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Baron Voodoo – Chassez les dés pour devenir le nouveau Baron Samedi

Baron Voodoo

Baron Voodoo – chassez les dés pour devenir le nouveau Baron Samedi

 

Je découvre l’éditeur Yoka By Tsume avec Baron Voodoo. C’est qu’il se spécialise dans le jeu de société à licence (NarutoSaint-SeiyaOne Punch Man, bientôt Dragon BallDeath Note et My Hero Academia) à côté de quelques fort jolis petits jeux malins (13 CouronnesMauw), s’illustrant donc dans deux catégories pour lesquelles je n’ai pas de penchant particulier (ce qui ne m’empêche naturellement pas d’y apprécier énormément quelques œuvres).

Or Baron Voodoo sort de ces deux logiques pour mettre la qualité éditoriale pour laquelle Yoka By Tsume est réputé au service d’un jeu de dés calculatoire, très joliment habillé du thème rare du vaudou, puisque l’on incarne des Loas tentant de capturer plus d’âmes que leurs rivaux afin de récupérer pendant un an le titre de Baron Samedi et les pouvoirs attenants. Conçu par Yann Dentil, il est en effet superbement illustré par la talentueuse Christine Alcouffe (PharaonPaper TalesYokaiShy Monsters).

Vendu 32 eurosBaron Voodoo s’adresse à 2 à 4 Loas de 10/12 ans et plus pour des parties de 30 à 45 minutes.

 

Le monde des esprits

 

Le plateau central possède 49 cases (en carré de 7 par 7) colorées, où l’on place 48 dés des couleurs correspondantes sur une face aléatoire, la case du milieu seule restant vacante. Ces cases sont creusées afin de garantir l’alignement des dés, un petit effet qui m’apparaît toujours assez « luxueux ». Vous pouvez également disposer chacun un dé à tour de rôle afin de garantir une certaine tacticité, mais cela exigera une véritable expérience de Baron Voodoo, voire une expertise, sans quoi il n’y aura aucun sens à prolonger autant cette étape.

Deux variantes de placement des dés sont proposées, l’une équilibrée afin de ne pas pouvoir accuser un mauvais tirage de sa défaite, et l’autre favorisant les déplacements des dés (par échange et par vol) pour renforcer l’interactivité et le chaos de Baron Voodoo. Pour une première partie, appliquer d’emblée le mode équilibré ne paraît pas une si mauvaise idée, permettant d’apprécier les fourberies sans leur laisser trop d’espace, et favorisant l’apprentissage progressif des subtilités du jeu.

Les joueurs choisissent leur Loa et le splendide plateau correspondant (dans la case 0 de la piste de score duquel ils placent un marqueur), une tuile Protection sur sa face inactive et trois jetons Offrande. On appréciera bien sûr le respect de la parité, deux avatars étant masculins et deux féminins, sans aucune volonté de sexualisation, et le fait qu’on ne nous propose d’incarner aucun personnage à la peau blanche, dans un réel souci de représentativité tordant le cou à tout racisme. Tous quatre sont en outre nommés, et un court texte sur chaque bord de la boîte en livre une présentation liée à leurs pouvoirs, renforçant l’impression d’effort thématique et de cohérence louable entre la mécanique et ce thème.

Et la partie peut déjà commencer, très simplement si ce n’est très vite (le placement des dés prenant tout de même quelques minutes), et de la façon la plus enchanteresse tant ce matériel donne envie de le manipuler, tant cet univers donne envie de s’y plonger !

 

Fourberie et chaos contrôlé pour devenir le Baron Samedi

 

En commençant par le plus âgé, les Loas jouent à tour de rôle.

Au début de son tour, on peut appliquer le pouvoir de son Loa, ou défausser un jeton Offrande pour appliquer le pouvoir d’un autre Loa, utilisé par un joueur ou non :

  • Mamy Wata peut regrouper et déplacer tous les dés d’une ligne vers un bord du plateau.
  • Gran Bwa peut déplacer les dés d’une colonne (c’est-à-dire d’un empilement de dés) sur d’autres dés, à l’exception du dé à sa base.
  • Papa Legba peut déplacer un dé seul (donc non recouvert ni au-dessus d’autres) sur un emplacement vide de la ligne où il se trouve.
  • Erzulie Freda peut échanger la position de deux dés seuls.

