Jetpack Joyride – la célèbre application adaptée en jeu de société !

 

Face à l’adaptation d’un jeu vidéo en jeu de société, il me semble que le premier problème est celui de la restitution du rythme, d’une certaine frénésie ou nervosité, d’une instantanéité évidemment difficile à concevoir dans une oeuvre où plusieurs personnes doivent manipuler des éléments matériels en se conformant à un livret de règles de façon assez ordonnée pour que se détache malgré tout l’impression d’une performance. God of War ou Adrénaline étaient des cas marquants d’abandon de la « vitesse » pour la restituer sous d’autres formes dans des jeux de plateau amples. Mais l’éditeur Lucky Duck Games (Les Petites BourgadesChronicles of CrimeParanormal Detectives, Time of Legends, La Forêt des frères Grimm) s’est plutôt intéressé dans ses premières œuvres aux applications mobile, pour des jeux assez ambitieux (Vikings gone WildKingdom Rush) ou visant l’ambiance, pour Zombie TsunamiFruit Ninja et le jeu nous intéressant aujourd’hui, Jetpack Joyride.

Dans l’application très populaire développée par Halfbrick en 2011, il s’agissait de guider Barry Steakfries vers la sortie d’un laboratoire top-secret dont il a dérobé un jetpack. On y dirigeait donc un avatar devant prendre ou perdre de l’altitude pour éviter des obstacles, mais aussi récupérer des pièces et divers bonus facilitant sa progression, et remplir des objectifs afin de monter en niveau.

Un jeu solo en scrolling horizontal où la moindre erreur, la moindre seconde d’inattention, peut être fatale… Voilà qu’il ne paraît pas évident de porter en titre pour 1 à 4 joueurs, et s’avère d’autant plus curieux que Michał Gołębiowski (Time of Legends) a fait le choix de la compétition simultanée, à la manière des récemment présentés House FlippersSpace Bowl et WormLord ! L’essai sera-t-il aussi concluant que pour les autres jeux de l’éditeur ? C’est ce que l’on va voir d’autant plus aisément que Jetpack Joyride n’est vendu que 23 euros, pour des parties d’une vingtaine de minutes !

 

Le plus secret des laboratoires

Que serait Jetpack Joyride sans son laboratoire ? Chaque joueur commence logiquement en prenant un set de 4 grandes cartes Secteur numérotées 1 à 4, parmi les 24 cartes disponibles (16 de difficulté normale, 8 difficiles, panachables). Il les juxtapose devant soi pour former le parcours de son Barry.

Au centre de la table, on pose les 50 pentominos (chacune des cinq formes est représentée cinq fois) à quatre joueurs, environ 38 à trois joueurs, 25 à quatre.

Sur le côté, la pile de 17 cartes Mission, dont trois sont dévoilées.

Et la partie est déjà prête à commencer ! Entre les illustrations de Mateusz Komada et Katarzyna Kosobucka, qui utilisent fidèlement les graphismes de l’application, et sa mise en place instantanée, on est pour l’heure vite mis en confiance par un matériel agréablement immersif.

 

Voler partout et tout casser !

Quand le joueur le plus jeune crie « Partez ! », on commence simultanément à prendre un pentamino à la fois pour le poser sur son parcours.

La première case de la première tuile doit commencer à l’extérieur du premier lieu.

Puis chaque tuile doit être orthogonalement adjacente à une tuile déjà posée, rien n’empêchant d’ailleurs des pentaminos d’être adjacents par plus d’un carré.

Elles ne peuvent cependant pas se chevaucher, elles ne peuvent dépasser du laboratoire par le haut ou le bas, et elles ne peuvent pas recouvrir d’obstacles (lasers ou missiles).

Une tuile posée peut être retirée, mais toujours en commençant par la dernière, afin de ne pas créer de trou dans le parcours.

La phase de course s’achève aussitôt qu’un joueur a fait sortir Barry du laboratoire, avec un pentamino dépassant du quatrième lieu, et crie « Je suis sorti ! » ; ou dès que tous les joueurs ont décidé de passer parce qu’ils ne parvenaient plus à poser de tuiles ; ou quand la dernière tuile disponible ne l’est plus.

