Dreamscape : explorez vos rêves et créez le plus beau paysage onirique !

 

L’un de mes jeux préférés est l’Imaginarium de Bruno Cathala et Florian Sirieix, merveilleusement illustré par Felideus Bombastis et édité par Bombyx. Par-delà les évidentes qualités mécaniques du titre, l’originalité du thème et les efforts pour lui donner forme textuellement et matériellement jouent naturellement beaucoup dans mon appréciation, et cela a largement contribué à ma curiosité quand, il y a plus d’un an, j’ai entendu parler du Dreamscape conçu et illustré par David Ausloos (Rogue AgentThe Island), et premier titre édité par l’ambitieuse maison Sylex (qui prévoit un jeu de taverne heroic fantasy et un séduisant Roméo et Juliette).

Comme pour Imaginarium, je m’attends bien sûr à ce que le thème cesse vite de faire réellement sens, mais à ce que son affriolant habillage soit suffisant pour nous embarquer dans un voyage onirique, d’autant que Dreamscape a rencontré un certain succès sur KickStarter, normalement prometteur d’un soin au moins esthétique auquel j’espère être sensible. Voyons donc de quoi il en retourne dans le test de ce jeu compétitif vendu 41 euros, destiné à 1 à 4 dormeurs de 12 ans et plus pour des parties d’une demi-heure par joueur environ !

On commencera par détailler les règles « classiques » pour deux à quatre rêveurs avant de nous plonger dans leur version cauchemardesque puis d’évoquer le mode solitaire.

 

Le pays des merveilles

Les goûts et les couleurs bla bla bla, n’empêche, dès le couvercle, et encore davantage à l’ouverture de la boîte, Dreamscape tient ses promesses visuelles, avec son style pictural éthéré, parfait équilibre entre un certain appel à l’enfance et une sophistication iconographique. Bon, deux pièces me sont arrivées endommagées (le chapeau du jeton M. Cauchemar et une chandelle), mais rien qu’un point de colle ou un appel au SAV ne puisse régler, et rien de propre à briser l’enchantement, le désir de vite mettre tout cela en place pour l’observer et le manipuler dans les règles de l’art !

Les 109 fragments de Rêve (bleus pour l’eau, gris pour la pierre, marrons pour la terre, verts pour l’herbe, blancs pour le mouvement) sont placés dans un sac en toile d’où on les tire aléatoirement pour les placer sur les emplacements dédiés du plateau central selon le nombre de joueurs. À deux, on en disposera ainsi 18 (trois par zone), 24 à trois, 30 à quatre, ce qui est très clair sur le plateau – Dreamscape fait partie de ces jeux qui ont compris comment utiliser les plateaux pour donner des informations sans nécessiter d’aide de jeu trop lourde ou de recours constant aux règles, un très bon point !

Autour du plateau central, une piste de score, sur la case 0 de laquelle on place le jeton de score de sa couleur (violet, orange, violet ou vert marin). On pioche un jeton d’initiative, qui nous indique l’ordre de tour et sur laquelle des six zones du plateau central poser notre meeple Dormeur. Puis chacun prend le plateau central arborant discrètement sa couleur, et place sur la courte piste d’actions sa chandelle sur le 0.

À côté du plateau central, on pose enfin le plateau Desseins. Sur la première case de sa piste de cycles, on pose le mignon jeton Réveil. Sur les quatre emplacements Desseins du Rêve on pose aléatoirement 4 des 16 tuiles Dessein du Rêve, des objectifs pour la partie assurant une grande variété. Trois emplacements de cartes Rêves accueillent les cartes de niveau I, II et III. Les joueurs en piochent autant que leur niveau d’initiative et en choisissent une, défaussant les autres, pour la poser face visible devant eux. Autrement dit, le joueur qui commence (avec le jeton 1) n’aura pas le choix, tandis que le dernier à jouer en aura bien davantage, une bonne manière d’apporter de l’équilibre sans injustices.

À l’exception des marqueurs de score, tout est grand, élégant, espacé, à la fois distinct et lisible, un beau produit de campagne de financement participatif et un impressionnant travail éditorial de design, rassurant et engageant.

Reprendre le contrôle de ses rêves

Une partie de Dreamscape se pratique en 6 cycles de 3 phases.

