Boomerang – retour sur le draft & write australien !

 

Vous connaissez assurément le roll & write, cette mécanique extrêmement populaire, notamment grâce aux jeux édités par Schmidt (à l’instar des Très futé, Brikks et autres Encore), consistant à lancer des dés et à en appliquer tactiquement les résultats sur une fiche. Welcome avait popularisé la variante flip & write, où l’on retournait des cartes au lieu de lancer des dés, toujours pour produire des combinaisons aléatoires et donc des effets variés. Or voilà que Scott Almes (Tiny EpicHeroes of Land, Air & SeaAlmanac) propose avec Boomerang du draft & write, où l’on drafte donc des cartes au lieu de toute révélation arbitraire, avec un jeu vite renommé Boomerang : Australia à la suite de son succès sur KickStarter afin de permettre la proposition des variations Boomerang : Europe et USA et celle de l’extension Around the World, également très bien accueillies, cette dernière proposant même un mode solo, de jouer jusqu’à 8 et de connecter les trois autres boîtes !

Illustré par Kerri Aitken et initialement édité par les Australiens de Grail Games (MediciYellow & Yangtze), Boomerang : Australia est localisé par Matagot (CairnKemetL’Île au trésorScytheWingspan, Viticulture, Orléans, Parks, Aeon’s End, Inis). Vendu 13 euros, il s’adresse à deux à quatre visiteurs de 8 ans et plus pour des parties de 20 à 30 minutes.

 

Du tourisme intelligent pour tenter de tout voir, de tout faire !

La boîte de Boomerang : Australia comporte quatre petits crayons, fait trop rare dans les jeux de ce genre (où on les attendrait pourtant) pour être noté à l’avantage de celui-ci ! Chaque touriste s’en munit, ainsi que d’une fiche étonnamment petite, représentant une Australie divisée en zones d’un côté, et un quadrillage de calcul de score de l’autre.

Il ne reste qu’à mélanger et empiler les 28 cartes, chacun en pioche 7, et la partie à proprement parler peut commencer.

On prend une carte de notre main et on la pose face cachée devant nous : c’est la carte de lancer. Puis on fait passer sa main de cartes au joueur suivant, et on reçoit soi-même une nouvelle main de cartes.

On choisit alors une carte pour la poser face visible devant soi, et on passe à nouveau sa main. On répète enfin l’opération jusqu’à ce que toutes les cartes soient posées, et donc jusqu’à ce que chacun en ait 7 devant lui, la dernière étant appelée carte de réception.

 

 

Il est alors temps de réaliser le premier décompte.

On commence par calculer la différence entre la carte de lancer, enfin révélée, et la carte de réception, et par marquer autant de points. L’intérêt de conserver la première carte cachée est évident, il ne faudrait pas que la dernière carte que l’on vous donne, et qui sera donc fatalement la carte de réception, la seule à ne pas du tout être choisie, ait une valeur (entre 1 et 7) identique ou trop proche, et puisque c’est un adversaire qui détermine cette carte, il pourrait souhaiter nous conférer aussi peu de points que possible. Or sachant qu’elle est cachée, difficile pour lui de savoir s’il s’agit d’un 1 ou 2, ou d’un 6 ou 7 (les valeurs que l’on privilégie logiquement pour marquer le plus de points de boomerang).

En plus de sa valeur numérique, chaque carte porte deux symboles :

  • Il peut s’agir d’animaux. En ayant devant soi deux cartes représentant le même animal, on score le nombre indiqué de points, de 3 pour un kangourou à 9 pour un ornithorynque. Il va de soi que l’on prend en compte la carte d’abord cachée, de sorte que même en croyant nous priver d’un combo les autres joueurs ne peuvent jamais être absolument certains que la carte de lancer ne figure pas ce qu’il vous faut pour le compléter. Évidemment, plus l’animal vaut de points, moins il y a de cartes, et l’on court un risque en misant sur les ornithorynques (deux cartes à peine) ou sur les koalas (trois cartes), très bénéfique en cas de réussite.
  • Il peut s’agir d’objets de collection, des feuilles (1 point), fleurs (2 points), coquillages (3 points) ou un paquet cadeau (5 points). Mais si vous avez 7 points ou moins lors d’une manche, vous les doublez ! Il faut donc espérer d’en avoir plus d’une dizaine, idéalement plus de 14, pour que leur accumulation soit intéressante, sans quoi il faut espérer n’en avoir que 5 à 7, et donc que la carte de réception n’en ajoutera pas juste assez pour dépasser les 7.
  • Il peut enfin s’agir d’une activité, natation, randonnée, photographie, ou culture locale. En avoir 1/2/3/4/5/6 octroie 0/2/4/7/10/15 points… mais on ne peut scorer qu’une activité à chaque manche, avec la possibilité de n’en scorer aucune pour se laisser la possibilité (risquée, mais parfois intéressante) pour espérer une meilleure collection lors d’une manche suivante.

Les cartes portent enfin toutes une lettre ou un symbole, correspondant à un site touristique que l’on coche sur sa carte de l’Australie. Si l’on est le premier à cocher les quatre sites d’une région (Queensland, Victoria, Western Australia, Tasmania, South Australia, Northern Territory, New South Wales), on marque 3 points… et on ôte aux autres une grande partie de l’intérêt qu’il y a à visiter cette région, mais pas tout intérêt, comme on le verra.

