter Molyneux, est l’un de mes jeux vidéo préférés, et il me semble que cette prédilection est très loin d’être originale. J’y appréciais particulièrement la personnalisation du héros, sa montée en puissance, la possibilité de choisir entre le Bien et le Mal en se laissant constamment la liberté de faire des efforts dans le sens inverse, et la narration très classique mais particulièrement efficace sur le Héros qui accomplirait sa destinée en sauvant le monde.

Tout me portait donc vers le Call to Adventure conçu par les frères Chris et Johnny O’Neal, à la fois auteurs et éditeurs du jeu au sein de leur structure Brotherwise Games (UnearthBoss Quest) : on y aurait précisément la mission de développer un héros de ses débuts à l’accomplissement de sa glorieuse destinée, avec des choix moraux, dans un univers med-fan, avec cette curiosité qu’il s’agirait d’un titre compétitif et court, plus soucieux de combinaisons que de scénario, et ne cherchant donc pas du tout à rivaliser avec un Gloomhaven par exemple – tant mieux, Gloomhaven existe déjà.

À ces promesses intrigantes, Call to Adventure ajoute des illustrations sublimes dues à une longue liste d’artistes dirigés par Matt Paquette (Tiny TownsMystic ValeThunderstone QuestEcosSagradaBosk…), dès la couverture qui a sans doute joué dans votre curiosité pour le titre et donc pour un article le traitant, et une localisation ces jours-ci par La Boîte de jeu, tout de même éditeur de It’s a Wonderful WorldMontanaHunsCerbère… Cela a de quoi inspirer confiance.

Vendu 33 eurosCall to Adventure s’adresse à 1 à 4 aventuriers (idéalement deux en compétitif) de 12 ans et plus pour des parties de 30-45 minutes.

Notez que ce test repose sur la version anglophone de Call to Adventure, et que le vocabulaire pourrait donc différer de celui de la VF.

 

L’appel à l’aventure

 

Au début de l’aventure, on définit les fondements de notre personnage, d’où il vient, ce qu’il veut faire et à quel destin il est appelé. Pour cela, chacun reçoit deux cartes Origines, deux cartes Motivation et deux cartes Destinée, en choisit une et défausse l’autre. L’origine est posée face visible sur le premier emplacement de son plateau personnel, la motivation face visible sur le deuxième et la destinée face cachée sur le troisième, afin de fonctionner comme un objectif personnel dont le héros est le seul à avoir connaissance.

On pourra ainsi aussi bien être un noble qu’un pickpocket ou un mendiant, choisi par la Lumière ou poussé au désespoir, appelé à devenir l’héritier du trône ou une force pour les ténèbres…

Sur la gauche du plateau, une échelle de moralité, où un marqueur indique pour l’heure notre neutralité.

Enfin, on installe les trois decks Histoire (correspondant aux actes I, II et III) sur la table. À côté de chacun on dispose ses quatre premières cartes (ou cinq à quatre joueurs), face visible pour l’acte I, face cachée pour les deux autres.

Il ne reste qu’à donner à chacun une carte Héros pour constituer sa main, ainsi que 3 points d’expérience, et à mettre à disposition de tous les runes et les decks Antihéros et Héros, et la partie peut déjà commencer !

 

 

Notez que si cela vous paraît trop long, vous pouvez encore gagner du temps en ne posant pas les cartes des Actes II et III pour attendre plutôt le moment où cela sera imposé par les règles, mais vu la concision de cette mise en place, favorisée par un matériel assez intuitif et un thermo très bien fait, cela ne paraît pas du tout nécessaire.

On appréciera surtout que l’on nous implique d’emblée en nous demandant de choisir nos trois cartes Personnage, en tentant idéalement de trouver des synergies, et bien sûr en nous invitant à analyser les quatre cartes de l’Acte I par rapport à notre carte en main et ce que l’on a devant soi, afin de définir une première ébauche tactique.

 

 

Il faut aussi dire que l’illustration de couverture n’est pas trompeuse, les cartes sont vraiment aussi somptueuses, et on en viendrait à regretter qu’elles ne soient pas plus grandes encore pour mieux nous plonger dans leur atmosphère. Les runes ne sont pas en reste, véritables dés à deux faces conçus dans une espèce de caoutchouc évitant de craindre leur destruction à force de lancers.

