Journal de bord du FIJ de Cannes, premier chapitre

 

Du jeudi 20 au dimanche 23 février 2020, j’ai eu la chance d’être à Cannes pour couvrir le Festival International des Jeux (FIJ), l’un des plus importants salons consacrés aux jeux de société en Europe, après Essen bien sûr, et assurément le plus important en France.

Je m’y rendais muni d’une accréditation presse, un sésame bienvenu pour disposer d’une entrée sans file d’attente au Palais, d’un espace de repos/discussion, d’un accès aux showrooms des éditeurs/distributeurs, du droit d’assister à la remise des prestigieux As d’or, de l’ouverture du festival un jour avant le public afin de rencontrer les éditeurs dans des conditions plus apaisées qu’un weekend de vacances où 110 000 visiteurs ont naturellement accouru gratuitement sur les 310 stands.

Il ne s’agissait pas d’y jouer. Qui vient à Cannes pour jouer ? À part une partie de Stratego (!), je n’ai pu profiter que d’un Crazy Tower parce qu’un éditeur m’avait proposé de le découvrir pendant notre discussion (pour le plaisir de m’humilier, mais c’était très amusant), de Boss Quest parce que je m’y livrais à une partie filmée par le distributeur Ludistri avec son auteur, Christophe Lauras, la blogueuse Julia (Ludigurl), que j’étais ravi de rencontrer à cette occasion, et son compagnon, puis de Hades Trap, parce que ce petit jeu de placement en KS en ce moment m’avait beaucoup intrigué, que la table venait de se libérer, et qu’une présentation par l’auteur (Michel Gonzalvez), quand on a un petit trou dans son emploi du temps, ça ne se refuse pas. Mais pas de Daimyo ou de Monumental, à mon plus grand regret, rien de réellement prévu ou voulu, juste des petites ouvertures dans des moments de creux, d’agréables respirations dans un agenda d’environ 25 rencontres.

Ce n’était pourtant pas un problème, j’étais réellement venu à Cannes courir partout, rencontrer, interroger et écouter, faire des rencontres, peut-être recueillir quelques informations, avoir quelques surprises, et en cela, ce festival de Cannes s’est déroulé excellemment.

Il faut ajouter que j’avais le plaisir de profiter d’un AirBnb (assez moyen) à cinq minutes à peine du Palais, partagé avec quatre autres personnes pour en réduire le prix et passer de très bonnes soirées ludiques (enfin l’occasion de découvrir Zombicide pour ma part, dans sa version Dark Side), avec lesquelles j’avais également réalisé le trajet depuis Dijon. Pour la géographie, les économies et l’ambiance, des conditions assez rêvées.

Le seul inconvénient d’une organisation collective à laquelle on se greffe tardivement, c’est évidemment que l’on n’a pas prise sur grand chose. Dix jours avant le festival, j’étais encore à peu près certain de ne pas pouvoir m’y rendre, parce qu’il était assez inenvisageable que je dépense près de 400 euros pour faire des interviews bénévoles, et je voyais passer avec désespoir les invitations des éditeurs à nous rencontrer, auxquelles je devais douloureusement répondre par l’incertitude ou ne pas répondre.

Quand enfin j’eus la joyeuse confirmation que je serais de l’aventure, je sautai sur mon ordinateur pour aligner les mails et commencer à me construire un emploi du temps pour mon premier festival de Cannes. C’était déjà trop tard pour certains éditeurs, comme iello, Lucky Duck Games, Sorry we are french, Renegade/Origames, et apparemment plus encore pour d’autres qui n’ont pas eu le temps de me répondre. J’ai pu me débrouiller avec presque tout le monde, sauf iello, Mythic, CMON, Sylex et Nuts!. Le temps n’est pas extensible…

Mais je dois dire clairement à quel point je suis reconnaissant à Hugo, Antoine, Loïc et Thomas de m’avoir associé à venue à Cannes, puisque sans eux je n’aurais simplement rencontré personne !

