13 Reasons Why saison 3 : mensonges, amitiés, meurtre et féminisme
Après un peu plus d’un an d’absence, 13 Reasons Why est de retour sur Netflix depuis le 23 août dernier. On y apprend dès le trailer que Bryce Walker est mort, et que l’intrigue portera donc sur qui est à l’origine de ce crime. Il est donc vrai que nous sommes loin du concept de la première saison. Besoin d’un petit rappel ? On découvrait Clay Jensen, un adolescent de dix-sept ans qui se retrouve avec une boîte contenant sept cassettes de la part d’une de ses amies, Hannah Baker, qui a mis fin à ses jours quelques semaines plus tôt. Ces sept cassettes, composées chacune de deux faces à écouter, contenaient chacune une des treize raisons qui ont poussé Hannah Baker à mettre fin à ses jours. Chaque face correspondait également à une personne qu’elle considérait comme responsable de son acte.
Par la suite, lors de la saison 2 qui se déroulait cinq mois après la mort d’Hannah, Clay et ses camarades tentaient de se reconstruire tant bien que mal. Alors que le procès opposant la famille d’Hannah au lycée Liberty High débutait, et que tous devaient témoigner, quelqu’un cherche à étouffer la vérité sur les véritables raisons de cet événement tragique. Par ailleurs, une série de polaroids envoyée par un corbeau fera éclater un sombre secret que certains chercheront à tout prix à dissimuler.
Dans cette saison 3, Bryce Walker est mort, et on sait pertinemment maintenant que tout le monde avait au moins une (bonne ?) raison de le tuer. À partir de là, comment allons-nous accrocher à l’intrigue ? Soyons honnête, oui, Bryce est mort, mais qui va le pleurer, si ce n’est sa mère ? Un monstre reste-t-il un monstre ? Qu’en est-il des secondes chances ? Peut-on parler de rédemption dans le cadre d’un violeur récidiviste comme Bryce ?
« Hey hey! Ho ho! Rape culture has got to go! »
Si vous n’avez pas vu les deux premières saisons, je vous suggère de passer votre chemin car il y aura évidemment quelques spoils. Cette saison 3 reprend donc 8 mois après que Tyler ai failli commettre l’irréparable en fusillant ses camarades de classe au moment du bal de printemps. Clay et Tony l’avaient alors dissuadé. C’est à tour de rôle que tous vont prendre soin de Tyler, l’accompagnant quasiment à chaque seconde de sa vie afin qu’il aille mieux et ne soit jamais seuls. Ce que personne ne sait encore, c’est ce qu’il lui est arrivé pour vouloir commettre un tel acte. À la fin de la saison 2, rappelez-vous, Monty l’avait violé dans les toilettes du lycée avec un balai, sans oublier toutes les injures qu’il a pu subir tout au long de sa scolarité. Je vous vois venir : « Rien ne justifie de vouloir tuer des gens ! Même après un tel traumatisme ! » Ah oui ? On en reparle à la fin, quand vous aussi, vous aurez ressenti de l’empathie pour un violeur. Revenons justement à notre intrigue principal.
Mais a-t-on réellement envie de savoir qui a tué Bryce ? Bryce était un personnage immonde, malade, antipathique, dangereux. Un psychopathe avec de l’argent, qui se croyait tout permis, au dessus de toutes et tous et dont la justice a décidé qu’il ne paiera pas pour ses crimes (une dizaine de jeune filles violées et il doit changer d’école, pauvre chou). S’il a été jugé coupable (quand même…), il n’a eu que trois mois de sursis. La culture du viol, que voulez-vous. Bryce est mort, et la seule personne qui souhaite justice pour lui, c’est sa mère, qui est persuadée que Clay est coupable. Tandis que nous, spectateurs, nous ne voulons pas justice pour Bryce. Nous sommes des créatures curieuses et vicieuses, et nous voulons juste être dans la confidence, nous aussi, nous voulons faire parti du secret. Cette nouvelle saison a vu l’arrivée d’un nouveau personnage, Ani, une jeune fille venue qui vient de faire son entrée à Liberty High. Elle vit avec sa mère aide-soignante dans la dépendance de la famille de Bryce. Ani est la nouvelle narratrice de la série, remplaçant donc Hannah. Mais vous verrez qu’elle aussi, à ses propres secrets.
« Is this what it takes for you to see us? Then get a good fucking look, ’cause we’re not going anywhere! »
Qui dit culture du viol, dit féminisme. Cette saison 3 va d’ailleurs plus loin en montrant son combat quotidien. On assiste à des questions sur l’avortement, sur la toxicité masculine, sur le machisme, le culte de l’image de la femme, mais aussi sur la culture du viol, celle consentement ou encore de la libération sexuelle féminine. Cette saison 3 m’a fait pousser des « Hell yeah! », le poing levé, les dents serrés, les larmes aux yeux, de rage. Ici, on donne la parole aux survivant(e)s car oui, n’oublions pas ces hommes, eux aussi victimes. Certaines scènes sont si puissantes, chargées en émotion, et si proches de la réalité qu’il est difficile par moment de se sortir lesdites scènes de la tête pendant un long moment.
