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The 7th Continent, LE jeu d’aventure coopératif ?

The 7th Continent

The 7th Continent, LE jeu d’aventure coopératif ?

 

The 7th Continent est le 22ème meilleur jeu de tous les temps et le 7ème meilleur jeu thématique d’après l’agrégateur de référence BGG. TricTrac d’or en 2017, nominé à 5 Golden Geek Awards (qu’il aurait assurément reçus s’il n’était sorti la même année que Gloomhaven, le numéro 1), évidemment Seal of Excellence, après une impressionnante (première) campagne KS ayant récolté un million deux cent mille euros auprès de 12 000 contributeurs… Bref, il est difficile de décrire le phénomène 7ème Continent sans consacrer un long article à son seul succès, ce qui n’est pas l’objectif ici.

Un phénomène d’autant plus impressionnant qu’il n’y a qu’un seul jeu français mieux classé dans les meilleurs de tous les temps, 7 Wonders himself, et aucun dans les jeux thématiques, que ses deux auteurs, Bruno Sautter et Ludovic Roudy (également illustrateur du jeu), se sont auto-édités avec leur maison Serious Poulp, que dans un genre diamétralement évident ils ont également conçu le phénomène du jeu d’ambiance Just One… et on ne parle même pas du séisme provoqué par l’annonce de The 7th Citadel, la suite de The 7th Continent qui sera en financement participatif cette année !

Bref il fallait que je le teste et le présente, surtout en tant que féru d’expériences narratives et grand curieux d’expériences coopératives ! Et cela tombe bien, après des années à le promettre, Serious Poulp s’est enfin doté il y a quelques mois d’une boutique en ligne où il vend une Classic Edition de The 7th Continent, 59 euros pour trois scénarios – et si vous redoutez du kleenex, sachez que cela représente des centaines d’heures de jeu !

C’est donc de cette Classic Edition de The 7th Continent qu’il sera question aujourd’hui, plus précisément du pack de démarrage (69 euros, ajoutant à cette boîte l’extension Le Chant du Cristal, des modes de jeu alternatifs et 100 sleeves. Vous trouverez également sur la boutique un pack de malédictions (59 euros), contenant deux scénarios, une extension, une boite de rangement et des sleeves, un pack d’accessoires classieux (50 euros) avec un playmat, des dés en imitation os, un classeur et un carnet de notes…

The 7th Continent est jouable par 1 à 4 aventuriers (idéalement 2, mais il est aussi particulièrement excellent en solo) de 12/14 ans et plus.

 

Maudits sur le continent perdu

 

Célèbres explorateurs tout juste revenus de la première exploration d’un septième continent mystérieusement découvert au large de l’Antarctique, vous apprenez la disparition de plusieurs autres membres de l’expédition et êtes vous-mêmes terriblement fiévreux. Vous vous réveillez soudain ensemble sur une terre étrange, avec le sentiment qu’une malédiction vous accable et que seule une exploration poussée vous permettra d’en découvrir l’origine et d’en triompher.

On commence donc logiquement par choisir choisir son personnage et par lire sa description : serez-vous la téméraire aventurière Mary Kingsley, la botaniste Keelas McCluskey, le mystérieux médecin serve Eliot Pendleton, le dur Dimitri Gorchov, ou l’infatigable survivaliste Ferdinand Lachapellière ? Dans tous les cas, on prend la carte correspondante, indiquant ses capacités particulières, ainsi qu’un jeton Feu.

 

 

Puis on décide de la malédiction que l’on souhaite subir – ou des malédictions puisqu’on peut les combiner. Vous lancerez-vous plutôt dans L’Offrande aux gardiensLa Déesse vorace ou La Traque sanguinaire ? Chaque scénario est concrétisé par un texte introductif, un indice – une intuition vague et mystérieuse de ce qu’il vous faut trouver, sans que cela explicite bien les conditions de victoire, qui seront définies en cours de partie -, et la carte de départ, sur laquelle chacun pose sa figurine – ou dans la Classic Edition le standee représentant son personnage.