La première phase, c’est le Voyage, au cours duquel le joueur réalise quatre actions au moyen de son Dormeur. La chandelle sur le plateau personnel permet d’en tenir le compte… mais aussi dommage que cela puisse paraître, vous en perdrez vite l’usage, quand il vous paraîtra naturel de réaliser quatre actions, pas une de plus, pas une de moins, sous la supervision des autres joueurs, et que vous serez donc ravi de vous épargner une manipulation supplémentaire pour des tours toujours plus fluides.

Pour 1 point d’action, il est possible de collecter le fragment de Rêve le plus à droite sur le lieu où l’on se trouve pour le poser sur les Mains de son plateau personnel, et à condition qu’il n’y en ait pas là deux identiques.

Pour 1 point d’action, il est possible de se déplacer vers un lieu orthogonalement adjacent. Ce déplacement est cependant gratuit si l’on a dans ses Mains le jeton de la couleur associée au symbole clé du lieu, ou si ce lieu ne contient plus aucun fragment de Rêve.

Ces deux actions peuvent être réalisés tant que l’on a des points d’action et dans l’ordre de son choix, y compris en les alternant.

 

 

On peut aussi utiliser une seule fois par cycle le pouvoir du lieu où sa figurine de Dormeur se trouve.

Aux Archives oniriques, on pioche un fragment pour le poser dans ses Mains, même si on en possédait déjà deux exemplaires. Aux Récolteuses de Rêves, on pioche deux fragments que l’on place sur les lieux de son choix. À la Tour des Errances, on déplace des fragments de son Dreamscape, le paysage onirique de son plateau personnel (on y arrive) vers ses Mains. Au Roi des Songes, on pioche six cartes d’une pile de Rêves de son choix, on en choisit une que l’on pose face visible devant soi et l’on défausse les autres sous leur pioche. Au Lac de l’Éternel Été, on peut réorganiser les fragments d’un lieu dans l’ordre de son choix. Au Golem Mécanique, on peut déplacer trois fragments de son Dreamscape (on y revient aussi), ce qui permet de les reconfigurer de façon intéressante.

Les cartes Rêve que l’on a devant soi portent enfin un symbole correspondant à un pouvoir, similaire aux six pouvoirs des lieux (on ne risque ainsi pas de se perdre dans l’iconographie et les possibilités du jeu, ouf). Chacune peut être utilisée une fois par cycle, en posant sur le pouvoir un fragment de ses Mains (que l’on récupérera plus tard).

Quand tous les joueurs ont voyagé, ils passent à la phase de création.

Il s’agit alors de placer les fragments d’eau, de terre, d’herbe et de pierre de ses Mains sur son Dreamscape, la sphère de son plateau personnel, en commençant par la case en bas au centre (l’entrée du Rêveur dans le paysage). Chaque fragment suivant devra ensuite être ajouté à côté d’un fragment déjà posé ou au-dessus. Tout fragment non utilisé sera défaussé, donc comme le précisent les règles, il peut être judicieux de les poser aux confins du paysage au cas où, ou de les poser sur les cartes de Rêve afin de les conserver au prochain tour.

On peut défausser des fragments blancs pour faire avancer le Rêveur sur un fragment adjacent, deux fragments de la même couleur pour en obtenir un autre d’une couleur de son choix, un fragment vert pour poser une charmante figurine d’arbre sur un fragment vide. Le nombre d’arbres disponible dépend du nombre de joueurs, il s’agira donc de songer assez vite à les récupérer, sans pour autant sacrifier immédiatement des jetons qui pourraient s’avérer utiles ! Chaque arbre posé rapporte autant de Points de Sommeil (PS) qu’il y a d’arbres à ce moment sur son paysage onirique.

À chaque fois que le Rêveur (et non le Dormeur, comme l’indiquent les règles, un lapsus compréhensible qui vous arrivera aussi plus d’une fois) passe par une case d’eau, le joueur marque 1 PS. S’arrêter sur une case de terre permet de gagner aussitôt un point de mouvement supplémentaire (parce qu’il s’agit d’un terrain lisse favorable au mouvement). Deux pierres empilées (même sous ou sur un autre fragment) forment une montagne, qui rapporte 2 PS à chaque fois que le Dormeur y passe. Ces détails sont évidemment rappelés sur les plateaux individuels.

