House Flippers – dix minutes pour construire un empire immobilier !

Avec Magic Maze et Kitchen Rush, beaucoup de joueurs découvraient avec saisissement que des parties courtes pratiquées simultanément pouvaient s’avérer aussi tendues et passionnantes que les habituels tour-par-tour en 45 minutes. Pour qui cherchait des expériences similaires, le marché s’avérait cependant bien limité, puisqu’il n’est pas si aisé de reproduire avec bonheur des sensations aussi inattendues. Il n’est alors pas si étonnant que l’éditeur de Kitchen Rush se soit lui-même chargé de Rush MD, quand Sit Down ! (Bad Bones, Gravity Superstar) s’est occupé de Magic Maze on MarsSpace Bowl, Wormlord et du titre qui nous intéresse aujourd’hui, le House Flippers d’Andrew Cedotal et Jonathan Bittner (Palm Reader),  illustré par Alexandre Bonvalot (Heroes of Normandie), dont les dessins se caractérisent par une agréable fraîcheur estivale.

Vendu 28 eurosHouse Flippers a l’originalité d’être compétitif en opposant 2 à 4 promoteurs immobiliers (idéalement 4) de 7 ans et plus pour des parties… de 10 à 15 minutes ! Cela tombe bien, je cherche justement des jeux d’ambiance faciles à expliquer et rapides, mais tout de même intéressants (je ne vise personne), et il semble bien être un candidat idéal…

 

Le labeur avant le plaisir

Sit Down ! a vu les choses en grand avec un épais plateau très aéré que l’on pose au centre de la table.

Ce plateau est constitué de neuf emplacements, trois pour les cartes Campagne, trois pour les cartes Ville, trois pour les cartes Retraite dorée. On divise ainsi les 84 cartes Campagne en trois paquets à peu près égaux pour les disposer face visible sur leurs trois emplacements, et on procède de même avec les 147 cartes Ville et les 52 cartes Retraite dorée. Profitons-en pour signaler un unique point noir matériel, la taille légèrement trop petite des trous pour accueillir les cartes dans le thermoformage, de sorte qu’une dizaine s’en promènera inlassablement, à moins de les placer dans les trous des autres pièces. Comme il y aurait largement eu de quoi faire tenir trois trous pour les trois types de cartes, c’est un petit regret, heureusement bien mineur.

Chaque joueur prend alors un sablier gris, représentant la récupération d’un loyer, tandis que les autres sabliers (bruns, rouges et jaunes) et les 110 cubes gris, bruns, rouges et jaunes (représentant l’argent) sont répartis autour du plateau de façon à être accessibles à tous.

Et il est déjà temps de commencer, pour une mise en place à l’image de la partie, simple et rapide !

Mon projet immobilier ? Tout acheter, tout revendre, et à moi les cocotiers !

Quand tout le monde est prêt, on crie ensemble « 3, 2, 1, clouez ! » et on retourne son sablier.

Profitez bien de cette grosse vingtaine de secondes où il ne se passe rien pour vous préparer à jaillir ou au contraire faire une dernière fois le vide dans votre esprit, ce sera votre seul répit avant les 10 prochaines minutes !

Dès que le sable d’un sablier s’est écoulé, on prend dans la réserve un cube de la couleur correspondante et on le retourne à nouveau (on ne cesse jamais de percevoir les loyers).

On peut toujours échanger quatre cubes d’une même couleur contre un cube d’une autre couleur.

Les cubes permettent d’acheter les cartes du plateau. Pour cela, on pose un doigt sur la carte convoitée, et de l’autre main on paye le coût indiqué sur le plateau, juste au-dessous de la carte : 1/2 cubes gris pour les cartes Campagne, 1 cube marron ou un cube rouge pour les cartes Ville, trois cubes rouges et trois cubes bruns, deux cubes jaunes et deux cubes rouges, ou trois cubes jaunes pour les cartes Retraite dorée.

 

 

Quand on acquiert de la sorte un bien immobilier décrépi (dans les cartes Campagne ou Ville), on le pose devant soi. Il représente des cubes qui sont sa valeur : on pourra le défausser pour effectuer directement un paiement, seul ou en complément de cubes voire d’autres biens immobiliers décrépis.