Les points d’expérience seuls peuvent paraître un peu cheaps par rapport à ce que l’on trouve aujourd’hui dans tant de petits jeux (y compris Word BankAztec…), puisque les éditeurs en ont fait des jetons de plastique en forme de gemmes rouges taillées, mais aux finitions imparfaites, coupées en deux et creuses. Absolument rien de problématique, et cela reste assez joli, mais un cran en-dessous de la réussite matérielle générale de Call to Adventure.

 

Une vie glorieuse en trois actes plus ou moins héroïques

 

Une partie se déroule en trois actes (trois manches) chacune constituée d’environ trois tours par joueur.

Lors de son tour, on se contente de prendre l’une des cartes face visible à côté des decks Histoire. Si aucune ne nous convient, on peut dépenser des points d’expérience pour en remplacer par d’autres cartes de la même pioche.

Ces cartes Histoire peuvent être de deux natures.

Certaines sont des traits de personnalité, exigeant généralement de dépenser un point d’expérience ou de posséder un symbole précis de capacité (force, sagesse, charisme…) sur l’une de nos cartes sur le plateau personnel pour l’ajouter à la carte correspondant à l’acte en cours. On regrettera qu’une information aussi simple apparaisse textuellement, quand quelques pictogrammes très simples auraient facilité l’assimilation immédiate des cartes en jeu.

Vous entrapercevez déjà la dimension combinatoire de Call to Adventure : en possédant les bonnes cartes, vous pourrez en acquérir d’autres gratuitement. On pourra par exemple être un enfant trouvé au premier acte, assoiffé de vengeance au second, damné au troisième.

Les traits confèrent des Points de Triomphe ou de Tragédie, des symboles de capacité, des symboles d’histoire et une capacité passive, permettant souvent de gagner des points d’expérience au premier acte ou d’en dépenser pour des symboles de capacité supplémentaires au deuxième.

 

 

Les autres cartes sont des épreuves : sur leur bord gauche apparaît leur difficulté avec deux symboles. Toute situation peut être résolue de deux manières, par la voie apparaissant au sommet de la carte et par la voie apparaissant en-dessous, chacune octroyant une récompense différente et l’une augmentant d’un point la difficulté de l’épreuve. Face à un donjon périlleux, vous pouvez par exemple vous plonger dans les ténèbres pour continuer l’exploration (et gagner 1 Point de Tragédie avec un symbole) ou vous échapper avec le trésor (et piocher une carte Antihéros en gagnant un symbole), ce qui est légèrement plus difficile.

Afin de surmonter l’épreuve, vous devez lancer des runes et espérer avoir autant de succès que sa difficulté. On lance systématiquement les trois runes basiques (qui peuvent ajouter 1 succès, 0, ou 0 et permettre la pioche d’une carte Héros ou Antihéros), et pour chaque symbole que l’on aurait sur notre plateau personnel et qui coïnciderait avec les symboles requis pour l’épreuve, on lance la rune correspondante.

L’épreuve donnée en exemple favorise logiquement les héros possédant une bonne constitution et de la dextérité. Toutes les runes de capacité fonctionnent de la même manière, avec une face octroyant 1 succès et une face en octroyant 2. Si l’on possède trois symboles identiques, on peut lancer la rune spéciale liée à cette capacité, dont une face octroie 2 succès, et l’autre 1 point d’expérience, une carte Héros ou une carte Antihéros.

 

 

En outre, on peut choisir de dépenser des points d’expérience pour lancer autant de runes sombres, jusqu’à trois. Une face octroie 1 succès, et l’autre 2 succès mais fait descendre d’un cran notre marqueur de moralité. Or être trop lumineux ou sombre empêche de jouer respectivement des cartes Antihéros et Héros, et arriver tout au bas de l’échelle retire 4 points de Triomphe et la possibilité d’avoir à nouveau recours aux runes sombres – forcément, on ne peut plus descendre.

Remporter une épreuve permet de la placer sous la carte Personnage de l’acte en cours, tandis qu’échouer la défausse et nous octroie un point d’expérience. Cela vous paraît une conséquence étonnamment peu punitive ? Comme vous le verrez, perdre une occasion de prendre une carte est une punition en soi, que vous pourriez payer très cher à la fin de la partie si vos adversaires réussissent toutes leurs épreuves ou se contentent de traits de personnalité, et finissent donc avec plus de cartes que vous…

D’où l’attrait pour le Mal, joliment thématique dans sa facilité mais ses gains en Points de Tragédie moins importants que les gains en Points de Triomphe du sentier lumineux, voire nous retirant des Points de Triomphe quand on a plongé au fond de l’ignominie.

