7 Wonders Armada, l’extension qui renouvelle en profondeur le jeu culte

 

Je dois confesser ne pas avoir joué beaucoup à 7 Wonders depuis que je l’ai présenté avec ses extensions Leaders et Cities et son portage numérique. Bien qu’il soit classé 3ème meilleur jeu familial de tous les temps, 50ème meilleur jeu stratégique et 49ème meilleur jeu tout court sur l’agrégateur de référence Board Game Geek (BGG pour les intimes), je lui ai toujours préféré son excellente version Duel, à la fois un peu plus cohérente thématiquement, plus interactive, et évitant de subir tout au long de la partie les conséquences de sa première main et de premiers choix faits un peu au hasard. Qu’on ne lise pas ces mots comme des critiques de fond, j’aime beaucoup 7 Wonders, mais ce sont des petites choses qui, à force de parties, m’ont paru toujours plus visibles, au point de perturber le plaisir que j’y prenais. Puis arrive l’extension Armada. (juste après Discovery oui, promis, on arrête vite avec la mer !)

Toujours conçue par Antoine Bauza (Last BastionHanabiDraftosaurusArkeisTakenokoChâteau Aventure, Tokaido, Namiji), illustrée avec ce superbe hiératisme historique qui caractérisait toutes les autres boîtes par Étienne Hebinger, Dimitri Chappuis et Cyril Nouvel, toujours édité par Repos Prod (Last BasionConceptJust OneWhen I DreamTime’s Up), Armada ajoute en effet à 7 Wonders un système d’action maritime, qui loin d’être l’injection artificielle de nouvelles mécaniques lourdes tente en fait de se construire sur les mécaniques de base de 7 Wonders pour les enrichir. Laissez-moi vous expliquer comment, et pourquoi j’ai été conquis, sans revenir sur les mécaniques du jeu de base, déjà exposées dans l’article dédié.

Vendu 27 euros, Armada s’adresse à 3 à 8 joueurs (7 si l’on ne possède pas de huitième plateau merveille) de 10 ans et plus pour des parties d’environ une heure.

 

Combien de marins, combien de capitaines…

Dans un jeu praticable jusqu’à 8, la question du nombre optimal de joueurs est évidemment importante.

Si Armada affiche une telle latitude, c’est que 7 Wonders reste un jeu à l’interactivité limitée. Certes on passe sa main de cartes à son voisin et on compare son score militaire à celui des autres à la fin de chaque âge, mais en dehors de cela, on peut très bien jouer sans parler dans son coin, et sur ce point en tout cas c’est souvent ce qui se passe, puisque pour plus de fluidité, on joue ses tours simultanément, en faisant un peu confiance à chacun pour ne pas tricher. En ce sens, à huit, on a vraiment l’impression d’une multitude de cités-État grandissant tout autour de la Méditerranée, ce qui a évidemment son charme.

L’interaction limitée implique cependant aussi qu’à trois, on ne perdra pas autant en tension que dans d’autres jeux, et cette configuration a au moins l’avantage d’inciter un peu à regarder la progression des autres, voire à tenter de ne pas leur donner une carte qui les arrangerait trop, ce que l’on occulte complètement à partir de 4.

Armada fonctionne ainsi très bien dans toutes les configurations, même si j’ai une préférence toute personnelle pour les tables où l’on se voit les uns les autres, et où l’on peut encore s’écrier « ah zut, je n’aurais pas dû donner cette carte » sans créer de brouhaha, donc jusqu’à 5 à peu près. D’autant qu’Armada tire des enseignements des forces et éventuelles faiblesses de ses grands frères pour proposer plus de vie et imposer plus d’attention aux autres, ce qui n’est plus si agréable quand cela devient physiquement impossible !

 

Thalassa, Thalassa !

La mise en place tente de ne pas trop différer de celle du jeu de base, et a l’astucieuse idée de rappeler toutes les règles d’installation (de sorte qu’il est inutile de comparer sans cesse celles des deux boîtes) en soulignant ce qui se rapporte à 7 Wonders (et donc en ne soulignant pas ce qui est neuf).

La boîte d’Armada contient ainsi 24 nouvelles cartes d’Âge, 8 par Âge. On en prend au hasard une par joueur, et on les mélange avec le paquet habituel de cartes de chaque Âge.

Elle comporte également 27 cartes Île, 9 de niveau 1, 2 et 3, que l’on place face cachée en trois piles au centre de la table (un espace qui reste étonnamment vide dans le jeu de base).

On ajoute évidemment les nouveaux jetons aux anciens à portée des joueurs, ou auprès d’un Grand Argentier chargé de les distribuer aux moments opportuns.

Et surtout, chaque joueur prend un plateau Chantier naval, où figurent quatre pistes : militaire (rouge), commerciale (jaune), civile (bleue) et scientifique (verte). Dans le premier trou de chaque piste on fiche un navire de la couleur correspondante. Cela ne se fixe pas de façon très stable, mais pour une fois, c’est heureux, puisqu’il faudra constamment les déplacer (or on risquerait d’abîmer le plateau si le bateau y était trop bien maintenu), et que de toute manière la table est supposée être assez stable. Au pire, les cases de la piste sont assez espacées pour que l’on sache exactement où replacer le navire même après une chute malencontreuse !