 

 

Sur cette première carte Terrain, des flèches dans différentes directions cardinales indiquent un numéro en chiffres arabes et un autre en chiffres romains. On ne prend pour l’instant en compte que le second, qui indique par exemple qu’il faut juxtaposer des cartes Exploration de niveau I face brouillard visible au terrain de départ.

Comme on s’en doute, la boîte de The 7th Continent propose de nombreuses cartes Exploration de chaque niveau, ce qui crée une certaine imprévisibilité mais permet aux auteurs d’en contrôler la difficulté, évitant que l’on soit immédiatement confronté à des cartes dont le brouillard cacherait les événements insurmontables à ce stade de la partie.

 

 

Enfin, le deck d’action est composé avec les 35 cartes Compétence commune, les 5 cartes Compétence des personnages impliqués dans l’aventure, les cartes Malédiction liées à la malédiction subie et les quatre cartes Malédiction La Mort vous guette.

Et c’est tout ! Par souci thématique et simplification de la mise en place, on ne connaît rien et ne possède rien au début, ce qui implique que si les cartes sont correctement rangées dans les compartiments de la boîte, une partie peut être lancée en quelques minutes, ce qui est très impressionnant pour un jeu se voulant aussi complet !

 

Survie et exploration

 

Dans le principe, un tour de The 7th Continent se déroule très simplement, puisqu’on se contente de désigner collégialement le joueur actif (qui peut très bien être le dernier à avoir joué déjà), qui pourra être aidé par tous les personnages présents sur le même terrain que lui, et ce dernier réalise une action représentée dans un carré blanc sur ce terrain, une carte qui y serait liée, une compétence de sa main, un objet de son inventaire…

Comme on le voit et s’en doute, les opportunités sont en nombre très limité au début et la liberté des joueurs s’enrichit considérablement en cours de partie : tandis que notre avatar voit clairement qu’il ne peut guère qu’explorer prudemment les environs en arrivant presque nu sur un territoire inconnu, au fur et à mesure qu’il connaît le terrain et développe des outils, il commence à maîtriser ce monde et à s’y mouvoir à son aise.

 

 

Toutes les actions se résolvent de la même manière, en commençant par définir leur coût. On peut réduire la valeur indiquée en augmentant d’autant de points la difficulté de l’action (le nombre de succès requis), et on applique les modificateurs des objets, terrains, capacités…

Ce coût correspond au nombre de cartes Action que l’on pioche, avec la liberté d’en piocher davantage, autant qu’on le souhaite. On compte alors les étoiles y apparaissant, qui sont autant de succès, et si on possède le symbole 7 sur nos objets ou compétences, on y ajoute un succès supplémentaire par chiffre 7 apparaissant sur ces cartes. Certains objets et événements peuvent alors octroyer des succès supplémentaires.

 

 

Si des cartes Compétence ont ainsi été dévoilées, le joueur actif peut en ajouter une seule à sa main ou à celle d’un autre joueur ayant participé à l’action. Bien entendu, s’il s’agit d’une compétence de personnage, seul ce personnage peut la récupérer.

On applique enfin les conséquences de l’action. Si la valeur du succès a été atteinte, on applique les effets inscrits dans le cartouche blanc, sinon on applique les effets inscrits dans le cartouche noir s’il y en a. Il s’agira souvent de subir un état, l’empoisonnement, la terreur, la peur, la fatigue, le froid, la faim, la paranoïa, qui constituera un handicap jusqu’à ce qu’une condition particulière soit remplie (une action de soin, de repos, de la musique, de la nourriture…).

 

 

Un tableau représente les chances de réussir une action en fonction de sa difficulté et du nombre de cartes piochées, preuve d’un impressionnant effort d’équilibrage permettant une réflexion bien plus mathématique que ce que l’on pourrait craindre d’un jeu utilisant tant de cartes, une caractéristique souvent associée au chaos.