On passe alors au décompte des points, comme une attribution des points en fin de niveau.

Pour calculer son score, on additionne 1 PV par pièce recouverte par une tuile aux PV des missions éventuellement accomplies, par exemple « traverser au moins trois secteurs de labo » (3 PV), « frôlez tous les obstacles de l’un des secteurs de votre labo » (5 PV), « ne touchez ni le plafond ni le sol d’un secteur » (4 PV), « ne recouvrez aucune case contenant un scientifique » (4 PV)… On retranche au total 3 PV par tuile mal placée, et on indique ces résultats sur la fiche de score.

On dévoile alors aléatoirement autant de cartes Gadget que de joueurs, et en commençant avec celui qui a totalisé cette manche-ci le score le plus bas, chacun en prend une, qui lui donnera un pouvoir permanent jusqu’à la fin de la partie. Il peut s’agir de gagner 1 PV par lot de 3 pièces, ou 1 PV par missile frôlé par la tête, ou 4 PV à la fin de chaque manche, de poser deux tuiles de son choix avant le début de la manche, de collecter les pièces que l’on frôle (avec l’aimant, bien sûr), de pouvoir couvrir les missiles ou les zappeurs sans pénalité, de crier « Gel » une fois par manche pour paralyser tous ses adversaires pendant 10 secondes ou le temps de poser une tuile…

Tous les gadgets n’ont naturellement pas le même intérêt, objectivement ou relativement à la situation des joueurs, mais il s’agit précisément de laisser choisir d’abord celui qui a le score le plus bas afin de l’aider à revenir dans la course, à la manière des objets d’un Mario Kart, plus puissants pour les derniers dans la course. C’est pourquoi j’aurais tendance à vous conseiller d’attribuer le gadget au joueur avec le score total le plus bas, sans vous contenter de regarder seulement la dernière manche.

Si les gadgets tentent d’émuler les objets du jeu vidéo Jetpack Joyride, avec des effets cohérents avec l’illustration et leur nom, on pourra regretter de n’avoir aucun accès aux véhicules qui font pourtant une grande partie de son sel. Était-il simplement trop difficile de les intégrer aux mécaniques du jeu de plateau ?

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La réalité est un peu plus triste : Jetpack Joyride avait fait l’objet d’un KS, et comme on le sait, pour booster convenablement un financement participatif, il est de bon ton d’offrir davantage à ceux qui y contribuent qu’à ceux qui achèteront ensuite le jeu en boutique, voire d’offrir différents niveaux de pledge, apportant un contenu indéniablement plus riche à ceux qui donnent plus.

Il fallait ainsi investir dans les versions Deluxe et Collector pendant la campagne pour bénéficier de missions, gadgets et secteurs supplémentaires, d’un dé, de puzzles solo, d’un cinquième et sixième joueur et donc des véhicules… C’est une stratégie que je ne remets pas en cause, tant que l’on n’a pas l’impression que quelque chose a été volontairement retranché de la version la plus basique du titre, ce que peut tout de même inspirer l’absence complète des véhicules pour ceux qui ont un peu pratiqué l’application et ont pris tant de plaisir en dragon ou en méca…

 

La deuxième manche se déroule exactement comme la troisième, mais avec le pouvoir de ce gadget, en renouvelant les trois missions en donnant ses cartes Secteur à son voisin de gauche, afin que personne ne puisse se plaindre qu’un parcours était plus facile que les autres. À deux joueurs, les règles imposent de retourner ses cartes au lieu de les donner. Et pourquoi ne pas les échanger à la fin de la première manche et les tourner à la fin de la deuxième ?

Puis la troisième se déroule comme la deuxième, mais avec le pouvoir cumulé de deux gadgets, et donc une certaine impression de progression assez agréable, et naturellement sans la phase d’attribution des gadgets, puisque la partie est alors achevée. On additionne le score des trois manches, et le joueur avec le plus de points remporte la partie de Jetpack Joyride. En cas d’égalité, il faut être allé le plus loin lors de la dernière manche.