L’objectif de cet article n’est pas de vous détailler toutes les sorties présentes et futures de tous les éditeurs, ce serait interminable pour moi et pour vous et surtout profondément inutile ; on ne nous dit après tout que ce qui est déjà annoncé, et je ne m’intéresse personnellement pas aux « exclusivités » hypothétiques qui ne le sont jamais longtemps. Au fur et à mesure de mes pérégrinations, j’égrènerai plutôt les découvertes qui m’ont intrigué, les réponses à des questions que j’ai cru pertinentes, et tout cela de façon assez synthétique, avec la possibilité naturellement de m’interroger en commentaire pour plus de détails !

 

Cannes, début du premier jour : iello

Les showrooms sont très mal indiquées dans le Palais de Cannes – parce qu’elles ne sont souvent pas indiquées du tout. Sans doute pour éviter les indiscrétions du public, qui n’y a pas accès de toute manière. Mais il y a une showroom que personne ne peut éviter, particulièrement impressionnante et c’est celle de iello.

Plusieurs boîtes y étaient ouvertes, le matériel exposé à la vue de tous, avec un encart précisant les mécaniques et la date de sortie.

 

 

J’ai été particulièrement intrigué par Imperial Settlers Roll & Write, qui venait de sortir, le Diablo-like Sanctum (6 mars), du talentueux Filip Neduk (Adrénaline), repéré depuis longtemps, le jeu de duel politique Watergate (20 mars), la jolie Dark Edition de King of Tokyo (24 avril), l’attendu Antre du Roi de la montagne (avril), le coup de coeur outre-atlantique The Crew (mai), la nouvelle mouture allégée et dynamique de tective (août), avec ses trois scénarios indépendants, l’annonce de l’expert Khôra (novembre), jeu expert et abstrait particulièrement joli et promettant une grande profondeur, et surtout Unmatched (octobre), le jeu de guerre de licences notamment dû à Rob Daviau… et la confirmation de la localisation de King’s Dilemma (octobre), pour moi LE jeu de 2019, que j’attendais en fait chez Edge.

La showroom faisait sens, cet éditeur lorrain majeur et pourtant indépendant des grands conglomérats n’ayant jamais à ce point affirmé sa force de frappe dans le monde socioludique qu’avec ce catalogue de 2020 assez époustouflant, avec une gamme expert particulièrement soignée.

 

Ravensburger

Je savais que Ravensburger allait enfin sortir en français l’intéressant Dents de la mer du collectif Prospero Hall (Hogwarts Battle, VillainousConex), aussi étais-je surpris de voir le jeu sur le stand de iello. Une rencontre avec Amandine de Ravensburger et Clara d’Oxygen m’apprend donc que iello distribue les jeux Ravensburger depuis un certain temps.

La visite du stand est aussi l’occasion de regarder « en vrai » la deuxième extension de Villainous (contenant la Méchante Reine, le Dr. Facilier et Hadès et de me faire confirmer la sortie de la troisième (Scar, Yzma et Ratigan) pour juillet et la quatrième sans doute vers décembre (Cruella, mère Gothel, Captain Pete, le proto-Pat Hibulaire de Steambot Willie). Auxquelles il faut ajouter la sortie de Villainous… Marvel, avec Thanos, Hela et Ultron, en anglais cet été, et espérons-le au printemps 2021 en français !

 

 

En tirant ainsi sur la corde Disney, Ravensburger laisse évidemment espérer un Villanous Star Wars, sans confirmation pour l’instant – on apprenait déjà Villainous Marvel juste avant le festival ! Petite surprise cependant, DC n’est pas en reste puisque Prospero Hall toujours développe pour le même éditeur un jeu Wonder Woman : Challenge of the Amazons, qui sera publié le 1er mars, et dont on espère vraiment une localisation dans l’année !

Et pour ceux qui apprécient Ravensburger pour ses « jeux à l’allemande », comme le culte Châteaux de Bourgogne ou l’excellent Carpe DiemChâteaux de Toscane, le nouveau Stefan Feld, arrivera pour Essen !