Chacun vérifie alors qu’il ne possède pas plus de cartes que la limite fixée par rapport au nombre de joueurs, défaussant l’excédent, et on passe au tour suivant.

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Avouez que dit comme cela, The 7th Continent paraît presque élémentaire, tirer des cartes, appliquer un effet, souvent la pioche d’une autre carte. Quand vous savez que cette unique action se décline en une trentaine, chacune avec ses petites spécificités, ses combinaisons, ses conséquences, vous avez un meilleur aperçu de la liberté de vos personnages sur ce continent, et comprenez que ce que vous trouviez élémentaire est en fait une superbe élégance.

Le symbole de l’action ne représente ainsi pas une mécanique propre, mais plutôt la conséquence à laquelle s’attendre. Grimper sur une falaise nous donnera probablement accès au terrain qui se déploie derrière, la difficulté de l’épreuve dépendant de sa hauteur et de son caractère abrupt, l’échec impliquant une chute et donc une blessure.

L’action principale est bien entendu l’exploration du continent : on résout pour cela l’action d’une carte Exploration sur sa face brouillard, que l’on retourne en cas de succès. On applique l’événement/prend l’objet, puis on la remplace par le terrain indiqué, immédiatement entouré lui-même de brouillard, et donc accessible à nos déplacements.

L’une des plus intéressantes et amusantes est la fabrication d’objets. Si l’on possède la carte Compétence Pelle dans notre main, l’action de fabrication coûte 3 cartes Action, moins une si du bambou se trouve sur notre case, moins deux si l’on y trouve du silex. En cas de réussite, on la joue devant nous avec un dé sur sa face 4, indiquant sa durabilité, réduite d’un point à chaque utilisation jusqu’à sa destruction.

On peut alors l’assembler avec un objet déjà présent dans son inventaire à condition qu’ils soient combinables, ce qui permet d’être moins limité par l’inventaire et d’augmenter la résistance du tout. Ces deux avantages sont matérialisés par le dé : on ne peut posséder plus d’objets que de dés, on ne peut augmenter une durabilité au-delà de 6, jolie petite preuve d’élégance.

 

 

S’équiper correctement, de façon de plus en plus puissante afin d’aller toujours plus loin et d’affronter des menaces toujours plus dangereuses, peut prendre un temps considérable quand on ne meurt pas immédiatement. Aussi The 7th Continent inclut-il un système de sauvegardea priori improbable, et en fait proposant très ingénieusement un ordre dans lequel placer toutes les cartes, avec des cartes Sauvegarde associées aux objets pour en rappeler la durabilité ! Cela implique seulement de renoncer à l’exploration déjà effectuée en ne replaçant sur la table que le terrain occupé par les joueurs.et les cartes Exploration alentour.

Cela a un double-avantage : thématique, puisque les héros se reposent et ne se souviennent plus bien du monde qui les entoure, mais que celui-ci reste le même, et que grâce aux différents environnements cela leur reviendra petit à petit ; et pratique, pour une réinstallation très rapide. Si vous vous sentez frustré, rien ne vous empêche bien sûr de prendre le tout en photo pour une reconstitution complète, ce qu’il m’a personnellement paru préférable de faire par moments…

 

 

La longueur des parties peut poser un deuxième problème, la difficulté à réunir les mêmes joueurs autour de la table… Or il est tout à fait possible de quitter la partie en cours ou de la rejoindre avec un nouveau personnage ! Il est d’ailleurs possible qu’une carte indique que l’aventure d’un personnage s’arrête, autrement dit qu’il meure en perdant tout ce qu’il avait, mais que son propriétaire reste dans la partie en en incarnant un nouveau, bien sûr vierge, et auquel il sera bon que ses alliés lui fournissent quelques équipements et de l’aide pour ses débuts !

 

 

L’une des grandes énigmes dans cette description des règles concerne probablement cette histoire de deck d’action, que l’on peut réduire à l’envie afin de réussir des défis. Bien entendu, il y a un puissant revers de médaille… Quand le deck est vide, on mélange la défausse pour constituer une nouvelle pioche. Mais si l’on y pioche une carte Malédiction (sans effet tant qu’elle est dans le deck), la partie est immédiatement perdue. On peut perdre aussi à la mort du dernier avatar, ou lorsqu’une conséquence fatale s’applique à tous les joueurs à la fois.