Vous envisagez probablement déjà le reproche que j’adresserais à Baron Voodoo. Ces pouvoirs sont extrêmement variés, et la possibilité si peu coûteuse de faire appel à un pouvoir d’un autre avatar rend le tour d’un adversaire proprement imprévisible, tout en risquant de prolonger sa propre réflexion au-delà du raisonnable.

Inutile de dire qu’à 3 ou 4, vous n’aurez pratiquement aucun intérêt à regarder le jeu des autres ou à déjà préparer votre tour suivant tant le plateau est changeant ! C’est que Baron Voodoo n’est pas un titre qui se cerne et s’apprécie dès la première partie, c’est pourquoi d’ailleurs je le trouve plutôt adressé aux joueurs à partir de 12 ans que de 10, une certaine courbe d’apprentissage devant être assumée pour apprendre à profiter de toute sa richesse.

Après avoir éventuellement appliqué ce pouvoir, on doit capturer un dé. Pour cela, on met un dé de sa couleur orthogonalement en sautant une case adjacente déjà occupée par un autre dé, et à condition de ne pas arriver sur une colonne déjà complète (constituée de trois dés). Le dé sauté (ou le premier dé de la colonne sautée) est posé dans la zone supérieure (dite zone de capture) du plateau personnel sur la même face.

 

 

On peut alors réaliser zéro à cinq actions facultatives.

La première consiste à récupérer un marqueur Offrande si le dé capturé est de la couleur de son Loa. Un avantage avec lequel on sera prudents, puisque moins il y a de dés de notre couleur sur le plateau central, moins librement on pourra choisir lequel déplacer au tour suivant. Mais il va de soi que si l’on capture un dé de sa couleur, on n’a aucun intérêt à ne pas réaliser l’action !

La deuxième consiste à dépenser un marqueur Offrande pour changer la face du dé capturé, ce qui est intéressant par rapport à l’action suivante.

La troisième consiste en effet à appliquer l’effet de la face indiquée par le dé :

  • Récupérer un marqueur Offrande.
  • Gagner 1 Point de Victoire (PV).
  • Changer la face d’un dé de sa zone de capture.
  • Retourner sa tuile Protection sur sa face active. Pendant un tour, on ne pourra alors plus nous prendre de dé sur le plateau central ou sur notre plateau personnel.
  • Voler un dé de la partie inférieure du plateau personnel d’un adversaire (son monde des esprits) pour le placer dans la partie inférieure du sien.
  • Échanger un dé de la zone de capture d’un joueur contre un dé de la zone de capture d’un autre.
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Vous craignez de confondre ce que vous pouvez faire dans la zone de capture et dans le monde des morts ? Des pictogrammes le rappellent sur le plateau personnel, avec une illustration non-textuelle du pouvoir de son Loa et les différentes manières de scorer, utilisant idéalement cette surface pour aider les joueurs clairement !

La quatrième consiste à dépenser deux marqueurs Offrande pour rejouer immédiatement un tour (une seule fois par tour cependant, il ne faut pas abuser des bonnes choses !).

La cinquième consiste à déplacer des dés de sa zone de capture vers son monde des esprits afin de marquer des points. Déplacer 2/3/4 dés de couleurs différentes mais portant le même symbole ou de la même couleur mais portant des symboles différents octroie 1/3/5 PV, un dé blanc pouvant être utilisé comme Joker pour une couleur.

 

 

À tout moment, le joueur possédant le plus de dés blancs dans son monde des esprits pose la tuile Baron Samedi sur son avatar, et pourra donc utiliser n’importe quel pouvoir sans défausser aucun jeton Offrande.

Après l’application éventuelle de ces actions, le joueur peut appliquer le pouvoir d’un Loa s’il ne l’avait pas fait au début de son tour, une manière intéressante d’y avoir recours pour gêner ses adversaires si on n’en avait pas eu besoin pour s’aider soi-même. Il va de soi qu’à deux joueurs, on hésitera un peu plus sur le moment où y faire appel, puisque gêner un adversaire aura décidément plus de sens qu’à davantage, mais dans l’ensemble, il vaudra toujours mieux y recourir pour soi si cela peut vraiment aller dans notre sens, puisqu’avec autant de pouvoirs à sa disposition, notre adversaire pourra toujours contourner notre embêtement.