 

 

L’objectif de ces poses et déplacements est de reproduire sur son Dreamscape le paysage imposé par ses cartes Rêve. Quand on y arrive, on gagne les points de la carte et on la place face cachée sur sa pile de cartes Rêve résolues. Comme leur pouvoir est indiqué sur leur dos, on peut encore profiter de celui de la carte au sommet de la pile. On pioche immédiatement autant de cartes que la valeur du lieu où se trouve le Dormeur (1 à 6) dans la pile du niveau de son choix, et on en conserve une ou aucune.

C’est sans doute l’étape où la chance joue le plus grand rôle. Pourtant, même là, cette chance dépend tout de même du joueur, qui pourra tenter de déplacer son Dormeur sur un lieu à la valeur élevée en comptant bien résoudre un Rêve, précisément pour avoir le choix. Même la chance est ainsi vectrice de tacticité, joli.

C’est qu’un objectif non rempli fait perdre 5 PS (à la Aventuriers du rail), de sorte qu’il sera crucial de déterminer quand il est avisé d’avoir plusieurs Rêves à la fois, quand il est avisé d’en piocher de niveau I (les plus simples), de niveau II ou de niveau III ou de ne pas en piocher du tout. Comme les cartes valent tout de même entre 5 et 20 PS, on sera évidemment tenté de prendre des risques.

Après la phase de création, les joueurs défaussent tous les fragments encore dans leurs Mains ainsi que leur jeton Initiative. Le Rêve s’estompe, un nouveau émerge.

On complète alors les lieux si besoin avec des fragments tirés aléatoirement du sac.

Le Réveil est déplacé d’une case vers la droite pour indiquer le passage au cycle suivant.

Les fragments utilisés pour activer les cartes Rêve sont récupérés dans les Mains.

Les joueurs reçoivent un jeton d’initiative selon la valeur du lieu où ils se trouvent : le dormeur dans le lieu avec la plus faible valeur commencera les phases de voyage et de création au cycle suivant, etc. J’aime évidemment beaucoup l’idée que l’ordre de tour ne soit pas fixe mais se gagne, voire se mérite, parce que j’aime quand tout est ludifié, jusqu’aux étapes que l’on croirait les plus figées dans un jeu de société.

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Après la sixième phase de création, la partie s’achève.

 

 

Comme on a déjà marqué les points des cartes Rêves, lacs et montagnes pendant la partie, il n’y a plus qu’à retrancher 5 PS par Rêve non réalisé et à vérifier les tuiles Desseins du Rêve. Une tuile rapporte par exemple 6 PS à celui qui possède le plus de fragments, une autre 6 PS à celui qui possède le plus de fragments d’une couleur donnée, une autre 3 PS si l’on possède trois fragments d’une couleur donnée, 6 si l’on en possède 5, 10 PS si l’on en possède 7, une autre 6 PS si l’o possède la plus longue série adjacente de fragments de la couleur donnée. Pour tous ces objectifs, les arbres comptent double…

D’autres peuvent demander le plus de piles composées de deux fragments pour 6 PS, la plus grande distance entre un Rêveur et le point d’entrée pour 6 PS… Bref, ils arborent une certaine variété qui pèsera évidemment dans les choix tactiques des joueurs.

Le joueur avec le plus de PS a réalisé le plus beau paysage onirique et dormira donc le mieux (normal, il a gagné !).

 

Le cauchemar s’infiltre dans le monde onirique…

Les règles avancées demandent de placer la très bizarre (et très convaincante dans sa bizarrerie) figurine de M. Cauchemar sur l’icône de pouvoir du Roi des Songes, et deux fragments de cauchemar (rouges) sur l’espace séparant ce lieu (le 6) des deux lieux adjacents (3 et 5). On ajoute trois fragments de cauchemar dans le sac, et les plateaux personnels sont retournés sur leur face avancée (illustrant simplement deux points de règle supplémentaires). M. Cauchemar bloque toujours le pouvoir du lieu où il se trouve.

Pendant le Voyage, passer d’un lieu à un autre quand ils sont séparés par un fragment de cauchemar impose de le mettre dans ses Mains (à moins d’en avoir déjà deux).

Une fois son voyage achevé, le joueur déplace M. Cauchemar dans le lieu où se trouve son Dormeur, et place un fragment sur l’un des emplacements associés à ce lieu (et le séparant donc des lieux adjacents). C’est assurément ce que j’aime le mieux dans ce mode avancé, cette possibilité d’embêter ses adversaires qui ajoute une toute nouvelle dimension à l’interaction sinon modérée de Dreamscape. Si elle semble tenir plus de la taquinerie que de la punition, l’utiliser habilement peut s’avérer assez maléfique.

