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Creepy Falls : le jeu de placement… de goules, momies et autres loups-garous !

Creepy Falls

Creepy Falls : le jeu de placement… de goules, momies et autres loups-garous !

 

Quand j’ai rencontré Jurgen Devriese à Essen en octobre dernier afin de discuter du calendrier des sorties d’Intrafin, j’ai été surpris de le voir insister sur Creepy Falls à côté des incontournables Mage KnightTerraforming Mars et autres Roll Player. Il regrettait en effet que le jeu d’Alessandro Montagnani, illustré par Max Banshchikov et originellement édité par uplay.it edizioni, n’ait pas eu le succès mérité. D’un autre éditeur j’aurais simplement estimé qu’il tentait peu subtilement de mettre en avant un jeu ayant besoin de promotion, mais le seul fait qu’Intrafin ait sélectionné ce titre dans son extraordinaire catalogue de localisations était un gage de qualité suffisant à intriguer.

Il faut dire que le projet d’un jeu de placement d’ouvriers… où ces ouvriers seraient des goules, momies, sorcières, loups-garous et créatures de Frankenstein avait déjà de quoi susciter la curiosité, mêlant thème ameritrash et une mécanique plutôt eurogame, et promettant donc un certain dépoussiérage de cette dernière par le premier, ou une utilisation pour une fois rigoureuse du premier dans le deuxième, en tout cas un résultat intéressant en termes d’univers et de jeu.

Vendu 37 eurosCreepy Falles s’adresse à 2 à 5 vampires de 12 ans et plus pour des parties d’une heure et demie. Cela vous paraît long ? Mais combien de fois vous lancez-vous dans une partie dont la boîte annonce qu’elle durera 45 minutes et qui en dure finalement 90 ? J’aime finalement mieux ceux qui annoncent une longueur réelle, quitte à décourager les joueurs trop prompts à comparer les promesses illusoires des boîtes de jeu.

Les vampires de Creepy Falls

 

Creepy Falls, c’est cette charmante bourgade gothique, que l’on imagine volontiers transylvanienne, et que convoitent plusieurs vampires, prêts à jeter dans la bataille pour le pouvoir toutes leurs armées monstrueuses. Elle est ainsi représentée de façon fort colorée sur un large plateau central qui sait joliment équilibrer éléments fonctionnels et laisser place à l’illustration.

Chaque vampire reçoit un plateau personnel avec les pistes de Corps, Amulette et Grimoire, sur le 0 desquelles il place le jeton correspondant. Très étrangement, ces plateaux ne sont pas ceux apparaissant dans le matériel, et s’ils arborent une forme plus originale, ils sont beaucoup moins lisibles. Personnellement, je vais jusqu’à utiliser des marqueurs d’un autre titre, à la couleur des joueurs, afin de les placer tous sur le même plateau et ainsi permettre à chacun de constater au cours de la partie l’évolution des autres sur les pistes le concernant aussi.

Les vampires reçoivent également 2 jetons Sang et 1 jeton Âme… qui ne sont pas recto-verso, portant tous sur leur verso le titre du jeu, de sorte que cela les rend assez fastidieux à distinguer si vous les avez un peu mélangés. Pensez à bien séparer les jetons différents dans des sachets différents, en regrettant cette idée étrange de versos identiques.

Ils choisissent alors la composition de leur armée :

  • 5 goules, en avançant d’une case sur les pistes de corps et d’amulette.
  • 3 goules et 1 créature de Frankenstein, en avançant son jeton Corps d’une case.
  • 4 goules et 1 momie.

 

À deux joueurs, on place une goule blanche dans cinq zones, la cimetière, la forêt des ombres, le château sanglant, la bibliothèque occulte et le marais putride.

À trois joueurs, on récupère une goule supplémentaire, et on constitue une pile de 3 jetons Corps, 2 jetons Amulette et 1 Grimoire dont on place aléatoirement et face visible trois exemplaires sur le château sanglant et trois sur le marais putride. On appréciera que des cases représentent trois petits personnages pour indiquer où poser ces jetons et se rappeler cette règle.

À quatre, cette pile est constituée de 5 jetons Corps, 3 jetons Amulette et 2 jetons Grimoire, et ils occupent les 4 emplacements du château sanglant et les 6 du marais putride.

Il ne reste enfin qu’à placer le grand dé Van Helsing dans le champ de citrouilles sur sa face Round 1.

Les monstres envahissent le village !

 

Une partie de Creepy Falls comporte 6 manches, et chaque manche comporte 4 phases.