On gagne cependant… quand on nous le dit clairement sur une carte. Enfin quand on gagne, ce qui, comme vous en jugerez, est assez exceptionnel et procure une satisfaction immense, d’autant qu’elle est pleinement méritée et la conclusion logique de notre quête ! Il faut préciser que le terrain est immuable… quel que soit le scénario que vous choisissiez ! Chaque malédiction vous fait commencer en un point différent d’un même continent, dont vous finirez par retrouver des zones connues, nimbées d’un intérêt nouveau.

 

Le Chant du Cristal

La petite extension Le Chant du Cristal comporte d’abord une malédiction d’initiation en quête des cristaux supposés propulser le sous-marin du capitaine Nemo.

Vous y trouverez également quatre nouveaux modes de jeu, expliqués en quelques lignes à peine et apportant pourtant de toutes nouvelles sensations de jeu !

Le mode prodige simplifie la partie en ajoutant au deck d’action cinq nouvelles cartes Compétence permettant d’être défaussées depuis la main pour réduire la difficulté d’une action de trois points, un double-avantage considérable.

Le mode immortel vous fait commencer avec un médaillon de résurrection. Si vous deviez mourir… vous auriez une deuxième chance, mais je ne vous en dis pas plus !

Le mode extrême représente une vengeance du 7ème continent après votre triomphe d’une malédiction. En la rejouant, toutes les épreuves requérant au moins un succès en requièrent un de plus !

Le mode Un traître parmi nous propose aux joueurs de commencer la partie en piochant une carte Destin. Certains devront ainsi assassiner un autre joueur (ou mourir en échouant) tandis que d’autres pourront se protéger contre une tentative d’assassinat, tout cela sans dévoiler leur rôle bien entendu ! Soyons francs, je n’ai pas conclu ma partie dans ce mode, parce que je n’ai pas vraiment perçu son intérêt, sinon l’immense difficulté qu’il ajoute (perdre la progression d’un allié et dépenser pour cela des cartes Action !) sans aucun gain !

 

The 7th Continent, entre Verne et Lovecraft

The 7th Continent est un impressionnant jeu narratif, non parce qu’il chercherait à nous conter une passionnante histoire linéaire, mais parce qu’il parvient à trouver un inattendu équilibre entre une intrigue contrôlée et la liberté des joueurs, entre un continent au plan unique et une rejouabilité indiscutable, y compris quand on a triomphé (après quelques centaines d’heures de jeu) des trois malédictions de la boîte de base, indépendantes ou combinées.

Cela tient essentiellement à trois qualités bien entendu connectées, un quasi-millier de cartes parfaitement conçues pour qu’au cours de ces longs périples toutes nos actions aient du sens, s’inspirant directement des Livres dont vous êtes le héros mais y puisant une richesse insoupçonnée ; un système d’une extraordinaire élégance, que l’on peut expliquer en deux minutes alors qu’il recouvre des dizaines de possibilités narratives et mécaniques ; un remarquable travail sur l’atmosphère, primant sur la scénarisation pure et dure, qui fait passer subrepticement d’une exploration mâtinée de survie à la Jules Verne à l’affrontement de puissances dépassant l’entendement à la Lovecraft.

Il fallait ces qualités pour attirer autant de joueurs dans une œuvre aussi éprouvante, exigeant de consacrer tant de dizaines d’heures à chaque partie, ou de tant perdre bien avant d’en voir le bout. The 7th Continent n’est ainsi clairement pas un jeu pour tout le monde, mais c’est aussi ce qui le rend si unique et inoubliable, et en fait assurément l’un des tout meilleurs jeux d’aventure existants, inspirant une infinie curiosité pour une 7th Citadel annoncée comme son prolongement et son affinement !

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