Le seul moyen de défausser un fragment de cauchemar pendant la phase de création est d’en avoir trois. Or, on a vu qu’il n’était pas possible d’en collecter plus de deux… Il faudra donc soit compter sur la pioche du sac… soit défausser deux fragments non-rouges pour en récupérer un de la couleur de son choix, donc rouge ! On notera déjà qu’en défaussant trois fragments de cauchemar, on peut également en récupérer un de la couleur de son choix dans le sac.

Surtout, si l’on n’en possède pas trois (et qu’on n’a donc pas la possibilité de les défausser), il faut les poser sur son paysage, sachant qu’il ne peut être posé sur un autre fragment et qu’on ne peut pas non plus le recouvrir. Chaque passage du Rêveur par un cauchemar ôte 1 PS, et chaque fragment de cauchemar dans le paysage fait perdre 3 PS à la fin de la partie. Inutile de dire que trouver des options malines de les défausser avec profit peut s’avérer crucial !

Les règles avancées arrivent avec leurs desseins avancés. Je déconseillerais franchement de jouer avec celui qui, pour 6 PS, demande de ne posséder aucun fragment de cauchemar. En effet, en avoir dans son paysage ôte déjà assez de PS, je ne vois pas vraiment l’utilité de les rendre plus punitifs encore, au risque d’une relative frustration. Les deux autres sont heureusement nettement plus intéressants : pour l’un il s’agira d’avoir le paysage avec le moins d’espaces vides (un fragment de cauchemar comptant comme un espace vide) ; l’autre rapporte 1 PV par fragment de la couleur donnée dans un ensemble connecté au Rêveur, et le double si le Rêveur se trouve sur une Montagne (et bénéficie donc d’une vue plus harmonieuse encore).

Comme souvent avec les règles avancées et autres variantes, qui constituent donc des propositions d’enrichissement aux règles traditionnelles qui demeurent le cœur de l’expérience, je ne peux que vous recommander de vous les approprier plutôt que de les subir. Je trouve par exemple que la perte de 3 PS par fragment de cauchemar est particulièrement douloureuse, quand il est déjà punitif de les avoir sur son plateau (pour les points perdus et parce que cela perturbe la réalisation des Rêves). Dans la crainte qu’elle ne fonctionne pas toujours avec tous les publics, j’aime personnellement la réduire à un malus d’1 PV. Croyez-moi, on fait malgré tout ce que l’on peut pour ne pas en avoir ou s’en débarrasser !

Mais ce n’est pas une « correction » de ma part, seulement une invitation à profiter de ce qu’il y a de vraiment bon dans les règles cauchemardesques (et je les apprécie vraiment beaucoup !) en adaptant (et pas en réinventant) ce qui peut moins correspondre à ce que vous recherchez, pour en tirer le plus de plaisir tout en respectant Dreamscape et l’esprit de son système !

 

Rêver seul, le meilleur moyen de cauchemarder…

La mise en place assez aisée de Dreamscape pourrait donner envie d’en tester le mode solitaire pour en apprendre ou en approfondir les règles. Au contraire d’autres modes solo, il s’agit cependant ici d’un système très distinct de celui qui régit les parties multijoueurs, et en fait assez « aride ». Ce que je ne dis pas du tout pour pointer du doigt un défaut, seulement pour souligner qu’il exacerbe la dimension calculatoire du jeu tout en y ajoutant la nécessité d’agir pour M. Cauchemar. Je le recommande donc vraiment à qui aimerait les modes solo très mécaniques, et à qui aurait déjà bien apprivoisé Dreamscape.

Les rêves solitaires se déclinent en quatre difficultés, des nuits agitées aux pires cauchemars, avec l’incitation à personnaliser les paramètres. Une difficulté correspond en effet au nombre de fragments qu’il faut que M. Cauchemar défausse pour réaliser une action nuisible. En nuits agitées, 5 pierres doivent par exemple être défaussées, quand trois suffisent en pires cauchemars. Ces valeurs sont reportées sur deux cartes Solo.