Durant la première, chacun choisit dans le sens horaire l’une des 7 grandes tuiles Forme, 2 à deux joueurs (en excluant Nuée de Rats). À la Res Arcana, elles octroient un pouvoir durant toute la manche, avant qu’il faille en choisir une nouvelle. On en détaillera les effets plus tard, quand leur intérêt aura plus de sens !

Durant la deuxième, on place alternativement ses unités dans un lieu, en dehors de celui occupé par le dé Van Helsing. On peut en placer plusieurs (y compris de types différents) dans un même lieu au même tour, mais on ne pourra théoriquement plus en placer dans un lieu où l’on aurait déjà posé des unités. « Théoriquement », parce que chacune suit ses propres règles :

  • La goule est l’unité de base, sans aucune particularité.
  • La créature de Frankenstein permet de poser des unités dans la zone où elle aurait elle-même déjà été posée un tour précédent. Particulièrement intéressant pour laisser planer un doute sur l’arrivée ou non d’autres unités dans cette zone ! Les unités ajoutées sont placées avec la créature, y compris si un adversaire en avait posé d’autres entre-temps.
  • Les momies peuvent au contraire être placées dans une zone où l’on aurait déjà posé des unités plus tôt, à condition bien sûr de ne pas être accompagnées d’autres unités. En plaçant une momie dans une zone où l’on aurait préalablement posé une créature de Frankenstein, on ne peut bien entendu plus profiter du pouvoir de cette dernière.
  • On ne peut placer un loup-garou ou une sorcière dans une zone occupée (préalablement ou plus tard) par d’autres unités, empêchant donc tout cumul avec une momie ou une créature de Frankenstein. On ne peut en outre poser plus d’un loup-garou ou plus d’une sorcière dans une même zone.

Durant la troisième, on résout les différentes zones dans leur ordre numérique, donc en pestant un peu contre leur disposition tout à fait arbitraire. On fait ainsi la somme de la valeur de ses unités, octroyant le premier avantage de chaque lieu à celui qui possède le plus de points, et ainsi de suite. En cas d’égalité, l’avantage va à celui qui s’est positionné le premier.

  • Chaque goule et momie vaut 1 point.
  • Les loups-garous valent 2 points. Ils prennent une âme à chaque joueur également présent dans la zone. Si plusieurs loups-garous sont présents dans une même zone, on commence par celui appartenant à l’armée dominante. Un joueur ne possédant plus d’âmes devra détruire une unité au choix par adversaire auquel il ne pourrait pas donner son dû.
  • Les créatures de Frankenstein valent 2 points
  • Les sorcières valent 0 point. Même si elles sont seules, elles ne peuvent ainsi jamais remporter un lieu, mais elles prennent deux âmes à tout autre joueur présent dans la même zone. Si l’on ne peut donner qu’une âme, on le fait et on perd malgré tout une unité au choix.
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Vous vous souvenez qu’à deux joueurs, des goules neutres sont positionnées les premières dans certaines zones. Elles ne gagnent pas les avantages correspondants, mais empêchent les joueurs d’y avoir accès s’ils ne possèdent pas une force strictement supérieure. En outre, trois goules neutres équivalent à un loup-garou, donc à une force de 2 retirant un jeton Âme aux vampires présents. Si l’on avait soi-même un loup-garou ou une sorcière dans une zone avec des goules neutres, on ne gagne aucun jeton Âme, mais on détruit l’une de ces goules.

À trois joueurs, les aménagements sont mineurs, et clairement indiqués sur le plateau : il s’agit simplement d’annuler la récompense éventuellement promise au troisième joueur présent dans la zone (afin de s’assurer que le dernier ne reçoive rien, comme à quatre) et d’adapter le marais putride.

Tous les lieux octroient des jetons Corps, Grimoire, Sang, Âme et Amulette, à l’exception du cinquième, le Champ de citrouilles, n’ayant aucun effet, et du neuvième, le Karloff-113, où l’on peut échanger une goule contre une momie, deux goules contre une créature de Frankenstein, une goule contre deux ressources, ou une goule contre la destruction d’une unité adverse (qu’il choisit). On récupère ses unités après chaque résolution.

 

Durant la quatrième phase, on peut acquérir tant qu’on en a les moyens des goules (pour 3 jetons Corps), des créatures de Frankenstein (7 jetons Corps), des loups-garous (6 jetons Sang) et des sorcières (7 jetons Sang), les momies ne pouvant être gagnées que sur Karloff-113.