Deux barreaux de l’échelle seulement permettent de poser des cartes Héros ou Antihéros, les autres nous limitent logiquement aux actions cohérentes avec notre moralité, d’autant qu’une fois posées, elles sont conservées pour les points de Triomphe et de Tragédie qu’elles rapportent. Ces cartes peuvent ajouter des runes à nos lancers, remplacer une carte Histoire, obtenir plus de succès…

Certaines, très rares, offrent même un peu d’interaction en exigeant par exemple d’un adversaire qu’il retente une épreuve. Mais elles sont très loin d’être mes préférées. Si à deux joueurs elles permettent à la rigueur d’enquiquiner l’autre (mais vraiment pour l’enquiquiner, sans en tirer réellement profit), à plus leur rareté ralentira juste un adversaire ciblé au profit de tout le reste de la table, pour une action assez injuste.

Parmi les cartes Histoire, on pourra piocher des alliés (aux actes I et II) ou des adversaires (aux actes II et III), que les règles conseillent de n’utiliser qu’après plusieurs parties. Un allié sera placé sous une épreuve au choix du joueur, et ajoutera un point de difficulté aux deux voies de résolution. En triompher malgré tout nous permettra de conserver l’allié près de notre plateau pour un bonus permanent – souvent gagner un symbole de capacité en le sacrifiant ou en dépensant un point d’expérience, en plus d’un symbole Histoire.

Un adversaire est une épreuve ne proposant qu’un sentier, altérant parfois légèrement les règles du jeu et offrant un bénéfice très appréciable une fois vaincu.

 

 

Un acte s’achève dès qu’un joueur a trois cartes Épreuve et/ou Trait sous la carte Personnage de cet acte. Il dévoile alors les cartes Histoire de l’acte suivant. Un joueur « à la traîne », n’ayant pas achevé son origine alors que les cartes du deuxième acte seraient dévoilées, pourrait tenter d’en récupérer une pour compléter son premier acte. Mais à partir du moment où il a acquis une carte du deuxième acte, il ne peut plus en prendre du premier, et même chose pour l’acte III qui lui bloque désormais l’acte II : il est passé au stade suivant de sa destinée et ne peut plus revenir en arrière.

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Notez que sur ces points, le manuel de règles en anglais est affreusement peu clair, ou plutôt semble très clairement se contredire tout à fait. L’un des auteurs a heureusement apporté ses explications sur un forum, et La Boite de jeu a manifestement été très sensible à l’éclaircissement de ce point dans sa VF.

Les idées sont en tout cas intéressantes, mécaniquement pour aider un joueur à rattraper son retard en ambitionnant tout de suite des cartes plus puissantes que ce que son acte aurait dû lui permettre ; thématiquement et mécaniquement parce qu’il serait « trop facile » de prendre des cartes du premier acte en étant à l’acte III pour vite mettre fin à la partie ou compléter une collection de symboles Histoire, aussi frustrant soit-il de voir sur la table de quoi l’enrichir sans avoir le droit de le faire. C’est aussi pourquoi certains proposent de défausser les cartes Histoire des actes que tout le monde aurait passés, une bonne manière de symboliser la progression et d’empêcher tout regard en arrière, et que j’ai adoptée.

 

 

Quand un joueur a placé trois cartes sous sa destinée, tous les autres jouent encore un tour et la partie s’achève, impliquant bien sûr que l’on n’aura pas nécessairement tous trois cartes Histoire pour chaque Acte. Si Call to Adventure a les allures d’un jeu solo à plusieurs, cette dimension de course octroie au moins de l’intérêt à l’existence des autres autour de la table, ajoutant de la tension aux épreuves, que l’on peut échouer, au risque de finir avec moins de cartes que nos adversaires, mais dans l’ensemble plus profitables bien sûr que les traits de caractère. Un tel risque implique cependant qu’on ne se lancera dans une épreuve qu’avec la certitude relative de l’emporter, puisque finir la partie avec une carte de moins peut aisément s’avérer fatal.