 

Sorry we are french

De Sorry we are french je n’avais essayé et présenté à ce jour que le très bon Ganymède, mais je tenais à passer sur leur stand parce que leur Greenville 1989 (un jeu coopératif d’images horrifiques à la Stranger Things) fait depuis longtemps partie des jeux que je veux absolument aller essayer un de ces jours au Dé Masqué (LE bar à jeux de Dijon) et qu’ils en annonçaient la suite, Paris 1889.

Matthieu et David m’expliquent qu’il poursuit l’aventure du premier opus, puisque les héros en reviennent dans le temps pour affronter directement le culte et la créature responsables des événement surnaturels. On est donc plus actifs thématiquement et mécaniquement, avec des artefacts à récupérer et un affrontement constituant une nouvelle phase, tout cela avec des illustrations sublimes auxquelles le cadre parisien ajoute un charme évident.

 

 

Mais la grosse sortie de Sorry we are french, celle qui attirera non-stop les joueurs sur leurs tables pendant les quatre jours à Cannes et que la plupart décriront comme l’un des deux ou trois jeux les plus importants du salon alors même qu’il ne paraîtra que fin avril, c’est Demeter. La première fois que j’en ai entendu parler, je croyais qu’il s’agirait d’un standalone dans l’univers de Moon qui en réinventerait les mécaniques. Si l’on se situe dans le même univers, comme la jolie illustration de couverture le rappelle, Demeter consiste cependant dans un Flip & write assumant complètement la parenté de Welcome avec l’addition d’une dimension plus combinatoire.

Alors que l’on pouvait croire les avatars du roll & write sur le déclin, force est de constater qu’il n’en est rien, entre le Boomerang de Matagot, Imperial Settlers, et surtout cette volonté d’en proposer des variations plus expertes, entre Welcome to Las Vegas, volontairement plus complexe que l’excellent Welcome to your perfect home, et donc ce Demeter, où l’on incarne des explorateurs analysant la faune de l’astéroïde homonyme, composée… de dinosaures !

Argument massue, qui s’ajoute à la joliesse des fiches, à la grande quantité de choix (de surcroît influencée par des objectifs changeants) pour assurer à Demeter de figurer dans les hits du premier semestre – et sans doute de 2020.

 

Exod Games

Déambulant dans les couloirs de Cannes ravi de cette découverte, je vois avec surprise une grande bannière arborant le titre Escape the Dark Castle. Et en effet, j’ai sur le stand d’Exod Games que le jeu aura enfin droit à une localisation pour une sortie boutique vers juin 2020, suivie de celle de ses trois extensions ! J’avais beaucoup aimé ce jeu difficile d’exploration de donjon, que je présentais ici, et dont la rethématisation SF (Escape the Dark Sector) devrait également arriver bientôt en français !

Si je connaissais déjà le nom d’Exod Games, c’est que j’avais suivi avec grand intérêt la campagne KickStarter du Jurassic World Miniature Game. Des figurines étaient présentées avec une version quasi-définitive du jeu et la promesse d’une livraison des backers vers septembre, puis des boutiques entre novembre (pour les boutiques partenaires) et début 2021 pour les autres. Le titre semblait intéressant par-delà les miniatures, hâte de voir si cela se confirme !

 

Studio H

Ouf, j’ai eu du nez en allant voir (tout à fait par hasard) Thibault avant la remise des prix du jeudi soir, un événement qui aura beaucoup d’incidence pour Cannes comme on en jugera. Studio H, dont j’avais apprécié Oriflamme et été assez impressionné par le Alubari, poursuit une aventure assez éclectique avec un jeu de lancer de palets, Fish’n chips, que je n’ai pas osé pratiquer avec son auteur Christophe Coat, mais que son design déjanté et son matériel fort agréable, à la fois pour la tenue des palets et les tapis en néoprène, font remarquer – d’autant qu’il a l’ambition (rare pour un jeu d’adresse) d’être praticable en intérieur ;  un jeu de quiz absurde, J’y crois pas ; le magnifique jeu de plis Hagakure qui a droit, pour l’occasion, à une irrésistible boîte en bambou, exclusive à Cannes…