Il est également possible de développer sa maîtrise de la magie contre des jetons Grimoire, et d’obtenir ainsi des bonus permanents redoutables mais coûteux : une tuile forme supplémentaire, une réduction d’un jeton Grimoire pour les prochains sorts, possibilité de placer les loups-garous et les sorcières avec ses autres unités, de placer des unités dans la zone occupée par le dé Van Helsing, le lancer une fois par tour du joli dé Récompenses pour gagner la ressource correspondante…

Classés en trois niveaux de sort, il faut au moins maîtriser un sort de niveau 1 pour en acquérir un de niveau 2, et en maîtriser un de niveau 2 pour accéder au niveau 3. On appréciera la possibilité pour tous les joueurs de faire appel à un même sort, ce qui rappelle que Creepy Falls se veut étonnamment rigoureux, évitant les injustices et le chaos de l’asymétrie subie, pour trouver une fort jolie richesse dans l’asymétrie voulue. On reprochera seulement au jeu la taille ridicule des pions Sort (beaucoup plus petits que ce qui apparaît dans la liste du matériel), aussi difficiles à manipuler qu’aisés à renverser.

Après ces achats, il est possible de vendre des ressources. Aux manches 1 à 5, on peut vendre 1 à 5 jetons Corps, Amulette ou Grimoire pour recevoir autant de jetons Sang ; à la sixième, on peut réaliser cette action deux fois, pour vendre deux fois 1 à 5 ressources de deux types ou une fois jusqu’à 10 ressources d’un seul.

 

À la fin de chaque manche, il faut payer le prix du sang, en défaussant 2 jetons Sang, et en détruisant une unité si on ne peut pas défausser les deux.

S’il restait des jetons face visible sous certains lieux, on les défausse et on les remplace comme lors de la mise en place. À deux joueurs, on ajoute une goule neutre dans chaque zone à l’exception du Champ de citrouilles et de Karloff-113 aux manches 2 et 4.

Le dé Van Helsing est placé sur la face correspondant à la manche suivante.

Enfin, chaque vampire repose sa tuile Forme et opte pour une nouvelle. J’apprécie particulièrement la Nuée de rats, qui permet à la fin des placements de poser trois rats sur trois lieux, où l’on remportera les égalités (nombreuses dans Creepy Falls), Nuage de chauves-souris, qui permet à la fin des placements de déplacer une goule vers une autre zone en suivant les règles des momies, ou le Renard volant, grâce auquel on peut durant les placements passer deux fois son tour, mais pas consécutivement, afin de laisser les autres jouer avant nous et de nous adapter ensuite à leurs placements.

Le vampire suivant dans le sens horaire devient premier joueur, et une nouvelle manche débute.

 

La partie s’achève à la conclusion de la sixième manche. Chaque jeton Sang vaut 1 Point de Pouvoir, chaque jeton Âme en vaut 2, et celui qui en cumule le plus remporte la partie. J’aime beaucoup la simplicité de cette conclusion, la facilité du calcul, la relative élégance donnée à ces jetons au détriment des autres, alors qu’ils ne sont pas particulièrement plus difficiles à acquérir, et imposent seulement de renoncer à des avantages pour ceux-là. Or choisir entre des sources de points de victoire et des occasions d’améliorer ce qui a presque des apparences de moteur est toujours une tension particulièrement stimulante dans un jeu de placement !

Creepy Falls, exciting game ?

 

Le pot-pourri de créatures monstrueuses du bestiaire gothique qui orne la couverture de Creepy Falls fait craindre (ou espérer) un jeu d’ambiance, coloré, amusant, chaotique, familial. Si cette image est trompeuse, c’est tout à son horreur : s’attaquer à un thème si ameritrash avec un matériel aussi adorable qu’une galerie de meeples Loup-garou, Sorcière, Momie, Goule ou Créature de Frankenstein et un plateau aussi cartoon créé une attraction visuelle et tactile inhabituelle pour un titre au fond aussi rigoureux.

C’est que l’on est, avec Creepy Falls, dans du pur placement d’ouvriers afin d’obtenir dans des lieux des majorités octroyant des ressources, certaines de ces ressources ayant la valeur de points de victoire, d’autres nous permettant d’acquérir d’autres unités, d’autres enfin nous offrant de menus avantages. Le hasard est presque absent passé la phase de mise à disposition de ressources sur certaines zones, où il suscite la rejouabilité plutôt que le chaos.

Si, sur quelques points, il aurait pu s’avérer plus lisible, plus intuitif, il tente de concilier son relatif classicisme avec des injections thématiques très bienvenues, des pouvoirs uniques le temps d’une manche correspondant à la forme empruntée par notre avatar vampiresque, les spécificités des différentes armées de notre unité avec la possibilité de les transformer, la magie à laquelle il est possible de faire appel pour des avantages permanents aussi redoutables que coûteux. Il en ressort une tension et un plaisir qui parviennent à créer les petits frissons que l’on attend d’un tel univers.

 

Retrouvez nos photos de Creepy Falls sur notre Instagram dédié aux jeux de société !

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