On pourra regretter (je l’ai entendu) que les biens immobiliers de campagne aient tous la même illustration, de même que les biens immobiliers en ville, mais c’était évidemment une nécessité ludique : on identifie ainsi aussitôt la fonction de la carte, là où une plus grande variété de dessins imposerait quelques secondes d’hésitation nuisibles au dynamisme du titre.

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Quand on acquiert de la sorte une décoratrice d’intérieur (dans les cartes Campagne ou Ville), on le pose devant soi et on place dessus un sablier dont le rendement sera doublé. À partir du moment où le décorateur sera associé à un sablier, il ne sera plus possible de le déplacer.

Quand on acquiert de la sorte un bien neuf (dans les cartes Ville uniquement), représentant un sablier, on le défausse immédiatement pour récupérer un sablier de la couleur correspondante en plus de ceux que l’on possédait déjà : on le met en location pour percevoir des loyers supplémentaires. Notez que tous les sabliers ne contiennent pas exactement la même quantité de sable, et que certains pourront ainsi mettre 31 secondes au lieu de 27 à se vider. À vous de voir si vous prenez le temps de les comparer ou si vous prenez juste celui qui se trouve devant vous !

Les cartes Retraite dorée n’ont pas d’autre avantage que de rapprocher de la victoire, on prendra donc bien garde de ne pas les acquérir trop vite au détriment de son enrichissement : la retraite, ça se mérite ! Elles représentent dans des quantités égales des chaises longues, des hamacs, des bouées et des yachts. Il faut réaliser trois brelans (trois ensembles de trois cartes identiques), quatre paires ou une collection des six mêmes cartes pour crier « Je plaque tout ! À moi la belle vie » et remporter aussitôt la partie.

Que l’on puisse gagner de plusieurs manières est évidemment très intéressant, parce que cela impose de micro-réflexions sur les acquisitions les plus profitables qui peuvent très vite nous laisser à la traîne. Souvenez-vous, une partie dure rarement plus de dix minutes, et perdre quelques secondes sur la collection la plus pertinente peut largement suffire à faire perdre un avantage, voire à se faire piquer une carte sous le nez !

C’est que House Flippers n’est évidemment pas un titre « juste » : récupérez le premier décorateur d’intérieur ou le premier bâtiment, espérez qu’aucun autre n’apparaîtra tout de suite (et cela m’est arrivé à ma première partie), et vous aurez une avance considérable sur les autres. À condition de penser à récolter vos revenus dès qu’il faut, et de sélectionner intelligemment les cartes Retraite dorée bien sûr. Mais même subissant l’ « injustice », les joueurs peuvent difficilement ne pas être insensibles à la frénésie qui gagne la table, quitte à souhaiter immédiatement compenser leur manque de chance par une nouvelle partie tout aussi prompte !

House Flippers, le capitalisme se déchaîne !

House Flippers est un jeu tout simplement délicieux, qui tient toutes ses promesses et plus encore. Ses parties sont d’autant plus survoltées qu’il parvient à imposer constamment des choix, entre lesquels il s’agit de trancher au plus vite pour ne pas perdre à chaque fois quelques si précieuses secondes. Chaque hésitation peut laisser une carte convoitée aux mains d’un adversaire, chaque focalisation sur les achats peut faire oublier de retourner un sablier pour collecter un loyer, et il faudra judicieusement équilibrer réflexion tactique à court terme et action immédiate pour ne pas se laisser instantanément déborder.

Le jeu trouve même une certaine force dans son évidente abstraction, puisque les monnaies ne sont que des cubes, les loyers des sabliers, les maisons décrépites ne sont bonnes qu’à être utilisées comme ressources… Tout n’est que prétexte à accumuler le plus vite de quoi s’offrir une retraite dorée, dans une mise en scène du capitalisme délicieusement parodique.

Il est assez passionnant que Sit Down ! parvienne à conférer à ses différents titres une personnalité intéressante là où on aurait pu redouter un puissant sentiment de répétition dans les variations sur le même principe de simultanéité. Il y a là quelque chose du tour de force qui rend vraiment curieux de la suite !