Vous devriez regarder aussi ça :
Test - Balance connectée et intelligente Body Scan de Withings

Mais c’est d’Oltréé que j’ai envie d’entendre parler, et tout ce que j’en entends me captive. Jeu coopératif et narratif conçu par le mythique Antoine Bauza (7 Wonders, TokaidoNamiji, Last Bastion, Arkeis…) avec John Grümph (créateur du jeu de rôle Oltréé) et servi par les superbes illustrations de Vincent Dutrait (Robinson CrusoéMuseumL’Île au trésor), il s’annonce déjà comme un titre important s’il parvient à mobiliser la communauté comme il l’ambitionne, à la fois pour donner vie aux trois extensions prévues et pour inciter les joueurs à écrire leurs propres scénarios. Oltréé fait tout ce que j’aime, il est magnifique et raconte une histoire immersive à partir de mécaniques riches mais relativement accessibles. Mon premier très gros coup de cœur du salon, malgré le peu d’éléments disponibles.

 

The Crowdfunding Agency

Je ne m’attends pas, en quittant Thibault, à entendre si vite parler d’un projet assez proche d’Oltrée et de mon deuxième gros coup de cœur de Cannes. Mais commençons par le début.

The Crowdfunfing Agency est (comme son nom l’indique) une agence souhaitant accompagner des auteurs et éditeurs sur du financement participatif : planning, communication, coûts…

Ils étaient déjà responsables du Reigns de Bruno Faidutti, et présentaient sur le festival leurs quatre prochains projets, Metal Adventures auquel je n’ai pas prêté attention parce que je ne suis malheureusement pas du tout rôliste ; Rise & Fall, le nouveau Christophe Boelinger (4 GodsArchipelagoLiving Planet) qui promet un jeu de civilisation sans hasard avec un plateau modulaire sans hasard dans un monde de fantasy, évidemment très rigoureux et calculatoire mais joliment prometteur dans ses possibilités d’évolution et son riche système d’actions ; Northgard, jeu de confrontation avec des vikings assez opportuniste d’après le jeu vidéo bordelais du même nom, extrêmement bien illustré par le très talentueux Grosnez, qui parvient à livrer quelque chose de chaleureux, un peu cartoon et de dur à la fois, bref auquel je prêterai la plus grande attention quand il aura droit à son KickStarter au deuxième trimestre, et enfin Running Quest.

 

 

Running Quest : Soul Raiders est un jeu de Marc André (Splendor), qui a, pour ce système de jeu spécifiquement, créé la maison d’édition One for all avec Hicham Ayoub Bedran, c’est-à-dire pas moins que le fondateur de Matagot, récemment parti afin de diriger Studio H pour le groupe Hachette. Splendor ne trahissait assurément pas l’adoration de Marc André pour le jeu de rôle, et c’est avec une relative surprise que l’on apprend son rêve de plusieurs années de réaliser un jeu de société narratif qui serait une parfaite transposition du jeu de rôle.

Si je parle de « système de jeu », c’est que Running Quest a l’ambition de raconter plusieurs histoires avec un même cœur de mécaniques, en commençant par le med-fan Soul Raiders, et même plus précisément par une boîte comprenant trois larges chapitres, qui sera elle-même complétée par d’autres scénarios avant d’envisager d’hypothétiques nouveaux univers.

Coopératif pour 1 à 4 joueurs, avec une piste de points de santé commune, il propose d’explorer des lieux et d’y prendre des décisions (renverser un objet, en déplacer un autre, fouiller la salle, ouvrir une porte…), sans obligation pour les joueurs de rester ensemble. On devra ainsi d’emblée choisir de progresser plus lentement mais de pouvoir s’entraider ou de couvrir plus efficacement les différentes cartes Lieu du chapitre au risque de se voir confronté tout seul à plus de monstres qu’on ne peut en vaincre. À force d’exploration et de décisions, on découvre des informations, on accomplit des quêtes, et on fait face (si l’on a survécu aux hordes de monstres) à une victoire totale, une victoire partielle ou une défaite, conclusion qui aura un impact sur la partie suivante, dans une forme de legacy light à la Dawn of Peacemakers (oui, je viens de comparer Running Quest à l’un de mes jeux préférés).