On dévoile alors nos cartes Destinée en comptant les points que nous rapportent les deux objectifs représentés : 5 points pour telle association de trois symboles de capacité, 1 pour chaque symbole d’Histoire d’un certain type, 1 pour chaque symbole de capacité précis, 2 pour chaque allié sacrifié, 4 points de Tragédie si l’on est au troisième ou quatrième échelon le plus bas, 1 point pour chaque carte de notre Histoire figurant un gain de points de Tragédie…

On y ajoute les points de Tragédie et de Triomphe apparaissant sur nos cartes Personnage, 1 point par carte Héros et Antihéros, ceux de l’échelle de moralité, 1 point par jeton d’expérience, et 2/4/8 points pour chaque collection de 2/3/4 symboles Histoire identiques (divinité, justice, nature, arcanes, royauté et vilénie).

 

 

Je trouve personnellement dommage de ne dévoiler la carte Destinée qu’à la fin. Il est vrai que l’on peut déjà gêner un adversaire en prenant une carte qu’il visait probablement pour son symbole Histoire, ou qu’il lui aurait été facile de remporter grâce aux symboles requis. Mais la carte Destinée représente une quantité assez importante de points, qu’il est pratiquement impossible d’évaluer, même à deux, vu toutes les raisons pouvant porter un adversaire vers une carte en particulier, et la diversité des objectifs qui y apparaissent. Peut-être s’agit-il seulement d’une manière de nous décourager d’évaluer les points des autres pendant la partie pour nous focaliser sur notre héros.

De toute manière, à 3 ou 4 joueurs, on n’a pas vraiment le loisir de bloquer les autres au détriment de notre progression personnelle. J’encouragerais tout de même ceux qui pratiquent Call to Adventure en duel à montrer leur carte Destinée aussitôt qu’ils achèvent le deuxième acte, afin d’ajouter une dimension un peu plus interactive à la configuration s’y prêtant le mieux, et une couche tactique qui me paraît avoir du sens – n’hésitez pas à me dire si vous n’êtes pas d’accord !

Si l’on fait abstraction du « problème », qui n’en est pas vraiment un à partir du moment où vous acceptez de jouer pour vous et pas particulièrement contre les autres, on appréciera l’assez bon équilibre du décompte final entre quantité de manières de scorer, et donc assez grande liberté au cours de la partie dans les cartes choisies afin de ne jamais être injustement « bloqué », et inattendue simplicité du calcul.

 

L’aventurier solitaire ou l’aventure collective !

 

Call to Adventure a l’intéressante idée de se doter de règles solo et coop, même si elles sont clairement qualifiées de « variantes ».

Pour cela, on définit un ennemi parmi les 6 cartes Adversaire, et on l’associe à sa carte Quête spécifique, à la carte générale Ascension de l’Adversaire, à la carte Conditions de victoire correspondant au nombre de joueurs et à un deck comprenant les cartes Antihéros marquées d’un symbole particulier, toujours les mêmes quel que soit l’adversaire. Je dois dire que je trouve très amusante cette idée de prendre un ennemi relativement commun dans les parties compétitives pour en faire un archennemi dans les parties coopératives !

On améliore son personnage normalement, à cette exception près qu’en obtenant la face d’une rune basique permettant de piocher une carte Héros ou Antihéros, on le fait puis on dévoile la carte du sommet du deck Adversaire en subissant son effet.

Une fois que l’on a collecté 8 cartes Histoire, on affronte l’Adversaire, évidemment plus puissant que dans sa version « normale ». Si on échoue, on continue encore et encore, jusqu’à le vaincre et à le placer sous notre carte Destinée comme neuvième carte.

La difficulté vient du fait que l’Adversaire gagne la partie s’il accumule une certaine quantité de points d’expérience, dont les conditions d’obtention sont définies par sa carte Quête (par exemple 1 point d’expérience à chaque fois que l’on échoue une épreuve de constitution, mais un point de moins à chaque fois que l’on monte dans l’échelle de morale) et l’Ascension de l’adversaire : à chaque fois que l’on échoue une épreuve (y compris contre lui), il gagne 1 point, si un joueur finit la partie avec moins de 30 points de destinée (donc Tragédie + Triomphe + Expérience) il en gagne deux de plus. Cela peut aller très vite si l’on n’est pas prudent !