On n’utilise que deux tuiles Dessein de Rêve récompensant la possession du plus de fragments correspondant à la couleur donnée. Pour ne pas pénaliser M. Cauchemar, celui-ci ne se défausse des fragments pour utiliser ses pouvoirs que s’il en a plus que le joueur dans les couleurs exigées par l’objectif (sinon il n’aurait aucune chance de recueillir un nombre correct de points).

Le joueur commence sur le lieu 1, M. Cauchemar sur le lieu 6.

Quand il voyage, M. Cauchemar commence par défausser ses jetons gris s’il en possède la valeur indiquée par le niveau de difficulté choisi pour collecter le dernier fragment de chaque lieu. Il collecte tous les fragments du lieu où il se trouve, puis se déplace d’un lieu en sens horaire, ou de deux s’il peut défausser les fragments blancs. À chaque déplacement, il pose un fragment de Cauchemar entre le lieu qu’il vient de quitter et le lieu où il arrive s’il n’y en avait pas encore. À la fin de son déplacement, on choisit sur quelle frontière adjacente on pose un autre fragment de Cauchemar. Il défausse enfin ses fragments bleus s’il en a assez pour marquer 2 PS par fragment ainsi défaussé.

Quand il crée, il défausse ses fragments marrons s’il en a assez pour voler le fragment d’une carte Rêve du joueur, puis ses fragments verts pour prendre 1 arbre de la réserve (qui vaut comme 1 fragment de chacune des couleurs demandées par les Desseins !), puis tous ses fragments rouges pour marquer des PS pour chaque fragment de Cauchemar sur le plateau central et ainsi défaussé (même s’il n’en a aucun à défausser d’ailleurs), selon le niveau de difficulté choisi.

À la fin du sixième cycle, le décompte ne diffère que sur un point : en cas d’égalité pour un dessein, seul M. Cauchemar marque les points. En dehors de cela, on perd toujours des PS pour chaque fragment de Cauchemar et pour chaque carte Rêve non réalisée, malus qui ne concernent évidemment pas un adversaire se nourrissant de cauchemars…

Le mode solitaire paraîtra bien sûr manquer d’intuitivité lors de la première partie, voire des deux premières. Les règles sont heureusement assez synthétiques, claires et exemplifiées pour que les concepteurs aient jugé habile de consacrer un feuillet séparé aux règles du mode solitaire, qui sert ainsi d’aide de jeu sans avoir à maintenir le livret complet de règles à la bonne page. J’aurais cependant apprécié une petite carte rappelant symboliquement les effets des six couleurs, afin de me sevrer bien plus vite du feuillet, mais c’est une pinaillerie de joueur à qui on offre déjà un impressionnant travail de fluidification tant des mécaniques que des règles et se permettant donc d’en demander toujours plus !

Dreamscape, puzzles dans le monde des rêves

Dreamscape séduit d’abord par ses visuels enchanteurs. La base bien sûr pour un jeu sur l’univers des rêves, mais une base que l’on n’espérait pas aussi convaincante de simplicité et d’onirisme, et dont la réalisation par l’auteur du jeu y ajoute naturellement en cohérence, comme le soin matériel de Sylex, sincèrement impressionnant pour une première production. Les graphismes sont une chose, même importante, les mécaniques une autre, plus importante encore. Or Dreamscape s’avère d’abord bien plus mécanique que ce que l’on aurait pu croire. Si l’on regarde la page KickStarter du jeu, on s’aperçoit même que la couverture le présentait jadis comme un « dreambuilding puzzle game » avant que la description soit remplacée par un plus vague « Build your dreams ».

Certains ont pu être déçus par cette froideur de puzzle qui leur faisait oublier le thème… et je ne les comprends pas. Déjà par l’originalité du « puzzle game » en question, tout à fait pertinent avec l’idée d’une « construction » et socioludiquement d’une fraîcheur bienvenue, surtout avec un tel habillage visuel. Ensuite parce que je trouve plutôt l’occasion de me réjouir de cette rigueur, d’être vraiment face à un « familial + » onirique plutôt qu’à un jeu carrément thématique au risque de la légèreté. Le compromis trouvé par Ausloos et Sylex est paradoxalement passionnant de fantaisie et de sérieux, et m’inspire la plus grande envie de jeter un œil aux quatre curieuses extensions de ce Dreamscape, aux autres manières de peupler mes rêves de paysage socioludique parfait !