Jeu narratif oblige, Running Quest n’est pas particulièrement pensé pour la rejouabilité. On arrive cependant à la fin d’un chapitre sans avoir pu tout explorer, parfois loin de là, et outre la volonté remporter une victoire après s’être fait massacrer il y a un intérêt évident à découvrir tous les secrets d’un monde très joliment conçu. Marc André estime ainsi qu’il faudra à peu près 9 parties pour achever les trois scénarios d’une boîte sans avoir réellement intérêt à y revenir dans l’immédiat.

 

 

On pourrait alors redouter un Gloomhaven ou un Middara, avec des règles de 100 pages, une Bible de scénarios, des dizaines de jetons différents dans tous les sens. Si Running Quest promet plus de 1000 cartes réalisées par une dizaine d’illustrateurs différents, et donc trop de matériel pour s’offrir une sortie en retail, on est surtout frappé en le regardant ou en le pratiquant par la cohérence du matériel, par la logique qui lie les éléments les uns aux autres, par la fluidité qui s’en dégage, naturellement aidée par l’absence complète de texte à lire en dehors des cartes et par une pictographie relativement accessible. J’ai de fait eu la chance et le plaisir de jouer une heure et demie au premier chapitre avec Hicham et Marc André, dans un prototype bien moins avancé que le tutoriel présenté au public sur le stand de The Crowdfunding Agency, et j’ai été saisi par l’élégance du système de jeu, probablement aidé en cela par les explications données en cours de partie par l’auteur lui-même.

Sans trop rentrer dans les détails, notons dans les éléments les plus intrigants la simultanéité des tours de jeu : on pioche tous quatre cartes de notre deck (personnalisé et encore personnalisable grâce à l’expérience gagnée au cours de l’aventure), représentant des valeurs d’attaque, de déplacement ou de magie, et on les pose pour réaliser ses actions pendant que les autres réalisent les leurs. Toutes les cartes peuvent être posées pour toutes les actions, mais avec un bonus de pouvoir si on utilise la bonne carte pour la bonne action (par exemple +4, ou +2 par carte d’attaque). Avec seulement quatre cartes, on se surprend à réaliser finalement pas mal de choses à chaque tour, sans trop miner la dynamique collective par des actions interminables, ce qui est assez fort. Je ne saurais dire à quel point je suis content d’être passé sur ce stand un peu discret à Cannes !

 

Légion Distribution

Légion Distribution n’est pas un nom que l’on connaît forcément, bien que l’on commence à le voir de plus en plus, parce qu’il est associé à la traduction et la distribution du Harry Potter Miniatures Adventure Game, des jeux d’EmperorS4 (DiscoveryBalade à BuranoLe Royaume des sablesL’Épreuve des temples), des Tabula Games (VolfyirionMysthea)… Trois partenariats qui vont se poursuivre avec d’autres extensions de Harry PotterBalade en Provence, HanamikojiIcaion, plus une réédition de Village Attacks, localisation phare de Légion…

 

 

Cela suffirait à s’intéresser sérieusement au distributeur si Cédric n’était pas un tel passionné, profitant de cet intérêt et de l’expertise qu’il affiche petit à petit pour construire un superbe catalogue pour 2020, avec pas moins que The Everrain, le MOBA-like Skytear, le curieux Tales of Evil dans la veine évidente de Stranger Things, le jeu d’escarmouche scénarisé Godtear, le très asymétrique Carnival Zombie où l’on fuit les morts-vivants pendant le carnaval de Venise, le dungeon crawler minimaliste Dungeon Drop… et War for Chicken Island, dont la campagne KS avait immédiatement attiré mon attention il y a quelques mois et dont je me réjouis sincèrement qu’il trouve enfin sa voie en France ! Si cela ne vous dit rien, regardez quelques photos et osez me dire que vous ne l’attendez pas impatiemment désormais !