Comme 7 Wonders se fonde sur des principes mécaniques très simples, on a le plaisir de constater que les additions constituées par l’extension ne sont pas bien lourdes, et parviennent même à intriguer grâce à ce très joli élément matériel qu’est le plateau Chantier naval. C’est bien simple, on a envie de faire avancer ses bateaux, avant même de savoir ce que cela fait, parce qu’il y a quelque chose de très plaisant matériellement et thématiquement à envoyer ses vaisseaux au loin récolter des avantages toujours plus grands.

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La mer, la mer toujours recommencée

À chaque fois qu’un joueur pose une carte bleue/rouge/jaune/verte, il peut payer (en plus du coût de la carte) le prix (en ressources ou en pièces) figurant entre la case occupée par son bateau bleu/rouge/jaune/vert et la case supérieure pour l’y faire avancer. Ce prix n’est pas exactement le même d’un plateau à l’autre, ce qui permet l’air de rien d’inciter les joueurs à convoiter des ressources différentes, à personnaliser leur stratégie.

D’autant (et j’adore cette idée) que l’on peut aussi avancer l’un de ses bateaux en construisant l’étage d’une merveille, puisque sur chaque plateau une couleur est associée au symbole Merveille. Bien entendu, on a alors l’impression d’être fortement invité à faire progresser son navire dans cette piste, puisque les occasions de le faire avancer sont plus nombreuses, et que l’on atteindra plus vite les cases les plus fructueuses. Et comme vous vous en doutez, sur les 8 plateaux, 2 associent la merveille au rouge, 2 au bleu, 2 au vert et 2 au jaune…

La piste rouge est une piste de conflit maritime : à la fin de chaque âge, après avoir résolu le conflit terrestre (donc avec ses deux voisins), chaque joueur compare sa force navale avec celle de tous les autres joueurs. Au lieu d’une force relativement supérieure il faut alors posséder une force absolument supérieure, puisqu’avoir le meilleur total de la table octroie 3/5/7 Points de Victoire (PV) aux âges 1/2/3, avoir le deuxième meilleur total en octroie 1/3/5, avoir le troisième meilleur total en octroie 0/0/3, avoir le moins bon total fait perdre 1/2/3 PV.

Ce deuxième conflit fait ainsi partie des petites choses qui nous rappellent que l’on n’est pas seul autour d’une table, et que surveiller un peu ses adversaires ne peut qu’être bénéfique. Inutile de tout investir dans le conflit maritime si on est le seul à s’y intéresser par exemple quand, au contraire, une case de la piste fera souvent la différence. Cela tombe bien, ces pistes sont très visuelles, et même à l’autre bout de la table on peut comprendre où se trouve son bateau.

 

 

Vous vous rappelez que la défausse d’une carte rapportait normalement 3 pièces. On a désormais le choix entre ces 3 pièces et l’avancement gratuit de son navire jaune sur la piste commerciale. Certaines cases y rapportent des pièces et d’autres y font perdre des pièces aux autres, une valeur fixe (par exemple 2) moins leur niveau commercial (indiqué sur la case de la piste commerciale où ils se trouvent). Même s’il ne vous intéresse pas particulièrement d’enquiquiner vos adversaires ou de gagner des pièces de cette manière, avancer son navire jaune est donc la seule manière de se protéger contre les taxes, malin…

La piste civile bleue rapporte simplement 1/2/4/6/8/10 PV. Comme sans l’extension, c’est la piste la moins fun à jouer… et souvent celle dont on se rend compte qu’elle fait gagner nos adversaires.

La dernière piste, celle d’exploration, verte, permet sur sa troisième/cinquième/septième case de piocher une carte Île de niveau 1/2/3. Payer autant pour ne récolter que trois cartes en bout de piste peut paraître dérisoire quand on n’en connaît pas les effets, et on change vite d’avis quand on les voit. Certaines rapportent des ressources, des boucliers terrestres, des boucliers maritimes, des PV, des progressions gratuites d’autres navires, des réductions de coût pour les constructions navales, des gains de pièces à chaque construction navale, la gratuité des constructions navales associées à la merveille, la protection contre les taxes, un symbole scientifique, le droit de se retirer sans conséquences des confilts maritimes…

Il va de soi que l’existence des pistes navales influe sur les cartes Armada. Certaines cartes rouge donnent ainsi des boucliers maritimes, des cartes bleues permettent d’avancer gratuitement des navires, les cartes vertes font piocher des îles, et quelques autres petites surprises liées au combat, au niveau commercial et aux symboles scientifiques pour pimenter un peu la partie.

 

Homme libre, toujours tu chériras la mer !

Armada est le genre d’extension comme on en rêverait pour la plupart de nos jeux, à la fois massive, apportant un plus substantiel qui permet de sentir matériellement et mécaniquement la différence entre une partie sans et une partie avec, très jolie, et pourtant assez finement intriquée dans les mécaniques du jeu de base pour ne pas donner l’impression de le trahir en faisant soudain jouer à autre chose, en remplaçant une phase, en rendant des cartes caduques, en révolutionnant la mise en place…

Au contraire même, Armada vient finement corriger ce que l’on pouvait considérer comme des défauts de 7 Wonders, ou du moins des points dont on s’était accommodés, mais dont la résolution est loin de nous gêner, en particulier l’inexistence des joueurs les uns pour les autres autour de la table, auxquelles plusieurs réponses sont apportées, toujours assez discrètes pour plaire sans bouleverser les habitudes des joueurs aguerris. Sans aucun doute l’extension la plus incontournable publiée à ce jour pour le jeu culte… en attendant peut-être des surprises en 2020 pour les 10 ans de 7 Wonders ?

 

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