Moi qui ne suis pas très porté sur le solo, je dois bien admettre avoir pris beaucoup de plaisir à cette variante Elle possède l’avantage (considérable pour moi) d’être mise en place extrêmement vite, en plus de renforcer la sensation d’avoir développé son personnage afin de vaincre une menace redoutable en fin de parcours (déjà présente dans les cartes de l’acte III, mais de façon bien moins appuyée). En plus de cela, elle parvient à faire oublier le « problème » d’invisibilisation des points de nos adversaires, puisqu’il n’y en a pas : simplement pas d’autres joueurs en solo, ou en coop des alliés aux intérêts convergents avec lesquels on entretiendra une plus saine rivalité, en calculant tout de même les points à la fin ou en reconnaissant la supériorité de celui qui aura vaincu l’Adversaire.

 

Call to Adventure : êtes-vous appelés par le chef-d’œuvre ?

 

Call to Adventure est un jeu de combinaisons et de collection relativement abstrait, pas une grande aventure narrative, qu’il simule joliment plutôt qu’il ne prétend la faire vivre. À la manière d’un Roll Player, on y est encouragé à faire les choix rapportant le plus de points tout en s’amusant de la manière dont cela peut se traduire thématiquement. Imaginez-vous enfant trouvé de noble lignée, vous enrôlant dans l’armée royale, vous enfonçant toujours davantage dans l’obscurité et la vengeance, pourtant choisi par la Lumière et héritant du trône… Et ce n’est encore qu’un aperçu particulièrement cohérent des possibilités offertes, auxquelles vous ne prêterez généralement attention qu’à la toute fin, vous focalisant en cours de partie sur les symboles et les chiffres.

Si cela vous paraît un peu dommage de choisir des cartes pour ce qu’elles offrent plutôt que pour ce qu’elles signifient, au moins ont-elles le mérite de bâtir en fin de compte un semblant d’histoire. À partir du moment où l’on sait à quoi on joue et où l’on ne place pas d’attentes démesurées et déplacées dans son potentiel narratif, on peut enfin en apprécier sincèrement les petites touches thématiques, la cohérence qu’il y a à développer certaines capacités pour surmonter des épreuves les requérant, ou à se spécialiser dans certaines voies plutôt qu’à se généraliser au détriment du sens et des points, la division assez méta de notre histoire en trois actes, une échelle morale où il est toujours possible de remonter ou de redescendre tout en étant récompensé par l’optimisation d’un sentier plutôt qu’un autre…

La variété des histoires possibles se traduit dans une impeccable rejouabilité, la plupart des cartes ne sortant pas à chaque partie, et l’ordre dans lequel elles apparaissent, ainsi que le tirage des trois cartes Personnage de départ définissant d’emblée nos orientations, renouvellent même l’intérêt d’une même carte selon le moment ou la partie où elle sort. En outre, Call to Adventure propose une variante coopérative/solitaire bien plus solide que ce que l’intitulé de « variante » et la concision des règles à son sujet peuvent laisser supposer. Notamment parce que le manque d’interaction du mode compétitif (surtout à 3 et plus) n’a bien entendu plus d’importance quand on le pratique seul, ou ne produit plus aucune frustration à plusieurs joueurs puisque l’on converge vers le même objectif et qu’on le compense par la communication.

Loin du Gloomhaven ou du Roll Player Adventures auquel son principe pourrait faire croire, Call to Adventure est un jeu misant sur la rapidité de ses parties, une certaine légèreté mécanique soupoudrée d’un hasard que l’on peut tâcher de contrôler et dont on appréciera la manifestation par un lancer de runes, et sur le soin apporté à son matériel et à ses illustrations pour susciter notre admiration et stimuler notre imagination.

 

 

Notez qu’il existe à ce jour une extension et un standalone (ou expandalone ?), The Name of the Wind et The Stormlight Archive, deux noms qui pourraient vous évoquer quelque chose… parce qu’ils adaptent à la mécanique de Call to Adventure deux œuvres très populaires de fantasy, dues respectivement à Patrick Rothfuss et Brandon Sanderson himself ! Leur localisation suivra assurément un succès de la boîte de base, d’autant que les deux boîtes semblent enrichir considérablement le jeu tout en lui apportant un univers littéraire existant, mais elles sont issues de textes plus populaires dans les pays anglophones… Wait and see, enfin j’aimerais beaucoup see ça et ne suis sans doute pas le seul !