 

Atalia

La première journée à Cannes s’achève assez tranquillement en allant saluer Chris de Pixie, puis Frédéric d’Atalia. On y découvre surtout en démonstration Mystic Vale, qui après quatre ans va enfin être traduit par Sylex pour notre plus grand plaisir, avec son formidable système de card-crafting (on sleeve des cartes sur lesquelles on pose d’autres cartes transparentes pour recouvrir ou ajouter des pouvoirs), en espérant que le succès en permettra la sortie des extensions ; le classique Rajas of the Ganges, qui a droit à un nouveau tirage ; et Roméo et Juliette, le deuxième jeu édité par Sylex après l’excellent Dreamscape, un jeu de coopération restreinte où les deux amants doivent gérer la jauge d’amour et de tension pour se rencontrer à l’abri des regards.

 

 

On en entend partout le plus grand bien, et je suis si content de pouvoir, en 2020, voir adaptés en jeux de société mes deux pièces de Shakespeare préférées, Roméo et Juliette et Le Songe d’une nuit d’été (en T.I.M.E. Stories chez les Space Cowboys) !

 

 

 

Cannes, le soir : remise des As d’or

J’hésitais à vrai dire à me rendre à la cérémonie de remise des As d’or de Cannes, dont on m’avait dit et répété qu’elle enchaînait les discours interminables. La promesse d’une cérémonie en une heure à peine et présentée par la bande de joyeux drilles de la chaîne YouTube québécoise Es-tu game ? acheva de me convaincre que ça pourrait être un bon moment à passer.

Elle en dura en fait 45 minutes, très dynamiques, et j’étais ravi de voir deux de mes espoirs et pronostics se concrétiser. Attrape Rêves parce qu’il est rare que des jeux pour les tout petits soient récompensés d’un prix visant souvent les 6+, joli geste pour un jeu superbement édité ; Res Arcana, que l’on n’attendait pas trop face aux monstres Root et Gloomhaven ou à l’évidence It’s a Wonderful World, et pour moi un miracle d’équilibre entre accessibilité et profondeur, combinatoire en diable, merveilleusement illustré par Julien Delval, bref un vrai bijou.

Il y a quelques temps que je ne regarde plus l’As d’or du meilleur jeu de l’année que d’un œil distrait, parce que mon attention est focalisée sur un prix expert en fait plutôt décerné aux jeux familiaux + qui m’intéressent justement, quand l’As d’or de Cannes lui-même est traditionnellement remis à un titre très léger, d’ambiance ou familial, généralement très agréable, mais enfin… Il faut dire que le titre-même d’As d’or jeu de l’année est un peu trompeur : on s’attendrait à ce qu’il puisse être remis à n’importe quel jeu, puisque n’importe quel jeu, même enfantin ou expert, peut théoriquement être le jeu de l’année.

Le renommer As d’or familial serait plus juste et créer un As d’or tactique (entre l’As d’or familial et l’As d’or expert) pour permettre aux jeux experts d’être vraiment experts et leur donner une chance de recevoir un prix pourrait sembler assez logique… mais moins vendeur auprès des médias et du grand public amateurs de noms qui claquent, de réelles distinctions et de jeux malgré tout accessibles.

C’est donc Oriflamme qui a triomphé de Draftosaurus, Fiesta de los Muertos et Little Town (mon favori), l’outsider que personne n’attendait, auquel personne ne croyait, et qui consacre à la fois le tout jeune studio H et un jeu de cartes malin, assurément propre à procurer aux néophytes les sensations qui pourront lui faire désirer l’approfondissement de sa curiosité ludique.

 

À demain, pour entendre parler de Matagot, Ludistri, Don’t Panic, Asmodée, Lumberjacks, Super Meeple, Gigamic, Forgenext, Blackrock, La Boite de jeu, Aurora, Lucky Duck, Funforge et de quelques autres petits coups d’oeil… et rumeurs !