Parlons de Jessica, qui est malheureusement loin d’être la seule victime ici, mais qui se veut porte parole de la cause. Elle veut du changement, et maintenant. Elle n’attendra plus. L’évolution de son personnage, joué avec brio par Alisha Boe, nous montre que rien n’est perdu. Oui, elle souffre, mais elle va se battre, elle va se réapproprier son corps. Elle veut se faire entendre, car les gens doivent savoir, mais elle veut aussi et surtout écouter les autres. Si cette saison a bien un message a faire passer selon moi, c’est l’importante de l’écoute, l’importance de prendre son temps. On se retrouve ici avec des amis soudés par les épreuves, mais qui ne lâcheront rien. Ils sont capables de tout entendre, de tout encaisser, de protéger, de mentir, de couvrir mais aussi de tuer. N’avez-vous jamais pensé pour une personne que vous aimez « Je pourrais tuer pour toi ? » À croire qu’ici entre théorie et pratique, il n’y a qu’un pas.
Attention, deux spoils sont à venir. D’autres sujets, très d’actualités, sont aussi abordés, comme l’immigration, lorsque la famille de Tony, attention petit spoil, s’est vu déportée. Il n’y a qu’à regarder la politique menée par Trump aux USA pour comprendre le souffle de rage que cela engendre. On a aussi l’avortement, comme je le disais plus tôt. Vous n’êtes pas sans savoir que certains États américains ont récemment voté les lois les plus restrictives en matière d’avortement, comme le fait de devoir demander la permission à son violeur pour avorter. Vous le savez, Chloé était enceinte de son ex petit-ami et violeur, Bryce. Elle décide lors de l’épisode 2 de se faire avorter. Elle est donc confrontée aux « Pro Life » qui n’ont rien d’autres à faire de leur vie que de culpabiliser les femmes en campant devant les plannings familiaux, une scène qui fera très probablement bouillir votre sang. On assiste ensuite à l’avortement par aspiration. On entend le bruit, on comprend la souffrance, l’inconfort, la solitude. C’est une scène criante de réalisme, qui n’est pas là pour choquer à proprement parler, puisqu’elle ne montre que la vérité. Nous sommes concentrés sur le visage de Chloé, si forte dans cette épreuve. C’est une scène qui peut en revanche en faire cogiter certains et certaines, qui parlent des IVG comme si c’était une chose banale, indolore, une intervention de confort, plus simple qu’une contraception, car ces gens ont tort, et ne savent pas de quoi ils parlent.
« It’ll take you a lifetime to learn what sorry is »
Avant de terminer cette critique, je voudrais revenir sur le personnage si détestable de Bryce, qu’on nous a peint au cours des deux dernières saisons. Comment croire qu’un tel personnage puisse changer, surtout au vu de son comportement, sans remords ni regrets, auquel nous avons pu assister lors du procès ? Avait-il besoin de plus de temps pour comprendre ses erreurs ? Mais comment peut-on seulement agir comme il a agit ? Difficile de répondre si vous n’êtes pas vous-même un psychopathe, j’en conviens. Et pourtant, on voit un Bryce qui lutte contre ses démons, qui essaie de s’améliorer. Mais pourquoi ? C’est LA question de cette saison selon moi. Il est seul, il n’a plus personnes, tout le monde le déteste, que ce soit dans son ancien ou son nouveau lycée. Il n’a plus aucun pouvoir. Il est seul, son père l’a rejeté. Il n’a plus que sa mère, et du temps pour penser.
On assiste donc à des changements chez ce personnage, au point d’éprouver de l’empathie ! On le voit essayer d’aider, on le voit tendre la main, on le voit suivre une thérapie, on le voit pleurer, demander pardon. C’est donc à vous de voir maintenant. Les gens peuvent-ils réellement changer ? Quelles sont les réelles motivations d’un tel changement ? La prise de conscience est-elle réelle ? Un monstre reste-t-il un monstre ? Que valent les secondes chances ? Beaucoup de questions restent donc en suspend, ici. En revanche, l’impardonnable ne semble pas pouvoir être pardonné.
« I’m so, so proud of you »
13 Reasons Why est une série choquante, depuis le tout début. Mais une série choquante dans le bon sens du terme. Si bien que j’ai été déçue d’apprendre la suppression de la scène de suicide d’Hannah. Les Politiquement Corrects ont encore remporté une bataille. Les sujets abordés ne sont jamais simples, mais toujours dans le respect des victimes, des vraies victimes. Je ne peux donc que vous recommander cette troisième saison, et la série en entier si jamais vous n’avez pas encore commencé. Pour finir, terminons comme chaque épisode : si vous avez besoin d’aide, n’hésitez pas à parler à une personne de confiance ou à appeler S.O.S amitié ou tout autre organisme compétent.