C’est alors enfin au Loa suivant de jouer. Les tours pouvant être assez longs, vous pourriez penser que Baron Voodoo est impraticable à quatre. Ce serait oublier que la quantité de dés sur le plateau central ne diffère pas selon la configuration, de sorte qu’à quatre, on jouera certes moins, mais pour des parties qui ne seront pas plus longues, où chaque action trouvera encore davantage de sens. Un joli équilibrage de la tension selon le nombre de Loas.

La partie s’achève quand un Loa atteint 12/15/18 points à 4/3/2 joueurs ou ne peut plus du tout jouer, y compris avec les pouvoirs à sa disposition. On achève le tour de table entamé afin que tous aient pu jouer autant, puis on déplace vers son monde des esprits tous les dés de sa zone de capture, avec la contrainte de ne pouvoir marquer qu’une combinaison.

On évite ainsi que les joueurs conservent les dés toute la partie durant leurs dés dans la zone de capture en visant les combinaisons les plus lucratives. La peur de disposer de plusieurs combinaisons possibles mais de ne pouvoir toutes les scorer s’ajoute à celle qu’un dé crucial de sa zone de capture soit subtilisé par un adversaire pour inciter à marquer ses points aussi relativement vite.

On y ajoute 3 points pour chaque couleur où l’on aurait la majorité stricte ou 1 point par couleur où l’on aurait la majorité à égalité, et celui qui en possède le plus devient Loa des morts pour un an (ou en fait jusqu’à la prochaine partie, qui ne devrait pas attendre si longtemps) !

 

 

Vous pouvez également pratiquer Baron Voodoo en équipes, avec les plateaux Duo représentant les deux Loas incarnés par les coéquipiers côte à côte. On joue tout de même de façon croisée (un Loa d’une équipe, puis un Loa de l’équipe opposée), mais en partageant marqueurs Offrande, zone de capture, monde des esprits et piste de score. Chacun possédant malgré tout son pouvoir spécifique et sa couleur de dés, une bonne communication sera nécessaire pour trouver les meilleures combinaisons possibles, et vous constaterez que vous ne serez pas trop de deux cerveaux et paires d’yeux tant elles sont nombreuses !

Cette variante est probablement la meilleure manière de jouer à Baron Voodoo à quatre : au lieu d’un plateau chaotique et d’une partie prolongée par les hésitations de quatre personnes différentes, le jeu y trouve plus d’ordre encore qu’à deux ou trois puisque dans chaque équipe deux alliés tentent de lui donner du sens. Elle lui ajoute ainsi un nouveau double-intérêt, celui de la communication en vue d’une coopération, à la fois agréable et stimulante.

 

Baron Voodoo, baron des jeux ?

 

Baron Voodoo apparaît après une partie comme un titre au positionnement paradoxal, du fait de la quantité de possibilités réalisables à chaque tour. Il s’avère ainsi extrêmement calculatoire, ne laissant après tout pas de place au hasard (l’installation passée, on ne lance jamais les dés), et exigeant donc une réflexion solide pour distinguer la série d’actions la plus rentable, et pourtant extrêmement chaotique, puisque cette capacité à bouleverser le plateau pour le faire coller à nos plans empêche d’anticiper quoi que ce soit.

D’autant que cette forte interaction est renforcée par la permission, avec les bons dés, de voler directement ce que l’on s’était déjà attribué et ce que l’on espérait donc assuré. Rien n’est ainsi à l’abri, ni le plateau commun, ni le plateau personnel ; ni ce que l’on voudrait faire ni ce que l’on a fait. Réfléchir autant sans aucune garantie d’efficacité pourra en décourager, et il faudra quelques parties avant d’apprivoiser une telle diversité et de la trouver stimulante.

C’est que l’on a envie de s’accrocher. Si les 48 dés sont un peu bruts, c’est avant tout pour être fonctionnels, empilables et immédiatement lisibles. Difficile donc de le leur reprocher, surtout compte tenu de la perfection matérielle environnante, illustrations, pictogrammes, thermoformage, formes, tout étant pensé pour enchanter !

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