À quatre joueurs, j’aime l’idée de jouer en quatre manches, afin que tous aient eu entre les mains les secteurs de tous leurs adversaires, avec la possibilité d’échanger l’un de ses deux gadgets à la fin de la troisième manche plutôt que d’en ajouter un autre. L’avantage étant… que vous pouvez prendre cette décision en cours de partie, pas forcément initialement, si vous sentez que les joueurs sont d’humeur à s’en amuser !

Barry solitaire

En jouant sur une interaction indirecte, Jetpack Joyride se prête naturellement assez bien à une version solitaire.

On retire pour cela deux pentaminos de chaque forme, dix en tout, et certaines missions et gadgets inadaptés.

La grande question est naturellement celle de la fin de la manche, puisqu’elle ne peut plus être déclenchée par un adversaire. En fait… on prend tout son temps, en achevant une manche quand on est sorti du laboratoire ou que l’on ne peut plus optimiser son parcours.

C’est qu’à la fin d’une manche, on prend l’un des deux gadgets révélés, quatre nouveaux secteurs, et on remet dans la boîte toutes les tuiles utilisées, en en réduisant donc le nombre d’une partie à l’autre, au risque de ne plus avoir les bonnes formes à la manche suivante, voire de ne plus en avoir assez pour compléter son parcours à la dernière. Cela fait donc de Jetpack Joyride un casse-tête plutôt qu’une course nerveuse, pour un résultat assez satisfaisant, mais trop loin des sensations de son mode multijoueurs pour satisfaire pleinement. Ce n’est pas pour rien que les versions KS incluaient de véritables puzzles pour donner plus d’intérêt au solo.

Quitte à être seul, j’imaginerais bien d’aligner directement douze secteurs, en plaçant entre le quatrième et le cinquième puis entre le huitième et le neuvième deux gadgets entre lesquels on ferait son choix, tout cela dans un temps limité par un chronomètre, dont la longueur serait à définir avec des tests. Serait-on trop proche du jeu vidéo ? C’est possible, mais on en retrouverait la tension et la nervosité justement imitées par le mode multijoueurs.

Le plus amusant, dans le mode solo tel que proposé par la boîte retail de Jetpack Joyride, ce sont les jeux de mots associés aux scores qu’il faut tenter de battre : « mangez plus de steak-frites et réessayez » (le nom de Barry est Steakfries), « Vous êtes peut-être Barry, mais sûrement pas Allen » (le deuxième Flash de DC Comics), « Faites tomber les Barryères » etc. On sent que l’équipe s’est bien amusée, et ça marche !

 

Jetpack Joyride prend l’ascendant sur les jeux simultanés

Le jeu de société Jetpack Joyride est étonnamment fidèle à l’application qu’il adapte, graphiquement bien entendu, et jusque dans ses sensations. C’est qu’il ne cherche pas à insuffler une interactivité évidemment absente d’un jeu vidéo solo, mais sait habilement profiter de la présence de plusieurs joueurs autour de la table pour créer de la tension, puisque c’est eux qui mettent fin à la manche simultanée aussitôt leur parcours complété, imposant de tracer le sien très vite, et pourtant en évitant les erreurs… exactement comme sur mobile ou navigateur, où il s’agissait d’avancer en contournant les obstacles, idéalement en collectant les pièces, en profitant des objets et en remplissant les missions, de plus en plus vite et donc de façon de plus en plus irréfléchie.

En y ajoutant une impression de progression avec les gadgets, judicieusement attribués en commençant par le joueur le plus à la traîne afin de l’aider à remonter, et la transmission de ses secteurs à ses adversaires entre chaque manche au lieu de jouer avec les mêmes ou d’en repiocher aléatoirement, on se retrouve face à un jeu bien plus satisfaisant, dans son plaisir et même dans sa rigueur, que le pur titre d’ambiance que l’on pouvait attendre de la transposition accessible et colorée à 25 euros d’une application mobile. Un joli petit tour de force, prévisible de la part d’un éditeur qui a toujours si bien adapté les jeux vidéo, mais toujours très appréciable !