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Puis on distribue à nouveau 7 cartes et on recommence une manche. À deux joueurs, ce seront les 7 cartes inutilisées lors de la première manche. À trois joueurs, on distribue d’abord les cartes inutilisées, puis on mélange les cartes déjà utilisées et on les ajoute aux précédentes.

Cela signifie bien entendu que dans Boomerang on verra sans cesse revenir les mêmes cartes, là où beaucoup de roll/flip/etc. & write privilégient l’aléatoire dans un nombre très important, et donc totalement imprévisible de combinaisons. C’est que Scott Almes a compris que le draft était surtout intéressant en sachant ce que l’on peut recevoir, surtout dans un jeu de collection. D’autant qu’en posant deux fois la même carte à deux tours différents, on ne cochera bien entendu qu’une fois ce site sur sa carte de l’Australie, ce qui réduit son intérêt de ce point de vue.

Au terme de quatre manches, on ajoute en effet au décompte les 3 points par région complétée avant les autres et 1 point par site visité, ce qui explique que l’on puisse chercher à explorer l’Australie autant que possible, même quand une région aurait déjà été entièrement visitée par un adversaire. En cas d’égalité, il faut avoir marqué plus de points en lancer et réception pour l’emporter, logique – enfin arbitraire, mais cohérent avec ce que l’on peut attendre d’un jeu intitulé Boomerang, et parvenant si joliment à donner de l’importance à la petite mécanique originale qui justifie son nom.

 

 

C’est alors que se pose la question délicate de la configuration optimale pour une partie de Boomerang. Notez qu’à quatre joueurs, les 28 cartes tombent pendant une partie, de sorte que l’on peut se baser sur les choix des autres pour tenter de deviner ce qui nous sera transmis. La carte cachée par chacun a ainsi aussi valeur de facteur limité d’incertitude, juste assez important pour nous empêcher d’être uniquement calculatoire, mais trop faible pour ne pas nous imposer une part stimulante de guessing.

À deux joueurs, on sait aux manches paires quelles cartes sont tombées pendant les manches impaires, et on voit la même main moins une carte un tour sur deux, de sorte que le contrôle sur la partie est accru, à mon avis pour le meilleur. On attache alors la plus grande importance à chaque carte donnée à son unique adversaire en épiant ce qu’il a devant lui, une opération naturellement plus délicate à trois ou quatre. Non seulement on ne peut pas bloquer toutes les options intéressantes pour tous ses adversaires, mais même se focaliser sur celui auquel on passe directement sa main de cartes est assez contre-productif, parce que l’on se sacrifie pour ne contrer que lui, laissant les coudées franches aux autres.

C’est pourquoi, on l’aura compris, que j’aime mieux pratiquer Boomerang à deux, quand on voit clairement pourquoi chaque carte est choisie, que l’on peut déplorer verbalement ou se fâcher avec le sourire de tel blocage, quand l’observation du jeu adverse et la tension sont à leur comble.

 

Boomerang : Australia, nouveau graal du roll & write ?

À la manière de Parks, d’ailleurs aussi localisé bientôt par Matagot, Boomerang : Australia apparaît d’abord comme un parfait jeu « touristique », par sa dimension pédagogique (on y localise des sites touristiques et on apprend la géographie du pays) et surtout par sa volonté de nous servir de guide en nous emmenant voyager directement grâce à la joliesse de ses illustrations, associées à des emplacements précis et toujours nommées, de sorte que l’on sait exactement ce que l’on admire et où le trouver.

Un tourisme qui est également mécanique, et c’est assurément pourquoi il fonctionne si bien, puisque les joueurs sont encouragés à visiter autant de lieux que possible, à s’investir dans des activités associées à la région, à observer les animaux… Un plaisir qui ne se savoure pas sans une tension au moins aussi savoureuse, à deux particulièrement ! C’est que sa collection se fait au détriment de celle des autres et inversement, de sorte que l’on a tout intérêt à investir sérieusement dans ce qui n’intéresse pas les autres voyageurs, à les bloquer dans ce qu’ils semblent entreprendre, à les battre à leur propre jeu quand vous développez manifestement des centres d’intérêt communs.

Cumuler deux mécaniques aussi distinctes que le draft et le cochage de roll & write permet ainsi d’élaborer un jeu particulièrement accessible et transportable, paradoxalement familier et original, assez joli, rapide et tendu pour que je le sorte régulièrement pour alterner avec mes parties de Welcome, ce qu’aucun autre titre « similaire » n’était parvenu à faire !

2 Commentaires

    • Bien le bonjour Sophie, les jeux ne font pas réellement double-emploi, puisque l’un est un flip & write et l’autre un draft & write, adoptant donc une manière de les pratiquer très distincte, mais si vous n’êtes pas encore habituée à la grande famille du roll & write et de ses variantes, vous pourriez en effet avoir l’impression d’une redondance, au moins au début. Je vous conseillerais de commencer par Welcome, plus complet, plus varié, excellent à deux joueurs et à plus, praticable même à distance par webcam, un incontournable. Ensuite, s’il vous plaît, vous pourrez vous intéresser à Boomerang, donc vous apprécierez davantage ce qu’il propose de distinct et la légèreté, ou à Welcome to Las Vegas, qui est la version plus complexe de Welcome. En espérant avoir pu vous aider, excellente après-midi et bonne santé !
      Sincèrement et ludiquement.